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Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun


par Luc René BELL BELL
Université de Yaoundé II - Soa - Master en droit public 2020
  

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D. L'ARTICULATION ET LA JUSTIFICATION DU PLAN

Le rôle que jouent les chefferies traditionnelles dans la mouvance de décentralisation est transversal, il n'est pas seulement contenu dans la loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code général des collectivités territoriales décentralisées. Il est également contenu dans plusieurs instruments juridiques. Mais le Code général des collectivités territoriales décentralisées permet de résumer ce rôle. Après la lecture de l'article 5 alinéa 2 de la loi citée ci-haut, on peut retenir d'une part que le rôle des chefferies traditionnelles dans le processus de décentralisation peut être appréhendé en matière de développement au niveau local(première partie) et d'autre part que celui-ci peut être lu en matière de démocratie et de bonne gouvernance locales(seconde partie).

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Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

PREMIÈRE PARTIE :

LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES AU DEVELOPPEMENT LOCAL

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Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

« Toute personne physique ou morale peut formuler, à l'attention de l'Exécutif Communal ou Régional, toutes propositions tendant à impulser le développement de la Collectivité Territoriale concernée ou à améliorer son fonctionnement. » Tel est la quintessence de l'alinéa 1er de l'article 40 de la Loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées. Pour sa part, l'article 41 du même code va plus loin en précisant que « Les associations et organisations de la société civile locales, ainsi que les comités de quartier et de village concourent à la réalisation des objectifs des Collectivités Territoriales. » A la lecture de ces deux articles du CGCTD, l'on peut penser que les chefferies traditionnelles ont une contribution à apporter en matière de développement au niveau local.

Le développement est, pour les économistes, un ensemble de transformations techniques, sociales et culturelles qui permettent l'apparition et la prolongation de la croissance économique ainsi que l'élévation des niveaux de vie des citoyens.

Le développement local est une « nébuleuse54» pour M. STEVENIN Jacques au regard du foisonnement des divergences des territoires locaux. Une chose peut revêtir une considération de développement local à Yoko et pas nécessairement à Fundong du fait de la divergence des conditions de vie et d'esprit des populations qui y vivent55. Faisant fi de cette considération, M. GREFFE définit le développement local comme « un processus de diversification et d'enrichissement des activités économiques et sociales sur un territoire à partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources et de ses énergies. Il sera donc le produit des efforts de sa population et fera d'un espace de contiguïté un espace de solidarité active56». C'est donc « une démarche volontaire d'acteurs intéressés à l'amélioration des conditions de vie dans leur environnement immédiat57». De manière simpliste et pour terminer, le développement local est un processus par lequel une communauté participe au façonnement de son propre environnement en vue d'améliorer la qualité de vie de ses habitants. L'on peut donc s'apercevoir que « s'il est vrai que les multiples responsabilités des maires ne leur permettent pas toujours d'être disponibles pour

54 STEVENIN Jacques, « Le développement local dans les pays développés », Actes de la Journée de l'Association de Professionnels - Développement Urbain et Coopération : Les ressources du développement local, 10 septembre 2004, p.60.

55 Lire les différents critères proposés par DUBRESSON Alain et FAURE Yves-André, « Décentralisation et développement local : un lien à penser », Tiers-Monde, Tome 46, N° 181, pp. 7-20.

56 GREFFE Xavier, Le développement local, Paris, éd. de L'Aube - DATAR, 2002, p.10.

57 Ministère de l'Intérieur et de la Décentralisation du Niger, Lexique des termes de la décentralisation et du développement local, p.10.

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la gestion quotidienne de leur localité, l'envergure de ceux [des chefs traditionnels] qui exerçaient parallèlement de hautes fonctions politiques ou administratives étaient souvent un atout pour leur localité. Il reste à espérer que ceux-ci [les chefs traditionnels] joueront pleinement leur rôle d'élite attendu d'eux pour apporter leur contribution au développement de leur localité58 ».

Pour sa part, l'Union Africaine définit le développement local comme « la mobilisation de l'ensemble des ressources humaines, économiques, socioculturelles, politiques et naturelles locales, pour l'amélioration et la transformation des conditions de vie, des communautés et des collectivités au niveau local59».

Le développement local a deux aspects. Le premier touche au volet économique et le second au volet socioculturel. Il apparaît difficile de les dissocier car l'un ne peut coexister sans l'autre. D'où ces interactions entre les deux volets.

En l'absence d'un rôle clairement défini par les textes, la chefferie traditionnelle est appelée, dans la pratique, à apporter une contribution significative au développement local. D'une part, en tant que garante des us et coutumes et par ricochet de la trajectoire que prend le style de vie des populations et d'autre part, en tant que bénéficiaire de ce développement local.

Le développement local incluant deux dynamiques, la contribution des chefferies traditionnelles à celui-ci se fera également à deux niveaux. Premièrement, par la participation des chefferies traditionnelles au développement économique local (chapitre 1). Secondement, par l'apport des chefferies traditionnelles au développement socioculturel local (chapitre 2).

58 NGANE Suzanne, La décentralisation au Cameroun : Un enjeu de gouvernance, Afrédit, 2008, p.90.

59 Article 1er de la Charte Africaine des valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance et du développement local du 27 juin 2014.

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CHAPITRE 1 :

LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU
DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE LOCAL

Le développement économique local est « un processus de transformation orienté sur la manière dont sont prises les décisions économiques et politiques à l'échelon local, l'objectif final étant d'améliorer les conditions de vie de la société locale de manière participative60». L'on peut donc au regard de ce qui vient d'être dit que le développement économique local est l'appropriation par toutes les composantes de la société au niveau local du déploiement de l'ensemble des activités relatives à la production et à la vente des biens et services.

L'Union Africaine a défini le développement économique local comme « un élément du développement local qui met l'accent sur la mobilisation des ressources endogènes et des connaissances et compétences locales de manière à attirer des investissements pour générer des activités économiques inclusives et la croissance, et favoriser la redistribution équitable des ressources61».

Comme le dit si bien Charles NACH MBACK, « La décentralisation est également associée au développement local. Cette association s'inscrit dans les théories qui en appellent à la réforme économique de l'Etat en termes d'une réduction de son interventionnisme économique62». Ce retrait de l'Etat se fait au profit d'autres acteurs locaux à l'exemple des chefferies traditionnelles.

Il se dégage de ce qui vient d'être dit que les chefferies traditionnelles sont appelées à jouer deux rôles dans le processus de développement économique local. Le premier est un rôle de participation dans la prise des choix économiques locaux. Le second a trait à une implication véritable dans ce processus par des actions concrètes.

La lecture du Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant Organisation des chefferies traditionnelles est assez édifiante quant au rôle du chef traditionnel en matière de

60 Direction du développement local et de la coopération de la Confédération Suisse, Document de travail sur la décentralisation et la gouvernance locale, novembre 2007, p.10.

61 Article 1er de la Charte Africaine des valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance et du développement local du 27 juin 2014.

62 NACH MBACK Charles, Démocratisation et décentralisation : genèse et dynamiques comparées des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne, Karthala-PDM, 2003, p. 37.

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développement. Premièrement, les chefs traditionnels peuvent « concourir, sous la direction des autorités administratives compétentes, (...) au développement économique (...) de leurs unités de commandement63». Secondement, les autorités traditionnelles « doivent accomplir toute autre mission qui peut être confiée par l'autorité administrative locale64». L'on fait le constat que cette disposition formule une obligation à l'endroit des chefs par l'emploi du verbe devoir.

Le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées confère un statut spécial aux Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest conformément à l'article 62 de notre constitution. Ce qui nous intéresse ici est la création au sein de chacune de ces deux régions d'une assemblée régionale subdivisée en deux chambres à savoir la house of divisional representatives et la house of Chiefs. Cette dernière comprend vingt membres et dispose de deux commissions. Celle qui marque notre attention est celle chargée du développement économique de la région65. L'on peut alors aisément penser que ces chefs apporteront une pierre à l'édifice de construction du développement économique de la région.

Ainsi formulée, la contribution des chefferies traditionnelles pourra alors être analysée, à la lecture du Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées, à deux niveaux. D'une part, les chefferies traditionnelles sont conviées à contribuer à l'action économique au niveau local (section 1). D'autre part, ces dernières sont à même de contribuer à la gestion des ressources naturelles et à la transformation du milieu de vie des populations locales (section 2).

SECTION 1 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A
L'ACTION ECONOMIQUE

L'arsenal juridique en matière de décentralisation66 évoque la question de l'action économique sans pour autant la définir. A l'analyse de l'énumération faite pour désigner les compétences transférées aux CTD en matière d'action économique, l'on peut dire qu'elle a trait aux activités génératrices de revenus. De ce fait, on peut citer les activités agricoles,

63 Article 20 alinéa 2 du Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant Organisation des chefferies traditionnelles.

64 Article 20 alinéa 3 du décret précité.

65 Article 338 du CGCTD.

66 Sur la question de l'action économique, voir le CGCTD en ses articles 156 et 267, la Loi N° 2004/018 du 22 juillet 2004 portant règles applicables aux communes en son article 15 et la Loi N° 2004/019 du 22 juillet 2004 portant règles applicables aux régions en son article 18.

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pastorales, piscicoles, l'artisanat, le tourisme, les microprojets générateurs de revenus et d'emplois et surtout la petite et moyenne entreprise.

Il est alors de leur « devoir de promouvoir les productions spécifiques de leur localité, dans les domaines de l'artisanat, (...) de l'agriculture, de l'élevage, de la pêche...67» ainsi que « d'animer l'activité économique de leur territoire en organisant des forums de rencontres et d'échanges68 » tels les expositions commerciales locales69, foires et salons70.

La contribution des chefferies traditionnelles à l'action économique peut alors être mise en branle au moyen d'une part de la promotion des activités génératrices de revenus (§1) et d'autre part de la promotion d'un cadre en faveur desdites activités (§2).

§1 - La promotion des activités génératrices de revenus

Les activités génératrices de revenus sont « des petites activités économiques au profit des couches sociales pauvres, ne nécessitant pas un grand apport financier, mais rapportant des gains qui permettent la prise en charge des besoins biologiques et sociaux de la famille71». Cette définition a l'inconvénient de limiter les activités génératrices de revenus aux personnes pauvres et aux activités de commerce à faible rendement, excluant de ce fait l'entreprenariat voire l'auto-emploi.

Dans la promotion des activités génératrices de revenus, les chefferies traditionnelles apportent leur appui tant au plan matériel et financier (A) que sur le plan technique et technologique (B).

A) L'appui au plan matériel et financier

L'appui des chefferies traditionnelles peut être matériel (1) ou financier (2).

1) L'appui matériel des chefferies traditionnelles

Un appui matériel étant une aide en matières, c'est un apport physique et concret. Les chefferies traditionnelles peuvent apporter leur appui matériel au développement des activités

67 NGANE Suzanne, op. cit., p.39.

68 Ibid.

69 Cf. Article 156 CGCTD.

70 Cf. Article 267 CGCTD.

71 NDIONE Léon Michel, L'apport des activités génératrices de revenus dans l'amélioration des conditions socioéconomiques des femmes handicapées motrices de la Commune Bambey : étude à partir de l'association féminine des handicapés moteurs de la Commune Bambey, Mémoire du Diplôme d'Etat d'assistance sociale, Ecole Nationale de développement sanitaire et social, Dakar, 2007 p.5.

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génératrices de revenus par deux moyens au moins. D'une part, il peut s'agir d'un appui propre et d'autre part d'un appui résultant du plaidoyer des chefferies traditionnelles.

Ainsi, au plan communal, les autorités traditionnelles peuvent apporter leur appui en matière agricole, cela passe par la mise à la disposition des terres cultivables au profit des agriculteurs et plus particulièrement les jeunes et les femmes en vue de garantir leur autonomie. Cela passe également par l'offre du matériel de travail selon les moyens de chaque chefferie. On peut également énumérer la remise des intrants agricoles tels les semences, engrais, pesticides, etc.

En matière pastorale, l'on peut citer la mise à disposition des terres de pâturage, la remise des espèces en vue de constituer le cheptel, les éléments de base relatifs à l'alimentation tels les herbes, les déchets végétaux et animaux, etc.

En ce qui concerne la pisciculture, l'appui matériel des chefs traditionnels peut consister en la mise à la disposition des pisciculteurs des espaces pour les étangs, la remise du matériel d'appui et les intrants nécessaires à la réalisation de cette activité.

En ce qui concerne à présent l'artisanat, l'appui matériel des chefferies traditionnelles se matérialise à deux niveaux. D'une part par l'accompagnement des artisans, les chefs traditionnels étant les garants de la tradition, ils peuvent inspirer ceux-ci dans la réalisation de leurs oeuvres d'art qui sont le reflet de notre culture et de notre identité. D'autre part par une facilité d'accès aux éléments d'art tels les éléments végétaux, organiques, le matériel artistique nécessaire à l'accomplissement de l'artisanat.

En matière de tourisme, leurs majestés peuvent jouer deux rôles notamment l'accompagnement des promoteurs ou entrepreneurs touristiques par la mise à disposition d'espaces dédiés au tourisme tels que les sites touristiques, les lieux d'hébergement et de restauration ainsi que les équipements indispensables au tourisme. Les chefs traditionnels peuvent aussi jouer un rôle d'attrait des entrepreneurs touristiques dans leurs localités à potentiel touristique et de ce fait des touristes qui apporteront un plus à l'économie locale.

Au plan régional, la tâche parait plus ardue au regard de l'étendue des régions. Toutefois, ce qui vient d'être dit ci-haut en matière communale peut-être transposé mutatis mutandis en matière régionale. Ce qui change ici c'est la taille de l'apport.

Cet appui matériel des chefs traditionnels est de nature à promouvoir les activités génératrices de revenus et par conséquent d'améliorer le tissu économique local et les

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finances personnelles de ceux qui exercent ces activités. Les chefs peuvent aussi apporter un appui financier.

2) L'appui financier des chefferies traditionnelles

Un appui financier est un soutien en termes d'argent ou tout ce qui tient lieu. Les autorités traditionnelles apportent leur appui financier au développement des activités génératrices de revenus par un apport propre ou par un concours auprès des investisseurs ou donateurs en vue de les accompagner.

Tous les chefs traditionnels n'ayant pas le même pouvoir financier, l'appui financier de ceux-ci sera différemment apprécié suivant chaque chefferie. De ce fait, suivant leurs moyens, les chefs traditionnels peuvent venir en aide directement aux personnes exerçant dans ces domaines de deux manières au moins. Premièrement, il peut s'agir d'un programme d'appui initié par les soins du chef et qui ambitionne apporter une aide financière aux personnes désireuses de se lancer dans des activités génératrices de revenus ou celles qui y sont déjà mais éprouvent des difficultés financières. Secondement, il peut s'agir d'une aide spontanée résultant d'une sollicitation par un particulier en vue de réaliser un microprojet générateur de revenus. Dans ce cas, le sentiment affectif est de mise. Le chef aidera en fonction des affinités avec la personne.

Les chefferies traditionnelles peuvent également appuyer les activités génératrices de revenus par un plaidoyer auprès d'instances à même de financer ces activités ou projets. Le chef mettra alors en avant son entregent pour faciliter aux porteurs de projets l'accès aux financements nécessaires à l'accomplissement de leurs activités.

A la lecture des articles 156 et 267 du Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées, l'on relève comme compétence dévolue aux collectivités territoriales l'appui aux microprojets générateurs de revenus et d'emplois. Ceci rentre dans le sillage de l'appui financier des chefferies traditionnelles aux porteurs de ce type de projets.

L'appui financier des chefferies traditionnelles à l'endroit de ceux exerçant des activités génératrices de revenus peut également être accompagné d'un appui technique et technologique à ces derniers.

B) L'appui au plan technique et technologique

L'appui des chefferies traditionnelles peut aussi être technique (1) ou technologique (2). Il ressort que ces appuis sont pour la plupart théoriques donc immatériels. Ils rassemblent

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l'ensemble des connaissances nécessaires à la réussite des activités génératrices de revenus pour les porteurs de projets ainsi que ceux qu'ils emploient.

1) L'appui technique des chefferies traditionnelles

Apporter un appui technique revient à donner son expertise en se basant sur l'ensemble des acquis formels et informels liés à la pratique d'une activité. Cet appui peut être fait en direction des personnes ou structures. Dans la promotion des activités génératrices de revenus, les chefferies traditionnelles apportent leur appui technique au moyen de plusieurs procédés à l'instar des formations, séminaires, stages et apprentissages.

S'agissant d'abord de la formation, elle peut être initiale ou continue. On parlera de formation initiale lorsque que les chefferies traditionnelles mettent à la disposition des personnes désireuses d'exercer des activités génératrices de revenus des connaissances leur permettant de se lancer dans lesdites activités sans trop de difficultés. On peut par exemple citer la formation à la culture du cacao et du café, la formation aux métiers de l'artisanat et la formation à la pisciculture. L'on retient ici que l'apprenant ressort nanti d'une connaissance pratique.

S'agissant ensuite des séminaires, il s'agit pour les chefferies traditionnelles de réunir les professionnels et/ou les porteurs de projets en vue de l'étude et de l'approfondissement de leurs connaissances sur un sujet donné. Ça peut par exemple le cas d'un séminaire de formation à l'endroit des agriculteurs sur l'utilisation responsable des pesticides. Un séminaire de formation aux nouvelles techniques piscicoles. Ou d'un séminaire à l'endroit des porteurs de projets sur la manière de monter un projet viable et rentable.

S'agissant enfin des stages et apprentissages, il est question ici de mettre en pratique les connaissances acquises. Les chefferies pourront alors s'assurer que les apprenants ont bien assimilé les connaissances qui leur ont été données. L'on pourra, par exemple, en matière agricole avoir un champ expérimental. En matière de projets créateurs d'emplois et de revenus avoir un incubateur de projets.

L'appui technique des chefferies traditionnelles en matière de promotion des activités génératrices de revenus ne saurait au regard de la mondialisation galopante d'un appui technologique de la part de ceux-ci.

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2) L'appui technologique des chefferies traditionnelles

L'appui technologique est difficilement dissociable de l'appui technique dont il est le corollaire direct. On s'étendra ici sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication par l'utilisation de l'outil informatique et par la formation à cet outil. Il appartient donc aux chefferies traditionnelles d'apporter un appui en matière technologique aux personnes touchées par ces activités.

D'une part, il est de notoriété publique que les technologies de l'information permettent d'alléger la tâche à l'homme par la réduction de la charge de travail, la rapidité des opérations et l'optimisation des activités et par conséquent des bénéfices. Ces nouvelles technologies ont le mérite d'apporter de nouveaux procédés simplifiant la charge des activités. Elles ont aussi le mérite d'offrir des domaines innovants souvent implémentés par des startup. Il est donc du devoir du chef traditionnel de porter auprès de sa population ces outils innovants pour le rayonnement des activités génératrices de revenus.

D'autre part, l'apport technologique des chefferies traditionnelles consistera en la vulgarisation de l'outil informatique. Ceci passe par l'utilisation de l'outil informatique et la formation à l'outil informatique. S'agissant de l'utilisation de l'outil informatique, les chefs traditionnels ont la lourde tâche de promouvoir l'utilisation de l'outil informatique en vue de mener de manière efficiente les activités génératrices de revenus. S'agissant de la formation à l'outil informatique, elle peut avoir deux volets. Le premier volet a trait à la formation des formateurs, ces derniers auront pour mission de former des personnes exerçant ou souhaitant exercer des activités génératrices de revenus en vue de leur donner toutes les clés nécessaires, en matière informatique, pour la réussite de leurs activités. Le second volet consiste à la formation initiale des artisans par les chefferies traditionnelles au cours des programmes saisonniers ou spontanés de formation. Ces deux volets devront alors être mis en branle par le truchement des chefferies traditionnelles pour une utilisation optimale en vue de garantir le succès de ces personnes dans les activités génératrices de revenus.

L'appui technologique constitue l'ultime point relatif à la promotion des activités génératrices de revenus. Les chefferies traditionnelles apportent également leur concours pour la promotion d'un cadre favorable à l'accompagnement de ces activités.

§2 - La promotion d'un cadre favorable à ces activités

La promotion d'un cadre favorable par les chefferies traditionnelles aux activités génératrices de revenus passe nécessairement par la promotion d'infrastructures et

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d'évènements favorables au développement de ces activités (A) et par la vulgarisation des politiques publiques nationales et locales en matière d'activités génératrices de revenus (B).

A) La promotion des infrastructures et évènements propices au développement desdites activités

La promotion des infrastructures (1) et évènements propices (2) au développement des activités génératrices de revenus par les chefferies traditionnelles constitue la première trame de la promotion d'un cadre favorable à ces activités.

1) La promotion d'infrastructures liées aux activités génératrices de revenus La promotion des infrastructures liées aux activités génératrices de revenus peut trouver un ancrage dans le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées en ses articles 156 et 267. L'économie de ces dispositions révèle qu'il s'agit essentiellement d'infrastructures communautaires à l'instar des marchés, abattoirs, gares routières et autres infrastructures abritant les projets générateurs de revenus.

S'il est a été « observé que les petites et moyennes entreprises se développement plus aisément dans l'environnement d'une petite agglomération72», il est donc du devoir des chefs locaux de promouvoir des infrastructures nécessaires au développement harmonieux de ces activités de concert avec les autorités administratives locales car ces activités sont plus productives « dans les villes secondaires que dans grandes villes qui créent des dépenses additionnelles à la production73».

N'oubliant que ces infrastructures sont généralement publiques, ce qui place alors les autorités administratives locales et même nationales comme les principaux maîtres d'ouvrage ou maîtres d'ouvrage délégués de ces infrastructures. Les chefs peuvent alors intervenir par des plaidoyers auprès des autorités administratives locales et des investisseurs. Pour ce faire, les chefferies peuvent demander à la collectivité locale la construction et l'équipement des marchés, gares routières, abattoirs, routes et pistes agricoles dans le but de favoriser les activités génératrices de revenus. Elles peuvent également soumettre aux investisseurs de bâtir des infrastructures pour l'éclosion des activités génératrices de revenus. Ceci permettra aux populations d'utiliser ces infrastructures, aux investisseurs d'avoir un retour sur investissement et d'alléger la tâche à la collectivité locale dont les ressources financières sont le plus souvent limitées.

72 NGANE Suzanne, op. cit., p. 102. 73Ibid.

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La promotion des infrastructures nécessaires au développement des activités génératrices de revenus par les autorités traditionnelles s'avère être importante, au regard de ce qui vient d'être dit, il apparaît alors judicieux pour celles-ci de promouvoir également des évènements propices aux activités génératrices de revenus.

2) La promotion d'évènements propices aux activités génératrices de revenus

La promotion d'évènements favorables au développement des activités génératrices est encadrée par les articles 156 et 267 du CGCTD. A l'exégèse de ces derniers, il apparait alors judicieux pour les chefs traditionnels de promouvoir l'organisation d'expositions commerciales locales74, des foires et salons75. Il est à noter qu'il ne s'agit pas toujours d'évènements purement économiques. Il peut s'agir d'un évènement à vocation culturelle mais impliquant des opérateurs économiques, des artisans et commerçants. La finalité étant de faire en sorte ceux qui exercent des activités génératrices de revenus en sortent gagnants sur le plan financier.

Relativement à l'organisation d'expositions commerciales locales, on peut avoir deux cas de figures à ce niveau. Dans le premier cas de figure, cette organisation incombe totalement à la chefferie qui pourra s'entourer de sponsors et de personnes qualifiées pour y parvenir. Il peut par exemple s'agir d'un marché périodique de commerce de vivres frais et produits de première nécessité, l'organisation d'une exposition commerciale thématique sur un ou deux produits phares de la localité. Dans le second cas de figure, l'idée de création de telles expositions peut émaner d'une chefferie. L'implémentation sera alors faite par la collectivité territoriale ou des particuliers.

Relativement à l'organisation des foires et salons, l'on passe à une dimension beaucoup plus grande que les expositions commerciales locales. Ces foires et salons sont généralement organises en région ce qui limite l'intervention des chefferies traditionnelles dans ce domaine. Toutefois, elles peuvent concourir à leur organisation au moyen d'actions précises telles la consultation, l'apport multiforme, l'exposition de leurs éléments de culture à ces évènements et la commercialisation d'éléments reflétant leurs cultures.

En somme, les autorités traditionnelles de concert entre elles peuvent créer des évènements à caractère touristique. Ce qui permettra de créer de la valeur ajoutée. Tel est par exemple le cas de la semaine culturelle des peuples riverains du fleuve Sanaga des rives

74Article 156 CGCTD. 75Article 267 CGCTD.

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traversant les départements de la Lékié et celui du Mbam et Inoubou. Les chefs traditionnels de ces deux rives organisent annuellement ces activités permettant ainsi à la localité hôte d'engranger des bénéfices.

La promotion d'évènements propices aux activités génératrices de revenus par les chefferies traditionnelles permet aux acteurs économiques locaux de se refaire une santé financière. Ces évènements étant ponctuels, il semble alors opportun, pour les autorités traditionnelles, de miser sur le long terme par la vulgarisation des politiques publiques nationales et locales en matière d'activités génératrices de revenus.

B) La vulgarisation des politiques publiques nationales et locales en la matière

En vue de promouvoir les activités génératrices de revenus, les chefferies traditionnelles sont appelées à vulgariser dans ce domaine les politiques publiques nationales (1) et locales (2).

1) La vulgarisation des politiques publiques nationales

Les politiques publiques nationales destinées à la réduction de la pauvreté par les activités génératrices de revenus englobent les actions menées par l'Etat et ses partenaires.

D'une part, les politiques publiques nationales stricto sensu sont essentiellement des programmes contenus dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi, des programmes ponctuels mis en oeuvre par le Gouvernement de la République. Concernant d'une part le DSCE, il énumère une panoplie de programmes destinés à la création d'activités génératrices de revenus tels le Programme d'installation de quinze mille jeunes agriculteurs76, le Pacte National pour l'Emploi des Jeunes (PANEJ), le Projet d'Appui aux Acteurs du Secteur Informel (PIAASI), le Programme d'Appui à la Jeunesse Rurale et Urbaine (PAJER-U), le Projet d'Insertion Socio-Economique des Jeunes à travers la Fabrication des Matériels Sportifs (PIFMAS) et le Service National de Participation au Développement77. Nous avons également le Programme de Promotion de l'Entreprenariat Agropastoral des jeunes (PEA - Jeunes) avec l'appui technique et financier du Fonds International de Développement Agricole (FIDA). Ainsi présentés, ces projets ne sauraient résumer les politiques nationales en la matière car le DSCE en lui-même constitue une source de création de richesses. Concernant d'autre part les programmes ponctuels, on peut citer les projets logés au sein des

76 Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi : cadre de référence de l'action gouvernementale pour la période 2010-2020, Août 2009, p.89.

77 Pour voir ces projets, DSCE p.90.

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départements ministériels destinés à appuyer les porteurs de projets. On peut citer les domaines de l'agriculture, de l'élevage, des pêches, du numérique, etc. Il appartient alors aux chefs traditionnels de vulgariser ces politiques publiques auprès de leurs populations respectives pour que celles-ci puissent en bénéficier

D'autre part, les politiques de lutte contre la pauvreté menées par les partenaires au développement du Cameroun sont également à vulgariser par les chefs traditionnels. On peut citer le Programme Filets Sociaux initié par la Banque Mondiale qui vise à doter les personnes indigentes d'une « allocation monétaire78» pour pouvoir mener des activités génératrices de revenus en vue de subvenir à leurs besoins. Nous pouvons également citer les projets de la Banque Africaine de Développement (BAD), de l'Agence Française de Développement (AFD), de l'Agence Allemande de Coopération (GIZ) et de l'Agence Néerlandaise de Développement (SNV), le Programme d'Appui à la Société Civile (PASC) de l'Union Européenne, etc.

Les politiques publiques nationales et des partenaires de l'Etat sont souvent très nombreuses et éparses, il n'est pas alors évident pour les chefs traditionnels, qui ne les connaissent pas toujours, de les vulgariser toutes auprès de leurs populations. Il est donc judicieux pour eux de vulgariser les politiques publiques locales.

2) La vulgarisation des politiques publiques locales

La vulgarisation des politiques publiques locales par les chefferies traditionnelles en matière d'activités génératrices de revenus peut se faire à deux niveaux : régional et communal.

En ce qui concerne la vulgarisation des politiques publiques régionales, les chefs traditionnels ont la responsabilité de répercuter des choix et actions de la Région aux populations. A l'interprétation de l'article 267 du CGCTD, les chefs traditionnels pourront alors vulgariser ce que la Région fait en matière de promotion des petites et moyennes entreprises, de foires et salons, d'activités agricoles, pastorales et piscicoles, de regroupements régionaux pour les opérateurs économiques, de tourisme et de projets générateurs d'emplois et de revenus.

78 Le nouveau rôle des filets sociaux en Afrique Subsaharienne,

https://www.banquemondiale.org/fr/region/afr/publication/the-new-role-of-safety-nets-in-africa, consultée le 28 décembre 2019.

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En ce qui concerne la vulgarisation des politiques publiques communales, les autorités traditionnelles doivent faire la propagande des décisions et actions de la Commune à leurs administrés. Cette opération est primordiale au regard de l'éloignement de certains quartiers en zone urbaine, villages et hameaux en zone rurale du chef-lieu de la commune. Celle-ci créera un sentiment de non délaissement à l'endroit des populations éloignées du chef-lieu de la commune.

