A. Une obligation de protection du milieu marin
La protection du milieu marin contre la pollution
relève de prime à bord de la responsabilité de l'Etat
côtier dans la mesure où l'article 194 de la Convention met
à sa charge l'obligation de prendre des mesures nécessaires pour
« prévenir, réduire et maîtriser la pollution du
milieu marin ». Selon la Convention, la pollution du milieu marin consiste
en « l'introduction directe ou indirecte, par l'homme, de substances ou
d'énergies dans le milieu marin, y compris les estuaires, lorsqu'elle a
ou peut avoir des effets nuisibles tels que dommages aux ressources biologiques
et à la faune et la flore marines, risques pour la santé de
l'homme, entrave aux activités maritimes, y compris la pêche et
les autres utilisations légitimes de la mer, altération de la
qualité de l'eau de mer du point de vue de son utilisation et
dégradation des valeurs d'agrément ».
Le développement d'activités économiques
sur l'espace maritime ou à proximité de celui-ci expose
l'environnement marin à des risques de pollution que l'Etat côtier
est tenu de prévenir par la prise de mesures spécifiques pour ne
pas détruire les écosystèmes de son espace maritime ou
ceux présents sur le territoire d'un Etat voisin. La
méconnaissance de cette obligation engage la responsabilité de
l'Etat côtier et peut, par voie de conséquence, entrainer la
saisine des juridictions internationales compétentes. C'est ainsi que le
Tribunal international du droit de la mer fut sollicité par la Malaisie
afin de se prononcer sur l'affaire relative aux travaux de poldérisation
par Singapour à l'intérieur et à proximité du
détroit de Johor. Le projet de réalisation de ces travaux avait,
en effet, suscité d'importantes inquiétudes du Gouvernement
malaisien qui craignait qu'ils ne causent des dommages environnementaux
importants pouvant déborder sur le territoire de la Malaisie. Dans son
Ordonnance du 8 octobre 2003, le Tribunal « enjoint à Singapour de
ne pas mener ses travaux de poldérisation d'une manière qui
pourrait porter un préjudice
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irréparable aux droits de la Malaisie
»24. Sans l'avoir exprimé clairement, le juge du
Tribunal international du droit de la mer a bien voulu, à travers cette
décision, attirer l'attention des Etats côtiers quant à
leur responsabilité vis-à-vis de l'environnement en
général, marin en particulier, au regard du principe de
précaution. En effet, ce principe que Pierre-Marie DUPUY qualifie «
d'avatar le plus contemporain du `'principe de prévention»
»25, oblige les Etats à « protéger
l'environnement » en prenant « des mesures de précaution
»26. Malgré les pouvoirs que lui confère la
Convention (art. 292), le Tribunal n'a pas daigné surseoir le projet de
Singapour, choisissant, en revanche, de se contenter d'adresser une `'mise en
garde». C'est le sens de l'extrait « [...] ne pas mener ses travaux
de poldérisation d'une manière qui pourrait porter un
préjudice irréparable [...] ».
A l'obligation de protection du milieu marin se greffe celle,
consubstantielle, de préservation et de conservation des ressources
vivantes (B).
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