SECTION 3. EVALUATION CRITIQUE AUX PERSPECTIVES
Cette troisième section qui est la dernière du
troisième chapitre, esquisse une analyse approfondie et holistique sur
la tentative d'accorder la double nationalité aux diasporas et aux
congolais de souche ayant acquis officiellement la nationalité autre que
la nationalité congolaise. Quelques perspectives et pistes de solutions
assortis des recommandations était rigoureusement proposé pour
mettre fin à cette contradiction grandissante.
3.1. Analyse critique
Partant de la lecture de l'article 10 de la constitution de la
RDC du 18 février 2006 telle que modifiée par la Loi n°
11/002 du 20 janvier 2011, il découle que « la nationalité
congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue
concurremment
65
avec aucune autre. » Cette disposition est reprise
à l'article 1er de la loi n° 004/020 du 12 novembre 2004 relative
à la nationalité congolaise. Ce double principe
évoqué par la Constitution du 18 février 2006 avait
déjà été affirmé par le constituant de
Luluabourg le 1er août 1964, ainsi que par toutes les autres
constitutions ultérieures. Une de ses conséquences se trouve
à l'article 26 de la même loi qui dispose que toute personne qui
acquiert une nationalité étrangère perd la
nationalité congolaise.
Il en découle que l'acquisition de la
nationalité étrangère par un congolais et l'acquisition de
la nationalité congolaise par un étranger entraînent la
perte de la première nationalité, respectivement la
nationalité congolaise et la nationalité étrangère.
Ce qui signifie que, si l'on doit appliquer cette constitution à la
lettre, même les membres de la diaspora actuellement au gouvernement et
leurs enfants cachés à l'étranger ne sont plus des
congolais. Ils sont inconsciemment des sans-papiers et véritables
clandestins à Kinshasa. Malgré cette interdiction de cumul, il
peut arriver qu'un congolais possède deux ou plusieurs
nationalités pour des raisons indépendantes de sa volonté.
Dans cette ligné nous pouvons citer l'exemple de l'ancien Gouverneur du
Sankuru qui après avoir exercé plusieurs fonctions notamment :
député nationale, Commissaire Générale, Gouverneur
de Province de 2011 à 2018 sous l'identité politique de la CCU de
Lambert Mende s'est fait dénoncé par la Direction de son parti de
n'avoir abandonné sa nationalité Belge au moment où
celui-ci exerçait les hautes fonctions de commandement au pays.
Au regard des mutations que connaît ce monde actuel, il
est important de signaler que des cas semblables sur la double
nationalité sont en accroissement grandissant du fait de la circulation
des personnes et du mariage mixte. C'est ainsi que, la possession d'un statut
juridique dans le pays d'accueil et d'origine, par exemple : l'obtention de la
citoyenneté, permet une participation pleine et entière aux
affaires politiques et sociales du pays qui accorde un tel statut. Lorsque des
communautés transnationales peuvent détenir plus d'une
citoyenneté ou nationalité, cela peut optimiser leur
mobilité et les aider à jeter des ponts aux niveaux
économiques et autres.
Cette question est au coeur de l'actualité politique en
RDC et appelle plusieurs commentaires et constats. Tout d'abord il est
nécessaire de voir en la nationalité un lien d'allégeance
entre un citoyen et son Etat de rattachement. En raison de cette soumission,
l'individu prend ainsi, la qualité de sujet de droit car, il se trouve
en situation de sujétion vis-à-vis de lui. Comme un lien
juridique et politique entre l'individu et un Etat , lien qui justifiera la
soumission de cet individu à la compétence personnelle de son
Etat, la nationalité peut être analysée comme une sorte de
lien sacré entre l'homme et sa patrie .
66
Dans le cas d'espèce, il faut retenir que la
règle consacra l'unicité et l'exclusivité de la
nationalité congolaise est foulée au pied, au vu et au su de
tous. D'autres congolais comme nous venions de le démontré
ci-haut, ont en raison de leurs fonctions, détenu une double
nationalité malgré le principe de l'exclusivité de la
nationalité congolaise.
Ce débat refait surface, le principe qui reste encore
gravé dans la Constitution congolaise du 18 février 2006, semble
ne plus correspondre à la réalité de notre
société. Selon les termes de la Constitution et de la loi
relative à la nationalité congolaise, on ne peut la
détenir concurremment avec une autre. Certains congolais ont cependant
bénéficié jusqu'à aujourd'hui de
nationalités multiples en violation des prescrits de la loi.
Mais l'histoire récente de notre pays démontre
que ce principe n'est pas appliqué à tous les Congolais de la
même manière. Alors qu'aucun congolais ne peut détenir une
double nationalité, quelques-uns ont, jusqu'à ce jour,
bénéficié de ce privilège de façon
sélective. Je me demande aujourd'hui pourquoi n'arrêterions-nous
pas cette hypocrisie face à un fait socialement admis, en reconnaissant
à tous les congolais le droit de porter la nationalité congolaise
concurremment avec d'autres.
Si on ne dispose d'aucune preuve pour pointer directement X ou
Y du doigt, le cas de nos sportifs est cependant le plus éloquent avec
le concept « nationalité sportive ». Non seulement bon nombre
de nos Léopards « binationaux » possèdent des
passeports congolais en bonne et due forme, mais aussi sont gracieusement
traités aux frais de l'Etat alors qu'ils violent de manière
flagrante la loi sur la nationalité. Il est plus que temps de lever
l'équivoque sur la double nationalité car, cette unicité
de la nationalité congolaise nous handicape depuis bien des
années.
Au regard du phénomène de la mondialisation que
connaît notre époque, la libre circulation et l'augmentation des
flux migratoires font que la limitation de la double nationalité n'aie
plus sa raison d'être dans le contexte actuel. Le vieux principe selon
lequel il faut éviter la pluralité de nationalités doit
être revu à la lumière de la réalité
actuelle, qui est celle de la mondialisation croissante.
67
|