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Droit international de l'environnement et aires marines protégées en République du Congo


par Gavinet Duclair MAKAYA BAKU-BUMB
Université de Limoges - Master 2 2022
  

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Paragraphe 1 : Le financement des AMP par des modes traditionnels

De manière classique, les financements qui permettent aux aires protégées, en général, et aux aires marines protégées, en particulier, de fonctionner et d'assurer leurs missions sont issus, en grande partie, d'organismes publics internationaux et étrangers (A). Frileux vis-à-vis des Etats du sud dont la gestion est souvent critiquée à cause des détournements et de la corruption, ces organismes exigent que leurs financements soient gérés par des ONG internationales (B) établies dans les pays bénéficiaires.

219 Selon un rapport rendu public par le Ministère en charge des eaux et forêts, plus de 4421 tortues ont ainsi été capturées entre 2008 et 2011, dont environs 4237 dans la zone de la Pointe-Noire. Rapport préliminaire projet de création d'une aire marine protégée dans la Baie de Loango en vue de la conservation des tortues marines en République du Congo, Ministère de l'Economie Forestière et du Développement Durable, décembre 2014, p. 16-17.

Un autre document, publié les Nations Unies, affirme que « Plusieurs espèces de faune, de flore et de ressources marines (animaux et plantes) sont [...] des marchandises de grande valeur et intéressent donc les groupes criminels organisés », Faire reculer la corruption. Guide sur la lutte contre la corruption à l'usage des organes de gestion des espèces sauvages, Nations Unies, Vienne 2020, p. x.

220 Voir à cet effet la controverse sur l'auteur et l'origine véritables de la phrase sur le site suivant : https://www.linternaute.fr/proverbe/101/l-argent-est-le-nerf-de-la-guerre/

221 MENGUE-MEDOU (C.), « Les aires protégées en Afrique : perspectives pour leur conservation », Revue électronique en science de l'environnement », Volume 3, n°1, avril 2002, § 25.

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A. Un financement issu des organismes publics internationaux et étrangers Les préoccupations environnementales nées lors de la Conférence de Stockholm en 1972 avaient posé, implicitement, la question du financement de la protection de l'environnement, de manière générale, et de la biodiversité singulièrement. Deux décennies après, le Fonds mondial pour l'environnement (FEM) verra le jour en vertu de la résolution n°91-5 portant création du Fonds d'affectation spéciale pour l'environnement mondial, adoptée par le Conseil d'administration de la Banque mondiale en juillet 1991222. Trois ans après son adoption, ce mécanisme multilatéral connaîtra une restructuration en juillet 1994. Depuis lors, le FEM assure le financement de la conservation dans plusieurs pays dont ceux de la Sous-région Afrique centrale.

Ayant souscrit à ce mécanisme, le Congo fait partie des bénéficiaires des fonds du FEM. Cela étant, il a pu obtenir de ce dernier un appui financier via le PNUE dans le cadre de la création de l'aire marine protégée de la baie de Loango223.

Malgré l'engagement du FEM à soutenir les projets de conservation dans le monde, son action parait insuffisante car il ne peut couvrir à lui seul tous les frais inhérents à la protection de l'environnement. Ce constat a conduit à la création de plusieurs autres mécanismes, à l'instar du REDD224. C'est ainsi que certains ont clairement appelé les grandes puissances à mettre la main à la poche pour financer la conservation de la biodiversité en Afrique. C'est le cas de David WILKIE et al. qui affirment qu'« Etant donnée la réalité du "il-faut-manger-aujourd'hui" des systèmes économiques du bassin du Congo, la communauté internationale doit décider de supporter la majorité des coûts de la conservation d'une biodiversité globalement importante »225.

A cet effet, les organismes publics des grandes puissances soutenant le développement dans les pays pauvres ont intégré les thématiques environnementales dans leurs portefeuilles. GUILLET et LEMENAGER affirment

222 BOISSON DE CHAZOURNES (L.), Le Fonds pour l'environnement mondial : recherche et conquête de son identité, Annuaire français de droit international XLI - 1995 - Editions du CNRS, Paris, 1995, vol. 41, p. 612-632.

