A. La neutralité, l'indépendance et
l'impartialité du Médiateur fiscal
Les prescriptions déontologiques constituent un
ensemble d'indications dans lequel certaines dimensions de l'activité se
trouvent définies. Ces dimensions renvoient à des principes
fondamentaux qui permettent de distinguer la médiation des modes de
régulation voisins. En cela, les codes déontologiques participent
à la définition du concept de médiation en stabilisant par
convention ce que le médiateur doit ou ne doit pas faire. Ils
fournissent des instructions et produisent des interdictions à
l'intention des praticiens143.
Ces référentiels circonscrivent les modes
d'intervention et constituent un cadre à partir duquel est jugé
le travail du médiateur.
La médiation requiert nécessairement la
présence d'un tiers neutre, indépendant et impartial. C'est
à l'aune de ces principes que la médiation est souvent
définie dans les discours savants et professionnels et dans les codes de
déontologie. De même, l'absence ou le non-respect de ces principes
sont des indicateurs qui permettent de comparer la médiation aux autres
modes alternatifs de régulation (conciliation et arbitrage), de
dénoncer les usages abusifs de l'appellation et donc de stabiliser les
définitions les plus conventionnelles.
Par exemple, il est courant d'entendre que la médiation
se distingue de la conciliation dans la mesure où cette médiation
doit s'exercer en dehors d'un espace de soumission à un pouvoir
institutionnel. Cette absence de soumission est l'une des conditions du respect
des principes de neutralité et d'impartialité.
L'indépendance personnelle et institutionnelle sont des
préceptes transversaux que l'on retrouve de manière
récurrente dans les codes déontologiques, les manuels de
médiation et les témoignages des praticiens144. En
médiation, le tiers n'est ni juge, ni arbitre : il ne doit pas imposer
son point de vue aux parties. Son autorité se limite à les aider
à dialoguer sur les éléments du différend et
à instaurer un climat communicationnel favorable aux échanges et
à la compréhension réciproque.
Institutionnellement, cette indépendance se traduit
surtout par l'absence de tutelle d'une instance extérieure qui aurait
droit de regard et d'intervention sur la médiation. Le
médiateur
143 A titre d'exemple, l'article 13 du code
déontologique de l'association Accord, à Strasbourg. Il stipule
qu'en cas de manquement aux règles déontologiques, le bureau de
l'association pourra prononcer des sanctions à l'encontre du
médiateur. Le Centre National de la Médiation, France, se veut
encore plus précis puisqu'il prévoit la suspension de
l'agrément d'exercer et la radiation.
144 FATHI BEN (M.), « Équité,
neutralité, responsabilité. A propos des principes de la
médiation », in Négociations, 2006, n°5, p. 55.
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ne doit donc pas exercer une activité incompatible avec
sa mission et possède le pouvoir de refuser ou d'accepter une
médiation, eu égard à sa liberté de conscience et
à la nature des relations qu'il peut entretenir avec les
médiés. Il ne doit pas « se soustraire aux règles
d'indépendance et de neutralité au moyen d'une interposition de
personnes »145. Cette posture du médiateur implique
qu'il fasse preuve de distanciation pour éviter de confondre son
rôle avec celui du plaideur.
L'indépendance personnelle et institutionnelle est une
des propriétés que le médiateur doit posséder pour
affirmer son impartialité146. Autrement dit,
l'impartialité permet de garantir une certaine neutralité du
médiateur, ce qui conduit à la distinction de ces deux
principes.
Il existe une forte proximité sémantique, voire
une synonymie entre le principe de neutralité et celui
d'impartialité; la neutralité est souvent rapportée
à l'impartialité dans les définitions des dictionnaires.
Dans les code déontologiques, l'impartialité se décline
autour de l'indépendance du médiateur par rapport aux acteurs et
aux conflits qui lui sont soumis. Pour garantir son impartialité, le
médiateur ne doit pas exercer des activités professionnelles et
extra-professionnelles incompatibles avec son travail de médiation. Par
exemple, il ne peut pas être impliqué directement ou indirectement
dans un différend entre un locataire et un bailleur s'il est
l'employé de ce dernier. Même s'il évoque sa
neutralité, les médiés pourraient remettre en cause son
impartialité.
Quant au principe de neutralité, il est commun de
rappeler qu'il vise à éviter les attitudes d'évaluation
des médiateurs à l'égard des médiés. De
manière générale, la neutralité peut se
définir comme une attitude que les médiateurs adoptent pour
éviter de prendre parti pour l'un des médiés sur les
responsabilités du différend. Il doit donc s'interroger sur son
implication et ne pas profiter de sa position pour avantager l'une des parties.
Son engagement à l'égard des médiés doit être
équilibré, dans la mesure où ses objectifs ne visent pas
à définir des responsabilités nouvelles.
La médiation, et plus spécifiquement la
médiation fiscale exigent des qualités propres qui sont la
neutralité, l'indépendance et l'impartialité du
médiateur. Mais son action doit également être
guidée par la confidentialité.
145 Article 13 du Centre National de la Médiation de
France.
146 FATHI BEN (M.), « Équité,
neutralité, responsabilité. A propos des principes de la
médiation », op. cit., p. 58.
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B. La confidentialité comme matrice de l'action du
médiateur fiscal
La publicité est une exigence essentielle à la
clarté et la régularité des débats en
procédure judiciaire, sauf ou la loi permet qu'ils aient lieu en chambre
du conseil à huis clos.
Le principe de publicité des débats est ainsi
consacré. La publicité dans ce sens, est considéré
comme l'un des moyens destinés à assurer l'équité
de la justice, car elle permet aux justiciables d'exercer un contrôle de
la manière dont la justice est administrée. Ce faisant, elle
donne à l'Administration de la justice une certaine transparence.
L'intérêt de tous les justiciables est donc concerné par le
principe de publicité et non pas seulement celui des plaideurs dont
l'affaire est en cours.
Pourtant, ce principe qui participe directement de la
loyauté et de l'équité de la justice, ne figure pas au
titre des principes directeurs de la médiation. Bien au contraire, c'est
le principe de confidentialité qui lui est substitué. Le devoir
de confidentialité147 est traditionnellement
présenté comme l'un des principes fondamentaux de la
médiation. Sa finalité est d'assurer aux parties ainsi qu'envers
les tiers que tout ce qui sera dit sera tenu secret éventuellement
à l'égard du juge. Sous cet angle, la confidentialité
apparait alors comme un moyen destiné à contribuer au
succès des négociations aux fins de conciliation. Elle participe
de l'esprit même des modes amiables de règlement des
conflits148, car indispensable pour susciter la confiance des
parties, sinon leurs confidences. Les précisions définitionnelles
de la confidentialité étant cernées, il importe de baliser
son contenu et sa portée.
Concrètement, cette obligation emporte interdiction,
pour le médiateur, les parties comme pour les tiers, de produire ou
d'invoquer les informations dont ils prendront connaissance à l'occasion
du processus de médiation dans la suite de toute autre instance.
Plus précisément, pour les parties, cela
signifie qu'en cas d'échec de la tentative de règlement amiable
et en cas de poursuite de la procédure contentieuse, elles ne pourront
invoquer à l'appui de leurs prétentions des arguments
tirés des informations qui leurs auront été
révélées à l'occasion des pourparlers de la
médiation. Plus encore, certaines chartes de médiation,
rédigées à l'adresse des médiateurs vont
jusqu'à prévoir que l'obligation au secret s'étend
éventuellement au-delà du cadre judiciaire : ainsi le Code
d'éthique et de méthode de l'Association des Médiateurs du
Barreau de Paris dispose, en son article 8, que le médiateur est
147 CARRE (S.), « La confidentialité et les
règlements amiables des litiges », LPA, 1994, p. 45.
148 LAGARDE (X.), Droit processuel et modes alternatifs de
règlement des conflits, op. cit., p. 435.
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tenu de respecter la confidentialité hors
médiation : « il ne peut rien en évoquer auprès
de quiconque, ni être appelé comme témoin ou en
interprétation de l'accord conclu ».
En ce qui concerne la portée de la
confidentialité, l'on pourrait croire que cette obligation ne concerne
que l'issue de la tentative de règlement amiable : tout ce qui s'y est
dit pendant ne doit pas être dévoilé après. En
vérité, il faut bien se garder d'une telle conclusion : la
confidentialité couvre la procédure de médiation dans son
entièreté, du début à la fin. Il s'ensuit que
pendant le déroulement des pourparlers, les parties comme le tiers ne
sauraient dévoiler à quiconque les informations dont ils auraient
pu prendre connaissance. Pour les parties, cela signifie ne pas dévoiler
à des tiers les propositions et informations échangées en
cours de pourparlers.
Pour le médiateur, cela signifie, en cas d'entretiens
séparés, ne pas divulguer à une partie ce que l'autre lui
aurait confié si cette dernière ne lui a pas donné une
autorisation explicite en ce sens.
Sur ce dernier point, l'on citera une nouvelle fois le Code
des règles d'éthique et de méthode de l'Association des
Médiateurs du Barreau de Paris, qui dispose en son article 7 que «
le médiateur respecte la confidentialité entre les parties
durant le déroulement de la médiation : en cas d'entretien
séparé avec une partie ou son conseil, il n'en communique rien
à une partie sans un accord précis et explicite ».
Les diverses dispositions relatives au devoir de
confidentialité sont donc particulièrement rigoureuses tant en ce
qui concerne le contenu que la portée de ce principe.
La médiation au sens large et celle fiscale au sens
strict compte tenu des développements supra, regorgent d'une plus-value.
De par son processus souple, moins couteux et des qualités de
neutralité, d'indépendance, d'impartialité attachée
au médiateur sans oublier la confidentialité qui s'y greffe, la
médiation fiscale est un gage de réussite de la résolution
des différends qui opposent les contribuables à l'Administration
fiscale. A présent, scrutons le modèle français de
médiation fiscale.
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