B- Une souveraineté exercée aux fins de
l'utilisation durable des
« ressources vivantes »
La souveraineté dont jouit l'Etat côtier sur son
espace maritime lui confère le droit d'exploiter les ressources vivantes
que renferme celui-ci. La Convention de Montego Bay (art. 56, 1 a ; art. 193)
reconnaît à l'Etat côtier « des droits souverains [...]
d'exploitation [...] et de gestion des ressources naturelles, biologiques [...]
des eaux surjacentes aux fonds marins [...] ». Il convient de rappeler que
ce droit lui avait été reconnu par les Nations Unies deux
décennies avant la mise en place de la Convention de Montego Bay. En
effet, par sa Résolution 1803 du 14 décembre 1962,
l'Assemblée générale des Nations Unies consacrait «
Le droit de souveraineté permanent des peuples sur leurs richesses et
ressources naturelles [...] », lequel droit « doit s'exercer dans
l'intérêt du développement national et du bien-être
de la population de l'Etat intéressé ». L'article 56, 1 a)
de la Convention constitue ainsi une `'codification» de cette
souveraineté de l'Etat côtier sur ses ressources vivantes. Mais
l'encadrement de cette liberté dans l'utilisation des ressources oblige
l'Etat côtier à faire usage de celles-ci sans mettre en
péril les stocks halieutiques. Cette responsabilité, qui s'exerce
dans les limites de sa zone économique exclusive (ZEE) appelle,
conformément à l'article 61, 1 et 2 de la Convention de Montego
Bay, la détermination du « volume admissible des captures »
afin d'« éviter que le maintien des ressources biologiques [...]
» de cette zone « ne soit compromis par une surexploitation [...]
»19.
Le principe de souveraineté de l'Etat côtier sur
ses ressources biologiques a été réaffirmé par le
Tribunal arbitral à l'occasion d'une décision rendue le 17
juillet 1986 dans une affaire opposant la France et le Canada. Selon le
Tribunal, « La troisième Conférence des Nations Unies sur le
droit de la mer et la pratique suivie
19 RIGALDIES (F.), « L'entrée en vigueur de la
Convention de 1982 sur le droit de la mer : enfin le consensus », Revue
Juridique Thémis, volume 29, numéro 1, p. 11.
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par les Etats en matière de pêches maritimes
pendant le déroulement de cette conférence ont cristallisé
et consacré une nouvelle règle internationale, selon laquelle
dans la zone économique exclusive, l'Etat côtier dispose des
droits souverains aux fins de l'exploration et de l'exploitation, de la
conservation et de la gestion des ressources naturelles »20.
Aussi, la gestion et l'exploitation de certaines
espèces peuvent conduire l'Etat côtier à la signature d'un
accord avec un Etat côtier voisin intéressé. C'est le sens
de l'article 67 paragraphe 3 de la Convention aux termes duquel lorsque «
les poissons catadromes, qu'ils soient parvenus ou non au stade de la
maturation, migrent à travers la zone économique exclusive d'un
autre Etat, la gestion de ces poissons, y compris leur exploitation, est
réglementée par voie d'accord [...] » entre l'Etat
côtier d'origine et l'autre Etat concerné. Dans ce sens,
André de Paiva Toledo indique que « [...] les Etats riverains
doivent coopérer à l'établissement du régime
d'utilisation nationale fondé sur la délimitation de quotas
nationaux et durables qui doivent être répartis entre les Etats
concernés ». Il ajoute que « La coopération par voie
des accords internationaux est l'esprit même de l'utilisation
équitable des ressources. Les accords conventionnels pour fixer le
régime spécifique d'utilisation d'une ressource biologique
concernant deux ou plusieurs Etats sont le moyen prévu dans le droit
international pour garantir l'utilisation équitable de la nature
»21. Ainsi, le Canada et les Etats-Unis ont-ils signé
l'Accord de pêche au thon germon22. Le Japon en a
également signé plusieurs avec ses voisins23 en vue de
réglementer la gestion et l'exploitation des stocks de poissons.
Malgré l'existence de droits souverains au profit de
l'Etat côtier sur ses ressources vivantes, celui-ci voit en contrepartie
peser sur lui des obligations.
20 Affaire de « La Bretagne », Tribunal
arbitral, Décision du 17 juillet 1986, 90 R.G.D.I.P. 713, Section 89.
21 TOLEDO (A.P.), « Les grands enjeux
contemporains du droit international des espaces maritimes et fluviaux et du
droit de l'environnement : de la conservation de la nature à la lutte
contre la biopiraterie », Thèse de Doctorat en droit
international, Université Panthéon-Assas Paris II, 25 octobre
2012, p. 638.
22 Examen des pêcheries dans les pays de
l'OCDE, politiques et statistiques de base, Editions OCDE 2005, p. 206 et s. :
« En avril 2002, le Canada et les Etats-Unis ont décidé de
modifier le traité qu'ils avaient signé en 1981 sur les
pêches au thon germon du Pacifique afin de limiter l'accès de
leurs flottes respectives à leurs Zones économiques exclusives
respectives. » Le nouvel accord vise à modifier le régime
d'accès des dans la Zone économique exclusive de chaque Etat.
23 Dans le même sens, le Japon a signé
plusieurs (environ 32) accords de pêches au thon avec la Chine, la
Corée et la Russie portant sur un accès réciproque des
Etats parties à leurs Zones économiques exclusives
respectives.
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Paragraphe 2 : Les obligations de l'Etat côtier sur
les « ressources vivantes »
Aux termes de l'article 192 de la Convention de Montego Bay,
« Les Etats ont l'obligation de protéger et de préserver le
milieu marin ». Ainsi, l'Etat côtier doit assurer la protection du
milieu marin (A) puis la préservation des ressources qui s'y trouvent
(B).
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