Droit international de l'environnement et aires marines protégées en République du Congopar Gavinet Duclair MAKAYA BAKU-BUMB Université de Limoges - Master 2 2022 |
Paragraphe 1 : L'appel à la création des AMP de la CDBEn signant et ratifiant la Convention sur la diversité biologique, les Etas parties ont pris l'engagement de classer une partie de leurs espaces maritimes en aires marines protégées (A). A travers celles-ci, ils se donnaient pour ambition d'améliorer considérablement la protection de la biodiversité (B) dans les limites de leurs eaux territoriales. A. Un engagement des Etats à classer le dixième de leurs territoiresmaritimes en AMP Dans son préambule, la CDB reconnaît que « la conservation de la diversité biologique exige essentiellement la conservation in situ des écosystèmes et des habitats naturels ainsi que le maintien et la reconstitution de populations viables dans leur milieu naturel ». Sur la base de cette stipulation, les Etats parties, réunis dans la préfecture d'Aichi au Japon en 2010, avaient adopté un Plan Stratégique pour la diversité biologique 2011-2020. Selon l'engagement pris à l'objectif d'Aichi 11, les Etats parties s'emploieraient à conserver « au moins 10% des zones marines et côtières » « au moyen de réseaux écologiquement représentatifs et bien reliés d'aires protégées gérées efficacement et équitablement et d'autres mesures de conservation efficaces par zone, et intégrées dans l'ensemble du paysage terrestre et marin ». Plus de dix ans après cet engagement, plus de 5000 aires marines protégées ont été créées dans le monde30. Pourtant, en dépit de leur nombre élevé, 29 Idm, paragraphe 70. 30 MOECK (F.), « Cinq mille aires marines protégées », Le Monde diplomatique, novembre 2001, ~ 13 ~ force est de constater que seulement 2% des zones marines mondiales ont été érigées en aires marines protégées31. B. Une amélioration de l'efficacité des AMP dans la protection de la biodiversité Dans la Décision adoptée au cours de sa réunion du 17 au 29 novembre 2018 à Charm el-Cheikh en Egypte (CBD/CQP/DEC/14/8), la CDB reconnaît que la création d'une « aire encourage la préservation des valeurs existantes de la biodiversité et l'amélioration des résultats de sa conservation ». C'est à juste titre que, bien que timide, la mise en place des aires marines protégées dans le monde a permis de protéger environ 2% de la superficie marine totale32. Aussi, lorsqu'elles sont gérées efficacement, les aires marines protégées permettent un accroissement des populations « de poissons dans les aires entièrement ou fortement protégées »33. L'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAQ) reconnaît d'ailleurs que « la seule réglementation de la pêche ne suffit pas à instaurer la durabilité », et plaide en faveur d'une combinaison des « mesures de gestion et zones entièrement protégées »34. Dans le souci de rendre les aires marines protégées plus efficaces, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) a réalisé, via son Plan d'Action pour la Méditerranée, et sur la base de l'objectif d'Aichi 11, une évaluation de « la mise en oeuvre de la Feuille de route pour un réseau complet et cohérent d'AMP bien gérées afin d'atteindre l'Objectif 11 d'Aichi en Méditerranée ». Au terme de ce travail, il a été établi que les Etats devraient, entre autres, considérer l'efficacité de la gestion des aires marines protégées comme « une priorité absolue (...) en termes de capacités, de mesures de gestion et de réglementation » d'une part, « Définir des lignes directrices pour mesurer la gestion équitable » et « Évaluer et 31 Mesurer les progrès : Objectifs et lacunes dans le domaine de l'environnement., Programme des Nations Unies pour l'Environnement, 2012, p. 16. 32 Idem. 33 RAND (M.), « Arguments en faveur des aires marines protégées : Un moyen de préserver la biodiversité, de renforcer la pêche et de protéger les habitats marins », The Pew Charitable Trusts, pewtrusts.org/oceanlegacy. 34 GRAHAM (J.), TREVOR (J.), WARD et RICK (D.) STUART-SMITH, « Rapid Declines Across Australian Fishery Stocks Indicate Global Sustainability Targets Will Not Be Achieved Without an Expanded Network of `No-Fishing' Reserves », Aquatic Conservation: Marine and Freshwater Ecosystems (2018), https://doi.org/10.1002/aqc.2934. ~ 14 ~ renforcer la capacité des administrations nationales à contrôler et à améliorer l'efficacité de la gestion », d'autre part35. Paragraphe 2 : Les principes de la Convention relative à la conservation des espèces migratrices (CMS) Même si elle vise des espèces en migration, la Convention sur les espèces migratrices ne méconnaît pas pour autant les aires marines protégées (A) qui constituent une contribution au développement des réseaux écologiques (B).
Dans le contexte marin, il est difficile de protéger et conserver des espèces qui par nature doivent migrer à un moment donné de leur cycle de vie. Cette situation explique et justifie la mise en place d'aires marines protégées constituées en réseaux écologiques. La question des réseaux écologiques est abordée à l'Article I.1(c) de la Convention sur les espèces migratrices. Dans ce cadre, deux Plans stratégiques ont été tour à tour mis en place par la CMS entre 2006-2014 et 2015-2023. L'objectif 2.7. du premier Plan prévoit que « Les habitats/sites les plus importants pour les espèces 35 Réunion des points focaux du PAM, Athènes, Grèce, 10 - 13 septembre 2019, UNEP/MED WG.468/Inf.12, p. 37. 36 AIMM : Aires importantes pour les mammifères marins. 37 UNEP/CMS/ScC-SC1/Doc. 10.4.2.1. ~ 15 ~ migratrices dans chaque État de l'aire de répartition sont protégés et connectés, selon qu'il convient, par des réseaux d'aires protégées et de corridors ». Pour ce qui est du second plan, il crée un concept de « systèmes de migration », lesquels constituent des « ensembles interdépendants de lieux, d'itinéraires entre les lieux, de populations, de facteurs écologiques et de cycles temporels concernés »38. Son objectif 10 évoque des « mesures de conservation fondées sur les aires » en rapport avec l'objectif d'Aichi 11 de la Convention sur la diversité biologique. La CMS a réaffirmé son intérêt pour les aires marines protégées à travers sa Résolution 10.3. portant sur « Le rôle des réseaux écologiques pour la conservation des espèces migratrices », adoptée à la CoP10 de la CMS en 2011. Cette Résolution lui a permis d'apporter sa contribution à la mise en place de réseaux écologiques permettant la connectivité entre espaces protégés c'est-à-dire, dans le domaine qui nous occupe, les habitats des espèces marines migrant entre plusieurs parties du monde. Dans un rapport commandé par le PNUE, Dave Pritchard définit les réseaux écologiques comme un ensemble de « stratégies destinées à relier au niveau conceptuel et opérationnel des sites entre eux et avec des systèmes plus vastes »39. Analysant leur importance par rapport aux écosystèmes, il épingle « les relations fonctionnelles » comme élément central de cet ensemble constitué particulièrement de la connectivité, des zones tampons, de l'intégration des variations, du maintien des aires, du rôle des goulets d'étranglement, de la conservation d'une capacité de réserve, de la répartition des risques et de la résilience40. A ce jour, on dénombre plus de 250 réseaux écologiques répartis à travers le monde selon une étude menée par PRITCHARD41. 38 https://www.cms.int/sites/default/files/document/COP11Doc23412F.pdf 39 Idem. 40 Ibid. 41 PRITCHARD (D.), Réseaux écologiques - examen stratégique des aspects liés aux espèces migratrices, Rapport d'un consultant, 31 juillet 2014, PNUE/CMS/COP11/Doc.23.4.1.2/Annexe " 16 " CHAPITRE 2 : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE PORTEE REGIONALE ET SOUS-REGIONALE Dans le sillage de la Communauté internationale, le continent africain a jeté les bases d'une définition du régime de protection des écosystèmes marins à travers plusieurs instruments juridiques. Emboitant le pas aux initiatives continentales, la sous-région Afrique centrale s'est également lancée dans une entreprise de consolidation des initiatives régionales en matière d'aires marines protégées. Section 1 : La prise en compte du régime des AMP par les instruments juridiques régionaux africains « La mondialisation des problèmes d'environnement »42 n'a pas « invalidé de fait la protection régionale »43, car celle-ci reste indispensable à cause, comme le dit Stéphane DOUMBE-BILLE, du « facteur « proximité » »44. Partant, deux instruments majeurs s'intéressent à la problématique de la protection des écosystèmes marins à l'échelle africaine. Le premier, la Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles, évoque la question de manière assez timorée (paragraphe 1). Le second, en revanche, à savoir la Convention d'Abidjan, aborde la thématique en des termes relativement clairs (paragraphe 2). |
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