La vulgarisation des politiques publiques locales constitue l'ultime point de la contribution des chefferies traditionnelles à l'action économique. Cette contribution, comme on l'a vu tout au long de la présente section, permet aux chefs de promouvoir d'une part les activités génératrices de revenus et un cadre favorable auxdites activités. L'on peut alors se poser la question de savoir en quoi consiste la contribution des chefferies traditionnelles à la gestion des ressources naturelles et à la transformation du milieu de vie ?

SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES A LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES ET A LA TRANSFORMATION DU

MILIEU DE VIE

La contribution des chefferies traditionnelles à la gestion des ressources naturelles et à la transformation du milieu de vie est le second volet de cette contribution au développement économique local. Les autorités traditionnelles jouent un rôle déterminant dans la gestion des ressources naturelles et de l'environnement (§1) et dans la transformation de leur milieu de vie de leurs populations (§2). Ce rôle peut être diversement apprécié en fonction des richesses dont regorge une localité, de la carrure du chef et du dynamisme des populations locales. C'est donc tous ces facteurs mis ensemble qui permettent d'évaluer la contribution des autorités traditionnelles dans ces domaines.

§1 - La gestion des ressources naturelles et de l'environnement

Une ressource naturelle est « une substance, un organisme, un milieu ou un objet présent dans la nature, sans action humaine, et qui fait, dans la plupart des cas, l'objet d'une utilisation pour satisfaire les besoins (énergies, alimentation, agrément, etc.) des humains, animaux ou végétaux79». L'environnement est, pour sa part, un « ensemble de conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques) dans lesquelles

79 Définition de Wikipédia, https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Ressouce_naturelle consultée le 3 janvier 2020.

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les organismes vivants (en particulier l'homme) se développement80». L'environnement est de manière globale le milieu qui nous entoure.

Au regard de ces définitions, les chefs traditionnels ont, en matière de ressources naturelles et d'environnement un rôle d'encadrement des populations, de suivi de ces activités et de consultation. C'est sans doute ce qui a amené M. ABBA Souleymane à dire que le chef traditionnel est l'« administrateur des ressources collectives - notamment de celles de l'environnement81». Le chef est donc celui qui est chargé de veiller à ce que ces ressources servent au développement économique local. Le souci majeur des autorités traditionnelles dans « la gestion de l'environnement et des ressources naturelles (...) est la qualité de la vie et la salubrité publique82».

La gestion des ressources naturelles et l'environnement sont des compétences reconnues aux communes et aux régions par le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées en ses articles 157 et 258. Les chefferies traditionnelles s'immiscent dans ce domaine au moyen de la participation, de la concertation, de la consultation et de la substitution.

Nous verrons donc tour à tour la contribution des chefferies traditionnelles à la gestion des ressources naturelles (A) et à la gestion de l'environnement (B).

A) La gestion des ressources naturelles

La gestion des ressources naturelles a toujours suscité des passions partout où l'on se trouve et surtout sur notre continent. Il convient de relever que les chefferies traditionnelles ne sont pas gestionnaires des ressources naturelles car celles-ci appartiennent à l'Etat et exploitées par des entreprises ou des particuliers83 en respect de la règlementation en vigueur84. Les chefferies traditionnelles apparaissent dans ce processus pour veiller à bien que les exploitants respectent leurs cahiers de charges et par ricochet participent au développement de la localité. C'est pourquoi Marie DERIDDER estime que les collectivités locales doivent mettre en place « des outils de gestion démocratique et participative des

80 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.898.

81 ABBA Souleymane, « La chefferie traditionnelle en question », Politique africaine, n° 38, 1990, p.52.

82 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, La décentralisation administrative au Cameroun, op. cit., p.218.

83 En ce sens, voir la définition d'artisan minier à l'article 4 de la Loi N° 2016/017 du 14 décembre 2016 portant Code minier.

84 Voir les Lois N° 2012/006 du 19 avril 2012 et N° 2016/017 du 14 décembre 2016 portant respectivement Code gazier et Code minier.

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ressources naturelles favorisant la consultation et, au mieux, la cogestion de ces ressources avec les autorités traditionnelles concernées85».

L'action des chefferies traditionnelles dans cette gestion est perceptible sur les ressources du sol (1) et sur celles du sous-sol (2).

1) La gestion des ressources du sol

La participation des chefs traditionnels à la gestion du sol porte sur les ressources forestières et fauniques. La forêt étant une étendue de terrain « comportant une ouverture végétale dans laquelle prédominent les arbres, arbustes et autres espèces susceptibles de fournir des produits autres qu'agricoles86». De son côté, la faune est « l'ensemble des espèces faisant partie de tout écosystème naturel ainsi que toutes espèces animales ayant été prélevées du milieu naturel à des fins de domestication87».

En matière forestière, le législateur établit plusieurs types de forêts88, mais ici uniquement deux nous intéresserons à savoir les forêts communales et les forêts communautaires. Relativement d'une part aux forêts communales, ce sont des forêts bénéficiant d'un acte de classement ou plantées par les communes. Les chefs peuvent dans leur mission de conseil, demander aux municipalités de planter une forêt pour pouvoir en tirer profit car faut-il le rappeler, les produits issus de ces forêts appartiennent exclusivement à la commune. Ces ressources participent donc au développement local. Ces forêts communales peuvent également employer les riverains. Relativement d'autre part aux forêts communautaires, il s'agit des forêts gérées par les communautés villageoises avec l'assistance technique de l'administration des forêts. Les chefs en tant qu'administrateurs des ressources tel que défini par Souleymane ABBA ont un grand rôle à jouer à ce niveau. Ils peuvent gérer ces forêts eux-mêmes ou confier la gestion à des personnes expérimentées. Toujours est-il que la finalité est la création des richesses, l'emploi des personnes issues de ces communautés, l'amélioration des conditions de vie de ces communautés. En gros, ces forêts communautaires doivent être une plus-value pour ces communautés. A ce niveau, les chefs, administrateurs de

85 DERIDDER Marie, « Processus électoraux, sécurisation des autorités traditionnelles et changement social dans une petite ville du Delta intérieur du fleuve Niger (Youwarou Mali) », in BREDA Charlotte, DERIDDER Marie, LAURENT Pierre-Joseph, La modernité insécurisée : Anthropologie des conséquences de la mondialisation, Academia, 2013 p.192.

86 Article 2 de la Loi N° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche.

87 Article 3 de la loi précitée.

88 Voir le Titre III de la loi précitée.

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ces forêts, doivent avoir une gestion exemplaire au regard des mauvaises pratiques et dérives observées çà et là en matière.

En matière faunique, nous nous avons les ressources fauniques terrestres et maritimes. L'action des chefferies traditionnelles dans ce domaine portera sur la chasse et la pêche. Il convient de dire que ces activités sont soumises à une législation rigide89. Les autorités traditionnelles ont la double mission de veiller d'une part au respect de cette loi et de s'assurer d'autre part que les activités liées à la chasse et à la pêche soient sources de richesse pour ceux qui les exercent et dans une moindre mesure la collectivité. Elles peuvent également inciter les jeunes à se lancer dans ces activités pour être en mesure de se prendre en charge et de participer au développement économique de la localité. Ceci passe par les facilités accordées pour l'octroi des autorisations nécessaires pour l'exercice de l'une ou l'autre activité.

La participation à la gestion des ressources du sol par les chefferies traditionnelles suppose également la gestion des ressources du sous-sol par celles-ci.

2) La gestion des ressources du sous-sol

Les ressources du sous-sol sont des ressources enfouies dans le sol et nécessitant l'action de l'homme pour son extraction. Comme rappelé ci-haut, les chefs traditionnels ne gèrent pas directement les ressources du sous-sol mais y participent au moyen d'actions ciblées. Il s'agira alors pour les chefs, en conformité avec les Codes minier et gazier, de s'assurer que les exploitants ne mettent pas en péril l'environnement et la santé des populations d'une part et de participer aux opérations du contenu local prévues par le code minier d'autre part.

Concernant le contrôle de l'observance du cahier de charges, il sera question pour les autorités traditionnelles de veiller à ce que les exploitants respectent les obligations à eux assignées. N'ayant pas de pouvoir de contrainte sur ceux-ci, les chefs se contenteront d'informer les autorités administratives déconcentrées et locales et plus particulièrement l'administration des mines pour une réaction rapide. Il peut en être ainsi lorsqu'un exploitant déverse des produits toxiques dans un cours d'eau fréquenté par les populations riveraines altérant ainsi la qualité de l'eau. Ou du rejet abusif de gaz nocifs à la santé des populations.

89 Cf. Loi N° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche.

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Concernant la participation au développement, le Titre VII de la Loi N° 2016/017 du 14 décembre 2016 portant Code minier intitulé Du Contenu Local prévoit que les retombées issues de projets miniers et de carrières doivent permettre le développement économique, social, industriel et technologique. Ceci passe par le recrutement des ressortissants camerounais, le recours prioritaire aux petites et moyennes entreprises locales pour des sous-traitances et surtout un programme de développement économique et social de la localité et des populations riveraines ou autochtones90. L'action des chefferies pourra se faire ressentir par ce dernier volet. En effet, dans la mise en oeuvre de ce programme de développement, les exploitants devront consulter les autorités traditionnelles pour savoir ce dont la communauté a besoin en marge de certaines obligations inamovibles du contenu local telles la viabilisation des voies d'accès, la construction d'infrastructures communautaires telles les écoles, centres de santé, points d'eau potable. Le code gazier pour sa part définit le contenu local comme étant « l'ensemble d'activités axées sur le développement des capacités locales, l'utilisation des ressources humaines et matérielles locales, le transfert de technologie, l'utilisation des sociétés industrielles et services locaux, et la création de valeurs additionnelles mesurables à l'économie locale91». L'on constate que le contenu local du code gazier est le similaire à celui du code minier et du code pétrolier92. La difficulté dans la pratique résulte de la persistance des mauvaises pratiques. On déplore la complicité de certains chefs dans le non-respect des aspects du contenu local. Les exploitants utilisent la corruption et les pots-de-vin pour se soustraire de leurs obligations. Il apparaît donc primordial, pour les autorités traditionnelles, de tourner le dos à ces mauvaises pratiques pour le bien-être de tous.

La participation à la gestion des ressources du sous-sol par les chefferies traditionnelles ne peut se faire que dans le strict respect de l'environnement.

B) La gestion de l'environnement

L'environnement étant le milieu qui nous entoure, sa gestion apparaît alors comme primordiale. La gestion de l'environnement par les chefferies traditionnelles est observable au quotidien. Les dispositions du CGCTD et des autres instruments juridiques régissant ce domaine excluent des fois les chefs traditionnels. En réalité, il s'agit dans bien de cas des missions de service public. Toutefois ceux-ci peuvent donner leur avis. A titre d'exemple, on a la production et distribution de l'eau potable dévolue désormais aux collectivités locales, la

90 Article 165 alinéa 2 Loi N° 2016/017 précitée.

91 Article 3 Loi N° 2012/006 précitée.

92 Loi N° 2019/007 du 25 avril 2019 portant Code pétrolier.

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production des énergies vertes, etc. Cette gestion se décline en la préservation de l'environnement (1) et les travaux de nettoyage (2).

1) La préservation de l'environnement

La préservation de l'environnement est une tâche qui incombe à chaque citoyen, mais encore plus aux autorités locales et nationales. Etant garants de la survie de leurs territoires de commandement, les chefs traditionnels se doivent de préserver leur environnement. Ces mesures de préservation peuvent être menées avec le concours financier, technique et humain de l'Etat ou des collectivités locales concernées. Ces mesures de préservation, qui consistent à minimiser ou supprimer l'impact négatif de l'action humaine sur l'environnement, sont entre autres : la protection des espèces protégées, le boisement et le reboisement, etc.

La protection de l'environnement est un champ assez vaste et impliquant une diversité d'acteurs. Les chefferies traditionnelles pour leur part, et au regard de leurs moyens limités, peuvent alors dans leur action quotidienne concourir avec les autorités compétentes à la sauvegarde des espèces animales et végétales protégées, aider les autorités dans la lutte contre braconnage, la sensibilisation des populations sur les méfaits des feux de brousse et l'apport de toute expertise visant à protéger la nature. Dans la région des Grass Fields par exemple, la chasse est règlementée par les chefferies. Ainsi certaines espèces sont interdites de chasse sans autorisation. De plus, la chasse est interdite dans certains lieux dits sacrés aux non-initiés. Le contrevenant encourt des représailles souvent mystiques.

Les autorités traditionnelles préservent l'environnement par des opérations de boisement ou de reboisement. Ces opérations sont subordonnées à la prise en compte de plusieurs paramètres. Premièrement, l'initiative de ces opérations peut émaner de ces autorités qui se chargeront alors de toute la logistique y afférente. Deuxièmement, elles peuvent soumettre le projet de boisement ou de reboisement aux autorités nationales ou locales qui se chargeront alors de le mettre en oeuvre. Troisièmement, il peut s'agir d'une opération menée par les autorités traditionnelles avec le concours financier, technique et matériel des agents du secteur privé ou de la société civile. Ces opérations ont le mérite in fine de lutter contre la sècheresse, de réduire la hausse des températures observées çà et là, d'améliorer la qualité de l'air et dans une moindre mesure, d'embellir la localité ou la ville par le pavoisement des rues et la création des forêts urbaines93.

93 L'article 33 de la Loi N° 94/01 précitée prévoit un taux de boisement au moins égal à 800 m2 pour mille habitants dans les villes.

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La préservation de l'environnement étant une nécessité pour sa survie, il convient d'y associer des travaux de nettoyage.

2) Les travaux de nettoyage

Ces travaux ressortissent en principe à la collectivité territoriale mais dans la pratique, les chefferies traditionnelles jouent un rôle important avec ou sans appui de la collectivité territoriale. S'il appartient à chaque citoyen de garder son environnement immédiat propre, le nettoyage des espaces publics est dévolu, comme le prévoit les articles 157, 241 et 268 du CGCTD, aux communes, aux communautés urbaines et aux régions. Comme indiqué ci-haut, les chefferies traditionnelles s'immiscent dans ce domaine régulièrement et pour certaines missions bien particulières. Au quotidien, l'on aperçoit les chefferies traditionnelles mener, de concert ou non avec les autorités administratives locales, les travaux de cantonnage des voies de communication et autour de certaines infrastructures, les opérations d'assainissement et le nettoyage de certains espaces publics. Ces opérations d'investissement humain sont le plus souvent menées par des jeunes contre ou non rémunération.