223 Rapport préliminaire projet de création d'une aire marine protégée dans la Baie de Loango en vue de la conservation des tortues marines en République du Congo, Ministère de l'Economie Forestière et du Développement Durable, décembre 2014, file:///C:/Users/WCS/Downloads/142.pdf

224 ITSOUA-MADZOU (G.-L.) et al., « Les aires protégées : un atout majeur pour la lutte contre les changement climatiques », Aires protégées d'Afrique centrale. Etat 2020, p. 335.

225 WILKIE (D.), CARPENTER (J.F.), Financement des aires protégées dans le bassin du Congo, Biological Conservation, Septembre 1998, p. 3.

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dans ce sens que « Les bailleurs de développement dont la mission centrale est de participer à l'amélioration des conditions de vie des pays dits du Sud se targuent à présent de participer à la préservation de la planète, de la biodiversité et à la lutte contre le réchauffement climatique [...] »226. Au nombre de ces organismes on compte la United States Agency for International Développent (USAID)227, le United States Fish and Wildlife Service (USFWS)228, le Central African Forest Initiative (CAFI)229 - mécanisme regroupant plusieurs Etats d'Europe et d'Asie et des institutions financières internationales comme la Banque mondiale - l'Union Européenne via le programme ECOFAC, etc. Ce dernier programme a d'ailleurs permis de financer pendant environ trente ans plusieurs projets dans les aires protégées du Congo et dans leur périphérie. Parmi les derniers projets ayant bénéficié d'un financement ECOFAC il y a, par exemple, le projet « Approche intégrée pour la conservation de la biodiversité du Parc National de Nouabalé-Ndoki et sa périphérie », mis en oeuvre par WCS-Congo230. Dans le domaine de la conservation de la biodiversité marine, le projet UE-Renatura 2015-2017 dénommé « Protection et Etude des Tortues marines et de leur habitat en République du Congo » a bénéficié d'un soutien financier de l'UE dans la période considérée. En dehors de l'UE, le projet de création d'une aire marine protégée dans la baie de Loango bénéficie du soutien financier de bien d'autres bailleurs internationaux et étrangers231.

Les financements accordés aux Etats sont généralement gérés par les ONG internationales (B).

B. Un financement géré par des Organisation Non Gouvernementales de conservation (ONG)

De plus en plus d'ONG internationales, ou locales tenues par des ressortissants des pays développés établis dans les pays en développement, se voient confier la gestion des financements accordés aux Etats en vue de la mise en oeuvre de projets d'environnement et de conservation dans les pays bénéficiaires.

226 GUILLET (F.) et LEMENAGER (T.), ONG d'environnement et bailleurs de l'aide publique au développement :

un partenariat environnemental en débat, mai 2013, p.4.

227 USAID : Agence des Etats-Unis pour le développement international.

228 USFWS : Service halieutique et de la faune des Etats-Unis.

229 CAFI : Initiative pour les forêts d'Afrique centrale.

230 https://www.coordinationsud.org/wp-content/uploads/TdR Evaluation ECOFAC6 11112021vf.pdf

231 https://renatura.org/wp-content/uploads/2022/04/NaturInfo-n%%B054.pdf , p. 54.

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GUILLET et LEMENAGER nous apprennent qu'elles constituent, pour les organismes de développement, « des acteurs importants du secteur environnemental, notamment dans les pays en développement »232. Le rôle joué par ces ONG dans leurs relations avec les bailleurs de fonds publics internationaux a pris une telle ampleur qu'elle a fait l'objet d'une typologie. En effet, toujours selon GUILLET et LEMENAGER, « quatre postures relationnelles » résument cette entente : « (i) le plaidoyer externe ; (ii) la collaboration critique ; (iii) la coopération environnementale ; (iv) la prestation de service »233.

A en croire le tableau réalisé par les auteurs sur la question, les financements accordés relèvent plus des deux dernières postures. Dans la position de prestataire de service, l'ONG répond aux appels d'offres publiés par les organismes publics internationaux et étrangers en vue de la mise en oeuvre des activités commandées par les bailleurs, tandis que dans celle de coopération environnementale, l'ONG recherche le soutien du bailleur au profit de ses propres activités. Cela part de la sensibilisation aux thématiques environnementales à sa soumission à l'évaluation en passant par la mise en oeuvre de certaines activités sur le terrain, l'ONG jouant ainsi le rôle d'intermédiaire entre les acteurs de terrain et les bailleurs234.

L'observation de la situation de la conservation marine au Congo nous permet de classer dans ce registre deux ONG, à savoir WCS-Congo et Renatura235. En effet, les projets de création de deux aires marines protégées en cours au Congo sont principalement menés par ces deux ONG.

Paragraphe 2 : La nécessité de diversifier les sources de financement des AMP

Des événements comme l'élection de Donald TRUMP à la tête des Etats-Unis en novembre 2016 et la crise à coronavirus COVID-19 qui a sévi dans le monde entier entre 2019 et 2022 sont venus rappeler aux Etats la nécessité de diversifier les

232 GUILLET (F.) et LEMENAGER (T.), Idem.

233 GUILLET (F.) et LEMENAGER (T.), Organisations non gouvernementales d'environnement et bailleurs du développement : quelles interactions pour quelle efficacité environnementale ?, Mondes en développement 2016/3 (n° 175), pages 131 à 148, p. 136, https://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2016-3-page-131.htm

234 Il est intéressant de relever ici le fait que c'est sous ce registre que l'association de droit congolais Renatura, créée par une ressortissante française basée au Congo, a mis en place un petit organe dénommé `'écocentre», destiné à former, encadrer et accompagner les organisations de la société civile de Pointe-Noire et du Kouilou dans le montage, la mise en oeuvre et le suivi des petits projets dédiés à l'environnement.

235 https://www.adiac-congo.com/content/conservation-de-la-biodiversite-lassociation-renatura-lance-un-
vaste-projet-de-protection-de

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sources de financement de la conservation, plus particulièrement des écosystèmes marins. En effet, dès son arrivée à la Maison-Blanche, Donald TRUMP a marqué les esprits en sortant son pays de l'Accord de Paris signé en 2015 par son prédécesseur Barack OBAMA236. Ensuite, il a interrompu la contribution américaine au Fonds Vert pour le climat mis en place par les Nations Unies, et a ordonné des réductions budgétaires aux principales institutions américaines qui gèrent les questions de financement du développement et de l'environnement dans les pays en développement237. Cette dernière décision avait eu pour, entre autres, conséquences de stopper prématurément des projets qui étaient mis en oeuvre dans les pays africains, notamment le projet KIBRA238 dans les deux Congo. Dès lors, les Etats africains devraient se servir de cette expérience amère pour explorer d'autres sources de financement telle que la valorisation du patrimoine historique et culturel (A). Lorsque le contexte s'y prête, les Etats devraient également créer les conditions nécessaires à la mise en place d'accords de partenariat avec les entreprises privées (B) ayant des activités dans la périphérie de l'aire marine protégée.

A. Une diversification de financement possible par la valorisation du

patrimoine historique et culturel

Les aires protégées du Congo peinent encore à drainer du monde, à l'exception du Parc National d'Odzala-Kokoua (PNOK) - dont une partie des recettes touristiques a permis de financer des micro-projets communautaires de l'ordre de 33116$US (soit environ 20.000.000 de Francs CFA) en 2019239 - et du Parc National de Nouabalé-Ndoki qui tente de s'inscrire également dans ce registre240. Ailleurs en Afrique, le potentiel touristique des aires protégées est exploité au point où une partie des recettes permet de financer la réalisation de certains projets sociaux importants comme l'électrification rurale, la construction d'écoles, de centres de santé, etc.241.

236 https://www.strategie.gouv.fr/point-de-vue/consequences-retrait-etats-unis-de-laccord-de-paris

237 https://www.lesechos.fr/2017/06/etats-unis-les-aides-aux-pays-vulnerables-sont-menacees-172349

238 KIBRA (Kinshasa-Brazza).

239 ITSOUA-MADZOU (G.-L.) et al., « Les aires protégées : un atout majeur pour la lutte contre les changement climatiques », Aires protégées d'Afrique centrale. Etat 2020, p. 339.

240 D'importants travaux de construction des lodges et d'aménagement ont, en effet, été lancés dans le PNNN. Un conseiller Technique en matière de tourisme y a même été recruté.

241 ITSOU-MADZOU (G.-L.) et al. rendent compte de ce qu'en RDC et au Rwanda, l'éco-tourisme profite aux communautés locales et populations autochtones.

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Les aires marines protégées en cours de création au Congo, dont celle de la baie de Loango, ne manquent pas d'attraits touristiques. Le patrimoine historique et culturel que renferme cette dernière plaide en ce sens. En effet, selon une étude, le site devant accueillir la partie terrestre de l'aire marine protégée de la baie de Loango avait accueilli à partir du XVIIIème siècle des comptoirs consacrés au commerce du « bétail humain [...] destiné à peupler la Caraïbe et l'Amérique du Nord britannique »242.

