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Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun


par Luc René BELL BELL
Université de Yaoundé II - Soa - Master en droit public 2020
  

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A. L'Etat de droit

L'Etat de droit correspond à un Etat dans lequel tous les sujets de droit, en commençant par l'Etat et ses démembrements respectent, la règle de droit. La stratégie nationale de gouvernance appréhende l'Etat de droit par une énumération278. De cette longue énumération, l'on retient qu'il s'agit des garanties de la régulation harmonieuse de la société et de la sauvegarde des droits des particuliers.

L'Etat de droit coïncide avec « la nécessité pour un pays de disposer des règles juridiques et des institutions permettant à l'ensemble des acteurs de connaître leurs droits, libertés et obligations. Il se décline par le fait que les règles en vigueur doivent être connues à l'avance et être appliqués de façon systématique et équitable. Le cadre juridique installé doit être le plus complet possible pour éviter les incertitudes et l'arbitraire (...)279». Au niveau local, l'Etat de droit correspond à la soumission de l'administration locale au droit et du respect des droits des administrés par celle-ci.

Le raffermissement de l'Etat de droit par les autorités traditionnelles se fait au moyen de la soumission des collectivités locales au droit (1) et du respect des droits des particuliers (2).

1. La soumission des collectivités locales au droit

La collectivité locale « agissant comme puissance publique ou exerçant une mission de service public, doit se conformer au droit en vigueur dans l'Etat. En le faisant, elle contribue à la construction d'une société de droit280». Cet extrait de cours du Pr GUIMDO montre bien la nécessité pour la collectivité de se soumettre au droit et le bien-fondé qui en découle.

278 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance, 2015, p.15.

279 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », op. cit., p.57.

280 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de Droit Administratif Général 2, Université de Yaoundé II, 2014-2015, Inédit.

Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 106

Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

Les autorités traditionnelles ont alors la mission de veiller à ce que les autorités de proximité respectent le droit. Juridiquement, aucune disposition ne leur permet de mener ce contrôle qui relève des pouvoirs de la tutelle administrative281. Dire alors qu'elles ne mènent aucune action pour garantir la légalité administrative au niveau local serait faire preuve de candeur. Dans la pratique, les autorités parviennent à faire en sorte que les élus locaux se conforment à la loi. Il peut en être ainsi lors d'une saisine officieuse, d'une consultation ou lors des échanges dans un cadre formel.

Concernant d'abord la saisine officieuse, il est question pour l'autorité traditionnelle de saisir de manière non officielle une autorité locale afin que celle-ci se conforme au droit si elle a pris une décision bafouant le droit. Elle peut aussi la saisir si elle a connaissance d'un projet de décision contenant des dispositions contraires à la règlementation.

Concernant ensuite la consultation, les chefferies traditionnelles lorsqu'elles sont sollicitées par les autorités locales peuvent faire part, à ces dernières, d'un certain nombre d'observations relatives à la légalité. Il peut en être le cas lors de la rédaction d'un document d'orientation de la collectivité tel le plan communal de développement. Il peut en aussi le cas lors de la consultation pour avis sur une question donnée.

Concernant enfin les échanges dans un cadre formel, il s'agit pour les autorités traditionnelles de répondre à une invitation faite par les autorités locales en vue d'échanger sur un certain nombre de points. C'est alors un cadre de concertation entre les autorités locales et traditionnelles. Il peut en être ainsi lors de la tenue d'une session du conseil de l'organe délibérant282. Les chefs traditionnels devront toujours dès lors avoir à l'esprit le respect de la légalité. Bien que n'ayant qu'une voix consultative, ils peuvent rappeler des dispositions juridiques guidant les résolutions à prendre.

En tout état de cause, lorsque l'autorité locale ne se conforme pas au droit, l'autorité traditionnelle, en tant que citoyen et représentant des populations, peut saisir l'autorité de tutelle283 afin que l'autorité locale fasse chemin arrière.

La participation des autorités traditionnelles à la soumission des autorités locales conduit indubitablement au respect des droits des particuliers.

281 Art 72 CGCTD. Lire à propos de la tutelle, ABANE ENGOLO Patrick Edgard, Traité de droit administratif du Cameroun : Théorie générale et droit administratif spécial, L'Harmattan, 2019, pp.187-190.

282 Cf. articles 177 (4), 181 (4) et 183 (2) CGCTD.

283 En l'occurrence le Gouverneur pour la Région et le Préfet pour la commune et la communauté urbaine. Cf. art 73 al 4 et 5 CGCTD.

Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 107

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2. Le respect des droits des particuliers

Le respect des droits des particuliers peut être assuré par les autorités traditionnelles qui jouent un rôle de gendarme dans ce domaine. Elles doivent premièrement elles-mêmes, selon les circonstances, respecter les droits de leurs administrés avant de s'assurer que ceux-ci sont respectés par les autorités locales. La mission à cette échelle des chefferies traditionnelles est duale, respecter les droits des particuliers et faire respecter ces droits.

Relativement d'une part au respect des droits des particuliers par les autorités traditionnelles, il s'agit de par leur stature d'exemple, d'avoir de la considération des droits de leurs administrés. Ceci passe par la culture des valeurs prônant le respect d'autrui. Cependant, il ne faut pas balayer d'un revers de la main que les autorités traditionnelles ont des prérogatives, en fonction de la coutume locale, sur leurs populations. Celles-ci sont de nature une certaine inégalité entre le chef traditionnel et le citoyen. Le plus important est que cette situation n'affecte pas au plus haut niveau les droits des particuliers.

Relativement d'autre part à la protection des droits des particuliers par les chefs traditionnels, il est question pour ces derniers de s'assurer que les autorités administratives municipales, communautaires et régionales prennent en compte les droits des particuliers dans leurs décisions. Cependant, il faut relever que « dans les rapports administration/ administré, la prééminence de l'administration l'amène la plupart du temps à violer le droit en vigueur284». Il apparaît important pour les autorités de ramener ces violations à leurs portions les plus congrues.

Tout compte fait, des voies de recours sont offertes aux autorités traditionnelles et aux particuliers dont les droits ont été violés. Il est question de se tourner vers les autorités compétentes pour « faire constater et sanctionner de telles violations285». Les autorités traditionnelles peuvent accompagner leurs administrés, victimes de l'arbitraire de l'administration locale dans ce processus.

Le respect des droits des particuliers est, comme nous l'avons vu, le second aspect du raffermissement de l'Etat de droit par les chefferies traditionnelles, il sied dès maintenant de s'appesantir sur l'égalité.

284 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de Droit Administratif Général 2, Université de Yaoundé II,

2014-2015, Inédit.

285 Ibid.

Rédigé et présenté par BELL BELL Luc René Page 108

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