En rapport d'abord avec les travaux de cantonnage des voies de communication et autour de certaines infrastructures, il peut s'agir des routes ou pistes, des voies ferrées et du nettoyage aux alentours d'infrastructures de transport de l'électricité telles les postes de transformateurs, les pylônes et les poteaux électriques. Concernant les travaux de cantonnage routier, ils sont depuis 2017 à la charge des communes. Celles-ci n'ayant pas toujours le personnel pour effectuer ces travaux en régie se tournent souvent vers les chefferies traditionnelles pour recruter des jeunes à même d'effectuer ces travaux contre rémunération. Concernant les voies ferrées, ces travaux d'entretien incombent à la compagnie de transport ferroviaire, elle utilise le même modus operandi que les communes pour mener à bien ces travaux. Concernant les travaux de nettoyage autour des infrastructures de transport électrique, la compagnie de distribution électrique a confié ces travaux à des sous-traitants. Il arrive cependant que ceux-ci ne soient pas en mesure d'exécuter les tâches à eux assignées. L'on fait donc recours aux autorités traditionnelles en vue de la poursuite de ces travaux.

En rapport ensuite avec les opérations d'assainissement, elles visent à rendre le milieu de vie sain. Ceci passe par des opérations d'investissement humain à l'exemple du curage des caniveaux et de l'enlèvement des immondices. Pour le curage des caniveaux, il est question d'enlever des déchets qui obstruent l'écoulement des eaux dans les rigoles ou caniveaux. Il peut aussi être question d'enlever les déchets surtout plastiques présents dans les cours d'eau

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et limitant la circulation des eaux. Pour l'enlèvement des immondices, il s'agit de retirer des tas d'ordures de la voie publique ou dans un espace inapproprié pour les déverser dans un lieu adéquat. Ces travaux d'investissement initiés par les chefferies traditionnelles sont dans la plupart des cas effectués par des jeunes bénévoles soucieux de garder leur environnement propre. Les chefs doivent montrer l'exemple en participant si possible à ces travaux.

En rapport enfin avec le nettoyage de certains espaces publics, il peut s'agir du nettoyage d'un bâtiment appartenant à la chefferie, d'un bâtiment public utilisé par la chefferie tel un musée communautaire, de toute autre infrastructure dont la collectivité locale n'assure plus le nettoyage et d'une ruelle. En tout état de cause, le chef traditionnel au regard du contexte qui est le sien s'organise pour assurer la propreté de ces espaces. Il peut être accompagné dans cette démarche ou non par les autorités locales. Ces questions se posent inexorablement aux chefferies traditionnelles lorsqu'elles sont isolées du chef-lieu ou de la ville. Elles ont alors l'obligation de mener ces activités pour conserver la terre que leurs ancêtres leur ont léguée en état de propreté. En tout état de cause, le Code général des collectivités territoriales décentralisées prévoit la participation des populations au travers des comités de quartiers et de villages à la maintenance de certains ouvrages et équipements publics94.

Les travaux de nettoyage dirigés par les autorités traditionnelles permettent, dans une moindre mesure, de participer à la transformation du milieu de vie.

§2- La participation à la transformation du milieu de vie

La participation à la transformation du milieu de vie par les chefferies traditionnelles est faite avec le concours des autorités nationales et locales en matière de planification et d'aménagement du territoire (A) et en matière d'urbanisme et d'habitat (B).

A) En matière de planification et d'aménagement du territoire

Les chefferies traditionnelles participent à la transformation du milieu de vie par la planification (1) et par l'aménagement du territoire (2).

1) La participation des chefferies traditionnelles à la planification

La planification est « une organisation selon un plan95». Un plan est donc un « ensemble de dispositions arrêtées en vue de l'exécution d'un projet96». Le projet dont il est

94 Article 182 (2) du CGCTD.

95 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.1924.

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question ici c'est le développement local. La planification locale est faite par les autorités municipales et régionales après consultation des autorités traditionnelles et des populations. On aura alors deux outils de planification à savoir le Plan Régional de Développement (PRD) et le Plan Communal de Développement (PCD).

S'agissant d'une part du Plan Régional de Développement, il s'agit d'un document « qui fixe les objectifs et priorités de développement de la Région, en fonction des besoins économiques, sociaux, environnementaux et de mobilité97». La participation des chefferies traditionnelles à la planification régionale se fera à deux niveaux notamment à la phase d'élaboration du plan régional de développement et à la phase d'implémentation de ce plan. Le plan régional de développement étant une boussole supposée encadrer le processus de développement régional, celui-ci doit prendre en compte au moment de son élaboration des attentes et propositions émanant des chefs traditionnels qui sont en principe en contact permanent avec les populations. La région étant grande, il ne sera pas évident pour l'exécutif régional de recueillir les aspirations de tous, c'est pourquoi celui-ci consultera le pouvoir traditionnel dans le cadre de la mise en forme de ce plan. Les chefferies traditionnelles pourront encore être consultées lors de la mise en oeuvre du plan régional de développement. Ceci émane du fait qu'il paraît important, pour les autorités décentralisées régionales, de s'assurer du caractère actuel d'un aspect du plan, car le plan avait par exemple de régler une situation ponctuelle et qui n'est plus d'actualité à l'heure de sa mise en oeuvre.

S'agissant d'autre part du Plan Communal de Développement, il s'agit d'un « plan d'orientation qui fixe les objectifs et les priorités de développement de la Commune. Il couvre toutes les matières pour lesquelles la Commune a des compétences, ou qui concernent son développement98». C'est également « un ensemble de dispositions destinées à permettre à l'économie d'une Commune d'atteindre, au cours d'un laps de temps à définir des objectifs de croissance et de développement économique99». Il convient de rappeler que celui-ci doit être conforme au plan régional de développement. Comme en matière de plan régional de développement, les chefferies participent à la participation communale à deux niveaux : lors de l'élaboration et de l'implémentation. La particularité du plan communal de développement

96 Ibid., p.1923.

97 Plan Régional de Développement, https://perspective.brussels/fr/plans-reglements-et-guides/plans-strategiques/plan-regional-de-developpement-prd consultée le 3 janvier 2020.

98 MANJAKA Aulu Jean Hilaire, Analyse du plan communal de développement et ses impacts sur la riziculture, Mémoire Maîtrise, Université de TOAMASINA, 2012, p.8.

99 Ibid.

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est que celui-ci touche directement à la vie des populations par des actions de proximité. La participation des autorités traditionnelles à ce niveau ne saurait être éludée. Les communes sont certes différentes suivant les considérations économiques, géographiques, culturelles, historiques et linguistiques, elles traduisent souvent les mêmes réalités à savoir un centre un peu développé et la périphérie laissée pour compte. Les communes surtout rurales ont en leur sein beaucoup de quartiers, villages et hameaux isolés du centre, il n'est pas aisé pour les agents communaux de recueillir aisément toutes les informations dont ils ont besoin pour la conception du plan communal de développement ; d'où l'importance des chefferies traditionnelles dans ce processus. Il en est de même lors de l'implémentation pour éviter des éléphants blancs ou réalisations de peu d'utilité.

La participation de leurs majestés à la planification, étant l'étape primaire de la projection du développement local, il faut après cela la mettre en oeuvre par l'aménagement du territoire.

2) La participation des chefferies traditionnelles à l'aménagement du territoire L'aménagement du territoire est une « organisation globale de l'espace, destinée à satisfaire les besoins des populations intéressées en mettant en place les équipements nécessaires (...)100». C'est donc une opération qui modifie la disposition de notre environnement par la création d'infrastructures facilitant les conditions de vie des populations.

Concernant d'une part le schéma régional d'aménagement du territoire, c'est un cadre de références politiques, administratifs, juridiques, techniques et de planification spatiale multisectorielle des investissements physiques à réaliser dans une région, destinés à permettre le développement économique durable tout en préservant la capacité productive régionale101. Il sera question pour les chefs traditionnels d'une part de s'assurer lors de l'élaboration de ce schéma de s'assurer que les aspirations des populations y sont prises en compte et plus particulièrement celles qui touchent au développement économique ; d'autre part de veiller à ce que ce schéma soit mis en oeuvre en conformité avec les aspirations citées plus haut et de les modifier au cas où elles sont devenues caduques.

100Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.80.

101 Ministère de l'Economie et des Finances du Mali - Programme de renforcement des capacités nationales pour une gestion stratégique du développement, Guide méthodologique d'élaboration du schéma d'aménagement et de développement de Cercle, Juillet 2001, p.9.

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Concernant d'autre part le schéma communal d'aménagement du territoire, il s'agit, comme le document précédent, d'un cadre qui formule les orientations basiques et à moyen terme du développement du territoire de la commune. L'aménagement du territoire de la commune touche directement celui des chefferies traditionnelles. Il semble alors important d'associer les autorités traditionnelles pour faire en sorte que ce schéma participe au développement économique de la ville ou de la localité. Il convient de relever que le territoire de commandement de la chefferie traditionnelle est l'assiette sur laquelle repose le schéma communal d'aménagement. C'est le territoire de la chefferie qui reçoit toutes opérations d'aménagement destinées à créer le développement économique local. Les chefs traditionnels ont alors un grand rôle à jouer, au regard de ce qui précède, tant dans l'élaboration que dans l'application de ce schéma.

La participation des chefferies traditionnelles à l'aménagement du territoire peut être complétée par leur participation aux processus d'urbanisme et d'habitat.

B) En matière d'urbanisme et d'habitat

La contribution des chefferies traditionnelles à la transformation du milieu de vie des populations locales peut aussi se faire en matière d'urbanisme (1) et d'habitat (2). L'urbanisme et l'habitat ayant pour socle la terre, il apparaît utile d'associer les gardiens de la terre que sont les chefs traditionnels aux opérations d'urbanisme et d'habitat afin d'assurer le développement économique de la ville ou de la localité.

1) La participation des chefferies traditionnelles à l'urbanisme

L'urbanisme est défini par le législateur comme « l'ensemble des mesures législatives, réglementaires, administratives, techniques, économiques, sociales et culturelles visant le développement harmonieux et cohérent des établissements humains, en favorisant l'utilisation rationnelle des sols, leur mise en valeur et l'amélioration du cadre de vie, ainsi que le développement économique et social 102». L'urbanisme est un phénomène qui touche les villes et les groupements de communes dont le développement nécessite une action concertée. La loi régissant l'urbanisme prévoit, selon les circonstances, plusieurs documents de mise en oeuvre de l'urbanisme à savoir : le Plan directeur d'urbanisme (PDU), le Plan d'occupation des sols (POS), le Plan de secteur et le Plan sommaire d'urbanisme103. Il convient de soulever que ces documents sont ne sont pas obligatoires, certains suppléent ou complètent d'autres.

102 Article 3 de la Loi N° 2004/003 du 21 avril 2004 régissant l'urbanisme au Cameroun.

103 Article 26 de la loi précitée.

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Premièrement, le plan directeur d'urbanisme est le « document qui fixe les orientations fondamentales de l'aménagement d'un territoire urbain, la destination générale des sols et la programmation des équipements104». Les chefferies traditionnelles peuvent être consultées au moment de l'élaboration de ce plan sur l'utilisation de certains sols et la nécessité de certaines infrastructures collectives. Les chefferies traditionnelles peuvent également, au sens de l'article 34(3), faire partie du comité technique de pilotage chargé de rédiger ce plan.

Deuxièmement, le plan d'occupation des sols est, selon l'article 37 de la loi N° 2004/003 précitée, un « document qui fixe l'affectation des sols et les règles qui la régissent pour le moyen terme (10 à 15 ans). Il définit le périmètre de chacune des zones d'affectation et édicte, pour chacune d'entre elles, les règles, restrictions et servitudes particulières d'utilisation du sol ». L'apport des chefs traditionnels peut tout aussi se faire à deux niveaux à savoir au travers de la consultation et au travers de la participation aux travaux du comité technique de pilotage chargé du suivi des travaux d'élaboration de ce document.

Troisièmement, le plan secteur est un document qui, pour une partie d'une agglomération, précise de façon détaillée l'organisation et les modalités techniques d'occupation du sol, les équipements et les emplacements réservés, et les caractéristiques techniques et financières des différents travaux d'infrastructures105. Ce plan est fait en respect du plan d'occupation des sols et du plan directeur d'urbanisme s'ils en existent. Le plan secteur nous paraît important au regard de son étendue très ciblée et limitée. Il touche au plus près les territoires des chefferies traditionnelles. Par conséquent, il est impensable de l'élaborer sans associer les autorités traditionnelles.

Quatrièmement, le plan sommaire d'urbanisme est un document élaboré pour suppléer l'absence du plan d'occupation des sols. C'est, suivant l'article 45 régissant l'urbanisme, un « document qui fixe l'affectation des sols et définit le périmètre de chacune des zones d'affectation. Il édicte de façon sommaire, pour chacune d'entre elles, les règles, restrictions et servitudes particulières d'utilisation du sol ». Ce plan a l'obligation de se conformer au plan directeur d'urbanisme s'il en existe un. Bien qu'ayant un caractère précaire, il n'en demeure pas moins important pour autant. Les chefferies traditionnelles ont la possibilité d'y participer au moyen des modalités vues pour les trois documents précédents.

104 Article 32 de la loi précitée.

105 Article 40 de la loi précitée.

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En somme, on retient que les autorités traditionnelles participent à l'édiction de certains documents d'urbanisme et par ricochet, à la mise en oeuvre de ceux-ci. L'urbanisme ayant pour corollaire immédiat l'habitat, il convient alors de voir la contribution des chefferies traditionnelles à l'habitat.

2) La participation des chefferies traditionnelles à l'habitat

La géographie humaine définit l'habitat comme un mode d'occupation de l'espace pour des fonctions de logement. Pour Le Petit Robert, l'habitat est l' « ensemble des conditions d'habitation, de logement106». En d'autres termes, c'est un « mode d'organisation et de peuplement par l'homme du milieu où il vit107». L'habitat ici est vu sous l'angle du logement et de ces implications. Les autorités traditionnelles ne sont pas insensibles aux problèmes d'habitat de nos villes et villages. Elles sont, malgré elles, amenées à jouer un rôle important dans ce secteur en dépit de la faiblesse de leurs moyens. Nous verrons ce rôle tant sur le plan régional que sur le plan communal.

Au plan régional d'une part, le Code général des Collectivités prévoit que les Régions peuvent apporter un soutien à l'action des communes en matière d'habitat108. Une région comptant beaucoup de communes109 et de communautés urbaines, il n'est pas toujours évident pour elle d'aider ces entités de manière équitable. C'est à ce niveau qu'interviennent alors les chefferies traditionnelles par des propositions d'actions et des aides concrètes faites à la région. Il peut s'agir de la cession d'un terrain en vue d'effectuer des lotissements. Cette cession peut être onéreuse ou gracieuse en fonction des sensibilités de chaque chefferie.

Au plan communal, et plus proches des autorités traditionnelles, l'habitat n'est pas une réalité qui leur est étrangère. Car soucieuses de la rareté des terres constructibles, les chefferies traditionnelles peuvent mettre à disposition des terres pour l'aménagement et la viabilisation des espaces habitables. Ces lotissements peuvent être faits selon plusieurs modèles. Le premier est relatif à la création sur ses terres et sur fonds propres d'un lotissement. L'autorité traditionnelle après la viabilisation du site procèdera à la commercialisation des lots en fonction de la mercuriale de la zone de lotissement. Le deuxième, et le plus récurrent dans la pratique, consiste à confier le projet de lotissement à un

106 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.1207.

107 Ibid.

108 Article 269 CGCTD.

109 Les plus petites régions en termes de communes sont les Régions de l'Adamaoua et du Nord avec 21 communes chacune et la plus grande est la Région du Centre avec 70 communes. Voir MINATD, Annuaire Statistique, 2013, p.117.

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particulier ou une entreprise qui l'effectuera à ses frais. Les deux parties pourront alors fixer les modalités de leur entente dans un document écrit. Le troisième, pour sa part, consiste avec le concours de l'autorité administrative communale ou communautaire créer des lotissements communaux ou communautaires sur le terrain d'une chefferie et gérés par la collectivité locale. Les modalités de mise en branle de ce type lotissement seront inscrites dans un contrat.

A côté de ce qui vient d'être dit, l'on peut mettre pour le compte de l'apport des chefferies traditionnelles à l'habitat, l'accueil et l'hébergement de certains compatriotes en difficulté dans les résidences et dépendances des chefferies traditionnelles.

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CONCLUSION DU CHAPITRE 1er

En conclusion, il était question tout au long de ce chapitre de traiter de la contribution des chefferies traditionnelles au développement économique local. Nous avons vu que cette contribution passe par l'action économique et l'accompagnement dans la gestion des ressources naturelles et de l'environnement. Nous pouvons donc dire que les autorités traditionnelles ont un grand rôle à jouer dans le processus de développement économique local au regard de la situation de nos villes et campagnes. Au demeurant, celles-ci sont également attendues en ce qui concerne le développement socioculturel local.

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CHAPITRE 2 :

LE CONCOURS DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU
DEVELOPPEMENT SOCIOCULTUREL LOCAL.

« Si la dimension économique est essentielle, elle ne se comprend pas seule puisque un développement économique a nécessairement une coloration culturelle et sociale très spécifique. Ainsi en Afrique, la logique capitalistique est faible tandis que la logique de répartition, de partage du travail est très importante : si un projet axé sur une logique économique pure ne prend pas en compte cela, il est voué à l'échec. (...) il faut réintroduire l'humain dans la dimension économique et prendre en compte cette dimension culturelle, sociologique (par ex. impliquer les pouvoirs traditionnels)110».

Le développement socioculturel local peut être appréhendé comme la transformation et la valorisation sociale et culturelle d'une localité, ville ou région dans le but d'améliorer de manière significative les conditions de ceux qui y vivent. Le développement socioculturel local est également, selon le Professeur MOUICHE Ibrahim, « l'ensemble des enjeux sociaux et culturels fondés sur le bien-être social111».

Le développement socioculturel a un champ d'application assez vaste, il concerne les domaines de la santé, de l'éducation, de l'action sociale, du sport, de la culture, de la jeunesse et du divertissement entre autres.

Le décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles fait du chef traditionnel un acteur important du développement socioculturel de leurs zones de compétence. A cet effet, l'article 20 alinéa 2 dispose que les chefs traditionnels sont chargés de « concourir, sous la direction des autorités administratives compétentes, (...) au développement (...) social et culturel de leurs unités de commandement ». Cette disposition règlementaire fait des chefs traditionnels des acteurs non négligeables du processus de développement social et culturel.

Le code général des collectivités territoriales décentralisées a conféré un statut spécial aux Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Ce statut spécial, comme vu supra, a institué la house of Chiefs. Elle possède deux commissions dont l'une dénommée Commission des

110 CHAMBE Adeline, Etude sur la notion de développement local, Actes de la Journée de l'Association de Professionnels - Développement Urbain et Coopération, op. cit., p.18.

111 MOUICHE Ibrahim, « Chefferies traditionnelles, culture et développement local au Cameroun », 11e Assemblée Générale du CODESRIA, décembre 2005, p.8, Note de bas de page 2.

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affaires administratives, juridiques, du règlement intérieur, de l'éducation, de la santé, de la population, des affaires sociales et culturelles, de la jeunesse et des sports112. Son nom est assez explicite sur le contenu de ses missions. L'on pourra ressentir la touche des chefs traditionnels à ce propos. Toutefois, les autres collectivités locales ne sont pas en reste. Les chefs traditionnels sont appelés, comme on l'a vu ci-haut avec l'article 20 (2) du décret de 1977, à jouer un rôle important dans ce processus.

De ce fait, l'apport des chefferies traditionnelles sera analysé en deux temps. Il sera question d'une part, d'évoquer l'action des chefferies traditionnelles au développement local dans les domaines de l'enseignement et social (S1). Il sera question d'autre part, d'aborder la participation des chefferies traditionnelles au développement local en matière de jeunesse, de divertissement et de culture (S2).

SECTION 1 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE D'ENSEIGNEMENT ET SOCIALE

L'étude de la contribution des chefferies traditionnelles au développement socioculturel local passe d'abord par l'implication des chefs à l'enseignement (§1) et à l'action sociale (§2).

§1 - L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière
d'enseignement

L'enseignement est, selon le dictionnaire le Petit Robert, « l'action, l'art d'enseigner, de transmettre des connaissances à un élève113». Enseigner reviendrait alors à transmettre à une personne de façon qu'il comprenne et assimile certaines connaissances théoriques et pratiques114. L'enseignement est une mission qui relève des acteurs publics centraux, déconcentrés et décentralisés et de certains acteurs privés115. La répartition des tâches est assez claire. Les autorités traditionnelles n'interviennent dans ce domaine que pour suppléer la carence de ces acteurs ou leur insuffisance à mener à bien ces missions.

Le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi considère l'éducation et la formation professionnelle comme le cadre du développement humain capable de fournir des

112 Article 338 du CGCTD.

113 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.882.

114 Ibid.

115 Article 2 de la Loi N° 98/004 du 14 avril 1998 d'Orientation de l'éducation au Cameroun.

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ressources humaines avec des capacités à même de bâtir une économie émergente à l'horizon 2035116.

Pour se faire, nous verrons la contribution des chefferies traditionnelles en matière d'enseignement classique (A) et en matière d'alphabétisation et de formation professionnelle (B).

A) La contribution des chefferies traditionnelles en matière d'enseignement

classique

L'enseignement classique est celui qui est rattaché à l'école conventionnelle telle que nous la connaissons. L'école constituée de plusieurs cycles notamment le cycle maternel et primaire (1), le cycle secondaire et le cycle universitaire (2).

1) L'éducation maternelle et primaire

L'éducation maternelle et primaire est celle qui a pour mission de jeter les bases de l'apprenant par l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et des opérations mathématiques simples. Ce cycle, quel que soit le sous-système éducatif117, apparaît alors crucial car si il est mal géré, il causera des problèmes aux apprenants aux cycles suivants. Le DSCE distingue au niveau de l'enseignement primaire, l'enseignement préscolaire et l'enseignement fondamental118. Il semble donc opportun pour les autorités traditionnelles de mettre du sien pour la réussite de cette éducation étant donné que l'enseignement primaire est obligatoire119. Ici encore, la contribution des autorités traditionnelles peut être appréciée de manière divergente du fait de l'étendue de la chefferie, du nombre d'écoles, bref des éléments de singularité de chaque unité de commandement de la chefferie. L'apport des chefferies traditionnelles peut se faire à plusieurs niveaux : elle va de l'accompagnement des autorités décentralisées locales en passant par l'accompagnement des élèves, des enseignants et des associations de parents d'élèves entre autres.

Concernant d'abord l'accompagnement des autorités administratives décentralisées, il peut se matérialiser par la vulgarisation et l'implémentation, à leur niveau, des politiques publiques locales en matière d'enseignement de base ou primaire. Les chefferies traditionnelles peuvent également accompagner les municipalités et régions, et ce suivant

116 DSCE, p.73.

117 En l'occurrence le sous-système francophone et le sous-système anglo-saxon.

118 DSCE, p.74.

119 Article 9 Loi d'Orientation de l'éducation.

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leurs moyens, par des appuis financiers nécessaires à l'accroissement de l'enveloppe du paquet minimum indispensable au fonctionnement de l'école. Elles peuvent pareillement apporter leur appui aux régions dans la conception de la carte scolaire de la région et avec les communes mettre en oeuvre la tranche de la carte scolaire communale. Chaque conseil d'école comprend un chef traditionnel élu par ses pairs120. Celui-ci participe à veiller à ce que l'école ne s'éloigne pas des recommandations de la municipalité et de la politique globale en matière d'enseignement de base.

Concernant ensuite l'accompagnement des élèves et enseignants, il est question d'une part de conduire les élèves vers la réussite. Ceci passe par l'encouragement des écoliers au travers d'allocation de bourses et aides scolaires. Ceci passe également par les conseils prodigués aux élèves sur la nécessité de poursuivre leurs études au regard du taux d'abandon scolaire surtout en zone rurale. Il est question d'autre part d'accompagner les enseignants dans l'exercice de leurs missions. Les chefs traditionnels apportent leur appui aux enseignants en leur octroyant des logements121, des facilités d'exercice de leur métier. Ils peuvent également les accompagner dans la nouvelle dynamique de l'enseignement basée sur l'approche par les compétences.

Concernant enfin les associations des parents d'élèves, S.M TSALA NDZOMO Guy estime qu'il s'agit d'une « source permanente de conflits122» entre les associations des parents d'élèves et les directeurs d'écoles primaires. Ces derniers sont souvent divisés sur la gestion des fonds. Il apparaît alors opportun pour les chefs traditionnels de prévenir les conflits, de rappeler à chacun sa mission et surtout leur rappeler qu'il s'agit de fonds publics d'où la nécessité de gérer ces fonds de manière saine et dans l'intérêt des écoles. Les chefferies traditionnelles peuvent également apporter un appui multiforme aux associations de parents d'élèves dans l'accomplissement de leurs missions.

L'éducation primaire étant la porte d'entrée de l'éducation classique, elle conditionne l'accès de l'apprenant aux cycles suivants.

120 Article 4 (1) b de l'Arrêté Conjoint N° 367/B/1464/MINEDUC 064/CF/MINEFI du 19 septembre 2001 du Ministre de l'éducation nationale et du Ministre de l'économie et des finances portant application de certaines dispositions du décret N° 2001/041 du 19 février 2001 relatives à l'organisation et au fonctionnement des établissements publics d'enseignement maternel et primaire.

121 Entretien avec S.M. TSALA NDZOMO Guy, Chef Traditionnel de 1er degré d'ENDINGDING, le 17 décembre 2019 à Yaoundé.

122 Ibid.

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2) L'éducation post-primaire

L'éducation post-primaire est constituée des cycles secondaires et universitaires. Chaque cycle ayant ses particularités123. Le concours des chefferies traditionnelles à l'enseignement secondaire et supérieur est également multiforme. Nous pouvons faire une transposition mutatis mutandis du titre ci-haut. Ici c'est l'assiette d'intervention qui est plus large au regard de la multitude des branches qu'offrent l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur.

En ce qui concerne premièrement l'enseignement secondaire, faut-il le rappeler, c'est le niveau d'enseignement qui contient le plus grand nombre de salles de classe et par conséquent d'élèves. Les deux sous-systèmes éducatifs à ce niveau comprennent chacun l'enseignement secondaire général, l'enseignement secondaire technique et l'enseignement normal124. La tâche qui incombe ici aux chefs traditionnels est ardue au regard du foisonnement de niveaux, cycles et sous-cycles. Néanmoins, les chefs traditionnels peuvent accompagner les établissements d'enseignement secondaire dans leurs tâches en leur apportant un appui didactique, matériel ou financier.

En ce qui concerne secondement l'enseignement supérieur, on note la baisse considérable du canevas. L'enseignement supérieur est conduit par les institutions publiques d'enseignement supérieur et les institutions privées d'enseignement supérieur125. On dénombre alors peu d'universités publiques et une pléthore d'instituts privés d'enseignement supérieur126. Il faut relever que ces derniers ne sont pas visibles sur toute l'étendue du territoire national. L'action des chefferies traditionnelles en matière d'enseignement supérieur est, plus ou moins, subordonnée à l'existence de ces écoles sur leurs territoires. Pour les chefferies accueillant ces écoles, il sera question pour elles d'accompagner les dirigeants des institutions d'enseignement supérieur dans la mise en oeuvre de leur politique de formation127 d'une part et d'être consultées sur des questions qui touchent à la vie sur leurs territoires.

123 Voir les articles 15 à 17 de la loi précitée.

124 Art. 16 et 17 Loi d'orientation de l'éducation.

125 Art. 17 Loi N° 2001/005 du 16 avril 2001 portant orientation de l'enseignement supérieur.

126 En 2018, le Ministère en charge de l'enseignement supérieur dénombrait d'une part huit (8) universités publiques reparties en facultés, écoles, instituts et d'autre part deux cent quarante (240) instituts privés d'enseignement supérieur.

127 Art. 7 al. 2 Loi N° 2001/005 précitée.

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Si l'éducation post-primaire est conditionnée par l'éducation maternelle et primaire, il convient de souligner que des alternatives sont offertes à ceux n'ayant pas subi ce parcours par le biais de l'alphabétisation et la formation professionnelle.

B) La contribution des chefferies traditionnelles à l'alphabétisation et à la formation

professionnelle

La contribution des chefferies traditionnelles en matière d'enseignement peut se faire par l'alphabétisation (1) et la formation professionnelle (2).

1) L'alphabétisation

L'alphabétisation est « l'enseignement de l'écriture et de la lecture aux personnes analphabètes d'une population ou à des personnes ne connaissant pas un alphabet donné128». Un analphabète est une personne ne sachant ni lire, ni écrire. M. EKO'O AKOUAFANE129 affirme alors que l'alphabétisation qui autrefois était assimilée à l'école sous l'arbre a été remise au gout du jour du fait des lois du 22 juillet 2004. Du fait de la non-scolarisation, beaucoup d'enfants et d'adultes aujourd'hui sont analphabètes. Ce taux est beaucoup plus élevé en zone rurale qu'en zone urbaine. Il est donc nécessaire pour les chefs traditionnels de joindre leurs efforts à ceux des pouvoirs publics locaux en vue d'infléchir de manière significative le taux d'analphabétisme dans leurs localités respectives. Ceci est réalisable par l'organisation des campagnes d'alphabétisation, la sensibilisation des parents sur la nécessité aujourd'hui d'envoyer les enfants à l'école.

S'agissant d'une part des campagnes d'alphabétisation, il est question pour les chefs traditionnels, eux qui sont au contact permanent des administrés, de recenser les analphabètes de leurs unités de commandement. Par la suite, ils pourront alors organiser à leur intention des campagnes d'alphabétisation destinées à leur apprendre à lire, écrire le français et/ou l'anglais et effectuer les opérations mathématiques élémentaires. Les modalités de mise en branle de ces campagnes dépendent dans bien des cas du volet financier. Il s'agira pour les chefs traditionnels de trouver la parade à même de financer ces campagnes. A la lecture du Code général des collectivités territoriales décentralisées130, les chefs traditionnels peuvent également apporter leur participation aux plans d'élimination contre l'analphabétisme, à la formation des formateurs, à la conception et la production du matériel didactique, à la

128 Dictionnaire Le Petit Robert, op. cit., p.73.

129 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, La décentralisation administrative au Cameroun, op. cit., p.220.

130 Articles 161 et 271 CGCTD.

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réalisation de la carte de l'alphabétisation et au suivi-évaluation des plans d'élimination de l'illettrisme.

S'agissant d'autre part du volet sensibilisation, il s'agit pour leurs majestés de sensibiliser, dans leur action quotidienne, les parents réfractaires sur le bien-fondé de l'école au XXIème siècle. On note aussi des parents vivant dans la précarité qui estiment ne pas pouvoir prendre en charge la scolarité et tout ce que ça implique. Les chefs pourront alors leur faire comprendre qu'il existe des structures d'accompagnement pour ce type de situation et les actions caritatives. Ils peuvent aussi selon leurs facilités, leur venir en aide de manière matérielle ou financière. Avec l'avènement des technologies de l'information et de la communication (TIC), le champ de l'analphabétisme a évolué. De ce fait, celui qui ne sait pas manier ces outils est considéré comme analphabète. Les autorités traditionnelles ont alors pour mission de mettre sur pied des stratégies visant à enseigner ces technologies à leurs administrés.

L'alphabétisation permettant de sortir une personne de l'ignorance, on peut après ça lui apprendre un métier ou savoir-faire par le canal de la formation professionnelle.

2) La formation professionnelle

La formation professionnelle est l'apprentissage d'un métier ou d'un savoir-faire à un apprenant diplômé ou non. Elle est alors « le processus d'apprentissage qui permet à un individu d'acquérir le savoir, le savoir-faire et le savoir-être (capacité et aptitude) nécessaires à l'exercice d'un métier ou d'une activité professionnelle131». La loi régissant la formation professionnelle définit cette dernière comme une « une formation consistant à faire acquérir des savoirs, compétences et habilités dont le but est d'assurer une main d'oeuvre compétente, en tenant compte notamment des besoins qualitatifs et quantitatifs des employeurs et salariés132».

A la différence de l'enseignement classique, qui selon le Ministre de l'enseignement supérieur M. FAME NDONGO, inculque des « savoirs savants », la formation professionnelle vise à donner une qualification pratique et opérationnelle à l'apprenant. Les autorités traditionnelles, en leur qualité d'acteurs de la communauté de la formation

131 Définition de Wikipédia de la formation professionnelle,

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Formation_professionnelle&hl=fr-CM&grqid=w0J2yUhL, consultée le 9 janvier 2020.

132 Article 6 de la Loi N° 2018/010 du 11 juillet 2018 régissant la formation professionnelle au Cameroun.

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professionnelle133, agissent dans ce domaine de deux moyens au moins à savoir l'accompagnement des institutions de formation professionnelle et l'appui aux étudiants de ces écoles.

S'agissant d'une part de l'accompagnement des institutions de formation professionnelle par les chefferies traditionnelles, il peut avoir de plusieurs manières notamment l'institution d'un cadre de partenariat pouvant porter sur l'octroi des terres pour l'implantation du site d'une école de formation, la participation aux programmes de formation et la création d'une plateforme permanente de concertation.

S'agissant d'autre part de l'appui des chefferies traditionnelles aux étudiants des écoles de formation professionnelle, il peut s'agir de dispenser des enseignements, de faciliter l'octroi des stages professionnels grâce à l'entregent des autorités traditionnelles et enfin de les accueillir et les orienter lors des tournées d'enquête souvent dans des zones reculées ou peu développées.

La formation professionnelle étant le gage d'une formation pratique, elle peut toucher au domaine de l'action sociale.

§2 - L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière d'action

sociale

L'action sociale désigne l'ensemble des moyens par lesquels une collectivité agit sur elle-même pour préserver sa cohésion par des mesures destinées à aider les personnes ou groupes les plus fragiles à mieux vivre en acquérant ou préservant leur autonomie et à s'adapter à leur milieu social.

L'action des chefferies traditionnelles au développement local dans le domaine de l'action sociale sera étudiée sous l'angle de la santé (A), de la protection sociale et de la population (B).

A) La participation des chefferies traditionnelles à la santé

La santé dans la collectivité est un « état physiologique et psychologique des membres d'un groupe social134». Cette définition emboite sensiblement le pas à la santé publique qui

133 Voir l'article 9 de la Loi N° 2018/010 du 11 juillet 2018 régissant la formation professionnelle au Cameroun qui prévoit bon nombre d'acteurs de la communauté de la formation professionnelle. Ceux qui retiennent notre attention sont les collectivités territoriales décentralisées et les partenaires du milieu socio-professionnel parmi lesquels les chefferies traditionnelles.

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est l'ensemble des « connaissances et techniques propres à prévenir les maladies, à préserver la santé, à améliorer la vitalité et la longévité des individus par une action collective (mesures d'hygiène et de salubrité, dépistage et traitement préventif des maladies, mesures propres à assurer le niveau de vie nécessaire135». Cette définition nous permet de constater que la santé publique est une question transversale, elle n'est pas uniquement l'affaire du ministère en charge de la santé publique et ses démembrements mais de tous et plus particulièrement des chefferies traditionnelles.

Au regard de l'organisation du secteur de la santé au Cameroun, l'on se rend compte que ce secteur est structuré en trois niveaux à savoir le niveau central, le niveau intermédiaire et le niveau périphérique136. Nous nous intéresserons ici aux niveaux intermédiaire et périphérique parce qu'ils correspondent respectivement aux régions (1) et aux communes (2).

1) Au plan régional

Le niveau régional de la santé publique correspond au niveau intermédiaire matérialisé par des délégations régionales. Les structures de soins placées sous l'autorité d'une délégation régionale sont les hôpitaux régionaux et assimilés et les fonds régionaux pour la promotion de la santé137. L'action des chefferies traditionnelles à ce niveau n'est pas toujours perceptible pour deux raisons au moins. La première est que ces structures sanitaires sont très étendues et le contact n'est pas toujours évident avec elles. La seconde est que ces structures ont généralement un large plateau technique ce qui attire des malades venus d'ailleurs.

Le Code général des collectivités territoriales décentralisées attribue des compétences aux régions en matière de santé138. Les autorités traditionnelles peuvent aider les régions à exercer certaines. L'on peut citer la participation des chefferies traditionnelles à l'élaboration de la carte sanitaire régionale, l'appui aux formations sanitaires, la participation à la mise en oeuvre des mesures d'hygiène et de salubrité et enfin la participation à la création des structures régionales de santé. Cette contribution tient au fait de leur proximité avec les populations.

134 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.2307.

135 Ibid.

136 Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2016-2020, p.6.

137 Ibid., Tableau 1.

138 Art 270 CGCTD.

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Toutefois, les chefferies peuvent apporter un soutien minimaliste en référant des cas à ces structures, en accompagnant celles-ci chaque fois qu'elles seront sollicitées sur des questions touchant à la vie tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ces structures de soins.

Le statut spécial des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest conféré par le CGCTD ne donne pas de mission explicite139 en matière de santé à la house of Chiefs. L'on peut, du fait de l'existence d'une commission chargée des questions de santé au sein de cette chambre, subodorer que les autorités traditionnelles pourront contribuer de manière significative à l'amélioration de la santé dans ces deux régions.

Le niveau intermédiaire de santé publique est éloigné des populations isolées du chef-lieu de la région, il convient de s'intéresser au niveau périphérique de santé publique pour voir quel peut être l'apport des autorités traditionnelles.

2) Au plan communal

Le niveau communal de la santé publique correspond au niveau périphérique doit-on le relever est incarné par les districts de santé dont la base est la commune. Toutefois, lorsque les circonstances l'exigent, un district de santé peut couvrir plusieurs arrondissements140 et « obéit à une logique de fonctionnalité et d'efficacité141». Chaque district de santé comprenant des structures de soins telles les hôpitaux de district, les cliniques, les centres médicaux d'arrondissement, les centres de santé intégrés et les cabinets de soins142.C'est le niveau d'implémentation véritable de la politique de santé.

A la lecture de l'article 160 du Code général des collectivités territoriales décentralisées, les chefferies traditionnelles peuvent soutenir l'action des communes par plusieurs moyens. Premièrement, les chefferies traditionnelles peuvent contribuer à la création des centres de santé d'intérêt communal par trois méthodes. La première résulte d'une demande formulée à l'endroit de la collectivité en vue de la création d'un centre de santé à un endroit précis au regard de l'absence ou de l'éloignement des structures de soins. La deuxième quant à elle est le fruit de la consultation du chef traditionnel par la collectivité

139 La House of Chiefs siège sur toutes les matières reconnues à l'Assemblée régionale. Cette dernière exerce d'une part l'ensemble des attributions dévolues aux conseils régionaux et d'autre part des attributions qui lui sont propres. Voir l'article 331(2) CGCTD.

140 Sur les trois cent soixante (360) arrondissements que compte le Cameroun, on dénombre 189 districts de santé.

141 NGONO TSIMI Landry, « Les mutations de l'organisation administrative déconcentrée au Cameroun », in ABOUEM à TCHOYI David et M'BAFOU Stéphane Claude (dir.), op. cit., p.268. Note de bas de page 17.

142 Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2016-2020, Tableau 1, p.6.

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locale en vue d'une implantation future sur un site précis d'une structure de soins. La troisième pour sa part résulte d'une initiative prise par le chef de bâtir, en fonds propres ou avec l'aide d'un partenaire, une structure de soins. Tel fût le cas de l'hôpital du palais des rois Bamoun de Foumban inauguré le 16 décembre 1996143. Deuxièmement, les autorités traditionnelles peuvent porter assistance aux formations sanitaires et établissements sociaux. Cette assistance peut être financière, matérielle ou même technique lorsque les autorités traditionnelles ont les moyens et compétences pour le faire. Troisièmement, les autorités traditionnelles peuvent saisir les autorités municipales lorsqu'elles émettent des doutes sur le respect des règles sanitaires par des établissements, entreprises ou usines. Il s'agit en fait de demander aux autorités locales de procéder au contrôle sanitaire de la structure en question.

Dans la pratique, l'on remarque que les chefferies traditionnelles jouent un très grand rôle en matière de santé publique et surtout de santé de proximité. Relais entre les populations et l'administration locale, celles-ci servent de canal pour l'atteinte de ces objectifs. Ainsi, lors de certaines opérations de santé menées aussi bien par le ministère en charge de la santé publique que la collectivité, les chefferies traditionnelles sont consultées en vue de constituer une base de données nécessaire à l'implémentation de ces opérations. Les exemples en la matière abondent. On peut citer le cas des campagnes de vaccination, la chefferie est consultée pour avoir des chiffres exacts, c'est elle qui fournit le guide devant accompagné l'agent vaccinateur pour faciliter sa tache compte tenu de l'urbanisation anarchique et des réalités sociales de nos périphéries, c'est également elle, en plus de la communication médiatique, qui est chargée d'informer les populations du passage des équipes de vaccination et de leur bien-fondé. Tel a été le cas en décembre 2019 avec la campagne nationale de vaccination contre la rougeole et la rubéole concernant les enfants de neuf à cinquante-neuf mois. On peut également citer la mise à la disposition des espaces appartenant à la chefferie pour la tenue de certaines campagnes de dépistage et de consultation.

Les questions de santé peuvent également être véhiculées par la culture. A ce titre, le peuple Bamoun formule lors du festival Ngouon leurs préoccupations en matière de santé publique. A en croire le Professeur MOUICHE, la plupart de ces doléances trouve solution une fois arrivées au niveau du Sultan. A cet égard, il énumère la convention entre le sultanat

143 Voir MOUICHE Ibrahim, « Chefferies traditionnelles, culture et développement local au Cameroun », op. cit., p.5.

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et le ministère de la santé publique destinée à lutter contre le VIH-Sida, la construction d'un hôpital, l'appui en équipements médicaux et en médicaments entre autres144.

La santé étant un élément incontournable du développement social, il convient aussi de saisir la portée de la protection sociale et de l'encadrement de la population.

B) La participation des chefferies traditionnelles en matière de protection sociale et de population

La participation des chefferies traditionnelles au développement socioculturel peut également passer par la protection sociale (1) et l'encadrement de la population (2).

1) La protection sociale

La protection sociale renvoie à un « ensemble des mécanismes de prévoyance collective qui permettent aux individus ou aux ménages de faire face financièrement aux conséquences des risques sociaux, c'est-à-dire aux situations pouvant provoquer une baisse des ressources ou une hausse des dépenses (vieillesse, maladie, invalidité, chômage, charges de famille...)145». La protection sociale poursuit alors des objectifs matériels permettant aux individus de se prendre en charge lorsqu'ils sont malades ou séniles ; et des objectifs sociaux visant la réduction des inégalités de la vie et assurer un minimum de revenus leur permettant d'être intégrés à la société.

Traditionnellement dévolues aux institutions publiques et parapubliques, certaines missions de la protection sociale peuvent être assurées par les chefferies traditionnelles. Il s'agit pour celles-ci de fournir une assistance à leurs administrés afin de relever leurs conditions de vie à un niveau acceptable.

A l'analyse du Code général des collectivités territoriales décentralisées, notamment les compétences transférées aux régions et aux communes en matière de protection sociale146, les chefferies traditionnelles peuvent accompagner celles-ci voire les suppléer. Les autorités traditionnelles pourront alors apporter une participation active aux centres de promotion et de réinsertion sociale d'une part et apporter une assistance multiforme aux personnes nécessiteuses.

144 Ibid. pp. 4-6.

145 Définition de la protection sociale de Wikipédia, https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Protection_sociale consultée le 19 janvier 2020.

146 Articles 160 b) et 270 CGCTD.

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Au vu de la crise sociopolitique qui prévaut dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et son flot de déplacés internes, on note une précarité et une promiscuité grandissante au sein des milieux où vivent ces déplacés. L'on note l'action des chefs traditionnels visant à apporter un minimum de commodités de base destinés à réduire leurs souffrances. Cette aide est faite à l'endroit des compatriotes par un appel à la solidarité à leur endroit lancé par les chefs traditionnels destiné à leur apporter des aides sanitaires, des aides familiales et scolaires, des aides au logement et des aides financières en vue de réduire la pauvreté et l'exclusion sociale entre autres.

Si la protection sociale a pour but de ne pas laisser sur le bas-côté de la route du développement une certaine frange de la population, il est indispensable d'inclure toute la population dans le processus de développement socioculturel.

2) La population

La population est l' « ensemble des personnes qui habitent un espace, une terre147». La population dont il est question ici est celle vivant sur les territoires des chefferies traditionnelles et des collectivités territoriales décentralisées. Elle est, au regard des mouvements migratoires, cosmopolite surtout en zone urbaine qu'en zone rurale.

Le décret du 15 juillet 1977 prévoit en son article 19 que « les chefs traditionnels ont pour rôle de seconder les autorités administratives dans leur mission d'encadrement des populations ». Il est par conséquent du devoir des chefferies traditionnelles de mettre tout en oeuvre pour encadrer leurs populations pour deux motifs au moins. Le premier est que les populations sont les bénéficiaires de la décentralisation et ses effets, ceci sous-entend qu'elles doivent se sentir impliquées dans ce processus. Le second est que les chefferies traditionnelles sont le relais entre l'administration décentralisée et les populations, ce qui implique une circulation d'informations dans les deux sens.

Les chefferies traditionnelles doivent contribuer à la transformation de la population par « un changement mentalités148» car le développement ne peut se faire sans un changement radical des mentalités. Il est alors nécessaire d'encadrer ces populations pour parvenir à cette transformation.

147 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.1965.

148 NGANE Suzanne, op. cit., p.101.

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Les autorités traditionnelles aident la population par plusieurs moyens. On peut énumérer les facilités administratives de délivrance des actes d'état civil et d'accès aux services publics, et l'éducation civique.

S'agissant d'une part de l'accompagnement des chefferies traditionnelles en vue de faciliter à leurs populations certaines démarches administratives, on peut citer la délivrance des actes d'état civil. A l'examen de Loi N° 2011/011 du 6 mai 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de l'ordonnance N° 81/02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques, l'on se rend compte que les actes d'état civil sont désormais délivrés par les centres principaux d'état civil et centres secondaires d'état civil rattachés au premier. Les chefferies traditionnelles ont alors la lourde mission, étant donné qu'une bonne partie de la population ne dispose pas d'actes d'état civil, de faciliter l'obtention desdits actes par des campagnes d'établissement des actes d'état civil, des audiences foraines de jugements supplétifs d'actes de naissance et de décès. La loi du 6 mai 2011, comme vu ci-haut, a prévu des centres secondaires d'état civil « lorsque la densité de la population ou des difficultés de communication le justifient149». Dans la pratique, on note que les officiers d'état civil de ces centres sont le plus souvent les autorités traditionnelles. Ceci a le mérite de faciliter l'obtention des actes d'état civil par les populations souvent éloignées du chef-lieu de l'arrondissement. Les chefferies traditionnelles peuvent également faciliter l'accès aux services publics pour la délivrance de services, documents ou pièces dont leurs populations ont besoin. Il convient alors de leur faire savoir les missions de chaque administration dont la zone de compétence couvre le territoire de la chefferie.

S'agissant d'autre part de l'éducation civique, le chef traditionnel « doit, tout en prêchant lui-même par l'exemple150», inculquer à sa population le civisme. Le civisme étant assimilé au patriotisme, il apparaît opportun d'enseigner aux populations, des valeurs qui placent la patrie au-dessus de toute considération égoïste ; ceci passe par le respect des emblèmes et symboles de l'Etat, le respect des institutions et de ceux qui les incarnent, le respect de l'autre, l'observance de certaines règles dans la vie en société. Tout ceci est fait pour avoir des bons citoyens à même de conduire notre pays vers le développement tant

149 Art 10 (4) Loi N° 2011/011 du 6 mai 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de l'ordonnance N° 81-02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques.

150 BELL Luc René, « Améliorer l'efficacité de l'Etat à travers l'évolution de la Chefferie traditionnelle », op. cit., p.546.

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Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

recherché. Le citoyen n'ayant pas que des obligations, les chefs traditionnels doivent également leur apprendre leurs droits.

Si la population est l'ultime point de cette section relative à l'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière d'enseignement et sociale, il convient d'aborder la contribution de ces chefferies au développement local en matière de jeunesse, de divertissement et de culture.

SECTION 2 - LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AU
DEVELOPPEMENT LOCAL EN MATIERE DE JEUNESSE, DIVERTISSEMENT ET

CULTURE

L'étude de la contribution des chefferies traditionnelles au développement socioculturel local passe aussi par l'implication de celles-ci en matière de jeunesse, de divertissement (§1) et de culture (§2).

§1 - L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière de
jeunesse et de divertissement

L'action des autorités traditionnelles au développement socioculturel local peut tout aussi se faire au travers de la jeunesse (A) et du divertissement (B).

A) La contribution des chefferies traditionnelles au développement local en matière

de jeunesse

La jeunesse est considérée comme le fer de lance de la nation, il convient de l'encadrer pour qu'elle puisse atteindre les objectifs en elle placés. Elle est diversement définie et le point de rupture est la tranche d'âge de la jeunesse. Pour ne pas tomber dans ces travers, nous allons élargir cette tranche pour conforter le plus grand nombre. Nous retenons la tranche 1535 ans151. Les chefferies traditionnelles peuvent dès lors accompagner la jeunesse par la vulgarisation des politiques publiques destinées aux jeunes (1) et l'accompagnement quotidien des jeunes (2).

1) La vulgarisation des politiques publiques destinées aux jeunes

La vulgarisation des politiques publiques destinées aux jeunes par les chefferies traditionnelles auprès des jeunes peut se faire suivant les politiques nationales et les politiques locales y afférentes.

151 Voir le Préambule de la Charte Africaine de la Jeunesse du 2 juillet 2006 qui définit un jeune comme « toute personne âgée de 15 à 35 ans ».

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Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

Relativement aux politiques publiques nationales destinées aux jeunes d'une part, il s'agit de répandre auprès des jeunes ce que les autorités nationales font pour cette tranche d'âge. Les politiques publiques destinées aux jeunes sont implémentées au niveau national par le ministère en charge de la jeunesse en respect de la Charte Africaine de la Jeunesse. A bien regarder l'organigramme de ce département ministériel, les chefferies traditionnelles peuvent porter à la connaissance des jeunes les politiques publiques en matière de vie associative et participation des jeunes, d'insertion sociale des jeunes, du volontariat, de l'éducation civique, de l'intégration nationale des jeunes et de la promotion économique des jeunes152. A ce niveau, il existe une multitude d'institutions spécialisées dont les plus marquantes sont le Service civique national de participation au développement, le Conseil national de la jeunesse et l'Observatoire national de la jeunesse.

D'abord, le Service civique national de participation au développement est chargé de la « mobilisation des énergies pour le développement économique, social et culturel du pays153» par la promotion « du sentiment national et patriotique, du sens de la discipline, de la tolérance, de l'intérêt général, de la dignité du travail, de l'esprit civique et de la culture de la paix154». Ce service cible deux catégories de jeunes à savoir les appelés et les volontaires. L'âge des appelés oscille entre 17 et 21 ans et bénéficient d'une formation de soixante jours adossée sur le civisme, l'éducation physique, sportive et culturelle, la consolidation de la solidarité et de l'intégration nationales, le secourisme, la protection civile et la sensibilisation à la protection de l'environnement. Les volontaires pour leur part sont des jeunes qui s'engagent pour une période de six mois au bout desquels ils doivent être capables d'avoir des aptitudes nécessaires à la création d'activités génératrices de revenus et réaliser des travaux d'intérêt général aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé.

Ensuite, le Conseil national de la jeunesse du Cameroun a pour mission principale de « mettre en synergie les organisations de jeunesse du Cameroun afin d'accroître la créativité des jeunes et optimiser leur potentiel d'action et de participation au développement155». Le conseil a des organes centraux et des organes déconcentrés à l'image de la déconcentration territoriale de notre pays. Cette organisation permet au conseil de toucher le plus grand

152 Art 8 du décret N° 2012/565 du 28 novembre 2012 portant organisation du Ministère de la Jeunesse et de l'Education Civique.

153 http://minjec.gov.cm/index.php/fr/35-ascnpd, consultée le 22 janvier 2020.

154 Ibid.

155 http://www.minjec.gov.cm/index.php/fr/cnjc/386-conseil-national-de-la-jeunesse-du-cameroun-organe-

federateur-des-organisations-de-jeunesse, consultée le 22 janvier 2020.

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Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

nombre de jeunes. A titre d'exemple les bureaux exécutifs communaux auront plus de faciliter pour mobiliser les jeunes en vue de l'atteinte de certains objectifs. Ces bureaux locaux peuvent être aidés dans ce sens par les autorités traditionnelles.

Enfin, l'Observatoire national de la jeunesse a pour objectif général « d'organiser la rencontre entre la demande formulée par la jeunesse en matière de formation civique, d'insertion sociale et de promotion économique, et l'offre proposée par les programmes gouvernementaux et non-gouvernementaux156». Cette plateforme de mise en relation entre les jeunes et les programmes institutionnels à leur endroit permet de rendre accessible les informations utiles en fonction de ce que recherche un jeune. A titre d'exemple, un jeune agriculteur qui est inscrit dans la base de données de l'observatoire recevra les annonces qui concernent son domaine d'activités.

Relativement aux politiques publiques locales destinées aux jeunes d'autre part, il est question pour les autorités traditionnelles de transmettre aux jeunes ce que les autorités régionales et municipales prennent comme décision à leur endroit. Les chefferies traditionnelles auront du grain à moudre selon la proactivité de ces autorités administratives décentralisées.

Les chefferies traditionnelles, comme on vient de le voir, se font le devoir de vulgariser auprès des jeunes les politiques publiques nationales et surtout locales en la matière, il convient de souligner que l'accompagnement des jeunes par les autorités traditionnelles se fait au quotidien.

2) L'accompagnement quotidien de la jeunesse

L'accompagnement de la jeunesse par les chefferies traditionnelles se fait au quotidien. Cet accompagnement fait directement ou par l'interface locale du ministère en charge de la jeunesse.

De manière directe, les chefferies traditionnelles apportent leur appui aux jeunes. Les mécanismes de cet accompagnement sont aussi divers que variés et reflètent l'identité de chaque chef et de son milieu de vie. Cet accompagnement peut prendre plusieurs formes notamment les causeries éducatives, la définition du rôle de la jeunesse dans la chefferie, la

156 http://www.minjec.gov.cm/index.php/fr/pts-jeunes/145-observatoire-national-de-la-jeunesse-un-imperatif-

pour-une-meilleure-mediation-entre-les-programmes-de-developpement-et-la-jeunesse, consultée le 22 janvier 2020.

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Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

sensibilisation face aux fléaux sociaux et surtout l'encouragement des jeunes qui se distinguent par leur travail ou comportement.

De manière indirecte, les autorités participent à l'accompagnement des jeunes par l'intermédiaire de la délégation d'arrondissement de la jeunesse et de l'éducation civique qui est l'interface la plus proche des populations du ministère en charge de la jeunesse. La structure la plus présente dans les esprits et où convergent les jeunes à ce niveau demeure le centre multifonctionnel de promotion des jeunes qui est un « laboratoire de solutions innovantes au problème d'emplois chez les jeunes157». Les chefferies ont le devoir de conduire les jeunes vers ces centres en vue de leur autonomisation.

Si la jeunesse camerounaise et plus particulièrement celle de nos contrées est porteuse d'un certain nombre d'espoirs et d'attentes, il ne faudrait cependant pas ignorer le fait qu'elle a droit au divertissement.

B) La contribution des chefferies traditionnelles au développement local en matière de divertissement

Le divertissement est une activité visant l'épanouissement de l'homme par la récréation ou le jeu. Le divertissement est de ce fait permet de distraire l'homme pour quelques instants sans pour autant l'éloigner de ses objectifs.

La contribution des chefferies traditionnelles au développement local dans le domaine du divertissement sera analysée sous le prisme des sports (1) et des loisirs (2).

1) Les sports

Le sport est une « activité physique exercée dans le sens du jeu, de la lutte et de l'effort, et dont la pratique suppose un entraînement méthodique, le respect de certaines règles et disciplines158». Allant plus loin, la loi portant organisation et promotion des activités physiques et sportives identifie le sport comme un « ensemble d'exercices physiques et intellectuels codifiés se pratiquant sous forme de jeux individuels ou collectifs pouvant donner lieu à des compétitions159». Le sport, a-t-on l'habitude de le dire, est un facteur majeur de communion sociale. Aussi, le sport est un « facteur important d'équilibre mental, de

157 http://minjec.gov.cm/index.php/fr/actu/274-centres-multifonctionnels-de-promotion-des-jeunes-levier-de-l-entrepreneuriat-jeune , consultée le 22 janvier 2020.

158 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.2425.

159 Article 10 de la Loi N° 2018/014 du 11 juillet 2018 portant organisation et promotion des activités physiques et sportives au Cameroun.

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préservation du capital santé, d'épanouissement physique, intellectuel ou socio-économique de l'individu160».

L'action des chefferies traditionnelles en matière de sports pourra se faire selon qu'on soit en présence du sport amateur ou du sport professionnel.

En rapport d'une part avec l'action des chefs traditionnels en matière de sport amateur, il faut noter qu'il s'agit de la pratique du sport en vue de se divertir. Hormis les cas de pratique obligatoire du sport161, la loi aménage la pratique du sport pour tous. Le sport pour tous « consiste en l'organisation de l'éducation physique et de loisirs sportifs récréatifs libres ou organisés au profit du plus grand nombre de citoyens162». Le sport pour tous a l'avantage de constituer un important facteur de promotion de la santé publique, de l'insertion sociale et de la lutte contre les fléaux sociaux163. Les chefferies traditionnelles, dans leur mission d'accompagnement des collectivités locales, peuvent organiser ces activités sportives destinées au plus grand nombre. Il peut s'agir par exemple d'une marche sportive avec exercices d'étirements. Ces activités sportives pour tous dans la réalité sont mises en second plan au profit des activités sportives collectives dont la plus pratiquée est le football. Les installations de football sont visibles dans tous les quartiers et villages de notre pays dont certaines sont sur les terres des chefferies. Les autorités traditionnelles organisent à l'endroit des sportifs des tournois périodiques, des compétitions inter-quartiers ou inter-villages. Il est également du devoir des chefs traditionnels, en synergie avec les collectivités territoriales décentralisées, de promouvoir les sports peu pratiqués et surtout ceux ayant trait à nos cultures à l'image de la lutte traditionnelle.

