L'effectivité du droit des investissements direct étranger au Cameroun.par LoàƒÂ¯c MESSELA Université catholique d'Afrique Centrale - Master 2 en Contentieux et Arbitrage des Affaires 2018 |
B) Les mesures de lutte contre la corruptionLe Cameroun est arrivé à deux reprises en tête du classement des pays les plus corrompus au monde. Classement établi par l'ONG Transparency International253. C'est pourquoi, le gouvernement camerounais s'est trouvé dans l'obligation de se doter d'une politique efficace tant sur le plan préventif que répressif. A cet effet, l'Etat camerounais a créé des structures de lutte contre la corruption (1). Les juridictions jouent également un rôle dans la lutte contre la corruption (2). Toutefois, ces institutions se heurtent à certaines difficultés (3). 1) Les institutions de lutte contre la corruption L'Etat camerounais a créé un certain nombre d'institutions à cet effet. Il s'agit de la Commission Nationale de lutte contre la Corruption (CONAC)254, l'Agence Nationale d'Investigation Financière (ANIF)255, l'Agence de Régulation des Marchés publics (ARMP)256, 251 Cf. art 37 alinéa 3 de la constitution camerounaise de 1996 252 FALL (A.B), Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afrique, Afrilex n°3 de juin 2003, http://afrilex.u-bordeaux4.fr/le-juge-le-justiciable-et-les.html, 253 Il s'agit des classements de 1998 et 1999 254 Décret n°2006/088 du 11 mars 2006 portant création, organisation et fonctionnement de la commission nationale anti-corruption 255 Créée par le décret n°2005/187 du 31 mai 2005. Elle est au service du renseignement financier. 256 Décret n°2001/048 du 23 février 2001 portant création de l'Agence de Régulation des Marchés Publics. Modifié et complété par le décret n°2012/074 du 8 mars 2012 Page 96 ? La CONAC est un organisme public indépendant. Il est placé sous l'autorité de la présidence de la république et est chargé de lutter contre la corruption. Il a trois principales missions qui sont : le suivi et l'évaluation de l'application effective du plan gouvernemental de lutte contre la corruption ; le fait de centraliser et d'exploiter les dénonciations dont elle est saisie des pratiques, des faits ou actes de corruption ou infractions assimilées ; De mener toute étude ou investigation et de proposer toutes mesures de nature à prévenir la corruption ; de procéder au contrôle physique de l'exécution des projets, ainsi qu'à l'évaluation des conditions de passation des marchés publics ; Enfin, elle identifie les causes de la corruption et propose des mesures pour y faire face257. ? L'ANIF a pour principale mission de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Dans l'accomplissement de ses missions, elle transmet tous les renseignements financiers aux autorités judiciaires. Ceci afin de leur permettre d'établir l'origine des sommes litigieuses258. ? En ce qui concerne l'ARMP, ses missions sont contenues à l'article 3 du décret de n°2001/048 du 23 février 2001 portant création de l'Agence de Régulation des Marchés Publics. Elle est en outre chargée de réguler le système de passation des marchés publics et des conventions de délégation des services publics. Ces institutions, dans l'accomplissement de leurs tâches quotidiennes ne parviennent pas à mettre un terme ou même à freiner ce phénomène. Ceci est en partie dû au fait qu'elles ne prononcent pas de sanctions à l'encontre des acteurs de la corruption. La corruption et le détournement de deniers publics n'a donc pas réduit de leur fait. C'est pourquoi, le législateur camerounais a en 2011 créé une juridiction d'exception compétente matériellement pour connaître des infractions de détournements de deniers publics et des délits connexes. L'une des causes de la corruption est la réduction des salaires des fonctionnaires survenue en 1993, ainsi que la suppression de nombreux avantages sont autant de facteurs qui ont contribué à la paupérisation des fonctionnaires et par ricochet à l'expansion de la corruption. La corruption, déjà bien implémentée dans l'administration camerounaise, est devenue difficile de s'en défaire. Il résulte même de l'aveu du président Camerounais : « C'est la 257 DJEUKAM MBOUNDJEU (G), Les structures de lutte contre la corruption, https://www.camerlex.com/les- structures-de-lutte-contre-la-corruption-8775/, consulté le 21 novembre 2018 à 14 heures 02 258 Ibidem Page 97 corruption qui, pour une large part, compromet la réussite de nos efforts. C'est elle qui pervertit la morale publique. »259 2) Les limites : la persistance de la corruption dans l'environnement économique au Cameroun Malgré les multiples organismes de lutte contre ce fléau, on a du mal tout de même à percevoir un véritable recul de cette pratique. Le paiement des pots-de-vin pour obtenir des faveurs de l'administration notamment lors de l'adjudication des marchés publiques persiste. L'une des causes est le fait que les programmes de lutte contre la corruption sont des manoeuvres pour neutraliser l'opposition ou les ennemis politiques. Ou encore pour satisfaire les donneurs d'aide/bailleurs de fonds internationaux260. De plus, les opérations de lutte contre la corruption s'apparentent davantage à des chasses aux opposants politiques du régime. Les sympathisants du régime sont maintenus en fonction en dépits des manoeuvres de corruption à répétition dont ils sont coupables. Cet état de fait décourage les IDE. En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, un auteur affirme : « Aucun remède à la corruption ne peut être sérieusement envisagé alors que la pénurie des juges professionnels au demeurant mal payés est criarde, toujours au nom de l'ajustement structurel »261. Il est essentiel pour les gouvernants d'adopter une autre approche pour freiner ce fléau qui nuit à l'essor des IDE et à l'attractivité économique du Cameroun, cause des pertes en recettes fiscales à l'Etat, détruit le jeu de libre concurrence entre les acteurs économique (les investisseurs notamment). Pour y remédier, il serait nécessaire, de combattre le mal à la racine. Il s'agit d'identifier les causes réelles de la corruption au Cameroun. Le gouvernement pourrait par exemple faire bénéficier les juges de plus d'indépendance en les soustrayant à la tutelle ou au contrôle permanent du pouvoir judiciaire. Augmenter le salaire et les avantages sociaux des juges afin de réduire les penchants pour les pots-de-vin et tout autre forme d'avantages que pourrait lui accorder un justiciable. Toutes ces mesures demeurent infructueuses. Ceci dû au fait que de nombreux dirigeants sont corrompus et empêchent chaque initiative de prospérer. Les programmes entamés servent parfois comme prétexte pour se débarrasser d'adversaires politiques. 259 Communication spéciale de M. Paul Biya, Président de la République du Cameroun à l'occasion du Conseil Ministériel du 12 septembre 2007. 260 J.F MEDARD, op cit. p. 60 261 Préface du Pr GLELE AHANHANZO Maurice dans R. CHARVIN, L'investissement international et le droit au développement, Paris, L'Harmattan, 2002, p.16 Page 98 |
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