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Droit international de l'environnement et aires marines protégées en République du Congo


par Gavinet Duclair MAKAYA BAKU-BUMB
Université de Limoges - Master 2 2022
  

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Paragraphe 2 : Le choix du partenariat public-privé

Une considération peut justifier le recours, par l'Etat, au partenariat public-privé, à savoir la complexité de la conservation en milieu marin (A). Dans cette hypothèse, la recherche du partenaire n'est pas toujours une entreprise aisée (B).

180 Selon SCHOLTE (P.), et al., « Il est apparu, qu'au cours des premières années de fonctionnement de nouveaux PPP en Afrique centrale, certains partenaires privés pouvaient considérer l'aire protégée dont ils avaient la gestion comme un territoire privé. Leur obligation de redevabilité se limitait à la remise de rapports d'activités contractuels. Ces derniers sont importants mais largement insuffisants en matière de redevabilité [...].

La délégation de gestion à une entité privée, même si celle-ci est pourvue d'un statut d'utilité publique ou à but non lucratif, est très récente. Elle se heurte quelque peu à une culture politique qui demeure encore très interventionniste. Ainsi, l'État a voulu influencer, dans certains PPP, les décisions prises par le partenaire privé pour la gestion opérationnelle de l'aire protégée (par exemple le processus d'élaboration du plan de gestion ou la mise en oeuvre de la lutte anti-braconnage). Cette situation crée des incompréhensions et des tensions des deux côtés », Partenariats public-privé dans la gestion des aires protégées en Afrique centrale : Leçons actuelles et perspectives, Aire protégées d'Afrique centrale. Etat 2020, p.115-117.

181 En effet, « [...] d'une manière générale, il ressort que toutes les expériences en cours [...] au Congo avec APN, CCC et WCS, [...] donnent à ce jour des résultats globalement satisfaisants. On note qu'aucune expérience n'a été arrêtée à ce jour et que la tendance est plutôt favorable au renforcement du statut de protection et à l'amélioration de l'état de la biodiversité dans les sites bénéficiaires de ce mode de gestion », Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public - Privé (PPP) en Afrique centrale, Secrétariat Exécutif de la COMIFAC, juin 2018, p.16.

182 Idem.

~ 55 ~

A. Un choix justifié par la complexité de la conservation en milieu marin

La conservation de la biodiversité dans les aires protégées terrestres n'est pas chose aisée183, le faire dans un milieu aquatique est encore davantage difficile au regard du contexte caractérisé par la fragilité des écosystèmes marins, voire de leur dégradation184, et de l'importance des moyens à mobiliser. En réponse à cette complexité, le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique a mis en place l'« approche par écosystème », laquelle est « une excellente stratégie de gestion intégrée des sols, des eaux et des ressources vivantes - une stratégie qui favorise la conservation et l'utilisation durable d'une manière équitable »185.

Dans une étude, GOUSSARD, PALLA et SIONNEAU analysent cette approche et la mette en relation avec la gestion des aires marines protégées tout en résumant les finalités de celles-ci dans la sous-région Afrique centrale en quelques points ci-après :

«
· protection et/ou restauration d'un ensemble d'habitats remarquables, rares ou menacés et des communautés biologiques associées,

· préservation d'espèces emblématiques à forte valeur patrimoniale,

· gestion durable des ressources halieutiques et maintien de la capacité des écosystèmes côtiers et marins à assurer le renouvellement de ces ressources et des populations,

· préservation de la capacité des écosystèmes naturels à fournir les biens et services écologiques nécessaire au développement des sociétés côtières, notamment en matière de réduction des risques marins et côtiers,

· gestion multifonctionnelle des espaces côtiers et marins basée sur une gouvernance partagée et anticipative,

183 « Les processus qui lient écosystèmes et espèces sont complexes : une intervention effectuée dans un lieu géographique donné peut avoir des répercussions imprévues ailleurs, plusieurs années plus tard », Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (2004) Approche Par Écosystème (Lignes Directrices de la CDB) Montréal : Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique 51 p.

184 « Les prochaines décennies seront très certainement marquées par la menace de l'extinction d'une grande partie des espèces terrestres, côtières et marines à cause de la dégradation, de la perte, de la surexploitation, de la modification ou de la pollution de leur habitat. Il paraît difficile d'affirmer que certaines espèces résisteraient et s'adapteraient à de nouvelles conditions et à un nouveau milieu, alors que la raréfaction ou l'extinction de nombre d'entre elles semblent inéluctables, dans tout ou partie de leurs aires de répartition. Cela signera alors la disparition de nombreux services écosystémiques, auxquels s'ajouteront par exemple les graves conséquences sur le tourisme et la santé. Les actions de gestion écosystémique qui prévoient la restauration et la protection des habitats et des espèces favoriseraient l'adaptation dans ce secteur », Rapport technique sur l'état de vulnérabilité côtière des pays d'Afrique centrale. Dossier de l'ICAM n° 10. Série technique 152, p. 51.

185 Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (2004) Approche Par Écosystème (Lignes Directrices de la CDB) Montréal : Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique 51 p., p.1.

·

" 56 "

préservation de systèmes naturels servant de références scientifiques,

· préservation du patrimoine historique et culturel des sociétés côtières,

·

»186.

préservation d'opportunités économiques actuelles et/ou futures (valeurs esthétiques et récréatives, tourisme par exemple, éducatives, et scientifiques)

Certains Etats d'Afrique centrale, à l'instar du Gabon, ont créé plusieurs aires marines protégées tandis que d'autres sont en voie de suivre l'exemple gabonais, c'est le cas du Congo. Cela traduit une forte volonté politique de la part des Etats de la sous-région à sécuriser leurs écosystèmes marins. Même quand cela est fait pour préserver une espèce, en l'occurrence la tortue Luth au Congo avec la future aire marine protégée de la baie de Loango, c'est en réalité plusieurs espèces ainsi que leurs habitas qui seront en conséquence préservés. Néanmoins, il convient de s'interroger sur les capacités institutionnelles de ces Etats à mener à bien les missions de conservation de ces écosystèmes et de protection du milieu marin pour atteindre les finalités poursuivies à travers la création des aires marines protégées dans leur zone économique exclusive. A cet effet, une mutualisation des efforts via des partenariats entre acteurs étatiques et privés permettrait une meilleure gestion de ces espaces même si « Le fait que les États du Sud affrontent une pénurie flagrante de moyens financiers et logistiques ne modifie pas leurs velléités de contrôle des zones »187 maritimes.

B. La cherche du partenaire : une entreprise pas toujours aisée

Le choix du partenaire est un moment décisif qui, s'il est bien géré, peut entrainer la réussite du projet ; à l'inverse, sa mauvaise gestion peut impacter ce dernier négativement188. C'est dans cette perspective que la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC), la Commission des Forêts d'Afrique Centrale (COMIFAC) et le Réseau des Aires Protégées d'Afrique Centrale (RAPAC) ont, à la demande des Etats, élaboré et mis à la disposition de ceux-ci un

186 GOUSSARD (J.-J.), PALLA (F.) et SIONNEAU (J.-M.), Plan stratégique des aires marines protégées d'Afrique centrale. Aires protégées d'Afrique centrales. Etat 2015, p. 252.

187 BERTIN (C.), RODARY (E.) et al., Aires protégées, espaces durables ? IRD Éditions, décembre 2013, p. 55-88 (§ 28).

188 « La mise en oeuvre satisfaisante d'un projet de gestion d'une aire protégée en mode PPP dépend, de manière fondamentale, de la bonne conduite de la phase initiale d'identification et de préparation de ce projet », SCHOLTE (P.), BRUGIERE (D.) et AGNANGOYE (J.-P.), Partenariats public-privé dans la gestion des aires protégées en Afrique centrale : Leçons actuelles et perspectives, Aire protégées d'Afrique centrale. Etat 2020, p.118.

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Guide189 destiné à les aider à mieux aborder et conduire les processus de partenariats public-privé. Selon ce document, ceux-ci doivent passer par quatre étapes principales, à savoir :

1.- l'identification et la préparation du projet ;

2.- la contractualisation (formalisation du contrat) ;

3.- la mise en oeuvre du contrat PPP-AP ;

4.- le suivi et évaluation du contrat.

1. L'identification et la préparation du projet

Cette phase ouvre le processus devant aboutir à la conclusion du partenariat public-privé souhaité par l'Etat. Elle consiste en la définition d'un cahier de charges renfermant non seulement les critères et la procédure de sélection du partenaire privé, mais aussi la définition des motivations, des moyens requis, et des modalités relatives à la réalisation des objectifs et résultats escomptés.

Au Congo, le décret n°2009-156 du 20 mai 2009 portant code des marchés publics définit les règles régissant la passation, le contrôle et la régulation des conventions de délégation de service public190. Mais ce texte n'est pas adapté au contexte des aires protégées car il a été élaboré pour ne prendre en compte que les grands projets de construction des infrastructures publiques et de prestation de services relevant du domaine public, comme l'assainissement, l'eau, l'électricité, etc. Dans ces conditions, la passation de contrats de partenariats public-privé ne bénéficie pas d'un cadre juridique spécifique comme c'est par exemple le cas au Rwanda191. Cette situation explique, entre autres, les difficultés et faiblesses rencontrées dans la mise en oeuvre des contrats de ce type actuellement en cours au Congo.

189 « Depuis plusieurs années, les institutions nationales en charge de la gestion des aires protégées ont interpellé les organisations sous-régionales (RAPAC, COMIFAC) afin de solliciter leur appui pour une meilleure connaissance et appropriation des partenariats public-privé [...].

Un « Guide sous-régional des bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public-Privé » (COMIFAC, 2018) a ainsi été élaboré sous l'initiative de la COMIFAC et du 118 RAPAC, avec l'appui de la Coopération technique allemande (GIZ) », Idem, 117-118.

190 Article 1er.

191 « Le Rwanda par exemple dispose d'une loi sur les PPP (Loi N° 2016- 14 du 2 mai 2016 régissant les Partenariats Public Privé au Rwanda), qui constitue un cadre juridique de référence, prenant aussi en compte les aires protégées. », Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public - Privé (PPP) en Afrique centrale, Secrétariat Exécutif de la COMIFAC, juin 2018, p. 20.

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En attendant la mise en place d'un cadre juridique spécifique192, la COMIFAC et le RAPAC recommandent aux Etats de la sous-région Afrique centrale d'avoir « à l'esprit et présenter au Pp193 de manière claire et conséquente » les « questions et autres aspects importants »194 de nature administrative, financière et technique des partenariats public-privé résumés en huit points195. Ceux-ci devront constituer la trame du « cahier de charges que le PP doit élaborer et soumettre aux potentiels Pp par appel d'offres ou par consultation restreinte »196.

2. La « contractualisation » ou formalisation du contrat

Cette deuxième étape suppose que le partenaire privé a été identifié et que doit s'ensuivre à présent la formalisation du contrat entre l'Etat et l'attributaire. Ce contrat sera notamment constitué du dossier d'appel d'offres, du décret de création de l'aire protégée concernée, de tout autre éventuel texte s'y rapportant, et de l'offre technique et financière de l'attributaire197. Pour la conclusion des marchés publics classiques198, il existe un modèle standard élaboré et ventilé par l'Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) du Congo. Mais, comme indiqué précédemment, la réglementation actuelle sur les délégations de service public n'est pas adaptée aux aires protégées terrestre, a fortiori aux aires marines protégées, et par voie de conséquence, les modèles qui en sont issus ne le sont pas non plus.

192 Un avant-projet de loi sur les partenariats public-privé aurait été élaboré par le Gouvernement congolais, mais il n'a pas encore été mis à la disposition des parties prenantes intéressées généralement mis à contribution par les autorités publiques congolaises dans les processus d'élaboration des textes importants.

193 Partenaire privé.

194 Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public - Privé (PPP) en Afrique centrale, Secrétariat Exécutif de la COMIFAC, juin 2018, p. 21.

195 « 1. le statut juridique, la catégorie et l'état de conservation de l'aire protégée concernée ;

2. l'existence ou non d'un plan d'aménagement/de gestion et d'un plan d'affaires ;

3. les compétences et exigences requises du Pp recherché ou identifié ;

4. les résultats et performances à requérir du Pp, assortis d'indicateurs simples, objectivement vérifiables, à présenter dans un cadre logique préalablement établi et adopté de commun accord ;

5. le caractère du partenariat envisagé (partenariat à but lucratif ou non lucratif) ;

6. la détermination des pouvoirs et risques que le PP s'engage à assumer et ceux qu'il souhaite transférer au Pp qui l'accepte ou rejette ;

7. le mode de gouvernance envisagé et les arrangements institutionnels correspondants (gouvernance partagée ou entièrement déléguée), ainsi que les procédures techniques, administratives et financières à observer dans la gouvernance opérationnelle ;

8. les modes et mécanismes de financement envisagés, ainsi que les questions de rémunération des prestations du Pp ou de la couverture des différents frais liés à la mise en oeuvre du projet. », Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public - Privé (PPP) en Afrique centrale, Secrétariat Exécutif de la COMIFAC, juin 2018, p. 21.

196 Idem, p. 22.

197 Ibidem, p. 26.

198 Par marchés publics classiques nous faisons allusion aux marchés qui sont régis par le Code des marchés publics en vigueur au Congo.

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3. La mise en oeuvre du contrat de partenariat public-privé

Une fois le contrat formalisé et conclu, celui-ci engage les deux parties dans la mesure où il crée des droits et obligations bénéficiant et pesant sur l'Etat et son partenaire privé. C'est dans ce cadre qu'a lieu l'exécution du contrat de partenariat public-privé ainsi conclu, c'est-à-dire la « mise en oeuvre opérationnelle » dudit contrat.

Il a été affirmé plus haut que l'exploitation de l'aire protégée - donc du service public - est confiée par l'Etat à son partenaire privé pour une durée avoisinant ou dépassant trois décennies, ce qui correspond à une mise en oeuvre très longue du contrat. De ce point de vue, nous rejoignons les rédacteurs du `'Guide sous régional de bonnes pratiques pour la gestion des aires protégées en mode Partenariat Public-Privé (PPP) en Afrique centrale» qui pensent que « la bonne ou mauvaise formulation, compréhension, interprétation et observation des clauses du contrat [...] détermine(ra) les bonnes ou mauvaises pratiques susceptibles de favoriser ou de compromettre le projet ».

4. Le suivi-évaluation

Dans le cadre des projets, plus particulièrement ceux relatifs aux aires protégées, qu'elles soient terrestres ou marines, gérées sous mode partenariat public-privé, le suivi-évaluation est un processus très important en ce qu'il permet de « mesurer l'atteinte des objectifs et l'obtention des résultats attendus »199 par les deux parties. Si ces derniers ne sont pas concluants, il permet aux cocontractants de `'rectifier le tir».

Section 2 : La sanction de la violation des règles de protection des aires marines protégées

Les règles internationales faisant le lit de la répression de la violation de la législation sur la faune marine et ses écosystèmes sont à rechercher à article 11 de la Convention relative à la coopération en matière de protection et de mise en valeur

199 STRAUSS (M.), Réflexion sur le processus de suivi-évaluation de projets de développement international : le cas de Ailes de l'Espérance au Pérou, Centre universitaire de formation en environnement et développement durable en vue de l'obtention du grade de maître en environnement (M. Env.), Août 2014, p. 9 ; « Le processus d'évaluation permet à l'équipe de travail d'observer objectivement les résultats finaux du projet et de juger dans quelle limite ses objectifs ont été atteints. Le processus d'évaluation mesure le succès du projet et étudie les raisons du succès, ainsi que les raisons de la non-réalisation de façon objective. Bien qu'il soit nécessaire de reconnaître le succès d'un projet, le plus important est d'identifier les raisons pour lesquelles ce succès se répètera à l'avenir ou alors ce qui a empêché le projet d'atteindre ses résultats afin d'éviter des obstacles à l'avenir », FRIEDRICH-EBERT-STIFTUNG - SUIVI ET ÉVALUATION, 2014, p.8.

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du milieu marin et des zones côtières de la région d'Afrique de l'ouest, du centre et du sud qui confie aux Etats la responsabilité d'assurer la protection et la préservation des « écosystèmes singuliers ou fragiles ainsi que l'habitat des espèces et autres formes de vie marine appauvries, menacées ou en voie de disparition ». Dans ce cadre, ils sont habilités « d'interdire ou de réglementer toute activité de nature à avoir des effets néfastes sur les espèces, les écosystèmes, ou les processus biologiques de ces zones ». La protection des écosystèmes marins via les mesures de conservation qui sont initiées par l'Etat à travers l'arsenal juridique existant a lieu suivant les procédures devant les organes de sanction (paragraphe 1) ; le contenu des sanctions prononcées étant variable (paragraphe 2).

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