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La vacance de la présidence de la république en droit constitutionnel.


par Fred Mutombo Mubabinge
Université de Kinshasa - Licence en droit 2018
  

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§2. L'analyse dégagée de l'ensemble des mandats de quatre Présidents de la République Démocratique du Congo

Depuis son accession à la souveraineté nationale et internationale, la République Démocratique du Congo a connu quatre Présidents à sa tête. Il s'agit de Joseph KASA-VUBU, Joseph Désiré MOBUTU SESE SEKO KUKU NGBENDU WAZA BANGA, Mzée Laurent Désiré KABILA et Joseph KABILA KABANGE.

A cette étape de la discussion, la préoccupation majeure consiste à analyser les mandats de chaque Président qu'a connu la RDC jusque-là et de dire s'il n'y a pas eu vacance durant leurs gouvernances.

Ainsi donc, il est aisé de comprendre la question et de fournir une réponse. Est-ce que pendant la gouvernance de quatre Présidents précités, les faits constitutifs des conditions d'ouverture de la vacance à la présidence de la République étaient-ils produits ? Si oui, l'organe habilité à constater l'avait-il fait ? Avait-il saisi la Cour ou l'organe compétent tel que prévu ? Et celle-ci enfin, avait-elle déclaré la présidence vacante ?

A notre connaissance et au regard de l'étude menée à ce sujet, nullement une Cour ou tout autre organe compétent n'a pu prononcer la vacance de la présidence pendant les périodes indiquées.

Subsidiairement, à la production des faits pouvant constitués les conditions d'ouverture de la vacance à la présidence de la République, quelle suite avait-elle été réservée en lieu et place puisque n'étant pas déclarée vacante.

Ainsi donc, nous sillonnerons tour à tour les différentes gouvernances sous le règne des Présidents Joseph KASA-VUBU (1), Maréchal Joseph Désiré MOBUTU (2), Laurent Désiré KABILA (3) et Joseph KABILA (4).

1. De la présidence de Joseph KASA-VUBU

Premier Président de la République du Congo, Joseph KASA-VUBU est né au village de Kuma-Dizi près de Tshela dans le Mayombe en 1915 et décédé à Boma, le 24 mars 1969.Il appartenait au sous-groupe ethnique Yomba, qui fait partie de l'ethnie Kongo. Joseph KASA-VUBU était le huitième d'une famille de neuf enfants. Sa mère mourut lorsqu'il avait quatre ans. Son père vécut jusqu'en 193659(*).

Du point de vue politique, il est à noter que les élections de mai 1960 donnant la victoire aux partis nationalistes que Patrice Emery LUMUMBA rassemble autour du MNC. L'ABAKO, déjà exclue de l'administration de la ville de Léopoldville, est en position de minorité dans la province. Des principales positions de l'ABAKO et de son président deviennent modérées. Joseph KASA-VUBU, a la tête d'un cartel des modérés, parvient au dernier moment à se faire élire comme Chef de l'Etat par les deux Chambres réunies par cent cinquante-neuf voix sur deux cent seize60(*).

Son mandat fut marqué par deux événements politiques majeurs à savoir : la double révocation mutuelle d'avec son Premier ministre de l'époque Patrice Emery LUMUMBA et le second, c'est sa neutralisation par la jointe militaire conduite par le Colonel Joseph Désiré MOBUTU qui deviendra par la suite Président de la République.

a. La révocation mutuelle

En effet, le 5 septembre 1960, suite à un désaccord sur l'intervention militaire au Kasaï et l'appel à l'aide à l'Union Soviétique, Joseph KASA-VUBU révoqua son Premier ministre et chargea de ce fait Iléo, Président du Sénat, de former un nouveau gouvernement. Et à son tour, le Premier ministrePatrice Emery LUMUMBA, s'appuyant sur le Parlement, proclama la déchéance du Chef de l'Etat61(*).

A ce sujet, y avait-il vacance ? Ou tout au moins les éléments qui pouvaient la constituer ? En d'autres termes, la question revient à savoir si le Premier ministre était-il compétent au regard de ses prérogatives constitutionnelles de révoquer ou de faire échoir le Chef de l'Etat ?

Deux éléments fondent à infirmer l'inexistence d'une quelconque vacance à la présidence de la République :

- La première est déduite de la définition de vacance donnée à l'article 33 de la Loi fondamentale du 19 mai 1960. Il est organisé à cet article que la vacance n'est établie qu'en cas d'impossibilité du Chef de l'Etat d'assumer ses fonctions et qu'en pareille circonstance, elle doit premièrement être constatée par le délibéré du Conseil des ministres qui, à son tour, devrait par le biais du Premier ministre, convoquer les deux Chambres du Parlement pour y procéder.

Il s'avère que c'est une certitude que nullement le Chef de l'Etat ne s'est trouvé dans une situation d'incapacité ou d'impossibilité et qu'en plus de cela, le Conseil des ministres n'a jamais siégé ni constaté une quelconque incapacité dans son chef, et les deux Chambres du Parlement n'ont été ni convoquées par le Premier ministre et n'ont ni prononcé une telle décision.

- Le deuxième élément est que le Premier ministre, étant révoqué régulièrement par le Chef de l'Etat conformément aux dispositions de l'article 22 de la Loi fondamentale du 19 mai 1960, a agi par la suite sans qualité lorsqu'il a saisi le Parlement et par voie de conséquence, la forme prima sur le fond, toute entreprise ultérieure n'était plus régulière.

b. La neutralisation du Chef de l'Etat par le Colonel MOBUTU

Neuf jours après la double révocation entre le Chef de l'Etat et son Premier ministre, le Colonel Joseph Désiré MOBUTU procéda à la neutralisation de deux protagonistes ainsi que leurs deux gouvernements62(*)et mit en place un collège des Commissaires généraux qui obtint la confiance de Joseph KASA-VUBU par le biais de l'alliance qu'il conclut avec MOBUTU.

Et cet équilibre apparent persista jusqu'en 1965 au détriment des prérogatives constitutionnelles du Chef de l'Etat qui n'en sortit que très affaibli.

En octobre de la même année, pour ne sauver que ce qui en resté, il tente à se reprendre en révoquant le Premier ministre TSHOMBE et en désignant Evariste KIMBA comme formateur du gouvernement63(*). Ce dernier ne pouvant réunir une majorité parlementaire, ne parvient à atteindre sa mission. Le 24 novembre 1965, il est l'objet d'un coup d'état qui l'injecte définitivement du pouvoir.

Mais est-ce que l'injection du Président Joseph KASA-VUBU du pouvoir par le coup d'état peut-elle constituer une vacance à la présidence de la République ?

La réponse à cette question revient des effets d'un coup d'état sur les institutions politiques existantes. La vacance ne s'envisage que dans l'hypothèse où l'institution existe et est valablement soutenue par la Constitution et que seulement son animateur, le Président décède, démissionne ou se trouve empêché d'exercer ses attributions. Or, un coup d'état opère ce que la doctrine aime appeler la table rase (tabula rasa) et des institutions et des animateurs.

Et dans pareille hypothèse, plutôt que de parler de la vacance, on se trouve en plein vide à la fois institutionnel et juridique64(*).

2. De la présidence de Joseph Désiré MOBUTU

D'entrée de jeu, il faut signaler que cette présidence a vécu de 1965 à 1997, soit trente-deux ans. Autre remarque utile concernant la vacance pendant cette période, c'est que l'on doit perdre de vue que la loi est une chose et la personne de l'individu chargé à l'exécuter en est une autre. Donc, il ne suffit non seulement de prévoir des dispositions, mais faudra-t-il encore avoir la volonté de les appliquer.

Ceci vaut la peine d'être signalé parce que le mimétisme législatif africain, notamment congolais, pousse parfois certains régimes, juste pour des besoins cosmétiques d'orner leurs législations des bonnes dispositions lorgnées chez d'autres, mais dont ils ne se savent pas capables d'appliquer chaque fois que les cas se posent.

A ce point, l'on pose la question de savoir : Est-ce pendant cette longue période de gouvernance de Mobutu, n'y a-t-ilpas eu vacance à la présidence de la République ?

Le mérite d'un pouvoir dictatorial c'est de vouloir par tous les moyens et même illégaux à éliminer toute menace légitime ou illégitime soit-elle, à sa pérennité. Dans cette assertion, il n'est pas techniquement imaginable que le pouvoir soit disposé à prévenir certaines hypothèses. C'est ainsi que certains cas, notamment ceux des maladies et autres empêchements des Présidents de la République sont cachés. Les exemples les plus patents restent ceux de l'ex-président Français Georges POMPIDOU atteint du cancer et du Président Algérien Abdelaziz BOUTEFLIKAatteint de la maladie d'Alzheimer, qui, était et est maintenu au pouvoir au mépris de leurs Constitutions.

Il est à noter que pendant cette longue période de gouvernance de Joseph Désiré MOBUTU, toutes les Constitutions telles que démontrées ci-haut, organisaient toujours la vacance à la présidence de la République pour des causes qu'elles prévoyaient elles-mêmes tenant lieu au décès, démission, etc. mais l'unique cas dont les faits sont tombés sous le coup de la vacance, c'est fut la décision de « Prendre congé du Mouvement Populaire de la Révolution », MPR en sigle, prise par le Président Joseph Désiré MOBUTU à l'occasion de son discours historique du 24 avril 1990.

Pour la petite histoire, il est à retenir alors que dans la Constitution du 24 juin 1967, en son article 4 alinéa 2, il était prévu expressément la création de deux partis politiques dans le pays65(*), ces dispositions constitutionnelles se trouveront dépassées par la réalité des faits.

En effet, après la création du Mouvement Populaire de la Révolution (M.P.R.), le 20 mai 1967, toutes les autres tentatives de création d'un deuxième parti politique furent fortement découragées par le nouveau régime. Le premier congrès ordinaire du M.P.R. ayant constaté les faits, trouva inutile et dangereux la création d'un autre parti politique, et demanda l'institutionnalisation du Mouvement Populaire de la Révolution66(*). Cette proposition du congrès du parti, tel qu'affirme NSUMBU KABAMBA Georges, sera concrétisée par la Loi n° 70-001 du 23 décembre 1970, portant réforme de la Constitution de 1967, en consacrant le Mouvement Populaire de la Révolution comme Parti unique et institution suprême de l'Etat (Parti-Etat)67(*).

Désormais, toutes les institutions de l'Etat sont subordonnées et soumises au contrôle du Parti unique. Toutes les structures du Mouvement Populaire de la Révolution sont parallèles avec les structures de l'Etat, et de la province, tant sur le plan politique et administratif.

Le Mouvement Populaire de la Révolution, érigé en Parti-Etat, fait en sorte que certaines dispositions constitutionnelles furent retouchées en 1983. C'est le cas de l'article 36 de la Constitution du 01 Janvier 1983 qui disposait que « Le Président du Mouvement Populaire de la Révolution est de droit Président de la République »68(*). Et la conséquence logique qui découlait de cette décision de prendre congé du Mouvement Populaire de la Révolutionétait double : politique d'une part, et juridique de l'autre.

a. Conséquence politique

Le contexte politique a prévalu à l'époque, cette décision était marquée au niveau international par le rabattement des cartes géopolitique et géostratégique, conditionné par la chute du mur de Berlin ou par la fin de la guerre froide (le 9 novembre 1989). Et au niveau régional et national, ce bouleversement international avait entraîné le retrait de soutien aux dictateurs servant non seulement de postes avancés des grandes puissances dans leur quête d'occupation stratégique de la planète, mais également une grande poussée démocratique qui avait contraint le Maréchal MOBUTU à l'issu des consultations nationales qu'il avait conduites dans toutes les provinces du pays à libéraliser l'espace politique notamment par l'instauration du multipartisme.

D'aucun s'interroge sur les motivations politiques de cette décision. Pourquoi ne s'était-il pas simplement limité à libéraliser l'espace politique et à garder son poste de présidence au sein du Mouvement Populaire de la Révolution ?

Pour des raisons évidentes, le maréchal MOBUTU s'était trouvé devant un dilemme politico-juridique. En effet, en instaurant le multipartisme à deux ou à plusieurs partis politiques, il enlevait au Mouvement Populaire de la Révolutionson statut de Parti-Etat. Ainsi donc, le changement de statut de son parti entraînait ipso facto celui du Président de la république du Zaïre qu'il était. Ainsi le parti-Etat devenait un fait privé.

L'idéal aurait été de réviser le fameux article 36 pour opérer en amont la séparation du président de la République d'avec celui du parti auquel cas sa décision n'aurait pas eu de conséquences sur sa présidence de la République.

b. Conséquence juridique

Dans le même ordre d'idées que précédemment, il est plausible de conclure que la nature consubstantielle et constitutionnelle de la présidence du MPR égale la présidence de la République du Zaïre au regard de l'article 36 de la Constitution de 1983. Et ceci constituait une cause valable énumérée parmi les conditions d'ouverture de la vacance conformément à l'alinéa 2 de l'article 40 de la Constitution en vigueur à cette époque.

La question reste de savoir quelle a été la suite constitutionnelle réservée à cette décision. En d'autres termes, la procédure qui consiste pour le Comité central de constater et de prononcer la destitution avait-elle été enclenchée et le Président avait-il cessé de diriger ? L'intérim était-il organisé ? Et l'élection de son successeur aux termes de l'alinéa 5 de l'article 4 de la même Constitution ? Ce sont toutes ces questions qui éveillent notre curiosité à ce stade des débats.

Sans vouloir refaire l'histoire, il convient de signaler le s'était produit en lieu et place. La classe politique avait convoqué la Conférence Nationale Souveraine (CNS) sensée réconcilier les zaïrois et jeter les jalons d'une République moderne et démocratique. Et dans la suite de ladite conférence, une transition a été convenue à l'issu du conclave politique national, tenu à Kinshasa au Palais de la Nation le 09 Mars 1993, dans lequel le Maréchal MOBUTU conserva sa qualité de Président de la République du Zaïre et l'opposition politique devrait désigner le Premier ministre.

Le désaccord sur ce point avait conduit au dédoublement institutionnel, à une crise politique qui a perduré tout le long de la longue période de 7 ans de transition qui n'a prise fin qu'avec le renversement du régime Mobutu le 17 mai 1997 par l'Alliance des forces démocratiques pour la Libération du Congo, AFDL en sigle, à sa tête Laurent Désiré KABILA qui deviendra par la suite président de la république.

Bref, bien que les faits constitutionnellement établis, mais la vacance n'a jamais été prononcée pendant le règne du Maréchal MOBUTU.

3. De la présidence de Laurent Désiré KABILA

Le 16 mai 1997, après l'échec des négociations de l'Utenika de 1996 en République Sud-Africaine, entre MOBUTU et Laurent KABILA, sous les auspices du Président Nelson MANDELA, l'avancée des troupes de la rébellion Afdlienne avait eu raison du Maréchal et Président de la République du Zaïre, Joseph Désiré MOBUTU, sonnant ainsi l'éclat69(*) de la deuxième République.

Le 17 mai de la même année, lesdites troupes prirent effectivement possession de la capitale.

Etant donné qu'il s'agit d'une rébellion, le nouveau régime avait procédé à la réorganisation du pouvoir notamment par l'édiction du Décret-loi constitutionnel n°003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en République Démocratique du Congo.

Le 16 Janvier 2001, soit trois années et demi, après sa prise de pouvoir, pour la première fois dans l'histoire politique de la République Démocratique du Congo, le Président de la République venait d'être violemment assassiné, criblé des balles dans son palais.

Dans cette hypothèse la question reste de savoir si cette situation telle qu'indiquée précédemment pouvait-elle constituer un fait valant au déclenchement de la procédure de l'ouverture de la vacance ?

Les faits précèdent le droit, dit-on. Cependant, pour qu'un fait soit pris en compte en droit, il faut préalablement qu'il soit prévu et organisé dans la loi. C'est ce qui peut se déduire par extension au Droit pénal du principe sacro-saint « Nullumcrimen, nullapoena sine lege ». Ainsi donc, nonobstant le décès du Président de la République Laurent Désiré KABILA, fait communément prévu parmi les éléments constitutifs de la vacance de la présidence de la République, il a fallu préalablement que la Constitution, mieux le Décret-loi constitutionnel en vigueur, l'ait prévu comme tel au moment de la réalisation des faits et organisé toutes les conséquences de droit et de la procédure à suivre.

Malheureusement, la lecture complète des quinze (15) articles que comporte ledit Décret-loi constitutionnel, révèle que nulle part il n'a été envisagée ni organisée la vacance de la présidence de la République.

Peut-être que le libellé de l'article 1er dudit Décret-loi constitutionnel sous examen pouvait en être la cause. Cet article dispose ce qui suit : « Jusqu'à l'adoption de la Constitution de la transition par l'Assemblée constituante de la transition, l'organisation et l'exercice du pouvoir sont régis par le présent décret-loi constitutionnel »70(*) .

Il sied de constater que l'esprit de cet article prouve à suffisance que ce Décret-loi constitutionnel était pris provisoirement en attendant l'adoption de la Constitution de la transition comme indiqué précédemment. Et ceci d'une part, pour palier au vide juridique et institutionnel provoqué par la table rase du fait de la rébellion, et d'autre part, pour donner néanmoins un soubassement légal au pouvoir de fait nouvellement installé.

Bref, il y a eu un silence constitutionnel à ce sujet. Par conséquent, on ne pouvait parler de vacance à la présidence à l'absence de la prévision constitutionnelle.

4. De la présidence de Joseph KABILA

D'entrée de jeu, il sied de retenir que le Président Joseph KABILA est l'unique président de la République démocratiquement élu depuis l'accession de notre pays à la souveraineté nationale et internationale. Elu pour la première fois en 2006 avant d'être réélu en 2011, le Président Joseph KABILA a vu son second et dernier mandat prendre fin depuis le 20 Décembre 2016.

Il est à constater que peu avant la date fatidique du 20 Décembre 2016, date à laquelle a pris fin le second et dernier mandat de l'actuel Président, beaucoup d'encres et des salives ont coulé en rapport avec la prédiction de ce qui devait advenir à la tête de l'exécutif congolais. Il s'était dégagées deux tendances qui considéraient le terme du mandat constitutionnel du Président de la République comme constitutif d'une cause ou non de vacance de la présidence.

Pour les uns, étant fin mandat et n'ayant pas organisé sa succession, il devrait s'ouvrir la vacance à la présidence de la République et assimilant ainsi cette fin de mandat à l'empêchement définitif (a), pour les autres, ce terme de mandat ne pas constitutif d'un quelconque empêchement, par conséquent il n'y a pas vacance et que l'alinéa 2 de l'article 70 a résolu la question (b).

a. Thèse avancée par les anti-vacances

Il faut noter que l'hypothèse avancée par les tenants de la vacance de la présidence n'épouse pas la thèse négationniste de la vacance de la présidence de la République.

Les négationnistes pensent que le constituant de 2006 en adjoignant l'alinéa 2 à l'article 70 de la Constitution qui consacre la durée du mandat du Président de la République, avait voulu prévenir tout risque du vide institutionnel à un poste aussi important que celui de Président de la République ; et par conséquent, consacré par lui, le principe de la continuité de l'Etat. Parmi les grands défenseurs de cette thèse figure monsieur Bob KABAMBA71(*), politologue et constitutionnaliste de son état, ayant siégé en qualité d'expert à l'élaboration de ladite Constitution renvoie pour sa part à la synthèse des débats généraux d'avril 2005 sur l'avant-projet de l'actuelle Constitution dont s'est également servie la Cour Constitutionnelle dans son arrêt R.Const. 262 du 11 Mai 2016 et confirme que l'alinéa 2 de l'article 70 de la Constitution a été ajouté afin d'éviter le vide constitutionnel. D'où, la motivation essentielle de cet ajout, réaffirme-t-il, était la crainte d'un vide institutionnel à un ci-haut degré de responsabilité de l'Etat surtout pour un pays qui sortait fraîchement d'un conflit armé. Bref, le mérite de cet alinéa, c'était de garantir la continuité de l'Etat.

Un autre argument déduit de la lecture de l'article 76 se fonde sur la nature juridique de la vacance. Etant donné qu'il s'agit d'une décision de la Cour Constitutionnelle saisie par le Gouvernement de la République, donc, aussi longtemps que la procédure prévue n'a été enclenchée, la vacance ne pouvait se décréter, d'où elle devait plutôt se déclarer conformément audit article.

Sur ce même aspect, lors d'une émission télévisée, le professeur Auguste MAMPUYA invita le monde scientifique à la rigueur de la lecture des dispositions constitutionnelles et de se prévenir de (ce qu'il a appelé) « la constitutionnalite » qui s'est emparée des congolais. Pour lui, la notion de vacance est clairement définie à l'article 75 de la Constitution pour cause de décès, de démission ou toute autre cause d'empêchement définitif intervenu en cours du mandat du Président de la République. De ce fait, le terme du mandat n'étant pas énuméré parmi les causes sus évoquées, et ne s'étant pas produit dans le cours du mandat, ne pouvait être assimilé à un cas d'empêchement définitif ni donner lieu à une quelconque vacance.

D'où, cette formule de la prudence légistique, s'alignant dans l'énumération où l'on ne trouve que le décès hormis la démission, évoque l'idée de similarité entre le décès qui est une cause personnelle et absolue, et certaines autres causes n'emportant pas la mort du Président de la République mais, néanmoins, affectant certains de ses aspects physiques et mentaux de nature à amoindrir ses capacités physiques au point de le rendre inapte à exercer personnellement et valablement ses fonctions (indisponibilité physique définitive). Position soutenue par Auguste MAMPUYA, Dieudonné KALUBA et Noël BOTAKILE72(*).

Ainsi donc, le terme de mandat n'étant ni la démission ni le décès ni l'empêchement de nature physique du Président et n'apparaissant pas parmi les conditions évoquées à l'article sous examen (art. 75), il ne pouvait être assimilé aux cas donnant lieu à l'ouverture de la vacance de la présidence de la République, parce qu'il est par contre un élément d'ordre légal et non personnel vis-à-vis du Président de la République.

Un autre élément sur lequel se fonde les anti-vacances de la présidence de la République au regard de l'article 70 est le moment d'intervention des causes donnant lieu à la vacance de la présidence de la République.

D'après l'article 75 les causes donnant lieu à la vacance de la présidence de la République doivent être de nature à l'empêcher définitivement ;ce qui signifie selon AVRIL et GICQUEL, un obstacle ne permettant pas au titulaire d'une fonction publique d'exercer normalement ses fonctions73(*).

Il sied de tirer deux conséquences essentielles de la définition constitutionnelle. La première, c'est que l'auteur sujette à l'empêchement doit préalablement être détenteur d'un mandat ayant cours légal. La seconde, c'est que l'obstacle d'empêchement vienne interrompre l'exercice normal de celui-ci. C'est cela même la portée de l'institution de la vacance74(*). C'est notamment le cas d'un Président élu pour un mandat de cinq (5) ans comme organisé dans la Constitution sous examen et qui démissionne, soit décède ou se trouve physiquement ou mentalement atteint au point de ne plus être à même d'en exercer normalement.

Mais il s'avère que comme le mot l'indique le « terme du mandat intervient à l'expiration de mandat ». Et donc, n'interrompt pas le mandat courant mais, plutôt permet la possibilité d'en inaugurer un nouveau.

Le problème posé par ces deux concepts (vacance et terme de mandat) étant diamétralement opposé, ils ne peuvent non plus donner lieu à la même solution.

Ainsi donc, pour la première hypothèse, on ouvre la vacance pour suppléer75(*) l'empêché étant donné que sa cause est constitutionnellement prévue mais, pour une réalisation aléatoire tandis que pour la seconde, hypothèse l'événement étant organisé et est prévisible, par conséquent, la solution constitutionnelle c'est l'organisation de l'élection pour succéder au sortant.

Par ailleurs, concernant la notion de la continuité de l'Etat comme justification du « reste au pouvoir », le professeur VUNDUAWE te PEMAKO écrit que ce principe doit être entendu dans le sens de la non interruption des services publics que doit recevoir le peuple de ses institutions et nullement en cas changement de régime ou bien encore en cas de changement des dirigeants politiques.76(*)

b. Thèse avancée par les tenants de la vacance de la présidence de la République

Il est scientifiquement honnête de reconnaitre que, sans pour autant conclure à la vacance de la présidence de la République, le montage constitutionnel quant au terme de mandat et à la succession du Président sortant ne manque pas de soulever beaucoup d'interrogation quant à sa validité.

De bonne foi, et en vue de remédier à tout risque de blocage à l'occasion de la succession à ce poste, le constituant avait anticipé cette éventualité en prévoyant la convocation de l'électorat aux urnes pour le choix de son successeur quatre-vingt-dix (90) jours avant ledit terme77(*). Donc, il avait ainsi prévu que l'on ait vidé tous les aléas électoraux de la présidentielle dans ledit délai, qui couvre la période nécessaire y relative. Le besoin était qu'à cette échéance, l'on soit en présence de deux Présidents de la République, le sortant qui est fin mandat d'une part, et le successeur déjà élu dont l'installation devrait intervenir dix (10) jours78(*) au maximum après le terme de mandat de son prédécesseur, d'autre part.

Dans les meilleurs de monde, cette construction tient la route et l'on ne devrait pas avoir des problèmes, tout allait se dérouler comme sur des roulettes. Hélas, pour un pays déchiré par des récurrentes crises de légitimité institutionnelle notamment pour la présidence de la République, qui venait de sortir d'une longue guerre de plus de deux décennies et dont les belligérants devenus respectivement Président, Gouvernement, animateur des institutions, lesquels belligérants devaient en même temps organiser les élections desdites institutions, il semble naïf ou d'un enthousiasme excessif que de n'avoir pas suffisamment encadré ces opérations par des mécanismes qui pouvaient remédier au mauvais fonctionnement ou au non fonctionnement du schéma constitutionnel idéaliste tel que défini par le bouquet des articles 70, 73, 74, 75 et 76 de la Constitution.

Clairement, il convient de s'interroger sur ce qu'adviendrait si au terme de mandat constitutionnel du Président sortant l'élection de son successeur n'était pas organisée ? Mieux, que devrait être le sort du Président sortant dans pareil cas de figure. Malheureusement, à une ci crucial question de la survie institutionnelle et de l'Etat tout entier, le constituant est sourd muet, plongeant ainsi le pays dans une incertitude institutionnelle et constitutionnelle sans précédent.

Parce qu'il en est ainsi, y avait-il d'autres solutions analogues à la situation telle que peinte ?

Contrairement à la défense ci-haut démontrée, les tenants de la thèse de vacanceconsidèrent purement et simplement que le terme du second et dernier mandat de l'actuel Président de la République est constitutif au cas d'empêchement définitif et par ce motif, ont préconisé l'ouverture de la vacance de la présidence de la République. C'est notamment le cas de l'opposition politique et d'une partie de la société civile congolaise qui ont estimées que l'article 7379(*) constitue un préalable à l'application de l'alinéa 2 de l'article 70 de la Constitution, parce que, poursuivent-ils que le devoir pour lequel le Président devait rester au pouvoir après le terme de son mandat était l'installation de son successeur supposé déjà élu et connu avant ledit terme et cela endéans un délai bien circonscrit par le constituant de 200680(*). Et donc, concluent-ils que la non élection du successeur du Président en fonction excluait du champ constitutionnel l'application de l'alinéa 2 de l'article 70, et que seul son l'alinéa 1er devant s'appliquer.

En somme, le Président devait quitter ses fonctions et provoquer ainsi l'ouverture de la vacance ; ils soulèvent comme exemple le cas du Président Haïtien qui, arriver au terme de son mandat présidentiel et n'ayant pu organiser l'élection de son successeur, a pu provoquer la vacance en démissionnant.

Un autre aspect attire notre attention et constitue comme cause à évoquer comme impasse à l'ouverture de la vacance à la présidence de la République, est la subjectivité des mécanismes prévus à l'article 7681(*) de la Constitution. En effet, la classe politique opposante regrette le fait que nonobstant la clarté des faits constituants des causes réelles de vacance, sa non déclaration révèle de l'inféodation des institutions prévues à cet article au Président de la République82(*).

* 59JONLET, `'KASA-VUBU'', in Acad. Roy.Scienc. D'Outre-Mer, Bibliographie Belge d'Outre-Mer, T. IX, S.L, 2015, pp. 217-218.

* 60Idem, p. 222.

* 61JONLET, `'KASA-VUBU'', in Acad. Roy..., op. cit., p. 222.

* 62 Le gouvernement d'ILEO d'une part et celui de LUMUMBA de l'autre.

* 63JONLET, `'KASA-VUBU'', op. Cit. p. 223.

* 64 Il y a vide juridique lorsque l'Etat se trouve dans une situation où toutes les lois sont soit suspendues pour une quelconque cause, soit inexistantes. En d'autres termes, l'Eta n'est régi par aucune législation possible.

* 65Art. 4, al. 2 de la Constitutiondu 24 juin 1967 dispose que« Il ne peut être créé plus de deux partis dans la République. Ces partis s'organisent et exercent leurs activités librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie et les lois de la République ».

* 66 NSUMBU KABAMBA (G.), Droit de la fonction publique : Evolution problématique du Droit de la Fonction publique congolaise, Séminaire de Droit administratif, Première année de licence, Faculté de Droit, Département de Droit public, Université de Kinshasa, 2016-2017, p. 24.

* 67Ibidem.

* 68 Art. 36 al. 1 de laConstitution de la République du Zaïre, Journal Officiel du Zaïre, N° 1 du 01 Janvier1983 mise à jour le 27 Juin 1988.

* 69 Sonner l'éclat : c'est le fait de mettre un terme au combat (cfr. Le combat de boxe).

* 70Art. 1er du Décret-loi constitutionneln° 003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en République Démocratique du Congo.

* 71 www.jeuneafrique.com, éd. Parue le 16 mai 2016, consulté le 25 avril 2018, à 23 heures.

* 72 MAMPUYA KANUNK'a-TSHIABO (A.) et alii, op. cit., p. 48.

* 73 AVRIL (P.) et GICQUEL (J.), Lexique..., op. cit., p. 54, v° Empêchement. Cité par MAMPUYA KANUNK'a-TSHIABO (A.) et alii, La vacance des institutions..., p. 39.

* 74 MAMPUYA KANUNK'a-TSHIABO (A.) et alii, op. cit., p. 48.

* 75 Il s'agit de la suppléance de plano de l'empêché.

* 76VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif,Bruxelles,Larcier, p.554, 2007. Cité par YATALA NSOMWE NTAMBWE (C.), "La fin du mandat présidentiel et le principe de continuité de l'État dans la Constitution congolaise", in DR IUR, 2016, p.6.

* 77Art. 73 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011,52ème année, numéro spécial, Kinshasa 15 février 2011.

* 78Art. 74 al. 1erde la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011, JORDC, 52ème année, numéro spécial, Kinshasa 15 février 2011.

* 79Art. 73 : Le scrutin pour l'élection du Président de la République est convoqué par laCommission électorale nationale indépendante, quatre-vingt-dix jours avant l'expiration du mandat du président en exercice.

* 80Art. 74 al. 1erde la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011, JORDC, 52ème année, numéro spécial, Kinshasa 15 février 2011.

* 81Art. 76 al. 1er : La vacance de la présidence de la République est déclarée par la Cour constitutionnelle saisiepar le Gouvernement.

* 82Se rapportant à l'article précité, nous constatons que le Gouvernement sensé déclencher la procédure de vacance et saisir la Cour Constitutionnelle, étant l'émanation de la majorité dont est chef le Président concerné par ladite vacance et la Cour Constitutionnelle, dont la majorité des membres proviennent des structures d'obédience présidentielle. Et c'est cela toute la difficulté.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams