II.3.4) La planification de l'éducation en situation
de crise
SINCLAIR (2003) dans son ouvrage « Planifier
l'éducation en situation d'urgence et de reconstruction »,
commandité par l'Institut Internationale de Planification de
l'éducation (IIPE), s'intéresse à l'éducation des
populations victimes de crise ou de catastrophe naturelle. Elle appelle toutes
les organisations engagées dans l'aide à ces populations à
faire de leur accès à l'éducation une priorité. Par
ailleurs Sinclair propose, aux organismes et aux planificateurs de
l'éducation, des orientations pour la planification de
l'éducation dans de telles circonstances. En effet, l'auteure
décline les principes de l'éducation en situation de crise qui
par définition ne diffère pas des
6 En 2019 et 2020, le MENAPLN a procédé
à la réaffectation de son personnel issu des
établissements scolaires fermés
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principes d'éducation en situation normale. Cependant,
en situation de crise, « ils revêtent une importance
particulière » qui est « d'ordre procédurale
». En effet, les organismes humanitaires qui se chargent de soutenir
l'éducation en situation de crise sont financés par divers
bailleurs de fonds. Il importe donc que les fonds alloués soient
utilisés de façon rationnelle afin de mériter la confiance
des bailleurs. Aussi, est-il essentiel de prendre en compte, dans les
programmes, les besoins spécifiques des populations victimes de la
situation de crise. Cela nécessite, sans condition, l'implication des
acteurs endogènes dans l'élaboration des plans d'actions. Par
ailleurs, elle précise que les planificateurs de l'éducation en
situation de crise sont toujours confrontés à des contraintes de
temps. L'urgence ici commande des actions ponctuelles et bien mesurées.
D'ailleurs, la planification à court terme constitue une des
conditionnalités des bailleurs de fonds (SINCLAIR, 2003).
Les principes de l'éducation en situation de crise dont
parle Sinclair sont notamment l'accès à l'éducation, les
ressources, les activités et programmes scolaires, la coordination et le
renforcement des capacités.
? De l'accès à l'éducation en
situation de crise
Favoriser l'accès à l'éducation en
période de crise revêt une importance capitale. En effet,
au-delà de faire de l'enfant ce que la société exige de
lui demain (DURKHEIM, 1922), l'éducation en situation de crise est un
cadre de protection de l'enfant et peut contribuer au retour de la paix. Aussi,
constitue-t-elle une thérapie contre les conséquences
psychologiques subis par les populations déplacées. Elle pourrait
par ailleurs soulager les parents d'enfants déplacés lorsque
l'Etat, les partenaires sociaux et la population endogène en fait une
cause commune. Ainsi, l'accès à l'éducation en situation
de crise requiert des efforts supplémentaires quant au
déploiement des enseignants, au recrutement de volontaires et à
leur formation, à la disponibilité d'abris
sécurisés, de fournitures scolaires et de matériel
pédagogique. Par ailleurs, il est important d'avoir un regard
particulier sur les obstacles pouvant empêcher l'accès des enfants
aux structures éducatives.
? Les ressources humaines et les
activités
L'éducation de manière générale et
en particulier l'éducation en situation de crise ne saurait être
l'apanage de l'Etat et des organisations d'aide humanitaire seules. La
communauté endogène doit
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s'impliquer activement dans la gestion en vue de l'atteinte de
résultats probants. Cette approche est d'ailleurs encouragée par
les grandes institutions d'aide. En effet, Une bonne gestion scolaire
dépend, en grande partie, de la participation active et créative
des acteurs directs, de la collaboration et du travail en équipe, afin
de satisfaire les besoins des élèves (Déclaration de
Salamanque, 1994). Pour SINCLAIR (2003), la communauté locale pourrait
initier des clubs d'activités pour les jeunes, mettre en place une
formation sur l'organisation et le financement d'activités au profit des
jeunes, proposer des enseignants et autres acteurs volontaires au sein de la
communauté touchée par la crise. Il est par ailleurs important de
renforcer les capacités des acteurs déjà sur le terrain.
Cela se traduit par des formations continues du personnel d'éducation
sur la prise en charge efficace des enfants déplacés. Quant aux
activités pédagogiques et éducatives
bénéfiques en situation de crise, Sinclair mentionne les
activités récréatives, d'expression, d'éducation
à la résolution de conflits, d'éducation à la
tolérance, d'éducation à la citoyenneté etc.
Prenant appuis sur ces orientations susmentionnées, les
autorités éducatives burkinabè, dans le cadre de la
scolarisation des enfants déplacés pour cause
d'insécurité, ont élaboré la
Stratégie de Scolarisation des Elèves des Zones à forts
Défis Sécuritaires(SSEZDS) au Burkina Faso. L'un des
défis majeurs de la SSEZDS est le maintien et continuité de
l'éducation dans les zones touchées par la crise
sécuritaire. Il s'agit de veiller à :
? assurer la réouverture des écoles
fermées là où les conditions sont réunies pour
assurer la reprise des cours au plus vite avec l'appui des
communautés;
? mener des campagnes de sensibilisation pour le retour des
communautés, des enseignants et des élèves ayant
déserté les zones touchées en coordination avec les
services compétents;
? développer des approches éducatives
adaptées à la situation : évaluation diagnostique, cours
de remédiation ou adoption de programmes accélérés
pour le rattrapage de deux à trois années d'enseignement selon
les cas ;
? poursuivre les efforts de réduction de la proportion
d'enfants en dehors de l'école (out of school) à travers des
approches reconnues efficaces comme la SSAP (Stratégie de scolarisation
accélérée/Passerelle)
? les écoles franco-arabes rénovées, les
foyers coraniques modernisés;
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> renforcer les initiatives de prise en charge des enfants
en situation de handicap (ESH) et accélérer la scolarisation et
le maintien des filles qui constituaient déjà des cibles
défavorisées avant la crise;
> déployer des programmes d'appui psychosocial aux
personnes affectées avec une forte capacitation des enseignants à
mener des activités ludiques susceptibles d'aider les enfants à
évacuer le stress ;
> développer des initiatives de maintien du
personnel sur le terrain là où leur sécurité peut
être garantie avec l'appui des communautés à travers les
mesures de prévention et de préparation, l'utilisation de
personnel local;
> créer les conditions de regroupement des
élèves affectés pour la poursuite des apprentissages,
surtout ceux en classe d'examen dans les zones sûres ;
> introduire les Technologies de l'information et de la
communication pour l'enseignement (TICE) y compris le Programme d'Education par
la Radio (PER) en vue d'assurer la routine éducative dans les zones
à accessibilité réduite;
> organiser si besoin des examens spéciaux au profit
des enfants ayant perdu une partie de l'année et
bénéficiant d'un soutien en cours de rattrapage ;
> redéployer les enseignants dont les
établissements sont fermés pour la rescolarisation des
élèves déplacés ;
> mettre en place un dispositif de surveillance des
mouvements des enfants vers les zones sûres en vue d'assurer leur accueil
dans de bonnes conditions et leur rescolarisation : prise en charge sanitaire
et alimentaire des élèves déplacés;
amélioration de l'hygiène et l'assainissement de l'environnement
scolaire ;
> renforcer la résilience des écoles des
zones non touchées par des mesures de prévention et de
consolidation de la paix, de gestion des situations d'urgence et d'assistance
psychosociale.
La SSEZDS se présente comme une boussole pour les
acteurs de l'éducation en situation de crise au Burkina Faso. Son
intérêt pour nous dans cette présente recherche, c'est
d'une part, de s'imprégner, à travers elle, des
différentes orientations en matière de politiques
éducatives dans ce contexte d'éducation en situation de crise et
d'autre part, d'être à mesure de faire une analyse objective des
pratiques éducatives des acteurs locaux.
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