WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Gestion de l'éducation en situation de crise sécuritaire au Burkina Faso: état des lieux et perspectives dans la commune de Titao


par Moctar Abdoulaye SANA
Institut de Formation et de Recherche interdisciplinaire en Sciences de la Santé et de l'Education (IFRISSE)/Ouagadougou - Master II en sciences de l'éducation 2021
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

V.2 Discussion de la validité des hypothèses

Si les différentes hypothèses sont validées comme nous l'avons relevé plus haut, il s'agit bien plus de tendance que de confirmation à l'absolue. Nous relevons ici contradictions des réponses des enquêtés et aussi les variables qui montrent que ces hypothèses ne sont pas confirmées à l'absolue. Ainsi nous voulons montrer que la vérité à laquelle nous sommes parvenus est relative.

91

V.2.1 Discussion de la validité de l'hypothèse 1

Des réponses données par nos interlocuteurs sur l'hypothèse 1 selon laquelle les administrations scolaires prennent des dispositions organisationnelles, matérielles et psychosociales en vue d'assurer la continuité de la scolarisation des enfants et adolescents déplacés dans la commune de Titao, il est établit que seule l'effectivité de la variable dispositions psychosociales a fait l'unanimité chez les personnes enquêtées. Pour les variables dispositions organisationnelles et matérielles, les AVS et les autorités éducatives confirment leur effectivité pendant que chez les enseignants et les élèves, les résultats ne permettent pas d'établir l'effectivité totale de ces dispositions. Une analyse non partisane permet toutefois de reconnaitre que malgré les multiples difficultés rencontrées, les administrations scolaires fournissent des efforts remarquables pour garantir la continuité de la scolarisation des élèves déplacés.

V.2.2 Discussion de la validité de l'hypothèse 2

L'hypothèse 2, selon laquelle les enseignants et les animateurs de la vie scolaire conçoivent et mettent en pratique des activités pédagogiques et socioéducatives au profit des enfants et adolescents déplacés dans la commune de Titao, serait validée à l'absolu si tous les acteurs enquêtés s'accordaient sur l'effectivité des deux variables que sont les activités pédagogiques et socioéducatives. Pour ce qui est de la variable activités pédagogiques, l'on peut, à travers les réponses données par les différentes catégories de personnes enquêtées attester l'unanimité des avis sur son effectivité. En effet, seuls les avis des élèves ne permettent pas d'établir l'effectivité de ces activités. Mais la position des élèves peut être justifiée par le fait qu'ils ne sont pas à mesure de faire la distinction entre activités pédagogiques habituelles et celles menées dans le cadre de la prise en charge d'élèves déplacés du moment où se sont les mêmes activités d'apprentissage.

Au niveau des activités socioéducatives, on note une tendance contraire à la précédente variable. Les élèves confirment l'effectivité de ces activités pendant que les enseignants, les AVS et les autorités ont des avis qui tendent à dire que quelque chose d'important n'est pas fait à ce niveau. Ce qui d'ailleurs, nous éloigne davantage d'une validation absolu de notre hypothèse.

92

V.2.3 Discussion de la validité de l'hypothèse 3

L'effectivité de l'hypothèse 3, hypothèse selon laquelle la communauté locale se mobilise et s'engage par des actions variées pour soutenir l'administration scolaire dans une prise en charge des enfants et adolescents déplacés dans la commune de Titao, est la mieux partagée par les différente catégories de personnes enquêtées. En effet, à l'exception des enseignants, tous s'accordent à dire que la communauté locale participe activement et diversement à la réintégration scolaire des élèves déplacés. Du côté des enseignants, les avis sont partagés et ceux en faveur de la mobilisation de la communauté n'est pas négligeable.

V.3) Les limites de la recherche

Toute activité entreprise par l'être humain comporte nécessairement des limites. Pour ce qui concerne la présente recherche, les limites sont liées d'abord à la zone de recherche très limitée. Nous aurions souhaité mener la recherche dans plusieurs communes à fort défis sécuritaire du Burkina Faso. Cela nous aurait permis de découvrir et de comparer des modes de gestion de l'éducation en situation de crise sécuritaire d'une localité à une autre dans le même pays. Mais pour des contraintes matérielles, financières et sécuritaires, cette recherche n'a concerné que la commune de Titao. Ainsi, nous émettons des réserves quant à la généralisation des résultats de cette étude. Outre cette limite, il convient de noter que le recouvrement de nos questionnaires n'a pas été fait à cent pour-cent malgré notre volonté de le faire. En effet, la fermeture des classes due à la COVID-19 ne nous a pas permis de terminer nos enquêtes en juin comme prévu. Il a fallu que nous y retournions en octobre pour rencontrer les élèves des classes intermédiaires. Mais, compte tenu que l'année scolaire n'était pas totalement installée, nous n'avons pas pu recouvrer le maximum de nos questionnaires.

V.4) Des recommandations pour une meilleure prise en charge des élèves déplacés

Des suggestions ont été faites par les acteurs enquêtés. Ces suggestions pourraient donc contribuer à garantir la continuité des apprentissages et permettre ainsi une meilleure prise en charge des élèves déplacés dans les établissements fonctionnels. Les plus pertinentes de ces suggestions, de notre point de vue, ont été recensées et analysées pour en faire des recommandations. Il s'agit donc de :

93

? doter chaque élève déplacé en lampes d'éclairage

Au cours nos entretiens, une autorité éducative nous informait que la majorité des élèves déplacés vivent dans les quartiers périphériques appelés communément « non- lotis ». La crise sécuritaire a occasionné une extension exponentielle des non-lotis dans la ville de Titao. Malheureusement, ces quartiers ne sont pas desservis en réseau électrique. Aussi, le contexte sécuritaire a obligé l'administration sécuritaire à instaurer le couvre-feu et la restriction de circulation de 18 heures à 06 heures dans le ressort de la province du Loroum, suivant arrêté no 2019-02/MATDC/RNRD/GVR-OHG/CAB du 10 octobre 2019. Cette mesure, qui initialement devait prendre fin le 14 novembre 2019, a connu une prorogation jusqu'à cette période où nous menions nos enquêtés. Et pourtant les élèves moins nantis se servent des salles de classes éclairées ou de l'éclairage public pour étudier les nuits. Dans ce contexte de couvre-feu, il leur est donc quasiment impossible de profiter de cet avantage. Par conséquent, chaque élève doit être doté en lampe et de préférence, en lampe solaire-chargeable.

? impliquer les parents dans l'organisation des cours d'appui

Notre étude est parvenue à la conclusion selon laquelle les parents d'élèves ne s'impliquent pas assez dans l'accompagnement pédagogique de leurs enfants. Certes que cela peut s'expliquer par le niveau d'étude des parents mais d'autres alternatives existent pour pallier cette insuffisance. Il s'agit par exemple de l'engagement d'un répétiteur et aussi du suivi de la scolarité de l'enfant en se rendant régulièrement dans son établissement. Cela permet aux parents de s'imprégner, auprès des enseignants ou des services «vie scolaire», de l'évolution du travail de l'enfant et de son comportement en milieu scolaire.

? doter les élèves déplacés en matériels de première nécessité (vêtements, savons, pâtes, pommades pour les filles, nourriture sec etc.)

A travers nos entretiens et questionnaires, nous avons pu constater que les élèves déplacés, dans leur majorité ne bénéficiaient pas des dons en nature faits par certains organismes d'aide humanitaire. Et pourtant, ils en ont vraiment besoin. Une autorité éducative raconte,

Beaucoup d'élèves déplacés ont rejoint la ville de Titao sans même emporter le minimum de matériel nécessaire. Les vendredis, jour de marché de Titao, les élèves déplacés déambulent dans le marché dans l'espoir de rencontrer un parent qui pourrait leur apporter des vivres ou des vêtements.

Pour ce qui est de la nourriture sec, l'idéal serait de prioriser le riz, le haricot et le couscous dont la cuisson n'engage pas beaucoup de dépenses supplémentaires contrairement au maïs brut qui demande beaucoup de transformations.

? rétablir la sécurité afin de faciliter le retour rapide des élèves déplacés dans leurs villages

Il y a des élèves déplacés qui sont en auto-hébergement et il n'est souvent pas facile pour eux de subvenir à certains besoins. Pour les garçons, le problème ne se pose pas assez mais pour les filles, quand elles n'ont pas un logeur, elles sont exposées à beaucoup de risques tels que le harcèlement sexuel, le viol etc. Cependant, quand les enfants sont scolarisés à côté des parents, les risques susmentionnés peuvent être minimisés. Ainsi, à l'endroit de l'administration sécuritaire, il faut travailler à restaurer la sécurité dans les campagnes afin que les classes fermées puissent rouvrir. Certes, le travail s'avère difficile mais avec l'engagement des volontaires pour la défense de la patrie (VDP) au côté des forces armées nationales, les résultats donnent de l'espoir.

? redynamiser les cantines scolaires

Les cantines scolaires, même si elles fonctionnent dans les établissements, ne démarrent pas tôt leurs services. Aussi, en dehors d'un seul établissement où les frais de cantine des élèves déplacés sont subventionnés par un partenaire social, les élèves déplacés des autres établissements de la ville de Titao, en dehors du primaire, sont assujettis au paiement de 75 F le plat. Ce qui n'est pas souvent aisé pour un élève déplacé. Il faut par ailleurs mentionner que la direction de l'allocation des moyens spécifiques aux structures éducatives (DAMSSE) doit revoir sa politique de distribution de vivres dans les établissements des zones à fort défis sécuritaire. En effet, des établissements appelés communément classes d'accueil ou CEG d'accueil ont été spontanément créés pour accueillir les élèves déplacés. Aux dires des autorités éducatives avec qui nous nous sommes entretenus, ces classes ou établissements d'accueil non enregistrés dans le fichier de la DAMSSE ne peuvent bénéficier des vivres que par un arrangement local. En effet, ces classes dites d'accueil sont arrimées à un établissement déjà existant afin de bénéficier des vivres au nom de cet établissement. Il y a donc nécessité d'implémenter les cantines endogènes qui pourrait résoudre la question de la lourdeur administrative et permettre la dotation des cantines scolaires en vivres dès la rentrée scolaire.

94

? exempter les élèves déplacés du paiement des frais de scolarité

95

A travers les données recueillies auprès de nos interlocuteurs, nous avons pu constater que les élèves déplacés étaient assujettis au paiement des frais de scolarité malgré la situation difficile qu'ils vivent. Toute chose qui peut contribuer à leur déscolarisation si les parents ne sont pas à mesure d'honorer ces frais.

? renforcer la compétence des enseignants sur le plan pédagogique

La majorité des enseignants enquêtés ont exprimé la grande difficulté de prise en charge pédagogique des élèves déplacés. La réalité de cette difficulté est soutenue par les autorités éducatives et les chefs de services qui disent recevoir plusieurs plaintes de la part des enseignants sur la question. En effet, la gestion de l'éducation en situation de crise sécuritaire est un nouveau paradigme pour le monde éducatif burkinabè et cela nécessite un renforcement de capacités des acteurs. Mais du point de vue des acteurs enquêtés, les formations reçues sont plus orientées vers la prise en charge psychosociale. Il faut donc que les acteurs directs de l'éducation, en particulier les enseignants, bénéficient des séances de formations afin de capitaliser les expériences individuelles acquises en matière prise en charge pédagogique des élèves déplacés.

? organiser plus d'activités socioéducatives pour permettre aux élèves déplacés de mieux s'intégrer dans la communauté d'accueil

Les activités socioéducatives semblent ne pas être la priorité des acteurs de l'éducation dans la ville de Titao. Et pourtant, en contexte d'éducation en situation de crise, les jeux contribuent à l'épanouissement des enfants. Il serait donc intéressant que les enseignants, surtout les enseignants du primaire qui accueillent les enfants dès leur jeune âge, pratiquent plus de jeux pour accompagner les activités pédagogiques. Par ailleurs, les acteurs de l'éducation de façon générale doivent susciter chez les élèves, la paire-éducation. Et le moyen le plus efficace c'est d'encourager la création et la pratique de clubs scolaires et d'associations qui riment avec les préoccupations majeures des élèves dans leur environnement scolaire.

? Mettre en place un système performant d'accueil des élèves déplacés

A travers nos enquêtes, nous avons pu découvrir que la majorité des élèves déplacés, après la fermeture de leurs établissement d'origine, sont restés à la maison environ deux mois avant de

96

bénéficier d'une réinscription. Il est donc nécessaire que les APE soient mieux organisées et qu'elles communiquent davantage avec les autorités éducatives afin que des solutions endogènes précèdent les décisions administratives si elles tardent à être prises.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery