1.3.2 Le sexisme
En 2016, une étude réalisée par Allison
McDaniel montrait que dans les FPS, 75% des femmes subissent du
harcèlement lors de leurs parties au travers de remarques, insultes ou
comportements sexistes. De manière plus générale, 63% des
joueuses se sont déjà fait insultées en raison de leur
sexe. Par ailleurs, parmi les soixante-seize jeux présentés
à l'E3 (Electronic Entertainment Expo) entre 2015 et 2019, 7% d'entre
eux possèdent un personnage principal exclusivement féminin
tandis qu'on observe un taux de 32% pour les personnages masculins.
Au-delà du simple personnage comme objet sexuel dans
les jeux, c'est aussi tout ce qui est créé autour de ces
personnages qui prête au débat. Par exemple en 1993, pour faire la
publicité du jeu Davis World Cup,
c'est une femme en tenue très légère, montrant ses
fesses qui est affichée
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sur la publicité.
Figure 6: Publicité pour Davis Cup World Cup, sur
Megadrive en 1993
En 2001, un nouveau jeu fait son apparition : Beach
Spikers. Au sein de ce jeu, seules des avatars féminins sont
proposés. En théorie, cela peut faire croire à une
avancée considérable pour l'image des femmes. Mais à
nouveau les femmes sont à peine vêtues, avec des allusions
érotiques et sexuelles à n'en plus finir. Le paroxysme est
atteint avec Dead or Alive Xtreme Beach Volleyball en 2003 où
le concept est plutôt simple : habiller et photographier des femmes sous
n'importe quel angle et dans n'importe qu'elle position. Un autre exemple de
dérive est celle du jeu Disco Elysium dans lequel le personnage
principal est une fois de plus un homme blanc mais pour une fois celui-ci n'est
pas un héros doté de toutes les qualités, il s'agit ici
d'un alcoolique qui a oublié jusqu'à son nom. Lorsqu'au fur et
à mesure du jeu il découvre la démission d'une serveuse
à cause d'avances d'un barman, si on continue la conversation en
défendant la femme, cela permet alors de débloquer un bonus
ironiquement intitulé « Inexplicable agenda féministe
».
Une étude menée sur de vingt-deux publications
mettant en avant les femmes dans les jeux vidéo (Gestos, Smith-Merry et
Campbell, 2018) montre que l'objétisation de la femme au sein des jeux
entre en corrélation avec les attitudes sexistes ainsi que la culture du
viol (ce qui consiste à accepter et tolérer le viol, tout du
moins de le passer sous silence). Cela engendre de lourdes conséquences
sur la vie réelle modifiant le regard des hommes envers les femmes et
aboutissant à des attitudes malsaines et devenant presque naturelles
pour eux. Un comportement
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sexiste visionné de manière
répétée dans un jeu vidéo peut conduire à le
reproduire dans la vie réelle (Fox et Potocki, 2016).
Par ailleurs, l'industrie du jeu vidéo a joué un
rôle dans ce sexisme avec l'apparition des « jeux pour filles »
avec des sessions de jeux courtes et occasionnelles souvent de cuisine,
d'aménagement ou de coiffure (Marion Coville). Ces jeux
stéréotypés apparaissent comme une continuité avec
les jouets pour enfants genrés comme les barbies ou les petites voitures
qui ont depuis des années été labellisées comme des
jeux pour garçons ou pour filles. De plus, en 2017, la
société Quantic Foundry a réalisé une étude
pour étudier la part d'hommes et de femmes pour chaque catégorie
de jeux vidéo. Les jeux de type Match 3, c'est-à-dire des jeux
comme Candy Crush, attirent des femmes à hauteur de 69%, de
même que pour des jeux de simulations agricoles ou de vie de famille. Ces
jeux sont appelés des jeux « casuals ». Et bien que
présentes jusqu'à 42% dans les autres types de jeux, elles ne
représentent plus la majorité.
Figure 7: Graphique de Quantic Foundry sur la
démographie au sein des jeux
Ayant pris pour habitude d'associer les femmes aux
tâches ménagères, celles-ci ont tout naturellement
été associées aux rôles de support dans beaucoup de
jeux, c'est-à-dire aux classes utilisées pour soigner et servir
de soutien à l'équipe. De la même manière, il est
impensable
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pour beaucoup qu'une femme puisse monter de niveau seule dans
un jeu, le postulat est qu'elle a eu besoin d'être accompagnée et
aidée. La plupart des femmes sont considérées comme des
« fausses joueuses », des joueuses qui sont seulement là pour
attirer l'attention et recevoir des faveurs.
Il faut toutefois noter des évolutions : le jeu
Horizon Zero Dawn a connu l'un des meilleurs lancements sur
Playstation et met en avant une héroïne peu sexualisée,
c'est une chasseuse agile et fluide, furtive et combative (Bohler, 2017). Le
jeu est apprécié pour l'histoire et la narration, pour les choix
qu'il nous permet de faire. Il est incarné par un symbole féminin
qui cherche son identité tout en aidant les autres quel que soit leur
statut. Elle est admirée pour ses capacités et est un
modèle inspirant auquel on peut s'identifier.
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