Du principe de non-refoulement face au défi de l’immigration clandestine dans le bassin méditerranéenpar Du Congo Bakunzi Université libre des pays des grands lacs - Licence en Droit 2022 |
Chapitre 2. LES MECANISMES DE LA PROTECTION DES MIGRANTS CLANDESTINSAprès avoir analysé le principe de non refoulement au regard de l'immigration irrégulière, l'étude de la protection des migrations clandestins s'avère nécessaire. Dans ce présent chapitre il sera question de présenter les mécanismes de protection juridique (I) et judiciaire (II) des migrants clandestins. Section 1. LA PROTECTION JURIDIQUELe droit international des droits de l'Homme constitue un régime commun universel pour toute personne quel que soit son statut juridique. Les droits de l'Homme sont des droits universels, inaliénables et imprescriptibles. Ils s'appliquent à tout être humain et par conséquence aux migrants (1). Et ceux-ci bénéficient aussi d'un régime protecteur spécifique contre leur trafic (2). Paragraphe 1. PROTECTION À TRAVERS LE DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L'HOMMELes migrants ne disposent pas d'instruments de protection spécifiques. Ils sont protégés par les instruments généraux en matière de protection des droits de l'homme qui doivent être appliqués sans discrimination (A). Mais cette universalité théorique est contrariée par leur exclusion de certaines catégories de droits (B). A. UNE APPLICATION SANS DISCRIMINATION DES DROITS DE L'HOMMELa non-discrimination est le principe en matière d'application des droits de l'Homme basé sur leur caractère universel (1). Ils sont également extrêmement variés (2). Le préambule de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme (DUDH) affirme « que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».79(*) L'article 2 de la DUDH dispose en outre que « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation »..80(*) De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.81(*) La Cour interaméricaine des droits de l'Homme dans un avis daté du 17 septembre 2003 a affirmé que le droit à la non-discrimination et le droit à légalité sont des principes de jus cogens applicables à tous les résidents quelle que soit leur nationalité. Le traitement des réfugiés et des demandeurs d'asile doit suivre les standards internationaux et doit être accordé sans considération pour la nationalité.82(*) Les États ont donc l'obligation de respecter leurs engagements internationaux en matière de droits de l'Homme selon la jurisprudence Barcelona Traction.83(*)
Les droits de l'Homme ne sont pas contenus dans un seul document. La protection juridique des migrants au niveau des droits de l'homme est très étoffée. En effet, ce corpus se compose de la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 ; de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille du 18 décembre 1990 ; de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 7 janvier 1966 ; de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées du 20 décembre 2006 ; de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989; de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979. Toutes ces conventions internationales sont complétées par des conventions régionales. Il s'agit de la Convention européenne des droits de l'Homme ; de la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples ; de la Convention américaine des droits de l'Homme ; de la Charte arabe des droits de l'Homme ; et la déclaration des droits de l'ASEAN (Association des nations d'Asie du sud-est). Le droit à la vie est le premier droit fondamental auquel les migrants ont accès. Il astreint les États à s'abstenir de provoquer la mort de manière volontaire et irrégulière, et à prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de leur juridiction.84(*) L'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose en effet que « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie »85(*). De nombreuses conventions internationales ont repris cette disposition dont la CEDH86(*), la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples87(*)et la Convention américaine des droits de l'Homme.88(*) Cette obligation a été confirmée en jurisprudence par l'arrêt de la CourEDH Osman c. Royaume Uni.89(*)Les États ont donc l'obligation de préserver la vie humaine en mer ce qui justifie l'obligation d'assistance.90(*) L'arrêt de la CourEDH L.C.B contre Royaume Uni a précisé que « la première phrase de l'article 2, § 1, astreint l'État non seulement à s'abstenir de provoquer lamort de manière volontaire et irrégulière mais aussi à prendre les mesuresnécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction »91(*). * 79Préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme 1948. * 80 Article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. * 81Idem * 82D. WEISSBRODT, « The Protection of Non-Citizens in International Human Rights Law » In International Migration Law: Developing Paradigms and Key Challenges, The Hague, T.M.C. ASSER PRESS, 2007, p.228. * 83CIJ, Affaire de la Barcelona Traction Light and Power Company Limited (Belgique c Espagne), 1970. * 84K. NERI, Op. Cit., p. 132. * 85 L'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté le 16 décembre 1966. * 86 Voir l'article 2 de la CEDH qui dispose que le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. * 87 Voir l'article 4 de la CADHP qui dispose que la personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne : Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit. * 88 Voir l'article 4 de la CADH qui dispose que toute personne a droit au respect de sa vie. Ce droit doit être protégé par la loi, et en général à partir de la conception. Nul ne peut être privé arbitrairement de la vie.). * 89CourEDH , Osman c. Royaume Uni, 1998. * 90K. NERI, Op. Cit., p. 132. * 91CourEDH, L.C.B. c. Royaume-Uni, 1998. |
|