Pour parvenir jusqu'au lieu de leur embarquement, les esclaves empruntaient un chemin dit « route des esclaves » longé par des arbres - dont quelques-uns ont résisté à l'épreuve du temps - avant de partir pour un `'voyage sans retour''243. On peut ajouter à ces vestiges « l'arbre pour le rituel de l'oubli et celui pour le retour » ainsi que le débarcadère244.

Cela étant, la valeur historique et culturelle de l'aire marine protégée de la baie de Loango n'est plus à démontrer, d'autant que l'UNESCO a reconnu l'authenticité des vestiges présents sur ce site245.

Ce potentiel touristique peut être transformé en produit touristique à même de générer des recettes à long terme pour le fonctionnement de l'aire protégée et le développement des populations locales à travers la création d'emplois246. Pour ce faire, l'Etat devra au préalable investir dans les infrastructures qui pourront permettre de booster le tourisme dans cette partie du Congo.

242 NGANGA (A.F.), La Compagnie royale d'Afrique et les commerçants négriers anglais sur la baie de Loango (entre 1650 et 1838), Etudes caribéennes, n°42, avril 2019, §1.

Cette étude souligne que « La baie de Loango avait plusieurs sites portuaires d'embarquement et de débarquement. Sur la base de la description des établissements de traite des noirs du Commandant Edouard Bouet Willaumez en 1845, nous avons : Cap Lopez, Sangantane, FernanVaz, Sette Cama, Mayumba, Kilonga, Pointe Banda, Bas Kouilou, Loango (non loin de la capitale Bwali), Pointe indienne, Punta negra (aujourd'hui Pointe-Noire), Cabinda, Malemba et Boma. », Idem.

Par ailleurs, la même étude « situe la frontière nord de la baie de Loango à partir du Cap Lopez-Gonzalvo (actuel Gabon), notamment à la pointe de l'actuelle île Mandji, dans le delta de l'Ogooué à 0° 37' 46' Sud, 8° 42' 28' Est. La baie de Loango s'étendait jusqu'au sud, à l'embouchure du fleuve Congo à 6° 03' Sud, 12° 22' Est, localisée à Moanda (actuelle République démocratique du Congo). », Ibidem.

243 NGANGA (A.F.), Routes des captifs pour la traite négrière transatlantique en Afrique centrale : du XVe au XIXe siècle, Etudes Caribéennes, n°49, Août 2021, § 5-8.

244 Pour en savoir davantage, lire la suite à l'adresse suivante : https://whc.unesco.org/fr/listesindicatives/5373/

245 A lire l'adresse ci-dessus.

246 Selon le rapport préliminaire du projet de création de l'AMP de la baie de Loango, « La troisième possibilité de mobilisation de ressources peut provenir de la valeur touristique de la baie de Loango. En effet, la valorisation des sites touristiques de la baie de Loango pourrait aussi contribuer au financement des activités de l'aire marine protégée », p. 5.

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La diversification de financement peut également découler des accords de partenariat avec les entreprises ayant des activités dans la périphérie de l'aire marine protégée (B).

B. Une diversification de financement possible par les accords de

partenariat avec les entreprises

Dans le rapport préliminaire de l'aire marine protégée de la baie de Loango, les auteurs s'accordent à reconnaitre que « L'autre source de financement pourrait provenir des entreprises évoluant dans la ZES247, mitoyenne à l'AMP »248. Nous souscrivons à cette analyse. Mais à celles-ci, l'on pourrait ajouter les entreprises ayant des activités en périphérie de l'aire marine protégée, notamment celles qui exploitent les hydrocarbures en Offshore. Un tel partenariat pourrait s'appuyer sur le modèle des PROGEPP développé par l'Etat congolais, WCS-Congo et la CIB Olam en périphérie du Parc National de Nouabalé-Ndoki dans le nord du Congo dont il a été question plus haut. Au lieu de ne s'intéresser qu'à la lutte anti-braconnage (LAB), ces accords pourraient aussi inclure d'autres volets comme le financement de micro-projets communautaires, des programmes de bourses scolaires et universitaires orientés en direction des jeunes, etc. Cela pourrait être fait dans le cadre de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises intéressées249.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo