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Les modes alternatifs de reglement des litiges fiscaux au Cameroun


par Martial Rony KUE TOUKAM
Université de Maroua - Master recherche 2017
  

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Paragraphe II : Les raisons de la faiblesse du volume des dossiers transactionnels

L'impôt est un construit social dont l'efficacité suppose dans toute la société une adhésion massive des sujets fiscaux. Chaque société a un ensemble de valeurs autour desquels se bâtit sa cohésion68. Transiger est une faculté qui est ouverte aux contribuables qui veulent alléger le poids de leur dette fiscale. Pourtant dans la pratique, nous notons peu d'engouement en la matière. Des raisons psycho-sociales (A) et des mobiles techniques (B) peuvent expliquer cet état de chose.

65 Source : Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes français, Rapport Annuel à l'intention du Gouvernement et du Parlement, 2016, p. 9.

66 Source : Direction Générale des Impôts.

67 Source : Ibidem.

68 FOTSING (J-B.), Le pouvoir fiscal en Afrique : essai sur la légitimité fiscale dans les États d'Afrique Noire Francophone, Paris, LGDJ, 1995, p. 3.

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A. Les raisons psycho-sociales

Parler de paradoxe en ce qui concerne cette faiblesse du volume des dossiers transactionnels ou encore de la faculté offerte aux contribuables de transiger n'est pas exagéré.

En effet, la transaction peut être considérée comme l'héritière de l'arbre à palabre69 africaine. Dans leur souci de normalisation et de résolution des conflits, les peuples africains ont accordé une importance capitale aux procédures de négociation70. L'arbre à palabre, véritable juridiction de la parole, est l'expression d'une véritable culture de la paix dont le but est d'apaiser les esprits71. Comme nous pouvons le voir, la transaction est fortement liée à l'arbre à palabre en termes d'approche de résolution des conflits. C'est vrai l'un est écrit et l'autre est oral mais il n'en demeure pas moins vrai qu'ils poursuivent le même but.

La transaction notamment fiscale est pourtant peu usitée. Sur le plan psychologique d'abord cela s'explique :

Transiger pour le contribuable, c'est remettre quasiment son sort, son destin à cet ogre, monstre froid, « diabolus ex machina » qu'est l'Administration caractérisée par la discrétion de ses décisions qui entraine une certaine partialité. Dans ce système, « l'administration fiscale reste maitresse de la procédure. Elle accepte ou refuse la transaction et pèse lourdement sur la décision du contribuable»72.

Par ailleurs, transiger c'est également admettre déjà son tort, les multiples fraudes mises à nu par le Fisc. Or, ce qui caractérise l'être humain c'est sa propension à davantage retenir pour soi que céder aux autres. Ce schéma se ramène au contribuable face à l'État. Le contribuable est poussé par l'appât du gain et se retrouve en situation de frauder, de fausser les rapports vis-à-vis du Fisc qu'il croit berner et contourner73.

Sur le plan social ensuite, cela s'explique également :

Le facteur justifiant la faiblesse du volume des dossiers transactionnels est le pragmatisme dans la détermination du contenu du redressement lors des procédures de

69 NGANGO YOUMBI (E-M.), « les modes alternatifs de résolution des litiges administratifs en Afrique Noirs francophone », Revue Africaine de Sciences Politiques et Sociales, n° 21, mars 2019, p. 234.

70 Ibidem, p. 233.

71 THIERNO BAH, « Les fondements endogènes d'une culture de la paix en Afrique : les mécanismes traditionnels de prévention et de résolution des conflits en Afrique Noire », Publication de l'UNESCO, p. 6.

72 BARILARI (A.), Le consentement à l'impôt, Paris, Presse de la Fondation Nationale de Sciences Politiques, 2000, p. 129.

73 MEKONGO (J.M.), Les retenues à la source dans le système fiscal du Cameroun, op. cit., 2005, p. 128.

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contrôles. Notons que l'administration dispose d'une suffisante marge de manoeuvre dans la fixation des droits et pénalités réclamés au contribuable.

Le réalisme commande aussi dans la pratique que le Fisc tienne compte de la capacité contributive réelle du contribuable74. Sinon à quoi servirait-il à l'administration de réclamer à un contribuable des sommes qu'il ne peut payer ? La logique actuelle du rendement du contrôle commande une prise en compte des capacités financières du contribuable. Dans cette optique, il n'est pas étonnant que les dossiers de transaction soient faibles car la plupart des litiges sont encadrés dès la base.

Il s'agit des raisons psycho-sociales qui expliquent la faiblesse du volume des dossiers transactionnels. A côté il existe également des raisons techniques.

B. Les mobiles techniques

Les mobiles techniques touchent aux lenteurs des procédures et au défaut d'encadrement des contribuables.

En ce qui concerne les lenteurs de procédure, l'absence d'un manuel de procédure de traitement de la transaction qui fixerait objectivement les délais de traitement, la procédure usitée... dénote à suffisance la navigation à vue et est de nature à décourager les contribuables à transiger. A titre d'exemple, en 2018, la durée de traitement des dossiers de transaction est d'environ 82 jours en moyenne75. Rendu au 31 décembre 2018, les instances se déclinent à 21 demandes non vidées pour des enjeux de 7 802 658 099 FCFA, soit 4 902 215 267 FCFA en principal et 2 900 442 832 FCFA au titre des majorations et intérêts de retard76.

Parlant du défaut d'encadrement des contribuables, il convient de noter tout de même les efforts consentis par la DGI sur ce plan. Une cellule de communication nationale avec ses composantes régionales ont été créés mais beaucoup d'efforts restent à fournir notamment pour l'encadrement des petites et moyennes entreprises (PME). En dehors des contribuables citoyens « gullivériens » de la Direction des Grandes Entreprises (DGE) qui ont un service dédié de communication à la carte, les PME dit contribuables « cendrillon » ne bénéficient pas toujours d'une grande sollicitude de l'administration fiscale en termes de pédagogie fiscale. Les informations courantes sont constituées des rappels des obligations fiscales et des échéanciers

74 ATANGA FONGUE (R.), Le contrôle fiscal et protection du contribuable dans un contexte d'ajustement structurel : le cas du Cameroun, Thèse de doctorat en droit public, Université du MAINE, Faculté de Droit et des Sciences Economiques, octobre 2006, p. 187.

75 Source : Direction Générale des Impôts.

76 Source : Ibidem

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de paiement, délaissant ainsi l'indispensable action d'information, de concertation et d'éducation des contribuables non seulement sur leurs devoirs mais également sur leurs droits.

En conséquence, celui-ci, soit mal informé, soit peu informé, soit pas du tout informé, des procédures offertes à lui pour alléger sa dette fiscale à l'instar de la transaction, ne peut que l'ignorer.

Les conseils fiscaux qui devaient prendre le relais en les encadrant efficacement ont souvent plutôt pactisé avec le Fisc, détériorant ainsi leur neutralité et leur rôle premier qui est d'abord de défendre les intérêts de leurs clients qui sont les contribuables.

Il a été démontré que la transaction fiscale est limitée dans la pratique compte tenu du faible volume des dossiers transactionnels enregistrés dans la durée, qui dénotent de la faiblesse des contribuables à transiger. Des raisons subjectives et objectives ont été relevées pour expliquer cet état de chose. La remise gracieuse n'est pas en reste, le schéma explicatif développé au niveau de la transaction s'y applique mutatis mutandis.

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