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De la responsabilité du médecin découlant de la violation du secret professionnel médical en droit congolais. étude jurisprudentielle.


par Dieudonné Bulambo Batumujaye
Université Libre de Grands Lacs ULGL/BUKAVU - Licence en droit 2018
  

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§2. Du champ d'application du secret professionnel

Dans les circonstances de la cause commentée, les révélations faites par le médecin au procureur du Roi rentrent bien dans le champ d'application du secret professionnel, dont la violation est sanctionnée par l'article 458 du Code pénal. En effet, l'objet du secret professionnel recouvre non seulement les confidences recueillies par le dépositaire du secret mais
aussi tout ce que ce dernier peut connaître ou découvrir à la suite d'examens ou d'investigations auxquels il procède ou fait procéder. Le secret s'étend également à ce que le professionnel a vu, connu, appris, découvert ou surpris dans l'exercice de sa profession, de sa fonction ou de sa mission ou
à l'occasion de l'exercice de celles-ci46(*).

Dans le cas d'espèce, le médecin qui a reçu l'enfant à l'hôpital a décidé de s'en ouvrir à un confrère, médecin légiste, dans le cadre du secret partagé47(*). C'est dès lors dans l'exercice de sa profession que ce dernier a pris l'initiative de révéler les faits au procureur du Roi.

§3. De la protection des patients et de l'Etat de nécessité

A bon droit, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation48(*), la cour d'appel de Mons a rappelé que le secret médical n'est pas absolu et a pour but de protéger le patient. La conception relative du secret professionnel s'explique par la finalité même de la règle, à savoir la protection du patient. Selon cette conception, l'obligation de tenir le secret ne s'applique pas aux faits dont le patient est victime49(*). Cet enseignement a d'ailleurs été rappelé par la Cour de cassation dans son arrêt `Brantegem' du 9 février 198850(*): «le secret professionnel auquell'article 458 du Code pénal oblige notamment les médecins, leschirurgiens et le personnel soignant vise la protection du patient:l'interdiction qu'il contient de révéler, sauf cause de justification, desfaits pouvant donner lieu à des poursuites pénales à charge du patient,ne peut être étendue aux faits dont serait victime le patient».

Par ailleurs, comme l'a rappelé la cour d'appel de Mons dans l'arrêt commenté, l'objectif du législateur, en édictant l'article 458bis du Code pénal, était aussi d'assurer la protection des mineurs. Toutefois Avant même l'adoption de cet article 458bis du Code pénal, les dépositaires du secret professionnel pouvaient effectuer certaines révélations pour autant que celles-ci soient justifiées par un état de nécessité. Plusieurs juridictions de fond avaient ainsi retenu l'état de nécessité comme cause de justification de la violation du secret professionnel notamment dans des situations de maltraitance d'enfant51(*).

Rappelons que le concept juridique d'état de nécessité vise les circonstances exceptionnelles où, en présence d'un mal grave et imminent, le respect intégral de la loi (en l'espèce, l'obligation au secret professionnel) entraînerait un dommage objectivement et manifestement inacceptable (des atteintes à la vie ou à l'intégrité d'autrui)52(*). Bien que le législateur n'ait pas expressément introduit la notion d'état de nécessité dans le Code pénal, J.J. HAUS, dans ses Principes généraux53(*), la doctrine et la jurisprudence ont reconnu de façon explicite cette cause de justification objective qui rend le fait licite54(*). Par ailleurs, ce moyen de défense est applicable à toutes les infractions55(*). Dans un arrêt du 3 mai 2000, la Cour constitutionnelle n'a pas manqué de rappeler que la règle du secret professionneldoit céder lorsqu'une nécessité l'impose ou lorsqu'une valeur jugée supérieure entre en conflit avec elle.

L'état de nécessité suppose d'abord l'existence d'un danger grave et imminent56(*). Dans les cas de maltraitance, l'état de nécessité susceptible de justifier, le cas échéant, une violation du secret, est caractérisé par un conflit entre deux valeurs consacrées par des dispositions légales. Il y a d'une part, l'obligation au secret professionnel visée à l'article 458 du Code pénal et d'autre part, l'obligation de porter assistance à personne en danger, dont le non-respect est sanctionné à l'article 422bis du Code pénal57(*). Dans certaines situations exceptionnelles, pour préserver une valeur telle que la protection d'une personne actuellement menacée, l'obligation de porter secours à une personne en danger peut primer sur l'obligation au secret58(*). Ceci requiert que le confident puisse, par la déclaration de faits infractionnels, protéger la vie ou l'intégrité d'une personne. L'état de nécessité permet d'enfreindre la loi pénale, à condition que l'acte reste utile, strictement nécessaire et proportionné59(*). Le dépositaire du secret apprécie, au cas par cas, s'il se trouve dans un état de nécessité lui permettant de dévoiler le secret. Le juge exerce un contrôle a posteriori, et vérifie si les conditions de l'état de nécessité sont bien réunies. Dans le cas d'espèce, les jours de l'enfant étaient en danger
au moment de son admission à l'hôpital, ce qui établissait qu'il était exposé à un danger grave, imminent et certain. En outre, l'attitude des parents qui tentaient de cacher aux autorités médicales et judiciaires la cause exacte de l'état de l'enfant renforçait la crainte de voir retirer l'enfant de l'hôpital par ses parents, situation qui l'aurait à nouveau exposé au risque de mauvais traitements et qui aurait pu lui être fatale compte tenu de son état de santé déjà critique. La sauvegarde de l'intégrité physique et mentale de cet enfant a été jugée supérieure au principe du respect du secret professionnel. La dénonciation des faits par le médecin au procureur du Roi était justifiée par l'état de nécessité. La cour d'appel, suivant en cela le premier juge, a dès lors déclaré que les poursuites pénales diligentées contre les parents étaient recevables puisque les informations et preuves ainsi obtenues ont été
recueillies régulièrement.

* 46Ch., HENNAU-HUBLET, Le secret médical et ses limites. La dynamique du secret tend-elle vers son occultation?,Louvain Méd. 1998, pp. 171-172.

* 47T. balthazar, Sur la notion de secret partagé, T.Gez./Rev.dr.Santé 2004-05, pp. 139-146.

* 48G. SCHAMPS, Le secret médical et l'assureur: Commentaire du nouvel article 95 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, T.Gez./Rev.dr.Santé 2003-04, pp. 136-137.

* 49. Y.-H. leleu et G. genicot, Le droit médical. Aspects juridiques de la relation médecin patient, Bruxelles, De Boeck & Larcier, 2001, p. 153, n° 184.

* 50Cass., 9 février 1988, Pas. 1988, I, p. 662, R.G.A.R. 1989, n° 11574.

* 51 Mons, 22 novembre 1996, Pas. 1996, p. 575; Corr. Charleroi, 25 mars 1997, J.L.M.B. 1997, p. 1167.

* 52S. Roussel et P. LANDRY, La divulgation du secret professionnel, J.T. 1999, pp. 696-697.

* 53J.J. HAUS, Principes généraux de droit pénal belge, Gand, Swinnen, 3ème éd., 1879, n°615.

* 54Cass., 13 mai 1987, J.L.M.B. 1987, p. 1165; A. De nauw, La consécration jurisprudentielle de l'état de nécessité, R.C.J.B.1989, p. 593;

* 55Pour autant que l'agent n'ait pas volontairement créé par son fait le péril dont il se prévaut (Cass., 19 octobre 2005, R.D.P.C. 2006, p. 322).

* 56Ch. HENNAU et J. Verhaegen, Recherche policière et secret médical, J.T. 1988, p. 165.

* 57L'art. 422bis du Code pénal belge.

* 58H., NYS, La médecine et le droit, Diegem, Kluwer, 1995, p. 367, n° 953

* 59Ch. hennau-hublet et J. Verhaegen, Droit pénal général, 3ème éd. mise à jour avec le concours de D. SPIELMANN et A. BRUYNDONCKX, o.c., pp. 192-194.

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