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Droit international de l'environnement et aires marines protégées en République du Congo


par Gavinet Duclair MAKAYA BAKU-BUMB
Université de Limoges - Master 2 2022
  

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A. A travers les structures centrales

Il n'est pas inutile de noter, d'entrée de jeu, que la République du Congo est un Etat unitaire. C'est ce que l'on peut lire à l'article 1er de la Constitution du 25 octobre 2015 en ces termes : « La République du Congo est un Etat de droit, souverain, unitaire et indivisible, décentralisé, laïc et démocratique ». Le régime politique pour lequel ce pays a opté est celui « au sein duquel une seule volonté s'exprime, tant du point de son agencement politique que de son ordonnancement juridique »117. Dans son Vocabulaire juridique, Gérard CORNU le « distingue de l'Etat composé du fait qu'il ne possède qu'un seul centre d'impulsion politique »118. Commentant la Constitution congolaise en vigueur, Lovane LHAKHY-TSAMBY nous rappelle à juste titre que « L'Etat unitaire et indivisible est un Etat qui ne peut être divisé, où des collectivités territoriales ne peuvent posséder des compétences réservées à l'Etat [...] »119.

Ainsi, au Congo, la compétence pour appliquer les lois en matière d'aires protégées est confiée à l'administration en charge de la faune et des aires protégées. L'article 95 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires

115 Cas du Congo dont l'article 5 fait de la faune « un patrimoine commun de la nation » dont « l'Etat garantit la gestion durable ».

116 GAMI (N.), « Le partenariat public-privé (PPP) dans les aires protégées du Bassin du Congo : l'exemple du parc national d'Odzala-Kokoua en République du Congo », file:///C:/Users/WCS/Downloads/FAO-CIFORBook-31GAMIPPP%20(7).pdf.

117 AVRIL (P.), GICQUEL (J.), Lexique droit constitutionnel, PUF, 5ème édition, février 1994, p. 51.

118 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Quadrige/Presse Universitaire de France, 2ème édition, janvier 2001, p. 352.

119 LHAKHY-TSAMBY (L.), La constitution congolaise commentée article par article, L'Harmattan Congo-Brazzaville, 2017, p. 17.

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protégées indique dans ce sens que « Sans préjudice des pouvoirs de police, la police de la faune et de la chasse est assurée par les services compétents du ministère chargé des eaux et forêts [...] ».

En matière d'aires protégées, deux services sont principalement compétents au regard de la loi, à savoir la direction générale de l'économie forestière (DGEF), d'une part, et l'agence congolaise de la faune et des aires protégées (ACFAP), d'autre part. La première, plus ancienne, est une structure technique de conception de la politique ayant trait à la faune et aux aires protégées (1) tandis que la seconde, plus récente, est une structure technique de mise en oeuvre de cette politique (2).

1. La Direction Générale de l'Economie Forestière (DGEF) : une structure technique de conception

Le décret n°98-175 du 12 mai 1998 portant attributions et organisation de la direction générale de l'économie forestière confie à cette dernière, entre autres, la mission de « concevoir, proposer et faire appliquer la politique du développement du secteur forestier », d'un côté, et de « concevoir et suivre, au plan technique, la mise en oeuvre des plans, des programmes et des projets en matière de forêts, de faune et d'aires protégées, de conservation des sols, bassins versants, de sources, de cours d'eau et de plans d'eau »120, de l'autre. Mais avant d'aller loin, il est bon de préciser un élément qui semble nécessaire. La DGEF est un organe dépourvu de personnalité morale. En réalité, « elle ne constitue qu'un des rouages d'une personne morale »121, en l'occurrence le ministère chargé de la faune et des aires protégées. Ainsi, à la simple lecture de cette disposition, on pourrait penser que la DGEF n'est pas compétente en matière d'aires protégées en général, et particulièrement sur celle qui concerne les aires marines protégées. Or, la compréhension de la lettre ne suffit pas, il faut en comprendre également l'esprit. Mais pour mieux saisir celui-ci, il est indispensable d'analyser au préalable le contexte dans lequel le texte créant la DGEF a été élaboré.

120 Article 1er ; BONGUI (A.S.L.) et MOKOKO IKONGA (J.), Aires protégées d'Afrique centrale état 2015 : République du Congo, p. 94-95 : « Selon les dispositions du décret 98-175 du 12 mai 1998, la Direction Générale de l'Economie Forestière (DGEF) est l'organe technique qui assiste le ministre dans l'exercice de ses attributions en matière de faune et de forêt, au sein duquel la Direction de la Faune et des Aires Protégées (DFAP) est plus spécifiquement en charge de l'application des politiques gouvernementales en matière de gestion durable de la faune et des aires protégées. Elle propose des programmes d'inventaires de la faune et de la flore, contrôle l'application des plans d'aménagement et de l'activité cynégétique, et entretient les relations de coopé- 95 ration avec les organismes nationaux, régionaux et internationaux concernés (MEFDD, 2015) ».

121 CHAPUS (R.), Droit administratif général, tome 1, 15ème édition Montchrestien, 2001, p. 184.

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En effet, en mai 1998 le Congo sort à peine d'une guerre civile qui a permis le retour au pouvoir de l'ancien président, battu dans les urnes cinq ans plus tôt122. A cette époque, les institutions sont fragiles et les aires protégées ne sont pas très à la mode, même si le pays en compte quelques-unes123. Aussi, la Convention sur la diversité biologique, dont la réunion de 2010 a permis de remettre en avant la question de la protection des mers et océans à travers l'Objectif d'Aichi 11, n'a été ratifiée qu'en 1996 par le Congo124. A cette époque, la DGEF était la seule structure, au sein du ministère chargé de la faune et des aires protégées, compétente en cette matière. La protection des aires protégées relevait donc de la seule DGEF via ses agents affectés sur toute l'étendue du territoire national. Ces derniers sont notamment chargés d'« assurer la gestion, le contrôle et la conservation des forêts, de la faune, de la flore et des eaux et veiller à l'utilisation durable de leurs ressources biologiques »125. Pour y parvenir, la loi leur donne le droit de porter et de faire usage des « armes de chasse et de guerre à l'occasion des missions d'inspection, de contrôle et de répression »126. Mais, depuis la création de l'ACFAP, il semble y avoir, de facto, deux catégories d'agents des eaux et forêts : ceux qui sont rattachés à la DGEF exerçant leurs contrôles essentiellement sur le bois dans les chantiers forestiers et en dehors, et ceux qui relèvent de l'ACFAP, veillant sur la faune sauvage dans les chantiers forestiers, les aires protégées et dans leurs périphéries.

Sur ces entrefaites, quinze ans après la création de la DGEF, l'Etat a résolu de mettre en place un autre service technique permettant la mise en oeuvre de la politique de conservation de la faune et de la flore sauvages, à savoir l'Agence congolaise de la faune et des aires protégées (2).

122 Après 13 années de pouvoir ininterrompues, Monsieur Denis SASSOU-NGUESSO et son régime sont balayés par le vent de la perestroïka venu de l'Est de l'Europe et ayant entrainé la chute du mur de Berlin. Cette situation nouvelle et inattendue va entrainer dans les Etats africains, en proie aux dictatures, un vent de démocratie grâce auquel des Conférences nationales, parfois souveraines, seront organisées un peu partout en Afrique subsaharienne d'expression française. Au Congo, la Conférence Nationale Souveraine, qui avait duré 4 mois, se soldera par la tenue d'élections générales qui emporteront le régime socialiste du Général Denis SASSOU-NGUESSO, battu par le Pr Pascal LISSOUBA.

123 Réserve de chasse de La Léfini (1951), Lessio-Louna (1963), Réserve de biosphère de Dimonika (1988), Par

National de Nouabalé-Ndoki (1993).

124 Loi n°29-96 du 25 juin 1996 autorisant l'adhésion à la Convention sur la biodiversité.

125 Article 5 du décret n°2002-433 du 31 décembre 2002 portant organisation et fonctionnement du corps des agents des eaux et forêts.

126 Article 17 décret supra cité.

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2 L'Agence Congolaise de la Faune et des Aires Protégées (ACFAP) : une structure technique de mise en oeuvre

Aux termes des articles 1er et 4 de la loi n°34-2012 du 31 octobre 2012 portant création de l'agence congolaise de la faune et des aires protégées, celle-ci « est un établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière »127 qui assure « la mise en oeuvre de la politique nationale en matière de gestion de la faune, des aires protégées et des unités de surveillance et de lutte anti-braconnage »128.

L'ACFAP est ainsi une structure technique spécialisée du ministère en charge de la faune et des aires protégées qui assure ce que d'aucuns appellent « le service public environnemental »129 dans un but d' « intérêt général »130. A ce titre, elle est responsable, non pas de la conception de la politique de conservation de la faune, mais plutôt de la mise en oeuvre de celle-ci. Elle assure en fait, soit en régie, c'est-à-dire directement, soit en concession, suivant le modèle de partenariat public-privé devenu à la mode - dont nous parlerons dans le chapitre suivant - la gestion des aires protégées. Il est important de faire observer que dans certaines aires protégées mises en concession au Congo, l'ACFAP joue, via les conservateurs, placés sous son autorité, davantage les seconds rôles en matière administrative et financière, même si les textes qui les créent mettent le conservateur, représentant l'Etat concédant, et le conseiller technique principal (souvent désigné par le terme de `'directeur»), représentant la structure privée concessionnaire, sur un pied d'égalité131. Il en sera ainsi par exemple en matière de gestion budgétaire et de matériel, matières dans lesquelles le représentant du concessionnaire, généralement

127 Articles 1er de la Loi et 2 des Statuts de l'ACFAP adoptés par décret n°2013-178 du 10 mai 2013.

128 Article 4 de la Loi et 3 des Statuts supra cités.

129 RADIGUET (R.), Le service public environnemental, Droit, Université Toulouse 1 Capitole (UT1 Capitole), 2016. Français. fftel-02266379f.

130 CHAPUS (R.), op.cit. p. 184.

131 Article 40 Protocole d'accord sur l'appui à la gestion du Parc National de Nouabalé-Ndoki (30 janvier 2008) : « Le Coordonnateur (conservateur) et le Conseiller Technique Principal WCS sont cosignataires de tout document relatif à la planification, au décaissement des fonds et à l'exécution des dépenses dans le cadre du projet. Ils doivent toujours se concerter pour décider sur la nature des dépenses à effectuer dans le cadre du projet ».

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propulsé au rang de directeur, assimilable à celui de chef de projet132, décide quasiment seul133.

Les structures centrales de l'Etat sont relayées au niveau local par des structures dites déconcentrées classiques (B).

B. A travers les structures déconcentrées classiques

Il est bon de rappeler dans un premier temps les règles générales qui fondent la diffusion du pouvoir de décision sur le territoire national (1) avant d'aborder par la suite, à proprement parler, les structures qui, à l'échelon local, assurent la protection de la faune et de la flore sauvages (2).

1. Rappel des règles générales de diffusion du pouvoir de décision à travers le territoire national

Selon l'article 6 de la loi n°3-2003 du 17 janvier 2003 fixant l'organisation administrative territoriale, la déconcentration consiste en un « transfert de responsabilités à l'intérieur d'une même collectivité publique. La relation entre l'autorité centrale et l'autorité déconcentrée est hiérarchique ». Partant, la déconcentration est une technique de « redistribution du pouvoir de décision » de l'échelle centrale vers une échelle inférieure, celle-ci vaquant à ses occupations sous l'oeil vigilant de celle-là. Evoquant la question, René CHAPUS remet au goût du jour la célébrissime assertion d'Odilon BARROT, à savoir : « C'est le même marteau qui frappe, mais on en a raccourci le manche »134.

Ainsi en est-il par exemple en matière de transaction où le ministre, le directeur général et les directeurs départementaux de l'économie forestière ainsi que les conservateurs se partagent, à des degrés différents, la compétence pour transiger en cas d'infraction et préalablement au prononcé du jugement135.

2. Des structures assurant la protection de la faune et la flore sauvages à l'échelon local

En vertu du décret créant la DGEF susmentionné, celle-ci se dote de directions départementales (anciennement désignées sous le vocable de `'directions

132 La plupart des chefs de projets des aires protégées ont ainsi le grade de Conseiller Technique Principal (CTP), qui correspond au grade le plus élevé dans cet univers.

133 Pourtant, dans les textes (ex. Art. 18 Protocole WCS-MEF supra cité) : « La coordination du projet est assurée par un Conservateur qui est assisté dans ses fonctions par une Conseiller Technique Principal WCS ».

134 CHAPUS (R.), supra cité, p. 391.

135 Article 106 Loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées.

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régionales»)136. Ces dernières sont chargées, entre autres, d'« exécuter les lois et règlements et les décisions du Gouvernement en matière de faune, de forêts, et d'aires protégées » dans le ressort départemental137.

En vertu de leur pouvoir de police de la faune et de la chasse conféré par l'article 95 de la loi sur la faune et les aires protégées, les agents affectés dans les directions départementales et les brigades de l'économie forestière (DDEF) sont habilités à rechercher et constater des infractions par procès-verbaux138. Ceux-ci sont dressés par des agents dûment assermentés139 ayant la qualité d'auxiliaire de police judiciaire (APJ). Dans ce cadre, ils peuvent dresser « des barrages aux environs des agglomérations urbaines, des villages, des aires protégées, et le long des routes, afin de renforcer la lutte contre la chasse illégale »140. Ils peuvent également procéder à « des perquisitions [...] afin de rechercher des animaux ou des trophées irrégulièrement chassés ou détenus »141.

Un autre élément parait important à préciser, c'est qu'à l'occasion des instances judiciaires ouvertes d'office par le procureur suite aux infractions visées par la loi sur la faune et les aires protégées commises dans leur zone de compétence, les directions départementales de l'économie forestière peuvent se constituer partie civile. Ceci est très important, notamment en cas de condamnation du prévenu à payer des dommages-intérêts.

Paragraphe 2 : L'exercice des pouvoirs de police : une compétence aujourd'hui partagée ?

L'observation que l'on fait de l'exercice des attributions de protection de la faune et la flore sauvages par certains organes inspire des interrogations. La compétence de rechercher et réprimer les infractions sur la faune et les aires protégées naguère reconnue à l'Etat seulement serait-elle aujourd'hui partagée ? La création des Unités de Surveillance et de Lutte Anti-braconnage au niveau des aires protégées (A), des Projet de Gestion des Ecosystèmes Périphériques au Parc (PROGEPP) et des chantiers forestiers en constituent de parfaits exemples. Du

136 Article 2 : « La direction générale de l'économie forestière [...] comprend [...] les directions régionales de l'économie forestière [...] ».

137 Article 16 décret n°98-175 du 12 mai 1998 portant attributions et organisation de la direction générale de l'économie forestière.

138 Articles 97 et 98 Loi sur la faune et les aires protégées.

139 Article 98 Loi susmentionnée.

140 Article 99 Loi supra citée.

141 Article 100 même Loi.

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reste, les PROGEPP sont-ils un modèle à reproduire en matière d'aires marines protégées ? (B).

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery