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L'image de la femme dans les jeux vidéo


par Valentine Petit
Kedge Business School - Master 2 - Communication / Marketing / Management  2022
  

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3.2.3 Le harcèlement et la toxicité dans les jeux vidéo sous couvert d'anonymat

Si un élément est connu pour freiner les femmes à se lancer dans le monde du jeu ou à se mettre en avant, c'est l'omniprésence de la toxicité et du sexisme. De manière générale, les joueurs sont très toxiques entre eux sur l'ensemble des plateformes aussi bien durant une partie que sur les plateformes de discussion tel que Discord. Cachés derrière un pseudonyme et sous couvert d'anonymat, les insultes fusent avec une facilité déconcertante et celles-ci sont très souvent de la même nature, à savoir sexuelle ou misogyne. Pour beaucoup, le simple fait de traiter quelqu'un de « fille » est une insulte ou tout du moins suffisamment rabaissant pour blesser la personne en face. Nous allons donc dans cette partie étudier de nombreuses situations pour voir en quoi ce genre de comportements peuvent être un frein à la présence de femmes dans les jeux vidéo et l'esport.

Tout d'abord, il est important de rappeler que les femmes constituent la moitié des joueurs. Pourtant, les jeux vidéo restent un milieu considéré comme exclusivement masculin pour une raison très simple : on ne voit pas les femmes, soit parce qu'elles se cachent, soit parce qu'elles préfèrent rester en retrait pour éviter tout problème.

De manière générale, les jeux constituent un environnement particulièrement toxique avec tout type de harcèlement. Par exemple, comme le souligne Omega Zell, le streameur Sardoche se fait souvent harceler en raison de ses propos très clivant et de son attitude. Un serveur Discord avait d'ailleurs été construit dans le seul but de le suivre à la trace dans ses compétitions et ses parties de jeu pour le pourrir et l'empêcher de monter. « Mais cela n'a rien à voir avec son sexe mais parce que son attitude appelle un peu à ce genre de pratique. Il y a des femmes se font harceler parce qu'elles sont des femmes ». Une telle attitude à l'égard d'un homme montre déjà le type d'environnement dans lequel nous évoluons.

Quand on se demande pourquoi il n'y a que peu de femmes qui jouent à des jeux vidéo, la réponse classique est qu'elles jouent moins bien. Mais ce genre de comportements et de réponses les empêche d'aller plus loin et de se perfectionner. Dès l'enfance, dans les rayons de jeux, les garçons sont dirigés vers les jeux vidéo et les filles vers les poupées. Et même au sein des jeux, il y a une catégorie « jeux pour filles » qui rassemble des jeux de cuisine, de rangement, d'organisation de la maison, de ménage... Les « vrais » jeux, à savoir les jeux très

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compétitifs ou violents, ne sont pas pensés ou désignés pour les femmes et font peu pour les attirer. Ces jeux sont pensés par des hommes, pour des hommes ou pour de jeunes garçons qui peuvent donc commencer à s'entrainer dessus très tôt. Lorsqu'une fille s'écarte des codes sociaux et commence à s'y intéresser, elle est souvent déjà en retard de plusieurs années et cela lui prendra donc plus de temps pour devenir meilleure. Par la suite, celle-ci va devoir faire face à des comportements tolérés en ligne et derrière un écran mais qui choqueraient tout le monde si une personne agissait de la sorte dans la vraie vie. Prenons l'exemple d'une partie de jeu où cela se passe mal, des insultes du type « grosse vache, sale pute, mange tes morts » vont facilement fuser de la part des joueurs et en particulier s'ils savent que l'une des personnes est une femme. Pour 78% des personnes interrogées lors de notre étude, les insultes sont le type de harcèlement le plus courant et celui auquel ils ont le plus assisté. Cela en devient presque une banalité. Dès lors, les insultes auront un caractère beaucoup plus sexiste du style « tu n'es qu'une femme, tu n'as pas ta place, t'as sucé pour en arriver là ». Ce sont des situations fréquentes dans le monde virtuel mais qui n'arriverait jamais dans un café ou en pleine rue parce que les gens seraient soumis à un jugement, à une sanction. Les agresseurs devraient utiliser un peu leur cerveau et c'est pas du tout le cas (Mme Dupont).

Par ailleurs pour venir appuyer cette idée que les femmes sont prétendument incapables de jouer au même niveau que les hommes, une histoire avait fait couler beaucoup d'encre il y a quelques années. Une joueuse professionnelle sur Overwatch était extrêmement douée et participait donc à des tournois et des matchs à haut niveau. Lorsque celle-ci a atteint un niveau exceptionnel, elle a été accusée de tricher et a été obligé de se filmer en train de jouer en montrant ses mains, son clavier, son environnement, pour montrer que c'était bien elle derrière l'écran. La même chose est arrivée à une joueuse professionnelle de Hearthstone qui a été accusée de faire jouer son copain sur son compte car celui-ci avait aussi un niveau élevé. « Donc apparemment dans le monde de l'esport une femme est incapable d'être douée sans l'aide d'un homme » (Louis Di Battista). Cette dernière phrase reflète malheureusement la réalité : si une femme atteint un haut niveau, elle est forcément accusée de triche et on la pense incapable d'avoir réalisée seule ces performances. Ce genre de récit n'encourage évidemment pas les femmes à poursuivre une carrière dans l'esport puisqu'il leur faudra prouver sans cesse qu'elles n'ont pas eu recours à la triche pour se hisser jusqu'ici. A contrario, à moins d'avoir des preuves solides en jeu qui démontrent de la potentielle triche, personne n'est jamais allé accuser un homme, encore moins en lui disant que sa femme ou sa copine jouait à sa place. Par ailleurs, pour 8% des personnes interrogées, le harcèlement est justifiable et pour certains d'entre eux se faire booster est une

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raison suffisante. Avéré ou non, cela n'a plus vraiment d'importance puisque sur le fond, une femme ne peut pas atteindre seule un haut niveau. Par conséquent celle-ci mérite d'office d'être visée par du harcèlement.

Cette toxicité s'illustre aussi sous la forme d'insultes ou de paroles au caractère plus direct. Lors de nos entretiens, Madame Dupont racontait que lorsqu'elle jouait sur Dofus à l'âge de 13 ans avec un personnage féminin, il arrivait souvent que de nombreuses personnes la suive et écrivent des choses inappropriées dans le chat. Le langage Role Play (RP) en jeu étant symbolisé par « ** », celle-ci raconte avoir eu le droit à « **te sodomise » écrit par un inconnu. Sans savoir ce que cela pouvait être elle s'est donc renseignée sur Internet et a été profondément choqué à un âge où elle ne savait pas « comment on fait les bébés ». Une autre histoire choquante est celle d'Ilunaree qui a vécu du harcèlement sexuel très jeune aussi, vers l'âge de 11 ans de la part d'un groupe de garçons avec qui elle jouait à Minecraft. Lors d'une pseudo interview pour intégrer le groupe dans le jeu ceux-ci, bien plus âgés, lui ont demandé si « elle avait déjà fait des trucs », de leur montrer à quoi elle ressemble, ou encore de « passer sous le bureau ». Très jeune à cette époque, celle-ci répondait sans vraiment comprendre la teneur de ces propos et n'a réalisé que plusieurs années plus tard de quoi il s'agissait.

Les insultes de ce style sont devenues plus une habitude qu'autre chose car personne ne réagit vraiment. Est-ce à cause d'un manque de régulation ? Selon moi oui très clairement. La même situation m'était arrivée il y a quelques années, du harcèlement en continu qui avait commencé sur un jeu puis sur des serveurs Discord sans pouvoir jamais réussir à endiguer cette masse puisque lorsqu'une personne commence celle-ci est en général suivie. Par conséquent, j'avais fait remonter cela à Discord grâce à des tickets ou des alertes mais cela n'avait rien changé, je n'avais pas eu d'autres réponses que celle de quitter le serveur pour ne pas avoir à lire ce qu'ils disaient sur moi.

En jeu également, les insultes sont devenues monnaie courante et le fait d'être une femme engendre très souvent des attaques sur le physique ou d'ordre sexuel. Pour 56,4% des personnes interrogées, les femmes subissent le plus de harcèlement et 80,6% considèrent que les hommes se positionnent en harceleur majoritaire. Le niveau de jeu n'entre plus du tout en considération à l'instant même où le sexe de la personne est dévoilé. Les captures d'écran ci-dessous ont été pris par moi-même au sein du jeu Black Desert Online. Pour remettre en contexte toutes ces conversations ont eu lieu pendant des guerres de guilde, c'est-à-dire des guerres opposant une

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ou plusieurs guildes où il est possible de tuer les membres de la guilde adverses sans perdre quoi que ce soit. À chaque fois, les membres opposés ont appris que je suis une femme et très rapidement les insultes se sont tournées sur le physique. D'autres sont allés plus loin dans leur harcèlement, jusqu'à retrouver mes informations personnelles pour les diffuser en jeu.

Figure 18: Screenshot d'un extrait de conversation sur Black Desert Online

S'il s'agit d'un homme, les insultes vont tourner soit autour du jeu et des capacités du joueur à réaliser telle action ou tuer telle personne soit autour du fait que celui-ci est gay, puisque cela, rappelons-le, est toujours une insulte pour beaucoup de monde et surtout un signe de faiblesse. Si par malheur les personnes à l'origine de ces insultes se font battre, c'est pour eux le plus grand déshonneur et cela mène donc à d'autres insultes toujours plus virulentes.

Figure 19: Screenshot d'un extrait de conversation sur Black Desert Online

« L'anonymat est devenu une arme » (Mr Smith). Derrière ces pseudonymes peuvent se cacher des hommes comme des femmes, jeunes ou âgés, personne ne le saura jamais. Sans régulation, sans action concrète, les choses ne changeront pas. J'ai fait de nombreux tickets pour dénoncer les propos sexistes et avilissants dont je pouvais être victime mais cela n'a jamais rien changé.

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Il aurait fallu de réelles menaces de mort, avec des adresses, des preuves, un scénario quasiment déjà mis en place pour que le support agisse... Les règles et les régulations mises en place ne protègent pas suffisamment les individus et encouragent au contraire les harceleurs à continuer leurs actions puisqu'ils savent qu'ils ne seront pas punis.

Parler de punition ou de sanction peut sembler essentiel, mais comment y arriver ? Il n'est pas si facile de contrôler des personnes inconnues derrière un écran. Peut-être faudrait-il exiger un contrôle de l'identité, masqué bien entendu pour les autres joueurs mais disponible pour un organisme spécialisé qui pourrait légiférer lors de ces conflits. Effectivement beaucoup appellerait cela du contrôle et observerait des réticences vis-à-vis de ce genre de fonctionnement. Mais il faut bien reconnaitre qu'essayer de raisonner les gens ne fonctionne plus depuis longtemps, malgré les tentatives de sensibilisation, on a toujours le sentiment d'avancer de quelques pas pour reculer par la suite. Un système similaire à la loi actuelle devrait être mis en place en fonction des délits, des insultes aux menaces de mort jusqu'au harcèlement pour au moins dissuader les gens d'agir de la sorte.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry