Paragraphe 2 : Le contenu des sanctions
prononcées
Les sanctions encourues par les délinquants poursuivis
sont, en fonction de l'organe qui les prononce, administratives (A) ou
judiciaires (B).
A. Les sanctions administratives
Au plan administratif, les sanctions prennent la forme des
transactions ou des saisies et confiscations. La volonté de
spécialisation de la matière a poussé le
législateur à inclure à l'article 106 de la loi sur la
faune et les aires protégées la possibilité pour « Le
ministre chargé des eaux et forêts, le directeur
général et les directeurs départementaux chargés
des eaux et forêts » de « transiger au nom de l'Etat pour les
infractions en matière de faune et de chasse »209. A ces
autorités, on peut ajouter les conservateurs dont les transactions
peuvent aller jusqu'à 5.000.000 de francs CFA210.
Si la transaction est un mode d'extinction de l'action
publique découlant du pouvoir que la loi confère à
certaines autorités administratives, comme celles susmentionnées,
de renoncer à l'exercice de poursuites contre un délinquant, en
le contraignant à verser une somme d'argent destinée à
tenir lieu de pénalité211, elle n'est pas sans poser
de question quant à son opportunité dans le contexte de la
protection de la biodiversité marine. Il est vrai, comme le pensent
certains, que « la transaction est l'archétype des modes
alternatifs de règlement des litiges »212, mais il
206 Au Congo, comme dans la plupart des Etats d'Afrique
subsaharienne, le procureur de la République « a une
compétence de droit commun en matière de procédure
pénale », Ly (I.), Tendances d'évolution du droit de la
faune et des aires protégées en Afrique occidentale, Etudes
juridiques de la FAO en ligne (FAO Legal Papers Online), janvier 2001, p.12.
207 Article 64 Loi n°1-63 du 13 janvier 1963 portant code de
procédure pénale.
208 Article 114 Loi sur la faune et les aires
protégées.
209 Article 106.
210 Alinéa 3 du même article.
211 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 2ème
édition Quadrige/PUF, 2001, p. 871.
212 PERRIER (J.-B.), « La transaction pénale et la
protection des milieux aquatiques », Le Dossier : Justice pour l'eau,
Actes du colloque de Clermont-Ferrand du 6 juin 2018, textes réunis par
Ph. Boucheix, La Revue du
~ 63 ~
s'agit d'un mode qui privilégie davantage la sanction
pécuniaire à la sanction répressive punitive qui a une
fonction dissuasive et de `'rectification du comportement» en vue d'une
réadaptation à la vie en société respectueuse des
lois.
Toutefois, la transaction est exclue dans deux cas : lorsque
l'auteur de l'acte est un récidiviste213, et lorsque le
jugement portant sur les faits objet de la transaction a déjà
été rendu. A ces deux cas nous pouvons ajouter un
troisième, à savoir quand l'infraction porte sur les
espèces intégralement protégées. En effet, la
pratique démontre que les situations d'atteinte à ces
espèces sont systématiquement communiquées à la
justice, l'autorité administrative excluant toute possibilité de
transaction en la matière. Précisons que le législateur
congolais a fait le choix de laisser subsister la possibilité de
transiger en dépit de la mise en mouvement de l'action publique,
à condition que le jugement ne soit pas encore intervenu. Par ailleurs,
aussi longtemps que le délinquant n'a pas versé le montant de la
transaction, les poursuites judiciaires suspendues entre-temps pour cause
transactionnelle peuvent de nouveau être réactivées par le
procureur de la République.
Les saisies et confiscations constituent la seconde
catégorie de sanctions que les autorités administratives peuvent
prononcer. L'article 110 de la loi sur la faune et les aires
protégées indique dans ce sens que « Les armes, munitions et
moyens ayant servi à commettre une infraction de chasse sont saisis par
l'agent verbalisateur et remis à l'autorité compétente
». Si elle préconise la destruction de ces moyens utilisés
illicitement, la loi reste curieusement silencieuse sur le moment où
cette destruction doit intervenir dans la perspective d'un procès
puisqu'ils peuvent servir de preuve au cours d'une instance.
Un autre type de moyen peut être saisi, il s'agit des
véhicules de transport ayant servi à commettre l'infraction objet
de la sanction. Mais, cette possibilité n'est offerte à
l'administration des eaux et forêts que si le moyen est utilisé
par un délinquant récidiviste. Là encore, la loi se
contente de prévoir la possibilité pour l'administration des eaux
et forêts de remettre le véhicule à son
propriétaire, son
Centre Michel de l'Hospital [édition électronique],
2019, n° 18, pp. 43-48. La Revue du Centre Michel de l'Hospital -
édition électronique, Centre Michel de l'Hospital CMH EA 4232,
2019, pp. 43-48. ffhal-02172089 213 Article 106, alinéa 3.
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mandataire ou ses ayants-droit, en contrepartie d'une caution
égale à la valeur du moyen au moment de sa
saisie214.
En dehors des sanctions administratives que nous venons
d'analyser, les délinquants s'exposent aussi à des sanctions
judiciaires (B).
B. Les sanctions judiciaires
Au départ timide, l'action du juge congolais en
matière de répression des infractions relatives à la faune
et aux aires protégées va désormais crescendo. PONGUI et
TONI KOUMBA reconnaissent du reste que « Le contentieux juridictionnel en
matière d'environnement au Congo est dominé par les affaires
relatives à la protection de la faune et de la flore sauvages et le
commerce associé », tout en précisant que « c'est le
juge pénal qui est le plus souvent sollicité par l'Etat, avec le
concours des organisations non gouvernementales »215. Cette
analyse est corroborée par une étude commandée par
WCS-Congo faisant état de plus de 652 personnes
déférées devant les juridictions nationales entre 2008 et
2017 pour des faits liés aux espèces sauvages, dont 512 jugements
prononcés216.
Il convient toutefois de nuancer cet enthousiasme car les
infractions poursuivies ne concernent souvent, sinon exclusivement que des
espèces sauvages appartenant à la faune terrestre217.
Pourtant, la loi attribue également à certaines espèces
marines le statut d'espèces intégralement
protégées218. C'est notamment le cas des tortues
caouannes (Careta careta), Imbriquée (Eretmochelys
imbricata), Luth (Dermochelys coriacea), Olivâtre
(Lepidochelys olivacea) et Verte (Chelonia mydas) souvent
retrouvées dans les filets des pêcheurs, ou encore dont les oeufs
sont braconnés sur les plages de la Pointe indienne et de Matombi au
nord-ouest de
214 Article 111.
215 PONGUI (B.S.), TONI KOUMBA (E.W.), Les règles
communautaires de protection de l'environnement et l'office du juge national :
l'exemple de la République du Congo, Revue Africaine de Droit de
l'Environnement n°5-2020, p.171-180, p. 179.
216 Selon cette étude, les affaires jugées dans
la période considérée représentaient plus de 73% de
taux d'affaires menées jusqu'à leur terme. Source : BATCHY (J.D.)
et al., Analyse des poursuites judiciaires relatives aux infractions
sur la faune traitées par les tribunaux de la République du Congo
(2008-2017), mai 2018.
217 « La plupart des infractions traitées par les
tribunaux se concentrent sur des espèces intégralement
protégées, dont les éléphants 70% des cas. Les
autres espèces clés comprennent les primates, (9%), le
léopard (6%), le pangolin (2%) et le perroquet gris d'Afrique (4%)
», idem, p. 6.
218 Article 2 Arrêté 6075 du 9 avril 2011
déterminant les espèces animales intégralement et
partiellement protégées.
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Pointe-Noire219. Ces actes sont constitutifs
d'infractions, mais la justice tarde à s'en saisir. D'ailleurs, la
création dans les mois à venir, de l'aire marine
protégée de la baie de Loango est justifiée par la
protection de ces espèces particulièrement menacées.
Section 3 : Les AMP : des espaces nécessitant
des financements stables et conséquents
« L'argent est le nerf de la guerre ». Cet aphorisme
que l'on attribue à Cicéron qui l'aurait lui-même repris
à un autre penseur220, décrit à souhait la
problématique du financement dans la gestion des aires
protégées d'Afrique. Célestine MENGUE-MEDOU soutient
d'ailleurs que « Le manque chronique d'argent pour couvrir le coût
des mesures requises pour la conservation représente un des principaux
facteurs qui limitent l'efficacité de la conservation de la
biodiversité dans la plupart des pays africains »221. Il
y a d'un côté les financements traditionnels (paragraphe 1), et de
l'autre, la nécessité de diversifier les sources de financement
(paragraphe 2).
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