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Gestion de l'éducation en situation de crise sécuritaire au Burkina Faso: état des lieux et perspectives dans la commune de Titao


par Moctar Abdoulaye SANA
Institut de Formation et de Recherche interdisciplinaire en Sciences de la Santé et de l'Education (IFRISSE)/Ouagadougou - Master II en sciences de l'éducation 2021
  

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II.3.3) Les pratiques en matière d'éducation en situation de crise

MAGALI (2010) s'est intéressée au parcours scolaire des réfugiés libérien en côte d'Ivoire. Elle soutient que les agences internationales investies dans le champ de l'éducation, dans le souci de préparer un retour éventuel des réfugiés dans leur pays d'origine, ont été favorables à l'implantation d'écoles de réfugiés utilisant le programme d'enseignement du pays d'origine des réfugiés. Toutefois, cette mesure est diversement appréciée par les praticiens et bénéficiaires des services éducatifs. En effet, les personnes en faveur des écoles de réfugiés soutiennent l'argument selon laquelle s'intégrer dans les écoles ivoiriennes impliquait automatiquement un changement de langue de l'anglais au français. Toute chose qui pourrait faire perdre aux enfants réfugiés leur capacité à parler l'anglais et à conserver leur identité culturelle. Aussi, certains enfants, du fait de leurs âges avancés, étaient d'office inadmissible dans les écoles ivoiriennes. Par ailleurs, le gouvernement ivoirien ne disposait pas assez de structures éducatives pour accueillir tous les réfugiés.

Si pour certaines personnes, le choix d'une école de réfugiés s'avère obligatoire, d'autres familles de réfugiés sont plus favorables à l'intégration dans les écoles ivoiriennes. Ce choix, selon Magali, est lié au degré d'intégration des réfugiés au sein de la communauté hôte. En effet, bien avant le déclenchement de la guerre civile au Libéria, ces deux peuples, ivoirien et libérien, entretenaient de bonnes relations. Ainsi, du début de la guerre civile à la fin des années 1980, la majorité des réfugiés libériens ont été accueillis au sein de la population ivoirienne.

En plus de ces deux possibilités de scolarisation, des établissements ont été créés par des promoteurs privés afin de répondre à certains besoins spécifiques des réfugiés à savoir la scolarisation en cycle secondaire qui n'est pas pris en charge par le HCR.

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La diversité de l'offre éducative en situation de crise présentée par Magali dans le cas ivoirien intéresse également BAUJARD (2010) dans son article « Les réfugiés au coeur d'une offre éducative multiple : Le cas de Delhi (Inde) ». En effet, l'Inde a été depuis les années 1960 une terre d'asile pour les tibétains, les birmans et les afghans. Selon l'auteur, la diversité des origines des réfugiés et la spécificité de leurs besoins en éducation justifie la multiplicité de l'offre éducative. Les réfugiés tibétains bénéficiaient d'un système éducatif parallèle et inclusif, à la différence du système scolaire de leur pays d'origine où l'éducation était uniquement réservée aux moines. La gestion est alors assurée par l'administration tibétaine en inde, les organisations internationales et les soutiens individuels. Les langues d'enseignement étaient l'anglais et le tibétain. Cependant, l'enseignement, trop généraliste, ne répondait pas au marché de l'emploi. Malgré cela, les parents s'y attachaient au détriment de la formation professionnelle, jugée peu valorisante.

Pour ce qui est des réfugiés afghans et birmans, ils ne bénéficiaient pas d'un système scolaire parallèle. En effet, par le truchement du HCR, ils étaient intégrés dans les écoles indiennes. Toutefois, l'accès à ces écoles exigeait la présentation d'un certain nombre de documents tels que le « certificat de naissance », la « ration card »4, le « tribal certificate »5, ce qui réduisait un peu la chance d'accès aux écoles gouvernementales pour certains enfants qui ne disposent pas de ces documents.

Dans cette même logique de proposition d'offres éducatives selon les différents contextes de crises sécuritaires, SANCHEZ-MAZAS et al (2018) explorent la situation des réfugiés sur le sol Suisse. Dans l'article intitulé « Scolarisation des enfants de demandeurs d'asile: nouvelles pratiques, nouveaux dispositifs, nouveaux « métiers » sous le signe de l'incertitude », ces auteurs montrent l'engagement des acteurs locaux dans la prise en charge scolaire des enfants de réfugiés et ce, malgré les multiples difficultés que rencontre l'institution scolaire. En effet, la politique Suisse en matière d'asile demeure très restrictive. Toutefois, l'institution scolaire s'efforce d'assurer l'éducation des enfants de demandeurs d'asile. Cette dichotomie, entre le manque de volonté politique dans l'accueil des demandeurs d'asile et le devoir de l'institution scolaire dans la scolarisation des enfants (Convention internationale sur les Droits de l'Enfant de 1989, ratifiée par

4 Document délivré par le gouvernement indien et permettent d'obtenir de la nourriture et des produits de première nécessité à des prix réduits.

5 Document certifiant l'origine birmane des réfugiés à cause de leur ressemblance physique avec les indiens du nord-est

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la Suisse en 1997), rend difficile l'action pédagogique des acteurs de l'éducation. Mais selon Sanchez-Mazas et al, en dépit des difficultés rencontrées par l'institution scolaire, des initiatives endogènes sont développées pour permettre aux enfants d'asile de bénéficier du droit à l'éducation. Parmi ces initiatives existe « le tandem d'enseignantes de classes d'accueil » qui est une méthode mise en place pour favoriser un suivi efficace des enfants d'asile. Il s'agit d'actions coordonnées par deux titulaires de classes qui accueillent des enfants d'asile. En effet, au regard des multiples trajectoires scolaires des élèves, ces enseignantes les faisaient passer d'une classe à une autre au bout d'une semaine ou d'une journée et ce, en fonction de la progression et des besoins de l'élève. Elles se concertent régulièrement avec la directrice afin de suivre l'évolution scolaire des enfants. Aussi, la spécificité des besoins de ces élèves à conduit les enseignantes à assurer à la fois le rôle d'enseignante, de travailleuse sociale et d'animatrice.

Si d'une part, le personnel exerçant en milieu scolaire entreprend des initiatives pour satisfaire les besoins spécifiques des enfants de demandeurs d'asile, Sanchez-Mazas et al notent par ailleurs que la spécificité de leurs besoins nécessite l'engagement d'intervenants volontaires. Ainsi, les jeunes engagés pour le service civil sont, depuis juillet 2016, sollicités pour le soutien à la formation et à l'éducation scolaire. Ils ne tiennent pas de classe mais constituent des agents de liaison entre l'école et les familles des élèves. Par ailleurs, ils prennent en charge des activités para et périscolaires qui, aussi, participent à l'éducation des élèves. Les propos ci-après d'un « civiliste » témoignent de leur importance au côté des enseignants :

J'essaye de comprendre pourquoi, comment, parce c'est vrai que parfois on a des enfants qui n'ont jamais été scolarisés, donc en classe ils sont complètement perdus, ils font tout et n'importe quoi. Donc forcément, c'est moi qui vais vers les parents et qui demande : qu'est-ce qui s'est passé ? C'est vrai que parfois c'est un peu délicat, parce que des familles ont traversé des périodes difficiles, avec des guerres ou des choses comme ça. C'est à moi de poser des questions de temps en temps pour que l'enseignant comprenne pourquoi l'enfant est comme ci ou comme ça ».

Par ailleurs, l'auteur soutient que le travail du civiliste « est une forme de bricolage pour pallier le manque de ressources institutionnelles.

Egalement, Sanchez-Mazas et al mentionnent l'existence de « l'éducateur-migrant » qui joue le rôle du grand-frère sur le chemin de l'école. Il accompagne, joue et veille à la sécurité des mineurs. Il est par la même occasion, l'interlocuteur entre l'école et la famille. Aussi, existe-t-il les « tuteurs associatifs » qui apportent un soutien extrascolaire aux enfants migrants et à leurs familles. Par ailleurs, ils facilitent l'intégration sociale des enfants en mettant en exergue, dans leurs activités,

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les codes culturels et scolaires du pays d'accueil. Cela sous-entend que le tuteur associatif soit imprégné de la culture du pays d'origine de l'enfant migrant.

Ces différents auteurs susmentionnés se sont plus appesantis sur la prise en charge scolaire des enfants ayant le statut de réfugié. Dans cette prise en charge, différentes offres éducatives se conjuguent au bénéfice des demandeurs d'asile. Par ailleurs, la prise en charge scolaire des enfants et adolescents réfugiés ressemble toujours à un système de bricolage afin de répondre à un besoin urgent. La réalité de la gestion de l'éducation en situation de crise au Burkina et particulièrement dans la commune de Titao ne saurait déroger à cette logique de multitude d'offres éducatives et de bricolage. Toutefois, on pourrait souligner le changement de contexte. En effet, la grande majorité des personnes déplacées sont internes et viennent des communes voisines (Banh, Sollé et Ouindigui) ou de provinces voisines comme le Soum. Le rapprochement des communautés résidentes et déplacées serait un atout en terme d'intégration car elles partageaient déjà certaines réalités socioculturelles. Par ailleurs, à la faveur du redéploiement6 du personnel de l'éducation des zones d'insécurité, les besoins en enseignants et personnel administratif pourraient être satisfaits et constituerait un atout pour la prise en charge des élèves déplacés.

Ces études présentent donc beaucoup d'intérêt pour notre recherche. Elles invitent à une synergie d'actions dans cette gestion de l'éducation en situation de crise. C'est justement dans l'optique d'appréhender cette synergie d'actions que notre étude cherche à découvrir et analyser les efforts des acteurs locaux dans la prise en charge des élèves déplacés dans la commune de Titao.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius