Annexe 2
PREMIER ENTRETIEN
Nous allons appeler
l'infirmière du premier entretien IDE 1 pour respecter l'anonymat.
L'entretien a duré trente minutes et s'est déroulé
à son domicile.
Moi :Pouvez-vous vous
présenter ?
IDE : Je m'appelle IDE 1, j'ai 24
ans, je suis diplômée depuis 2019, je travaille en unité de
soins intensifs en Cardiologie à l'hôpital la pitié
salpêtrière depuis l'obtention de mon diplôme en mars 2019,
c'est mon premier service.
Moi : Quelles sont les
pathologies prévalentes traitées dans l'unité
?
IDE 1 : Majoritairement il y a
beaucoup de prise en charge de suite d'infarctus, on a également
beaucoup d'endocardites infectieuses, de valvulopathies, on a rarement des
myocardites, on a beaucoup de décompensations cardiaques, et
d'insuffisants cardiaques.
Moi : Selon vous, qu'est-ce que
l'éducation thérapeutique du patient ?
IDE 1 : L'éducation
thérapeutique, je dirais, que ce sont des conseils à donner parce
qu'en soit chacun est libre de ses choix. Il s'agit de donner des conseils aux
patients pour ce qui est mieux pour lui.
Moi : A quel
moment proposez-vous l'ETP ? A qui ? Qu'en est-il du patient atteint
en post IDM ?
IDE 1 : On ne
propose pas vraiment de l'ETP, elle se fait automatiquement. En tant que
soignant, donner des conseils au patient, l'aider, lui venir en aide, lui dire
ce qui est bien pour lui, fait partie des habitudes quotidiennes de
l'infirmière ; cela fait partie de son bien-être, et son
bien-être est quand même la clé de notre profession.
L'infirmière est en première ligne pour faire de l'ETP,
après elle peut faire appel à la diététicienne qui
a un rôle très important, beaucoup de patients cardiaques sont
diabétiques, elle leur explique qu'il faut faire attention au sucre, au
sel, au gras.
Les médecins aussi font de l'ETP, ils expliquent au
patient ce qui est bien ou pas pour lui. Toute l'équipe
pluridisciplinaire est là aussi pour l'ETP.
En ce qui concerne les patients en post IDM, ils doivent faire
attention aux facteurs favorisant la formation des plaques d'athérome
tels que le cholestérol, le diabète, l'hypertension, le tabac, la
sédentarité. L'infirmière explique au patient de bien
protéger son coeur en fonction de ses facteurs de risques : ne pas
manger trop de sucre, de matières grasses, de bouger
régulièrement, de ne pas rester sédentaire.
L'infirmière prodigue quotidiennement des conseils
hygiéno-diététiques au patient.
Moi : Quels sont les objectifs de l'ETP
pour un patient en post IDM ?
IDE 1 : L'objectif c'est que le
patient prenne en compte les conseils qu'on lui donne concernant son
alimentation, son hygiène de vie. Cela doit se faire dans un cadre
plutôt calme, qu'on soit dans l'échange avec le patient. Il faut
bien s'installer pour créer une sorte d'intimité avec le patient.
Il faut une relation soignant-soigné et qui pourra permettre qu'on donne
des conseils au patient. Un minimum de relation est indispensable.
Moi :Y a-t-il des bénéfices
pour ce type de patient d'intégrer un programme d'ETP ? Si oui,
lesquels ?
IDE 1 : Oui complètement
parce que j'ai eu beaucoup de patients en post IDM aussi appelé syndrome
coronarien aigu (SCA), qui fumaient avant de faire l'infarctus et qui
continuent à fumer après l'infarctus. Un patient qui a
déjà fait un infarctus cinq ans auparavant et qui continue
à fumer, on ne comprend pas parce l'infarctus est un signe qui montre la
souffrance du coeur, et le patient n'arrête pas la cigarette alors que
l'infarctus est justement un « petit coup de fouet » si je
peux me permettre pour arrêter la cigarette, et corriger sa mauvaise
hygiène de vie justement.
Moi : Y a-t-il un parcours de soins
particulier pour le patient en post IDM ? si oui, comment est-il
planifié et qui assure la coordination ?
IDE 1 : Le patient qui fait son
IDM arrive en urgences en salle de coronarographie parce que l'infarctus c'est
l'occlusion d'une artère coronaire et donc le coeur n'est pas
oxygéné comme il faut, il y a un réseau du coeur qui ne va
pas être oxygéné parce que le sang ne peut plus circuler ce
qui peut entrainer un trouble du rythme voire un arrêt cardiaque. Il
s'agit d'une urgence extrême, le patient est emmené par le SAMU ou
par les pompiers directement en salle de coronarographie. Si la coronarographie
montre qu'il y a bien un infarctus, le patient est stenté
immédiatement. Ensuite, le patient est hospitalisé en USIC ou en
réanimation si cela se passe mal.
Le patient est scopé pour la surveillance du rythme
cardiaque pendant trois nuits, il doit rester alité en soins intensifs,
le lever est interdit. La plupart du temps, le patient retourne à son
domicile (ce qui est une belle amélioration de la médecine) avec
un traitement.
Cependant, si la troponine, qui est une enzyme cardiaque,
continue d'augmenter, le patient est transféré en hospitalisation
pour la suite de la prise en charge. Si son état le permet, il sortira
quelques jours après.
Tous les matins, il y a un staff avec les médecins et
l'équipe soignante pour décider de l'évolution de
l'état de santé de chaque patient ainsi que de son devenir.
Moi :Y a-t-il des limites à l'ETP
pour ce type de patient ? Si oui, lesquels ?
IDE 1 : Oui parce que certains
patients peuvent écouter les conseils et ne pas les appliquer mais tous
les patients ont accès à l'ETP.
Moi : Selon vous, l'ETP modifie-t-elle la
manière d'approcher la prise en charge du patient en post
IDM ?
IDE 1 : Oui le patient peut
être dans l'ignorance et ne sait pas que son état est causé
par le tabac par exemple. Le patient peut être
soit dans la méconnaissance de la gravité de ses mauvaises
habitudes soit il peut ne pas en avoir conscience et être dans le
déni.
Moi : Aviez-vous besoin d'acquérir
ou d'avoir des compétences particulières pour faire de
l'ETP?
IDE 1 : Oui il est important
d'avoir des connaissances sur la pathologie, on ne peut pas dire à un
patient que vous avez fait un infarctus à cause du sport, l'excès
du sport entraine d'autres pathologie mais pas l'infarctus.
Il est important de connaitre des solutions pour remplacer,
par exemple, un patient qui continue à fumer, on peut lui proposer des
substituts qui sont disponible dans le service. On peut remplacer la nicotine
de la cigarette par une pastille ou un chewing gum. Il faut avoir un minimum de
connaissance pour aider au mieux le patient.
Moi : Dans votre exercice au quotidien,
pouvez-vous quantifiez le temps passé pour l'ETP ? Selon vous, ce
temps est-il suffisant ? Si non, pourquoi ce temps est-il
insuffisant ?
IDE 1 : C'est très dur
à évaluer, à l'hôpital on ne fait pas de
séances d'éducation thérapeutique. On explique au patient
ses mauvaises habitudes mais on ne peut pas lui donner un cours de deux heures
sur les risques de fumer une cigarette. Je ne peux quantifier le temps passer
pour l'ETP, c'est un quotidien.
Moi : Comment le patient en post IDM
représente-t-il sa pathologie chronique ? Comment perçoit-il
l'ETP ?
IDE 1 : Le patient n'a pas
toujours conscience qu'il a une maladie chronique, c'est plutôt le
contraire. Le patient qui a fait un bel infarctus sort de la coronarographie en
se disant : « je suis en vie ». La plupart
des patients voient leur vie défiler à ce moment, il y en a
même qui vont jusqu'à l'arrêt cardiaque avant ou pendant la
coronarographie, les patients qui s'en sortent et qui ont un stent ont vraiment
l'impression de revivre, et le rôle de l'infirmière est de
rebondir pour donner envie au patient de revivre comme si une deuxième
vie qui lui a été offerte et qu'il faut prendre cette
deuxième vie avec précaution et prendre des bonnes habitudes.
Moi : Le patient a-t-il des
difficultés à adhérer à l'ETP ? Si oui,
lesquels ? Pourquoi ?
IDE 1 : Oui parce qu'il y a
beaucoup de patients qui peuvent être dans le déni, ils pensent
que maintenant qu'ils ont un stent, ils peuvent recommencer, si jamais mon
artère se rebouche, j'aurai droit à un autre stent. Ils voient
que c'est facile parce que la coronarographie est peut invasive et les patients
sont étonnés que par le poignet ils ont un stent au niveau du
coeur. Ils se disent que c'est tellement simple et à quoi cela sert
d'arrêter une addiction qu'on aime bien s'ils peuvent avoir un autre
stent quelques années plus tard et rester en vie. Il y a des patients
qui réfléchissent comme ça.
Il y a aussi le contraire où le patient va
écouter le soignant et prendre en compte ses conseils et les appliquer,
et arrêter. J'ai pris en soins un patient qui m'a dit qu'il allait
vraiment se mettre au sport et arrêter de manger gras et de fumer.
Moi : Selon vous, l'IDM peut-il être
une occasion d'apprentissage pour le patient ?
IDE 1 : Après un IDM, le
patient doit prendre du Kardégic® à vie, et doit avoir une
alimentation équilibrée. Le patient doit rester acteur de sa
pathologie et comprendre ses traitements. Il doit comprendre la mise en place
de ce traitement à vie et connaître les effets secondaires. C'est
important pour le patient de connaitre de quoi il souffre.
Moi : Quels sont les
bénéfices de l'ETP pour le patient en post IDM en termes de
qualité de vie ?
IDE
1 : les bénéfices c'est que l'ETP repose sur
tous les facteurs de risque, et contribue à modifier l'hygiène de
vie.
Moi : Dans votre travail au quotidien,
vous semble-t-il que l'ETP contribue à réduire les complications
de l'IDM ? Si oui, de quelle manière ?
IDE 1 : l'ETP se fait sur une
longue période, on ne peut pas évaluer les résultats tout
de suite. Les résultats ne se voient pas en deux jours, l'apparition des
complications ne peuvent pas se voir rapidement c'est sur du long terme.
Moi : Dans votre travail au quotidien,
vous semble-t-il que l'ETP améliore l'observance des prises
médicamenteuses ?
IDE 1 : Le Kardégic®
est l'anti-agrégant plaquettaire que le patient doit prendre à
vie après une pose de stent, le rôle de l'infirmière est
d'expliquer au patient qu'il ne doit jamais arrêter son traitement sauf
avis médical parce le moindre oubli peut provoquer un thrombus dans le
stent.
Moi : Selon vous, le patient
rencontre-t-il des difficultés à suivre les recommandations
hygiéno-diététiques que lui impose sa pathologie ? Si
oui, lesquels ?
IDE 1 : oui par exemple, un
patient qui n'a pas l'habitude de pratiquer une activité physique cela
peut être une difficulté dans la mesure où ses habitudes
doivent changer. Pour le patient qui a l'habitude de rester toute la
journée devant sa télé, il lui sera difficile d'aller
courir. Il faut un temps d'acceptation.
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