II.3.2) Impact des conflits sur l'éducation
L'article 28 de la convention relative aux droits de l'enfant
consacre le droit à l'éducation. MACHEL (1996), dans son rapport
intitulé « Impacts des conflits armés sur les enfants
», donne quelques arguments qui légitiment la considération
du droit à l'éducation comme un droit fondamental. L'auteure
estime que l'éducation structure la vie des enfants et peut inculquer
des valeurs communautaires ; promouvoir la justice et le respect des droits de
l'homme et favoriser la paix ; la stabilité et l'indépendance.
Cependant, en période de conflit, beaucoup de risques pèsent sur
l'éducation. L'auteure dépeint donc dans son rapport, l'impact
des conflits sur les systèmes éducatifs.
Machel soutient qu'en période de conflit, les
écoles constituent une cible privilégiée pour certains
combattants. «Dans les régions rurales, l'école est
souvent le seul bâtiment permanent de quelque importance, et c'est
souvent elle qui est bombardée, fermée ou pillée la
première ». Aussi, le personnel enseignant, souvent
considéré à tort comme représentant de
l'administration centrale, est souvent pris pour cible. Ces perturbations ont
un coup sur la qualité de l'éducation. En effet, les enfants ne
sont plus à mesure de suivre un cursus scolaire normal du fait de
l'intermittence de l'offre éducative, de l'incapacité des
élèves de disposer de fournitures scolaires mais aussi et surtout
de l'installation d'un climat d'inquiétude qui ne favorise pas les
apprentissages. Par ailleurs, l'enfant, en plus d'être victime d'une
privation de bonne éducation, est exposé à un certain
nombre de dangers sociaux. Ils sont notamment recrutés comme soldats
avec toutes les déviances sociales que cela implique. Les filles, en
particulier, sont généralement sujettes à des violences
sexuelles. Par ailleurs, l'auteure affirme qu'en période de conflit, le
financement du secteur de l'éducation rencontre d'énormes
difficultés. En effet, le poids de l'investissement militaire
associé à une santé économique fragilisée
des Etats en conflit ne favorise pas l'investissement dans les domaines
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sociaux comme l'éducation. Cet argument est soutenu par
PILAR ET GONZALO (1999) qui estiment que
Bien que les organisations d'aide humanitaire ne cessent
d'accroître leurs efforts et les budgets en faveur des
nécessités de base, l'éducation fait rarement partie des
priorités et subit en général la première des
restrictions budgétaires en temps de crise.
Dans sa brochure intitulée « Faire de
l'éducation en situation d'urgence une priorité au Burkina Faso
», Save the Children (2019) vient corroborer les propos de Machel sur les
effets néfastes des crises sécuritaires sur les systèmes
éducatifs. En effet, selon cette ONG3, au Burkina Faso,
l'éducation est devenue la principale cible des attaques armées,
après les forces armées de défense et de
sécurité. Cela a conduit à la destruction
d'établissements, de matériels scolaires et la fuite des
enseignants. Ainsi, en février 2019, la seule région du sahel
enregistrait plus de 550 écoles du primaire et du secondaire
fermées. L'étude fait également état d'une
insuffisance d'infrastructures d'accueil de la population scolaire
déplacée, du manque de personnel qualifié pour une prise
en charge adéquate des élèves déplacés.
Si l'école est considérée comme une
victime en période de crise sécuritaire, il convient de noter que
certains auteurs trouvent en lui le germe déclencheur de certaines
crises. En effet, LANOUE (2007) appréhende l'impact des conflits sur
l'éducation comme une riposte à une injustice longtemps
cultivée par l'institution scolaire. Pour lui, les systèmes
éducatifs hérités du système colonial, très
élitiste, ne favorisent pas l'ascension sociale des couches
défavorisées. Ainsi, le ciblage des édifices scolaires
serait une façon de rendre justice. « En Côte d'Ivoire, au
plus fort de le crise de novembre 2004, les jeunes patriotes, miliciens
pro-gouvernementaux ont pillé et incendié, à Abidjan et en
d'autres villes du sud, des lycées et des écoles
françaises ».
Les études réalisées par ces trois
auteurs mettent en exergue les défis auxquels font face les
autorités éducatives et les acteurs locaux pour assurer la
continuité de l'offre éducative en période de conflits
armés. Ils nous interpellent implicitement sur le devoir de chacun pour
relever ces défis. Ces défis sont d'une part la
réhabilitation des infrastructures éducatives, la
sécurisation des domaines scolaires, l'acquisition de nouveaux
matériels, la gestion du personnel enseignant et administratif et
d'autre part l'encadrement des élèves. La présente
recherche s'inscrit dans une
3 Organisation Non Gouvernementale
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perspective de description et d'analyse des pratiques en
matière de gestion de l'éducation en situation de crise. Mais une
telle étude ne peut se mener sans au préalable s'imprégner
de ces dégâts causés par la crise sécuritaire et ce
que cela implique comme nouveaux besoins pour le personnel éducatif et
les apprenants, d'où l'intérêt pour nous d'évoquer
l'impact des crises sur l'éducation.
Faces aux multiples difficultés rencontrées par
les Etats pour assurer l'offre éducative en situation de crise, diverses
initiatives se développent par différents acteurs et partenaires
pour accompagner ces Etats dans le souci d'assurer la continuité de
l'offre éducative dans les zones de conflit ou à la
périphérie de ces zones.
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