I.1.2. Nature des conflits
Il va de soi que pour comprendre les conflits, on doit
être capable d'examiner la nature des relations entre les individus et
pouvoir s'appuyer sur le fait que la qualité de ces relations peut
être responsable des différends. Lorsqu'on s'intéresse aux
conflits, on doit alors être capable de les catégoriser. En
gestion de conflit, il existe six grandes catégories de conflits (MARSAN
C., 2005):
- Le
conflitinterpersonnel.
Ce type de conflit est distinct de ce que l'on appelle aussi
conflit intrapsychique. Ce dernier concerne le conflit entre les
différentes instances psychiques de l'individu, tandis que le conflit
interpersonnel concerne, soit des conflits cognitifs, soit des conflits
d'objectifs.
Le conflit interpersonnel est donc un conflit qui implique
deux individus au moins, qui peuvent se sentir en opposition sur des questions
d'objectifs, de valeurs et de comportement.
- Le conflitintercommunautaire.
Ce type de conflit concerne les tensions qui surgissent au
sein d'une communauté et qui peuvent affecter son fonctionnement. La
plupart du temps, les causes du conflit résident dans la nature des
intérêts, dans les rôles alloués aux acteurs ou
encore dans les processus relationnels. Néanmoins, au sein des
organisations et/ou communautés, les conflits peuvent avoir lieu entre
certains groupes sans qu'il s'agisse pour autant de conflit social.
- Le conflitorganisationnel.
Le conflit organisationnel provient de l'opposition et des
heurts suscités principalement par l'organisation de
communauté,
- Le conflitd'objectif.
Ce conflit prend naissance lorsque les issues
recherchées par les acteurs de la communauté divergent.
- Le conflitcognitif.
Le conflit cognitif naît au moment où les
réflexions faites par les membres de la communauté ne suivent pas
leur cours, c'est-à-dire que les membres de la communauté
n'arrivent pas à trouver un compromis sur le mode de raisonnement
approprié pour la gestion des questions spécifiques
d'organisation de la communauté.
- Le conflitaffectif.
Ce genre de conflit se fait ressentir lorsque les sentiments
d'un ou de plusieurs membres de la communauté restent incompatibles avec
le reste de la communauté.
Il est à noter qu'au-delà de ces six grandes
catégories, les conflits peuvent être encore :
Ø Intracommunautaires, lorsqu'ils
divisent les membres d'une même communauté, d'une même
famille, village, entités, au sujet des intérêts
internes,
Ø Extracommunautaires, quand des
divergences remarquables naissent entre plusieurs communautés, pouvant
finir par déclencher des tueries ; massacres et/ ou
génocide.
Ø inter sociaux :
l'intérêt de ces expériences est considérable, mais
il est essentiel de distinguer deux processus différents, lorsqu'on
sépare un groupe large en deux groupes, on observe une redistribution
des relations sociométriques, les paires dont les membres se trouvent
placés dans deux groupes nouveaux se défont rapidement, un
esprit de groupe se forme, un stéréotype
généralement négatif de l'autre apparait et des
réactions agressives se développent, comme insultes, injures,
ironies ;
Ø religieux : les conflits
religieux opposent les partisans des religions différentes sur une
croyance quelconque, parfois, les divisions inter sociaux s'observent à
l'intérieur des communautés, mais son ampleur est à basse
intensité, en général, le terme est utilisé au
pluriel avec un article défini : « les guerres de
religion, pour désigner spécifiquement les conflits qui, en
Europe opposèrent les catholiques et protestants aux XVI et
XVIIème siècle ;
Ø lié au pouvoir :
l'analyse qu'on vient d'évoquer et qui ont le grand
mérite de réintroduire au coeur des organisations l'existence
des conflits relèvent cependant une certaine ambiguïté,
l'usage qui est fait du terme « pouvoir » pratiquement
confondu avec celui d'influence, ce dernier montre bien la capacité
d'un acteur de modifier le comportement d'un autre en fonction de ses
objectifs, définit son influence, et ce terme s'oppose clairement
à celui d'autorité qui introduit au contraire l'existence
d'une règle centrale appliquée par une délégation.
Les conflits peuvent avoir ainsi de graves conséquences
pour la gestion d'une communauté.
Pour le dirigeant d'une communauté et surtout
multiculturelle, gérer un conflit peut être une tâche
difficile car les éléments à l'origine du
déclenchement du processus conflictuel sont divers : la langue
(différences sur le plan de la communication), la distance
hiérarchique, les attitudes ethnocentriques, les
stéréotypes et préjugés, les jugements de valeurs,
la migration, l'ingérence, etc. Ces jugements et ces erreurs de
perception biaisent la perception que l'on peut se faire des autres. Ces
éléments se regroupent ensuite autour de trois catégories
essentielles : la variable individuelle, la variable structurelle, et la
variable situationnelle comme le démontre la figure ci-dessous
(PELLETIER M., 1994) :
Variables individuelles
- Valeurs
- Attitudes
- Croyances
- Besoins
- Personnalité
- Perceptions
- Motivation
Variables situationnelles
Ø Besoins d'interaction
Ø Besoins de consensus
Ø Différence de statut
Ø Personnalité
Ø Etc.
Variables structurelles
Ø Différenciation,
Ø Spécialisation
Ø Interdépendance identitaire
Ø Objectifs
Ø Rareté des sources
Ø Autorité multiple
Ø Règles, procédures, etc
Conditions pour débuter un processus de conflits
Figure 1. Les antécédents et causes des
conflits
I.1.3 La gestion des conflits
Le conflit incarne une des préoccupations fondamentales
dans la société contemporaine. Comme soutenu par plusieurs
chercheurs, le conflit possède un pouvoir destructeur ainsi qu'un
pouvoir constructif. Les conflits font partie intégrante de la vie
courante, ils sont naturels et inévitables (Katzenbach et Smith, 1993).
Les théoriciens affirment même qu'un certain niveau de conflit
doit être généré pour qu'un groupe connaisse le
succès (Rahim, 2002).
Bien entendu, ces conflits doivent être constructifs
pour le système. Ce qui donne ce caractère positif aux conflits,
c'est la façon dont ils sont gérés (Thompson,
2004; Tjosvold et al., 2005).
C'est pourquoi, dans le but d'être efficace, une
société doit développer ses habiletés à
résoudre les conflits (Stevens et Campion, 1994; Cannon-Bowers, et al.,
1995). La gestion des conflits représente donc une tâche centrale
pour un groupe (Alper et al., 2000), mais surtout un élément
clé pour le succès de celle-ci autant au niveau du
bien-être que des résultats (Esquivel et Kleiner, 1997). En
raison de l'importance de la gestion des conflits dans les
sociétés, les paragraphes qui suivent sont consacrés
à ce sujet. Plus spécialement, différents modèles
de gestion des conflits sont présentés, l'efficacité des
différentes stratégies est aussi démontrée.
I.1.4. Définition et historique des
modèles de gestion des conflits
Tout d'abord, il faut définir ce que signifie la
gestion des conflits.
Pour De Dreu et Weingart (2003a), cela réfère au
comportement orienté vers l'intensification, la réduction ou la
résolution du conflit. Tandis que pour Rahim (2002), il s'agit d'un
besoin de gérer et non pas de résoudre. La gestion des conflits
n'implique pas nécessairement la réduction, l'élimination
ou la suppression du conflit. C'est plutôt de trouver des
stratégies pour diminuer les éléments destructeurs du
conflit et augmenter les fonctions constructives et ainsi encourager
l'apprentissage et l'efficacité sociétaux. Thomas (1992), quant
à lui, prétend que la gestion des conflits doit faire en sorte
que le conflit reste productif, créatif et utile. En
résumé, la gestion d'un conflit représente les intentions
stratégiques d'une partie lors d'un épisode conflictuel. Cette
intention stratégique est connue aussi sous les noms d'orientation,
d'approche, de style, de stratégie, de comportement et de gestion des
conflits (Thomas, 1992). Peu importe le nom, la définition et la
vision des auteurs, ce qui compte c'est la connaissance des modèles qui
mettent tout d'abord en lumière les différents comportements
possibles lorsqu'un épisode conflictuel fait son apparition.
La façon de gérer les conflits dans les
sociétés a été étudiée autant en
laboratoire que sur le terrain (De Dreu et Van Vianen, 2001). Les
premières recherches définissaient les comportements de gestion
des conflits en termes d'attributs de personnalités.
Graduellement, la vision a changé et l'emphase a
été mise davantage sur l'interaction entre la personne et la
situation conflictuelle (Knapp et al., 1988).
Plusieurs chercheurs ont présenté des travaux
sur les styles de gestion des conflits (Rahim et Magner, 1995). Malgré
une abondance de modèles en gestion des conflits, la recherche et la
théorie tendent à converger vers le concept de deux
dimensions de la gestion qui provient de l'anglais dual
concernsoumis par Blake et Mouton (1972). Au départ, ce
modèle visait à détecter les différents
comportements des gestionnaires pour, ensuite, s'appliquer aux autres personnes
que les gestionnaires et plus tard, être utilisé pour la gestion
des conflits.
Cette théorie propose deux dimensions pour classer les
modes de gestion des conflits: l'intérêt pour les gens et
l'intérêt pour la production(Drory et Ritov, 1997).
Chacune de ces dimensions peut se retrouver fortement ou
faiblement dans le comportement adopté (De Dreu et al., 2001). C'est
ainsi que cinq styles de gestion des conflits sont créés: la
contrainte, l'accommodation, l'évitement, le compromis et la
résolution de problème. Ce modèle de Blake et Mouton
(1972) a été repris et réinterprété par
plusieurs auteurs. Voici maintenant la description de ces différents
modèles inspirés par celui de Blake et Mouton (1972):
· Modèle à deux styles
Cette représentation de la gestion des conflits tourne
autour de deux axes : la coopération et la compétition.
Lorsque la coopération est utilisée comme
stratégie de gestion des conflits, le conflit est alors vu comme un
problème mutuel. Dans ce contexte, les protagonistes sont
persuadés que l'autre partie va tenter de trouver une solution
commune et bénéfique pour les deux parties (Alper et al.,
2000). À l'opposé, dans les situations où la
compétition est envisagée pour gérer
le différend, le conflit est considéré comme une
confrontation des intérêts; si une partie connaît du
succès, l'autre s'éloigne de son but (Alper et al., 2000).
Les fervents de cette théorie suggèrent que la
coopération représente un choix plus approprié pour
résoudre un conflit.
· Modèle à trois
styles
Certains auteurs ont trouvé de façon empirique
qu'il y avait trois styles de gestion des conflits (Tjosvold; 1986). Les
bases théoriques de ce modèle sont floues. Pour qu'il soit
jugé pertinent, les chercheurs devraient démontrer comment le
modèle à trois styles peut influencer les comportements des
individus et la gestion en organisation. Jusqu'à aujourd'hui,
les recherches n'ont fourni aucune évidence de ce lien (Rahim,
1997).
· Modèle à quatre
styles
La grande différence de ce modèle, en
comparaison avec le modèle à cinq styles, consiste à
ne pas considérer le compromis comme une stratégie possible de
gestion des conflits. Les quatre autres catégories (l'accommodation,
la confrontation, l'évitement et la résolution
de problème) quant à elles, sont reconnues. Pour les adeptes
de cette approche (Pruitt, 1983; De Dreu, 1997 ; Rahim, 1997), le compromis
représente une sous-catégorie de la résolution de
problème. Contrairement au modèle à trois styles, une
évidence empirique a été démontrée
en laboratoire sur l'existence de quatre styles de gestion des conflits. Ce
modèle se base aussi sur deux dimensions soit le désir de
satisfaire ses propres besoins, bas ou élevé, soit le
désir de satisfaire les besoins des autres, bas ou
élevé. Cette théorie soutient aussi que la
résolution de problème est la meilleure façon de
résoudre le conflit (Rahim, 1997 ; Rahim, 2002). Malgré le
fait que le nombre de styles diffère, les trois théories
présentées précédemment possèdent
certains éléments en commun. Tout d'abord, elles contestent
l'existence du compromis comme une stratégie de gestion des conflits.
De plus, elles s'accordent pour dire que la collaboration ou la
résolution de problème représente la meilleure option pour
régler une situation conflictuelle dans une société
(Rahim, 1997).
· Modèle à cinq
styles
Follett en 1926 est la première chercheure à
conceptualiser les stratégies de gestion des conflits en cinq modes
distincts. En réalité, elle a trouvé trois façons
principales de gérer le conflit: la domination, le compromis et
l'intégration ainsi que deux autres plus
secondaires: l'évitement et la suppression (Rahim et Magner, 1995;
Rahim 1997 ; Rahim 2002). Par la suite, Blake et Mouton (1972) ont, eux
aussi, soutenu qu'il existait cinq styles de gestion des conflits. Comme
exposé antérieurement, cette théorie est
développée autour de deux axes: l'intérêt pour
les gens et l'intérêt pour la production. Pour la première
fois, une grille était disponible pour permettre la classification
des différents modes (Rahim et Magner, 1995; Rahim 1997). Ensuite, ce
modèle fut réinterprété par Thomas (1992). Tout
comme les auteurs précédents, la conception de Thomas comporte
cinq styles. Par contre, contrairement à Blake et Mouton (1972), les
deux axes qui servent d'assises à la création des cinq
stratégies sont, non pas l'intérêt pour les gens et
l'intérêt pour la production, mais bien le désir de
satisfaire ses propres besoins et le désir de satisfaire les besoins
des autres (De Dreu, 1997 ; Rahim et Magner, 1995 ; Rahim, 2002).
Tous ces modèles à cinq stratégies de
gestion soutiennent qu'il n'y a pas une meilleure façon de
régler un conflit. Cette théorie penche davantage vers un
modèle de contingence pour expliquer le lien entre le conflit et les
stratégies. Un modèle de contingence signifie que chaque
situation conflictuelle requiert un mode de gestion différent et
adapté (Rahim, 1997 ; Rahim, 2002).
Il est clair qu'aucun consensus sur la taxonomie n'est atteint
dans la littérature en ce qui concerne les comportements
utilisés lors de conflit à l'intérieur d'un groupe (Van de
Vliert et Janssen, 2001). Cependant, tous ces modèles
considèrent les stratégies indépendantes les unes des
autres et elles sont étudiées séparément (Munduate
et al., 1999). De plus, ces différents modèles ont une base
commune, la théorie des deux dimensions de Blake et Mouton (1972).
Il faut noter que la popularité de cette théorie fait en sorte
que celle-ci bénéficie d'un support important au niveau des
recherches en laboratoires (De Dreu et al., 2000) ainsi que des
études menées en entreprises (Thomas, 1992). Toutes ces
investigations ont permis de découvrir et de dégager diverses
tendances et certains éléments dominants relatifs aux
modèles de gestion des conflits dans les sociétés de
travail. Premièrement, les recherches effectuées ont
permis d'établir que la théorie de Blake et Mouton (1972) est
plus appropriée que celle de la compétition et de la
coopération de Deutsch (1973) puisqu'elle offre une analyse
plus détaillée et complète (De Dreu et al., 2001 ;
Tjosvold, Poon et Yu, 2005). Deuxièmement, des chercheurs (Rahim,
1983 ; De Dreu et al., 2001) se sont penchés sur la question à
savoir si le compromis représente un style distinct de gestion des
conflits. Une réponse affirmative a été établie
empiriquement par ces chercheurs. Donc, on peut conclure que le compromis
constitue une stratégie à part entière pour
résoudre une impasse. Par la même occasion, le modèle
à cinq composantes devient plus approprié pour une gestion
efficace des conflits (Rahim, 1997). Celui-ci donne aux
sociétés plus d'options pour gérer les conflits que ne le
font les autres modèles (De Dreu, 1997).
Parfois, il arrive que les parties soient incapables de
gérer elles-mêmes le conflit. Elles ont essayé toutes
les stratégies décrites ci-haut, mais le conflit est trop intense
pour aboutir à un dénouement satisfaisant. Cette situation
survient souvent lorsque les sociétés ne partagent plus de
relations positives pour encourager la coopération. Dans ce cas, la
négociation, la médiation ou l'arbitrage peut aider à
résoudre les conflits (Levi, 2001).
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