CHAPITRE II :
LA PRATIQUE LIMITÉE DES MODES
ALTERNATIFS DE RÈGLEMENT DES
LITIGES FISCAUX
INTRODUCTION DU CHAPITRE II
|
31
Conçus d'un point de vue juridique de manière
restrictive comme nous l'avons démontré dans le chapitre
précédent, les modes alternatifs de règlement des litiges
fiscaux se trouvent également limités dans la pratique.
Le présent chapitre qui se veut empirique propose sur
la base des statistiques et des éléments factuels, non seulement
de vérifier les différents développements formels qui ont
été ci-dessus effectués, mais également d'explorer
des pistes d'explications nouvelles qui soutiennent l'idée d'une
consécration limitée des modes alternatifs de règlement
des litiges fiscaux au Cameroun.
Cela étant, la pratique limitée concerne aussi
bien la transaction fiscale (Section I), que la remise
gracieuse (Section II).
32
SECTION I : LA PRATIQUE LIMITÉE DE LA
TRANSACTION FISCALE
Consacrée à l'article L125 du LPF du CGI, la
transaction fiscale protège les différents acteurs de
l'économie, les contribuables, tout en préservant les
intérêts de l'État en évitant des contentieux longs,
couteux, aléatoires. Elle permet en outre un encaissement rapide d'une
partie de la dette fiscale exigible.
Cette finalité certes louable tranche et contraste
nettement avec ce que nous observons dans la réalité. Dans la
pratique, celle-ci est fortement limitée d'où le faible volume
des dossiers transactionnels (Paragraphe I). Lequel s'explique
par un certain nombre de raisons (Paragraphe II).
Paragraphe I : Le faible volume des dossiers de
transaction
L'administration a développé des techniques
destinées à maitriser la pression contentieuse mais aussi de
dialoguer avec le contribuable60. La transaction est un
véritable moyen procédural par lequel l'administration peut
être saisie d'une demande de transaction.
Pour comprendre la faible activité transactionnelle au
niveau de la DGI, il convient de mettre en relief les statistiques
disponibles61, aussi bien en ce qui concerne le faible volume des
dossiers de transactions reçues (A) que celles
relatives au faible taux de modération ou de transaction
(B).
A. Le faible volume des dossiers de transactions
reçues
Au cours des années 2016, 2017 et 2018, la Division du
contentieux de la DGI a respectivement enregistré 111, 72 et 101
demandes de transaction62. Plus particulièrement, en 2018, la
Division du contentieux a recensé 101 demandes de transaction
traitées, d'un montant total de 49 322 175 983 FCFA,
soit 30 086 168 705 FCFA en principal et 19 236 007 278 FCFA au titre
des pénalités63. Une légère augmentation
sur le nombre des demandes de transaction et les enjeux financiers, a
été constatée comparativement à l'exercice 2017. En
effet, ces demandes étaient de 72 pour des enjeux d'environ 37
milliards64. Mais il s'agit d'une augmentation relative, car elle
tourne toujours autour de la centaine.
60 ZO RASAMOELINA (A.), « Le juge fiscal
à l'aune de la démocratisation de la justice : comment faire face
au recul du droit au procès des contribuables ? », Revue
Internationale des Gouvernements Ouverts, Vol 7, 2018, p. 1.
61 Source : Direction Générale des
Impôts
62 Source : Ibidem
63 Source : Ibid.
64 Source : Ibid.
33
Comparativement à la France, nous notons au contraire
une forte activité transactionnelle. En 2016, uniquement le
Comité du contentieux fiscal et douanier s'est prononcé sur 105
demandes, en 2015 sur 113, en 2014 sur 148 et 171 en 201365. Ceci
compte non tenu des statistiques des services des autres autorités
compétentes pour statuer en matière de transaction, à
l'instar du Ministre, du Directeur National des Finances Publiques,
départemental et spécialisé. Nous notons ainsi une
différence fondamentale d'avec notre pays. Ce faible volume des dossiers
reçus induit également le faible taux de transaction.
B. Le faible taux de modération ou de
transaction
En prenant toujours l'exercice 2018 comme
exercice de référence pour poursuivre l'analyse comparative des
statistiques de la DGI, sur les 101 demandes de transaction
traitées d'un montant total de 49 322 175 983 FCFA,
avec 30 086 168 705 FCFA en principal et 19 236 007 278 FCFA au titre
des pénalités, 65 ont été
révisées à hauteur de 19 829 722 635
FCFA66. Ce qui correspond certes à un taux de
révision des dossiers de 81%, avec un taux de
transaction de 40%67. Un taux du
reste faible car en dessous de la moyenne. Ceci rend compte de ce que
l'Administration fiscale instruit les dossiers prioritairement dans le sens de
ses intérêts régaliens. Du coup le contribuable est mis en
minorité dans ses prétentions en termes d'impositions qui doivent
être annulées.
En combinant les faibles volumes de dossiers de transaction
reçus au faible taux de modération qui rendent compte de la
faiblesse du contribuable à transiger, une question légitime
taraude notre esprit : qu'est ce qui peut bien expliquer cela?
|