A. L'Etat de droit
L'Etat de droit correspond à un Etat dans lequel tous
les sujets de droit, en commençant par l'Etat et ses
démembrements respectent, la règle de droit. La stratégie
nationale de gouvernance appréhende l'Etat de droit par une
énumération278. De cette longue
énumération, l'on retient qu'il s'agit des garanties de la
régulation harmonieuse de la société et de la sauvegarde
des droits des particuliers.
L'Etat de droit coïncide avec « la
nécessité pour un pays de disposer des règles juridiques
et des institutions permettant à l'ensemble des acteurs de
connaître leurs droits, libertés et obligations. Il se
décline par le fait que les règles en vigueur doivent être
connues à l'avance et être appliqués de façon
systématique et équitable. Le cadre juridique installé
doit être le plus complet possible pour éviter les incertitudes et
l'arbitraire (...)279». Au niveau local, l'Etat de droit
correspond à la soumission de l'administration locale au droit et du
respect des droits des administrés par celle-ci.
Le raffermissement de l'Etat de droit par les autorités
traditionnelles se fait au moyen de la soumission des collectivités
locales au droit (1) et du respect des droits des particuliers
(2).
1. La soumission des collectivités locales au
droit
La collectivité locale « agissant comme
puissance publique ou exerçant une mission de service public, doit se
conformer au droit en vigueur dans l'Etat. En le faisant, elle contribue
à la construction d'une société de
droit280». Cet extrait de cours du Pr GUIMDO montre bien
la nécessité pour la collectivité de se soumettre au droit
et le bien-fondé qui en découle.
278 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance,
2015, p.15.
279 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,
op. cit., p.57.
280 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de Droit
Administratif Général 2, Université de Yaoundé
II, 2014-2015, Inédit.
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Les autorités traditionnelles ont alors la mission de
veiller à ce que les autorités de proximité respectent le
droit. Juridiquement, aucune disposition ne leur permet de mener ce
contrôle qui relève des pouvoirs de la tutelle
administrative281. Dire alors qu'elles ne mènent aucune
action pour garantir la légalité administrative au niveau local
serait faire preuve de candeur. Dans la pratique, les autorités
parviennent à faire en sorte que les élus locaux se conforment
à la loi. Il peut en être ainsi lors d'une saisine officieuse,
d'une consultation ou lors des échanges dans un cadre formel.
Concernant d'abord la saisine officieuse, il est question pour
l'autorité traditionnelle de saisir de manière non officielle une
autorité locale afin que celle-ci se conforme au droit si elle a pris
une décision bafouant le droit. Elle peut aussi la saisir si elle a
connaissance d'un projet de décision contenant des dispositions
contraires à la règlementation.
Concernant ensuite la consultation, les chefferies
traditionnelles lorsqu'elles sont sollicitées par les autorités
locales peuvent faire part, à ces dernières, d'un certain nombre
d'observations relatives à la légalité. Il peut en
être le cas lors de la rédaction d'un document d'orientation de la
collectivité tel le plan communal de développement. Il peut en
aussi le cas lors de la consultation pour avis sur une question
donnée.
Concernant enfin les échanges dans un cadre formel, il
s'agit pour les autorités traditionnelles de répondre à
une invitation faite par les autorités locales en vue d'échanger
sur un certain nombre de points. C'est alors un cadre de concertation entre les
autorités locales et traditionnelles. Il peut en être ainsi lors
de la tenue d'une session du conseil de l'organe
délibérant282. Les chefs traditionnels devront
toujours dès lors avoir à l'esprit le respect de la
légalité. Bien que n'ayant qu'une voix consultative, ils peuvent
rappeler des dispositions juridiques guidant les résolutions à
prendre.
En tout état de cause, lorsque l'autorité locale
ne se conforme pas au droit, l'autorité traditionnelle, en tant que
citoyen et représentant des populations, peut saisir l'autorité
de tutelle283 afin que l'autorité locale fasse chemin
arrière.
La participation des autorités traditionnelles à
la soumission des autorités locales conduit indubitablement au respect
des droits des particuliers.
281 Art 72 CGCTD. Lire à propos de la tutelle, ABANE
ENGOLO Patrick Edgard, Traité de droit administratif du Cameroun :
Théorie générale et droit administratif
spécial, L'Harmattan, 2019, pp.187-190.
282 Cf. articles 177 (4), 181 (4) et 183 (2) CGCTD.
283 En l'occurrence le Gouverneur pour la Région et le
Préfet pour la commune et la communauté urbaine. Cf. art 73 al 4
et 5 CGCTD.
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2. Le respect des droits des particuliers
Le respect des droits des particuliers peut être
assuré par les autorités traditionnelles qui jouent un rôle
de gendarme dans ce domaine. Elles doivent premièrement
elles-mêmes, selon les circonstances, respecter les droits de leurs
administrés avant de s'assurer que ceux-ci sont respectés par les
autorités locales. La mission à cette échelle des
chefferies traditionnelles est duale, respecter les droits des particuliers et
faire respecter ces droits.
Relativement d'une part au respect des droits des particuliers
par les autorités traditionnelles, il s'agit de par leur stature
d'exemple, d'avoir de la considération des droits de leurs
administrés. Ceci passe par la culture des valeurs prônant le
respect d'autrui. Cependant, il ne faut pas balayer d'un revers de la main que
les autorités traditionnelles ont des prérogatives, en fonction
de la coutume locale, sur leurs populations. Celles-ci sont de nature une
certaine inégalité entre le chef traditionnel et le citoyen. Le
plus important est que cette situation n'affecte pas au plus haut niveau les
droits des particuliers.
Relativement d'autre part à la protection des droits
des particuliers par les chefs traditionnels, il est question pour ces derniers
de s'assurer que les autorités administratives municipales,
communautaires et régionales prennent en compte les droits des
particuliers dans leurs décisions. Cependant, il faut relever que «
dans les rapports administration/ administré, la
prééminence de l'administration l'amène la plupart du
temps à violer le droit en vigueur284». Il
apparaît important pour les autorités de ramener ces violations
à leurs portions les plus congrues.
Tout compte fait, des voies de recours sont offertes aux
autorités traditionnelles et aux particuliers dont les droits ont
été violés. Il est question de se tourner vers les
autorités compétentes pour « faire constater et
sanctionner de telles violations285». Les autorités
traditionnelles peuvent accompagner leurs administrés, victimes de
l'arbitraire de l'administration locale dans ce processus.
Le respect des droits des particuliers est, comme nous l'avons
vu, le second aspect du raffermissement de l'Etat de droit par les chefferies
traditionnelles, il sied dès maintenant de s'appesantir sur
l'égalité.
284 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de Droit
Administratif Général 2, Université de Yaoundé
II,
2014-2015, Inédit.
285 Ibid.
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