Jouissance des terres et garantiepar Jules NDEODEME Université de Yaoundé 2 - Master recherche en droit 2021 |
PREMIERE PARTIE : LA POSSIBILITE DECLAREE DE RECOURIR A LA JOUISSANCE DES TERRES COMME GARANTIEL'assiette des garanties peut être constituée par les divers biens qui forment le patrimoine44(*) de toute personne physique ou morale selon telle possibilité déclarée par le droit positif. Divers objets et biens se développent et se créent du fait de la fulgurante évolution scientifique et technologique depuis le XIXe siècle. Selon qu'ils sont meubles pour la plupart, les biens fruits des avancées technologiques et scientifiques entrent dans la catégorie des biens meubles déjà déterminés pour faire objet des garanties selon les modalités propres à ceux-là. Certains de ces biens meubles sont incorporels45(*), ces derniers ont fait émerger la garantie de nantissement. Tous les biens meubles comme immeubles, corporels comme incorporels confèrent en réalité deux principales prérogatives. L'une est celle de jouir du bien constituée de l'usus et du fructusou parfois de l'un des deux seulement et l'autre est celle de le disposer46(*), il s'agit de l'abusus. Pour les immeubles, le droit de jouir est ce qu'il convient d'appeler lajouissance des terres. Cette dernière s'analyse beaucoup plus comme une approche fonctionnelle que conceptuelle du mécanisme qui consiste à prendre possession des terres, de les utiliser pour des besoins d'habitation ou pour des besoins économiques comme le commerce, l'industrie, l'agriculture, l'artisanat,...et d'en percevoir les fruits. Certaines formes de jouissance des terres pourraient revêtir la nature d'un droit de créance parce que ladite jouissance neserait que la contrepartie d'une convention synallagmatique mise à la charge du propriétaire de l'immeuble ou de celui qui en assure la garde47(*). D'autres formes de jouissance par contre relèveraient de la nature des droits réels, la jouissance dans ce cadre confère quelques attributs du droit de propriété. La jouissance des terres sous ses deux formes, droit de créance comme droit réel, amène à poser la question de savoir si elle peut constituer une garantie au remboursement d'un crédit. Les garanties portent généralement sur les droits réels, ce qui exclut les droits personnels de l'assiette des garanties. Bien que les garanties portent sur les droits réels, il se pourrait que tous les droits réels ne puissent pas être admis pour ce faire. Les uns sont souvent soumis à condition et sont temporaires. Mais la temporalité ne constitue forcément pas un obstacle à la formation des garanties. Certains sont en effet inaliénables et donc insaisissables. Les biens ayant de tels caractères ne peuvent être utiles à un créancier puisqu'il ne pourra jamais les réaliser et se faire payer, c'est dire que l'objectif de la garantie ne pourra être atteint. Ainsi, la possibilité d'utiliser un droit réel de jouissance des terres comme garantie nécessite que les uns, aliénables, saisissables et procurant une utilité économique certaine, soient distingués des autres qui sont inaliénables et insaisissables, procurant une utilité économique certes mais sans intérêt pour un prêteur qui ne peut les réaliser et assurer le remboursement du crédit qu'il a consenti. Dans cette partie, il convient au préalable d'identifier les droits réels de jouissance des terres susceptibles de garantie (Chapitre 1). Ceci avec pour but d'entrevoir leurs caractéristiques et donc de déterminer la nature juridique de ladite garantie dont ils peuvent être l'assiette (Chapitre 2). * 44MALAURIE Ph. et AYNES L., Droit civil, Introduction au droit,op. cit, n°73 * 45 F. ZENATI, « Pour une rénovation de la théorie de la propriété », RTD Civ 1993, pp. 307 et s. ;R. M. RAMPELBERG, « Pérennité et évolution des resincorporales après le droit romain », Arch. Phil. Droit, t. 43, 1999. * 46 C'est ce qui ressort de la définition de la propriété contenue à l'article 544 du code civil applicable au Cameroun qui dispose ainsi : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. » * 47 C'est le fait d'appréhender le seul rapport entre le propriétaire et son cocontractant qui amène à telle considération. Le rapport de la personne à la chose est direct, il s'agit d'un droit réel. |
|