IV.2.3.5) Synthèse de l'analyse des données
recueillies
Il s'agit ici de faire la synthèse de nos
différentes analyses afin de pouvoir confronter les différents
points vue.
? Les dispositions organisationnelles, matérielles
et psychosociales
En résumé, les enseignants et les
élèves enquêtés ont une position dubitative quant
à l'effectivité des dispositions organisationnelles dans la prise
en charge scolaire des élèves déplacés. Certains,
mais pas la majorité absolue, réfutent l'existence de ces
dispositions organisationnelles. Ils pointent du doigt la pléthore des
élèves dans les classes, ce qui est la conséquence d'un
manque d'infrastructures d'accueil. Par ailleurs, ils estiment que les domaines
scolaires ne sont pas suffisamment sécurisés pour favoriser un
travail dans la quiétude. Aussi, pensent-ils que l'autorité
éducative ne dispose pas de système performant de
réintégration des élèves déplacés.
D'autres cependant, pensent que des dispositions sur le plan organisationnel
sont prises pour accueillir et intégrer les élèves
déplacés. Ils citent la mise en place de cellules de veille dans
les établissements scolaires, ils reconnaissent par ailleurs que les
enseignants bénéficient de formations continues en lien avec la
prise en charge psychosociale des élèves déplacés.
Les AVS et les autorités éducatives partagent le même point
de vue sur l'existence de formations au profit du personnel éducatif.
Ils s'accordent par ailleurs avec la minorité d'enseignants qui
reconnaissent l'existence de cellules de veille dans les établissements
scolaires. Aussi, évoquent-ils les délocalisations
d'établissements des campagnes vers le centre-ville de Titao,
l'ouverture d'établissements d'accueil, la construction de classes
temporaires, le redéploiement du personnel éducatif et du
matériel des établissements fermés vers les
établissements de la ville de Titao. Quant aux effectifs des
élèves dans les classes, ils estiment que la priorité
c'est de pouvoir scolariser à nouveau les élèves
déplacés que de respecter des effectifs dans des classes.
Pour ce qui est des dispositions matérielles, les
enseignants enquêtés sont en majorité d'avis qu'ils ne sont
pas pédagogiquement outillés pour prendre en charge les
élèves déplacés. Aussi, ces élèves
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déplacés ne bénéficient pas de
soutien dans l'acquisition des fournitures et autres matériels
scolaires. Les élèves déplacés que nous avons
interrogés soutiennent également la thèse des enseignants
sur l'octroi de fournitures scolaires. Seulement 27% des élèves
enquêtés ont reçu des kits scolaires dans leurs
établissements d'accueil. Par ailleurs, ils sont insignifiants, ceux qui
bénéficient d'autres matériels tels que des vivres, des
vêtements ou des moyens de déplacement. Pour eux, les parents sont
les principaux pourvoyeurs de tous ces besoins. Les AVS, pour leur part, n'ont
pas été interrogés sur la disponibilité du
matériel pédagogique mais pour ce qui est des fournitures
scolaires, leur avis contraste avec celui des enseignants et des
élèves car estiment-ils que les élèves
déplacés bénéficient de soutien en fournitures
scolaires. A ce sujet, les autorités éducatives et les chefs de
services reconnaissent que des dispositions particulières ne sont pas
prises en faveur des élèves déplacés par
l'administration scolaire. Cependant, pour les élèves du
primaire, les fournitures scolaires leur étaient déjà
données à la faveur de la politique de gratuité scolaire.
Par ailleurs, les organismes d'aide humanitaire font dons de matériels
divers mais malheureusement ces dons n'atteignent pas la majorité des
élèves déplacés.
En confrontant les informations recueillies auprès des
enseignants, des AVS, des élèves déplacés et des
autorités sur les dispositions psychosociales, il ressort que les
élèves déplacés bénéficient d'un
certain traitement psychosocial à même de garantir une certaine
quiétude dans leur nouvel environnement d'apprentissage. En effet, les
élèves déplacés sont accueillis, ils
bénéficient d'une inscription dès qu'ils se
présentent dans un établissement, ils bénéficient
de conseils et de la cantine scolaire. Cette prise en charge est rendue
possible grâce à l'engagement volontaire des acteurs
éducatifs d'une part mais aussi grâce à l'accompagnement
des partenaires sociaux par le renforcement de capacités du personnel
éducatif sur la prise en charge psychosociale.
? Activités pédagogiques et
socioéducatives
Les enseignants, les AVS, les autorités
éducatives et les chefs de services enquêtés s'accordent
sur le fait que des activités pédagogiques sont initiées
au profit des élèves déplacés. Pour ce qui est de
la faisabilité, les enseignants organisent individuellement ou de
façon concertée des cours de rattrapage et des travaux de groupe.
En effet, le cours de rattrapage est un cours dispensé aux
élèves qui ont accusé un retard dans l'évolution
des programmes d'enseignement. Pour certains enseignants, les
élèves déplacés qui ont des difficultés
d'apprentissage sont intégrés dans des groupes de travail
où des tuteurs leur sont désignés. Il s'agit ici de
promouvoir la paire-éducation.
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En effet, l'élève tuteur est cet
élève parmi ses paires qui peut orienter ses camarades en
l'absence de l'enseignant. Les enseignants bénéficient par
ailleurs d'un appui-conseil de la part des encadreurs pédagogiques sur
les méthodes de travail. Il convient cependant de noter que de l'avis
des élèves enquêtés, ces activités
pédagogiques d'appui ne sont pas soutenues par les parents
d'élèves. En effet, en dehors des sacrifices fournis par les
enseignants à l'école, les élèves
déplacés dans leur majorité ne bénéficient
pas d'autres encadrements à domicile. Pour ce qui est des
activités socioéducatives, les acteurs s'accordent à dire
que seuls les interclasses et les activités de salubrité sont
plus menées. Et les élèves déplacés sont
impliqués au même titre que les autres élèves et ce,
dans un souci de favoriser une meilleure intégration de ces
élèves. Des activités ludiques spécifiques au
profit des élèves déplacés ne semblent donc pas
être la vraie priorité du point de vue du personnel
éducatif. En effet, de nos entretiens avec les autorités
éducatives, il ressort que les enseignants ont
bénéficié, à travers le projet Safe School, de
compétences pour implémenter de jeux dénommés
« Les couleurs parlent », « Carrés coopératifs
», « Balle de l'éléphant », « Saule dans le
vent ». Mais dans les établissements, ni les enseignants, ni les
élèves ne citent ces jeux parmi les activités
socioéducatives pratiquées.
? Mobilisation de la communauté
locale
En dehors des enseignants dans leur minorité qui
circonscrivent l'action éducative de la communauté locale aux
tâches ordinaires des APE (soutien à l'occasion des
compétitions sportives et des journées culturelles; pendant les
activités de clôture de l'année scolaire ; pendant les
moments de sensibilisations ; pendant les examens scolaires), les autres
strates enquêtées s'accordent à reconnaitre
l'élargissement de l'accompagnement de la communauté locale
à d'autres domaines aussi importants. Ils sont unanimes que la
communauté locale s'investit dans deux domaines importants :
l'appui-conseil et la logistique. En effet, elle participe activement à
des activités telles que :
y' les séances de sensibilisations et de conseils ;
y' la recherche des sites de relocalisation des
élèves déplacés
y' l'aide au redéploiement du matériel
éducatif vers les nouveaux sites identifiés ;
y' la construction de hangars temporaires pour recevoir les
élèves déplacés ;
y' l'implication dans les cellules de veille ;
y' l'hébergement des élèves
déplacés rendu possible grâce aux liens familiaux ;
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CHAPITRE V : VERIFICATION DES HYPOTHESES
DE RECHERCHE, LIMITES ET RECOMMANDATIONS
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