CHAPITRE II :
LA MÉDIATION FISCALE
INTRODUCTION DU CHAPITRE II
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Étymologiquement le terme médiation vient du
latin médiator qui est un intercesseur. Et le mot latin
médiator est formé du terme medium qui
désigne une position « centrale », « médiane
». La médiation fait partie des MARC. Elle est une manière
d'intervenir dans une situation difficile entre des personnes physiques ou
morales.
Selon certains auteurs, elle est pratiquée depuis
longtemps, aussi longtemps que des tiers interviennent dans les conflits
d'autrui. Contrairement à ce que laisse supposer le développement
spectaculaire de la médiation au cours de ces dernières
décennies, cette notion n'est pas nouvelle.
Il est possible d'identifier une amorce de médiation
dans les récits sumériens vieux de plus de 4000
ans131. Cette société avait recours fréquemment
à la médiation pour résoudre les différends entre
ses citoyens. Les Sumériens ne sont pas un cas isolé, de nombreux
récits de médiation ont été rapporté avant
notre ère, tant en Chine impériale qu'en Grèce antique. La
culture de la Grèce antique, avec le courant philosophique platonicien
visant à faire réfléchir les personnes sur leurs relations
aux autres et, conséquemment à soi-même. La maïeutique
instrumentait cette recherche.
L'outil maïeutique avait pour objectif de permettre
à une personne d'exprimer ses connaissances en soi, en l'occurrence qui
auraient été acquises dans ses vies antérieures. Le
philosophe mettait en pratique ce savoir-faire pour qu'une personne puisse
réfléchir et exprimer le meilleur d'elle-même. Cette
maïeutique était ainsi un véritable acte médiateur du
philosophe.
Dès le XVIIIe siècle, la médiation va
apparaitre comme un instrument de pacification des relations internationales.
Mais la conception de celle-ci, en tant que discipline à part
entière s'affirme à la fin du XXe siècle. Elle se diffuse
avec l'acceptation de la médiation conventionnelle, hors de tout
contexte judiciaire. Elle apportera aux parties d'un différend les
moyens de reposer une situation qui pose problème, d'y
réfléchir et de chercher la meilleure solution possible pour
retrouver ou trouver un terrain d'entente.
La médiation s'est ainsi progressivement
transposé dans divers domaines de la vie sociale, conflits collectifs du
travail, économiques, de famille et même sur le plan fiscal.
D'où le recours à la médiation fiscale.
C'est un processus de règlement des différends
fiscaux qui implique de faire appel à un médiateur qui aide les
parties à atteindre une compréhension commune des enjeux et de
131 LEONARD (W.), The sumerian, New York, W. W. Norton
& Company, 1965.
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conclure une entente mutuellement satisfaisante. Le
médiateur fiscal est ainsi un tiers impartial et indépendant qui
a pour fonction de guider la communication entre les parties impliquées
dans un conflit concernant la fiscalité. C'est un professionnel
spécialisé en fiscalité ainsi qu'en résolution de
conflit qui utilise différentes techniques de communication et de
négociation pour aider les parties à faire valoir leurs
perspectives. Il ne peut pas imposer des solutions aux parties.
Comme la conciliation fiscale, la médiation fiscale
mutatis mutandis regorge d'une plus-value théorique (Section I)
dont le modèle français pourrait être une source
d'inspiration (Section II).
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SECTION I : LA PLUS VALUE THÉORIQUE DE LA
MÉDIATION FISCALE
Comme la conciliation fiscale, la médiation fiscale
poursuit le même objectif, celui de rétablir le dialogue entre les
parties et de rapprocher les points de vue. Le médiateur est ainsi
l'équivalent de l' « ombudsman » suédois.
Celui-ci est constitué d'un ensemble d'organes extraordinaires de
contrôle de l'Administration se situant en dehors des procédures
habituelles de recours, à qui on peut présenter des litiges
opposant particuliers et Administration et qui ont au maximum le pouvoir de
donner un avis sur ces litiges. Sa saisine est dénuée de tout
formalisme.
L'ombudsman est généralement une personne
indépendante de l'Administration, extérieure à celle-ci,
mais bénéficiant d'un privilège total d'information sur ce
qui se passe à l'intérieur de l'Administration132.
Cette autorité neutre, éclaire les citoyens sur leurs droits et
sur leur situation à l'égard de l'Administration. C'est un
véritable instrument contre l'arbitraire administratif. Par ailleurs,
pour mieux cerner la notion de médiation il convient de la
définir négativement par comparaison à des notions
voisines.
La doctrine s'est attachée à cet exercice qui
permet de mieux analyser la médiation et de déterminer ses liens
à d'autres institutions133. La médiation s'inscrit en
effet dans les modes alternatifs de règlement des conflits qui se
déclinent en plusieurs institutions.
D'abord avec la conciliation, le lien est complexe. Pour
certains, la médiation relève au moins dans le langage courant,
de la conciliation au point où ils tendent parfois à se
confondre. Mais, il existe juridiquement une différence de degré
d'implication du tiers entre médiation et conciliation. Finalement
tandis que le conciliateur essaie de manière passive de rapprocher les
parties en vue de la recherche d'une solution, le médiateur, non
seulement favorise et développe les échanges entre les parties
mais aussi il peut proposer des solutions. En cela, il joue un rôle
actif. Alors que le conciliateur assiste les parties dans leur recherche de
conciliation, le médiateur est proactif. Cette position est conforme
à la définition donnée par le dictionnaire juridique de
Gérard Cornu qui identifie le médiateur comme étant «
celui auquel les parties à un conflit demandent de proposer la
solution à leur différend (à la différence du
conciliateur seulement chargé d'oeuvrer au rapprochement des personnes
en conflit), sans cependant être investi du pouvoir (juridictionnel) de
l'imposer »134.
132 OWONA (J.), Le contentieux administratif de la
république de Cameroun, Paris, l'Harmattan, 2011, p. 10.
133 CACHARD (O.), « Les modes amiables de règlement
des litiges », Paris, RLDC, 2011, n°94, p. 19.
134 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri
Capitant, Paris, P.U.F, 2011, p. 646.
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Ensuite le terme médiation doit être
distingué de l'arbitrage, dès lors qu'au terme de la
procédure d'arbitrage, l'arbitre tranche le différend soumis par
une sentence qui s'impose aux parties.
Il convient également de faire le distinguo
entre la médiation et la transaction. Cette dernière
définie au sens de l'article 2044 du Code Civil comme un contrat par
lequel les parties terminent une contestation née ou à naitre au
moyen de concessions réciproques et qui ne nécessite ainsi pas
l'intervention d'un tiers. Un lien existe néanmoins entre
médiation et transaction dès lors qu'une médiation
organisée par les parties peut donner lieu à une transaction.
Enfin la médiation est également distincte de
l'« amiable composition » par laquelle les parties demandent
au juge ou à l'arbitre de statuer en équité et qui donne
ainsi lieu à un jugement ou à une sentence ayant autorité
de chose jugée et pouvant être exécutée. L'amiable
composition est particulièrement utilisée dans l'arbitrage
international pour éviter le recours à une loi
étatique.
La médiation ainsi cernée, la médiation
fiscale n'en est pas si éloignée. C'est un processus souple et
moins couteux (Paragraphe I) qui exige du médiateur
qu'il soit neutre, indépendant, impartial et confidentiel dans ses
actions (Paragraphe II).
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