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Les modes alternatifs de reglement des litiges fiscaux au Cameroun


par Martial Rony KUE TOUKAM
Université de Maroua - Master recherche 2017
  

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Paragraphe II : Les raisons de la faiblesse du volume des dossiers de remise reçues

L'exercice de la juridiction gracieuse en matière fiscale est un champ de prédilection du pouvoir discrétionnaire. En effet, en la matière « c'est un pouvoir discrétionnaire qui est en cause et dont l'emploi fait peser de très sérieux risques au respect du principe de l'égalité devant l'impôt et recèle un danger tout particulier d'arbitraire »86.

Le sentiment ou la perception du contribuable d'une administration fiscale suprême ayant la faculté de déroger à l'application de la loi fiscale en autorisant de manière autonome sans système de contrôle, le non-paiement provisoire ou définitif, total ou partiel de pénalités

83 Ibidem, p. 18.

84 Source : Direction Générale des Impôts.

85 Source : Direction Général des Impôts.

86 LENA (H.), Aspect de la juridiction gracieuse en droit fiscal, In MBOME (F.), Le contentieux fiscal camerounais, Yaoundé, Presses Universitaires d'Afrique, 2000, p.163.

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légalement dues ; ce sentiment d'arbitraire disions-nous, apparaissent comme des raisons démotivant le contribuable à usiter cette procédure, car rompant le sacro-saint principe de l'égalité devant l'impôt.

Il s'agit de raisons objectives qui encadrent le contenu de la décision gracieuse. Celle-ci est essentiellement caractérisée par une procédure non contradictoire (A) et l'absence d'une obligation de motiver (B).

A. La procédure non contradictoire attachée à la procédure de remise gracieuse

Si l'enclenchement de la procédure de remise dépend de la volonté du contribuable, son aboutissement dépend discrétionnairement du bon gré de l'administration qui n'implique nullement le contribuable. Or en matière juridictionnelle, le principe du contradictoire est un principe général de la procédure contentieuse. Le juge est tenu d'instruire contradictoirement les affaires qui lui sont soumises.

En matière administrative, la modalité qui consiste à faire participer l'administré à l'opération normative est rare. L'action administrative reste caractérisée par des pouvoirs exorbitants et, en particulier par l'absence de participation des particuliers dans l'édiction de l'acte administratif, ceux-ci n'en prenant connaissance en principe qu'au moment de son entrée en vigueur87.

Dans la pratique, la procédure de traitement des remises gracieuses n'appelle pas d'échanges particuliers entre les services du Fisc et le contribuable. Une fois la demande formulée par écrit, le service s'assure que le contribuable s'est acquitté du principal de l'impôt, des conditions formelles de la demande. Dès lors que la demande est déposée, la procédure devient purement interne à l'administration et l'agent instructeur n'est aucunement obligé de recueillir des observations du contribuable. A la fin de l'instruction de la demande, l'autorité signataire (Le Chef de Centre Régional des Impôts, le DGE, le DGI ou le MINFI), qui n'est tenu de requérir aucun avis, accorde ou rejette la demande et notifie sa décision au contribuable88.

La démarche qui encadre cette procédure est essentiellement non contradictoire. Elle est de nature à laisser libre cours à toute sorte d'arbitraire, à rompre le principe d'égalité devant

87 KAMDEM (J.C.), Institutions administratives et droit administratif. Cours polycopiés, Tome 1, Université de Yaoundé, année universitaire 1988-1989, p. 235.

88 Voir Code Général des Impôts, article L144 du Livre des Procédures Fiscales, op.cit., p. 250.

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l'impôt. Toutes choses de nature à démotiver le contribuable à user de cette procédure. L'absence de l'obligation de motiver la décision gracieuse constitue une autre raison.

B. L'absence de l'obligation de motiver de la décision gracieuse

Les motifs sont l'énoncé dans l'acte, des considérations de fait et de droit ayant inspiré l'auteur de l'acte. La motivation des actes administratifs est dans le principe facultatif sauf si une prescription textuelle l'exige expressément, confirmant ainsi l'adage « pas d'obligation de motiver sans texte ». Cette liberté de l'administration quant à la motivation de ses actes, par ailleurs non absolue89, existe dans de nombreux domaines d'intervention de la puissance publique.

Au plan des procédures fiscales, la juridiction gracieuse en constitue un exemple patent. Aucun texte ne pose le principe d'une obligation de motiver les réponses de l'administration en matière gracieuse. Même s'il est vrai qu'il existe en procédure fiscale des dispositions qui prévoient la motivation des décisions90, il nous parait impossible d'invoquer un principe général de droit. En la matière, cette absence s'explique car sur le plan gracieux, il ne s'agit plus de considérations de droit. Le demandeur de la clémence administrative peut évoquer tout motifs sauf ceux de droit, il s'agit généralement des motifs économiques, d'indigence, de gêne, de tension de trésorerie. Cet état de fait distingue fondamentalement la juridiction gracieuse du contentieux proprement dit.

Il reste que, même compréhensible, l'inexistence d'une obligation de motiver est juridiquement déplorable. En effet, elle ne facilite pas la mise en place d'un contrôle juridictionnel réel de l'activité de l'administration fiscale dans ce domaine. L'implication davantage du juge s'impose d'elle-même91.

En effet, il faut relever que la faculté de l'administration fiscale de recevoir et de statuer sur une demande de remise gracieuse est conditionnée entre autres, selon les dispositions de l'article L141 du LPF du CGI92, à la gêne ou l'indigence mettant les redevables dans

89 Les exceptions textuelles et jurisprudentielles. Une exception réglementaire à la règle de la non motivation est constituée par l'article 14 du décret n°77-91 du 25 mars 1977 déterminant les pouvoirs de tutelle sur les communes qui exige la motivation de l'arrêté ministériel qui annule les délibérations d'un conseil municipal. C'est également le cas en matière fiscale lorsque Ministre chargé des Finances rejette la réclamation contentieuse d'un contribuable (article L 123 du LPF)

90 Entre autres : Article L27 sur la motivation des pénalités ; Article L 40 sur la motivation du délai supplémentaire en matière de vérification de comptabilité ; Article L 123 sur le rejet de la réclamation préalable du contribuable en matière contentieuse.

91 ZO RASAMOELINA (A.), « Le juge fiscal à l'aune de la démocratisation de la justice : comment faire face au recul du droit au procès des contribuables ? », op.cit., p. 2.

92 Source : Direction Générale des Impôts.

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l'impossibilité de se libérer envers le Trésor. Dans ces conditions, le pouvoir d'accorder une remise partielle ou totale ne relève en aucune manière de la discrétion de l'Administration ; il est plutôt question de compétence liée. En ce sens, un système de contrôle est de mise et l'octroi d'une remise partielle ou totale non justifiée serait passible de sanction. Si tant est que, il est de principe que les agents ne peuvent abandonner l'établissement et le recouvrement d'un impôt dû ; or il s'agit là des principales attributions de l'administration fiscale. Bien plus, s'agissant de créance publique le renoncement au recouvrement d'un impôt par une remise non justifiée pourrait en effet engager la responsabilité de l'administration fiscale93.

Cette absence de motiver les décisions gracieuses renforce le sentiment d'arbitraire et de subjectivité de ces décisions, d'où la tendance pour les contribuables à délaisser cette procédure qui n'offre aucune garantie d'objectivité.

93 FOUQUET(O), « La responsabilité de l'administration fiscale : jusqu'où ? », Etudes fiscales internationales, 2011, p. 24.

CONCLUSION DU CHAPITRE II

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La conception restrictive des modes alternatifs de règlement des litiges fiscaux à savoir la transaction et la remise ont de facto entrainé des limites sur le plan pratique, la cause produisant l'effet.

Cette pratique viciée, comme nous l'avons démontrée sur la base des statistiques se manifeste par le faible volume des dossiers de transaction et remises reçues. Cette faiblesse du volume constatée dénote ipso facto le faible engouement des contribuables à usiter ces procédures.

Dans un essai de compréhension, nous avons pu relever des raisons tant objectives que subjectives qui pourraient expliquer cette pratique limitée. Des raisons psycho-sociales ont été avancées, des mobiles techniques également. Mais, l'absence du principe du contradictoire et de l'obligation de motiver les décisions gracieuses se révèlent comme des tendances lourdes qui pèsent sur la volonté du contribuable de transiger ou d'user de la procédure de remise. Car finalement, la transaction reste un contrat d'adhésion et la remise fortement caractérisée par la subjectivité de ses décisions qui conduisent à l'arbitraire.

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

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Dans cette première partie, nous avons présenté les imperfections du dispositif existant des modes alternatifs de règlement des litiges fiscaux à l'oeuvre dans notre système fiscal. D'abord au niveau théorique, il s'est agi d'une conception restrictive de la transaction fiscale et de la remise gracieuse, marquées par la rigueur de leurs conditions et de leurs procédures. Ensuite sur le plan pratique, à partir des statistiques et des éléments factuels, nous avons exploré des pistes d'explications qui ont débouché sur la pratique limitée de la transaction et la remise. Le constat froid du faible volume de leurs demandes enregistrées au plan national94, montre à suffisance l'essoufflement du système alternatif de règlement des litiges fiscaux au Cameroun. D'où l'impérieuse nécessité d'essayer autre chose. Nous formulerons dans une seconde partie des propositions en terme de mode alternatifs novateurs ayant fait leur preuve ailleurs comme en France. Lesquelles propositions devraient permettre à notre système fiscal de continuer sa mue en se rapprochant le plus possible des modèles internationaux sans pour autant négliger nos réalités socio-politiques.

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94 Source : Direction Générale des Impôts.

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DEUXIÈME PARTIE :

L'EXTENSION SOUHAITABLE DES MODES

ALTERNATIFS DE RÈGLEMENT DES

LITIGES FISCAUX AU CAMEROUN

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INTRODUCTION DE LA SECONDE PARTIE

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Après avoir dans la première partie mis en exergue la consécration limitée des modes alternatifs de règlement de litiges fiscaux à l'oeuvre dans notre système fiscal, la présente partie se veut projectrice. Elle entend, à partir de certains modes novateurs alternatifs de règlement de litiges fiscaux souples, proposer leur insertion dans notre dispositif juridique fiscal.

Il s'agit de procédures qui instaurent les conditions d'un échange contradictoire. Elle offre ainsi au contribuable et à l'administration en conflit, la possibilité de se réapproprier la solution de leurs litiges à travers une « justice douce » et « concertée »95 issue de la volonté des parties ou sous l'égide d'un tiers. Caractéristiques qui tranchent nettement avec les modes alternatifs de règlement des litiges fiscaux étudiés plus haut. Ceux-ci faisaient prévaloir le pouvoir discrétionnaire de l'administration cumulé au caractère non contradictoire de la procédure96.

Ces modes novateurs alternatifs de règlement de litiges fiscaux sont la conciliation fiscale (Chapitre I) et la médiation fiscale (Chapitre II).

95 TAGNE TOIKADE (T.S.), « La conciliation en droit judiciaire privé camerounais », HAL, 2016, Consulté 30 juillet 2018 sur le site des archives ouvertes : http:// hal.archives-ouvertes.fr/ hal-01333621, p. 2.

96 ATANGA FONGUE (R.), Le contrôle fiscal et protection du contribuable dans un contexte d'ajustement structurel : le cas du Cameroun, op. cit., octobre 2006, p. 256.

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