En rapport d'autre part avec l'action des chefs traditionnels en matière de sport professionnel, il convient de relever qu'il s'agit de la pratique du sport comme métier. A ce niveau l'action des autorités traditionnelles peut se faire à plusieurs paliers. D'abord, on peut assister à la création et la gestion d'une équipe de sport professionnel par une chefferie traditionnelle. Lorsque qu'une chefferie est un creuset de talents sportifs ou lorsque certaines conditions sont réunies, le chef peut, sur sa propre initiative ou de concert avec les forces en présence, créer une équipe dans le but de promouvoir le sport et porter la localité sur un piédestal. Ensuite, la chefferie traditionnelle peut accompagner une équipe sportive, ses joueurs et son staff technique. Enfin, les chefferies traditionnelles peuvent aider les équipes

160 Article 2 (1) de la loi précitée.

161 Articles 4 et 12 de la loi précitée.

162 Art 15 (1) de la loi précitée.

163 Al 2 de l'article 15 de la loi précitée.

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sportives de leur ressort territorial par la mobilisation. La mobilisation peut se faire à plusieurs niveaux, on peut énumérer la mobilisation des populations lors des rencontres sportives, la mobilisation des ressources financières nécessaires au fonctionnement de l'équipe et la mobilisation matérielle telle la mise à disposition d'une aire de jeu.

Les sports et particulièrement le football occupent dans notre pays la plus grande portion de divertissement au grand désarroi des loisirs.

2) Les loisirs

Les loisirs correspondent au temps dont on peut disposer en dehors de ses occupations habituelles et des contraintes. Ce temps est mis à profit pour se divertir. La difficulté est que les loisirs sont tous aussi divers que variés et reflètent la subjectivité de chaque individu. Une chose peut constituer un loisir pour une personne et paraître inutile pour une autre. En tout état de cause, il existe des loisirs qui sont admis par le plus grand nombre. Les autorités peuvent intervenir dans le champ des loisirs en agissant sur les infrastructures de loisirs, les évènements ayant un caractère de loisirs et les acteurs des loisirs.

Concernant d'abord, l'action des chefferies traditionnelles sur les infrastructures de loisirs, elles peuvent accompagner les autorités régionales dans la création et l'exploitation des parcs de loisirs d'intérêt régional164. Elles peuvent aussi apporter leur soutien aux autorités municipales dans la création et l'exploitation des parcs de loisirs165 et parcs d'attraction situés dans la commune. De leur propre chef, les autorités traditionnelles peuvent également mettre à la disposition de leurs administrés des biens de la chefferie pour que ceux-ci puissent se divertir. Il peut s'agir d'un terrain, d'un immeuble bâti pour l'exercice de leurs loisirs.

Concernant ensuite la participation des chefferies traditionnelles aux évènements ayant un caractère de loisirs, les autorités traditionnelles peuvent, au regard du Code général des collectivités territoriales décentralisées, soutenir les autorités municipales dans 1'organisation des manifestations socioculturelles à des fins de loisirs166. Les autorités traditionnelles peuvent lorsque les circonstances le permettent d'organiser sur leurs territoires respectifs des évènements ayant un caractère de loisirs, il peut s'agir des jeux de société, des séances de lecture publique, des oeuvres de vacances, des randonnées et de l'écotourisme. Cette tâche

164 Art 272 CGCTD.

165 Art 162 CGCTD.

166 Articles 162 et 272 CGCTD.

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s'avère indispensable au regard du manque criard d'activités de loisirs aussi bien en ville qu'en campagne.

Concernant enfin l'action sur les acteurs des loisirs, il convient tout d'abord de situer l'existence de deux acteurs majeurs de loisirs à savoir les prestataires de loisirs et les consommateurs. D'une part, les autorités traditionnelles ont la mission de faciliter le travail des prestataires de services de loisirs sur leur territoire. Il s'agit aussi compte tenu de l'absence de loisirs d'inciter des promoteurs de loisirs nationaux voire même internationaux de venir s'installer sur le territoire de la chefferie au regard du potentiel de celle-ci. D'autre part, les chefs traditionnels accompagnent les consommateurs de loisirs représentés par tous les citoyens, par l'information ceux-ci. Il s'agit de mettre à leur disposition des informations dont ils ont besoin pour leurs activités de loisirs. Les chefferies peuvent mettre à leur disposition par exemple un guide devant les conduire et leur expliquer le contenu de l'activité de loisirs.

Si les loisirs constituent un moment de récréation des individus durant leur temps libre, ceux-ci peuvent avoir un lien fort avec la culture.

§2 - L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière culturelle

La culture est une notion polysémique. Dans le sens qui nous intéresse, la culture est l'« ensemble des aspects intellectuels propres à une civilisation, une nation167». Mieux encore c'est la somme « des formes acquises de comportement, dans les sociétés humaines168». En tout état de cause, la culture est l'ensemble des manières et habitudes d'un groupe social.

La loi portant Code général des collectivités territoriales décentralisées du 24 décembre 2019 a, par transfert, octroyé des compétences aux CTD en matière de culture169. Il est du ressort des autorités traditionnelles d'accompagner les autorités locales pour le rayonnement de notre culture.

Avec l'avènement du statut spécial des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest brièvement présenté ci-haut, la house of Chiefs a conformément au CGCTD des missions particulières en matière culturelle170.

167 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.603.

168 Ibid.

169 Voir les articles 163, 242 (3) et 273 CGCTD.

170 Article 337 (2) CGCTD.

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L'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière culturelle peut être appréhendée par la promotion de la culture (A) et la promotion des langues officielles et nationales (B).

A) La promotion de la culture

La promotion de la culture par les chefferies traditionnelles peut se faire par la création et l'organisation d'évènements culturels (1) ainsi que la création et l'appui aux infrastructures culturelles (2).

1) La création et l'organisation d'évènements culturels

Un évènement culturel est une rencontre d'un groupe social basée sur la création artistique et culturelle dans espace et à un moment donné. Les chefferies traditionnelles peuvent, de manière autonome ou avec les autorités territoriales décentralisées171, créer ou organiser des évènements culturels. Ainsi, les chefferies traditionnelles peuvent initier des évènements culturels dans le but de pérenniser la culture, de faire connaître la culture au grand public et de renforcer les liens entre peuples au cours de ces rencontres périodiques. Chaque aire culturelle de notre pays a ses particularités, sans exhaustivité nous pouvons citer le Ngouon chez les Bamoun, le Ngondo chez les Sawa, le Gurna des peuples Toupouri, Kéra et Wina et le festival Mbog Liaa chez les peuples Bassa, Bati et Mpoo. Nous verrons successivement comment ces évènements culturels sont mis en oeuvre pour dégager leurs spécificités.

Le festival Ngouon est l'un des plus anciens festivals sinon le plus ancien au Cameroun172, il représente « un moment fort de l'exaltation de la culture camerounaise173». C'est à la fois un instrument de pouvoir, de démocratie et de développement174. Durant ce festival, chaque famille apportait son tribut agropastoral au Sultan destiné à nourrir la population palatine et à garantir la sécurité alimentaire du Royaume. L'articulation majeure du Ngouon est l'interpellation du Sultan sur des manquements, dysfonctionnements ou injustices dans le palais. Ainsi « à un moment, le roi interpellé se lève et on plante devant lui la lance de la justice. A ce moment, il n'est plus roi. On lui dit ce qui s'est passé et on lui demande ce qu'il va faire pour y remédier. Le roi réagit ensuite par un discours du trône,

171 Art 273 a) CGCTD.

172 La première édition du Ngouon remonte au 16ème siècle après la création du Royaume Bamoun par NCHARE

YEN. Lire sur la question MOUICHE Ibrahim, « Chefferies traditionnelles, culture et développement local au Cameroun », 11e Assemblée Générale du CODESRIA, décembre 2005, p. 1-10.

173 MOUICHE Ibrahim, « Chefferies traditionnelles, culture et développement local au Cameroun », op. cit., p.3.

174 Ibid.

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généralement articulé en deux points : il répond aux interpellations du précédent Ngouon et prend acte de celles qui lui sont faites. C'est quasiment une comparution devant le peuple175». Au total, ce festival est un rendez-vous du peuple Bamoun, réparti sur les neuf arrondissements que compte le département du Noun, qui converge vers Foumban avec sa spécialité pour rehausser l'éclat de cet évènement qui transcende les frontières nationales.

En rapport avec Ngondo, c'est une fête traditionnelle et rituelle des peuples côtiers du Cameroun. Elle réunit les Sawa de la région du Littoral pendant la première semaine du mois de décembre. La littérature sur le Ngondo est assez fournie176. Cette manifestation qui existe depuis 1830 a pour objectif « de réunir les peuples côtiers une fois tous les douze mois en célébrant une grande fête rituelle, mystique et culturelle animée par les hauts dirigeants des différents cantons de la Ville de Douala et sa Métropole177». L'on retient que cet évènement annuel est placé sous la présidence d'un chef d'un des cantons de Douala. Les autorités traditionnelles de ces cantons dans la matérialisation des activités de ce festival ont le souci de promouvoir la culture et de renforcer les liens entre les peuples côtiers. Moment privilégié de la culture camerounaise, le Ngondo a brisé les barrières culturelles et réunit les camerounais de tous les bords qui demeurent fascinés par la course de pirogues, la lutte traditionnelle, le concours du meilleur danseur, le concours de cuisine et le concours de Miss Ngondo pour ne citer que ceux-là.

En rapport avec le festival Mbog Liaa, il convient de soulever que ce festival n'a été initié par uniquement par des chefs traditionnels mais par des personnalités comme le Colonel MANG Sylvestre, M. MPOUMA Léonard Claude et le Professeur MBOUI Joseph entre autres. Ce festival est organisé par l'association Mbog Liaa. Cependant, on note la place importance reconnue aux chefs traditionnels et plus particulièrement des Mbombog. Ce regroupement des peuples de la « grotte » permet aux peuples de ces trois communautés de se retrouver et de communier autour d'une panoplie d'activités parmi lesquelles des expositions, des conférences-débats, élection miss Mbog Liaa, danses culturelles et sans doute échange

175 Ibid.

176 Lire à cet effet AUSTEN Ralph, « Tradition, invention et histoire : le cas du Ngondo », Cahiers d'études africaines, vol. 32, n° 126, 1992, pp.285-309 ; NDOUMBE-MOULONGO Maurice, Le Ngondo, assemblée traditionnelle du peuple duala, centre d'édition et de production de manuels et d'auxiliaires de l'enseignement, Yaoundé, 1972 ; TOKO Le Fils Jean Bernard, Ngondo : impasses d'une mythologie. Ethique théologique de la liberté, Editions universitaires européennes, 2013 et enfin HARTER Pierre, « Le Ngondo », Bulletin de l'Association française pour les recherches camerounaises, Faculté des lettres et de sciences humaines de Bordeaux, tome 3, 1968, pp.61-97.

177 Document Wikipédia sur le Ngondo https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Ngondo, consulté le 21 janvier 2020.

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d'expériences. En tout état de cause, ce festival permet aux autorités traditionnelles de transmettre la culture de ces communautés par l'apprentissage de la langue, les contes, l'histoire des peuples de la grotte entre autres.

En rapport avec le festival Gurna, il faut relever qu'il réunit les peuples Toupouri, Kéra et Wina du Cameroun et du Tchad. Ce festival se passe de manière rotative au Cameroun et au Tchad. Les autorités traditionnelles de ces communautés jouent une part active dans le déploiement des activités de ce festival qui comporte les courses de chevaux, les danses traditionnelles, les jeux de société en voie de disparition, la lutte traditionnelle, les expositions d'oeuvres d'art ancien et moderne et des tables rondes sur les questions de développement des peuples de ces communautés. Il s'agit de réunir et de fédérer les peuples Toupouri, Kéra et Wina issus des départements du Mayo-Danay au Cameroun et du Mont Ili au Tchad autour des valeurs qui leur sont propres.

A côté de ces évènements culturels majeurs il ne faudrait pas négliger l'existence de certains évènements culturels de petite envergure tels les activités culturelles régulières ou ponctuelles.

La création et l'organisation d'évènements culturels par les chefferies traditionnelles peuvent être suivies par la création et l'appui aux infrastructures et aux acteurs culturels.

2) La création et l'appui aux infrastructures et l'appui aux acteurs culturels

La création et l'appui aux infrastructures culturelles et l'aide aux acteurs culturels constituent le second volet de l'action des chefferies traditionnelles au développement local en matière culturelle.

Concernant d'une part la création et l'appui aux infrastructures culturelles, l'on peut retenir ici deux moyens pour y parvenir. Premièrement, les chefferies traditionnelles peuvent créer des infrastructures de promotion de la culture à l'instar des musées, des bibliothèques, des centres socioculturels. A cet égard, on peut citer les musées emblématiques comme le musée de Foumban, le musée de Dschang. Secondement, les autorités traditionnelles peuvent appuyer l'action des autorités locales par la participation à la surveillance et au suivi de l'état de conservation des sites et monuments historiques ainsi qu'à la découverte des vestiges préhistoriques ou historiques et la contribution à la création de centres socioculturels et des bibliothèques de lecture publique d'intérêt régional178.

178 Art 273 a) CGCTD.

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Concernant d'autre part l'appui aux acteurs culturels, le Code général des collectivités territoriales décentralisées parle d'appui et d'assistance179 aux associations culturelles. Tous les acteurs culturels n'étant regroupés au sein d'associations, les CTD ne peuvent qu'aider une partie des acteurs culturels. Les chefferies traditionnelles interviendront alors dans l'optique de contenter le plus grand nombre d'acteurs culturels parmi lesquels on a des artistes de tous ordres, les promoteurs culturels et les initiés entre autres. Cet accompagnement des chefferies traditionnelles peut revêtir plusieurs formes. Il peut être financier, matériel, artistique ou même lié à l'idéologie culturelle.

L'avènement du statut spécial des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest permet à la House of Chiefs de connaître des questions liées aux infrastructures culturelles. En effet, cette chambre de l'Assemblée Régionale émet un avis conforme sur le statut de la chefferie traditionnelle, la gestion et la conservation des sites, monuments et vestiges historiques180. Cet avis va sans doute améliorer la place de la chefferie traditionnelle dans ces régions où le chef a une place prépondérante, valoriser ces sites par une visibilité ici et ailleurs dans le but de partager notre histoire souvent méconnue.

Si la culture l'élément fondateur de notre identité, elle a pour véhicule les langues et plus singulièrement les langues officielles et nationales.

B) La promotion du bilinguisme et des langues nationales

Les autorités traditionnelles, dans leur concours au développement socioculturel local, sont appelées à promouvoir le bilingue (1) et les langues nationales (2) ceci dans le but de permettre aux camerounais de communiquer entre eux tout en conservant les systèmes de communication claniques qui leur sont propres.

1) La promotion du bilinguisme

Le bilinguisme est la capacité de parler parfaitement deux langues. Pour le législateur, c'est la « pratique courante des deux langues officielles par les citoyens du Cameroun181». La promotion du bilinguisme, si chère à notre Etat182, incombe également aux chefferies traditionnelles. La constitution garantit la promotion du bilinguisme sur toute l'étendue du triangle national183. Néanmoins, l'on se rend compte que beaucoup de citoyens camerounais

179 Articles 163 a) et 273 a) CGCTD.

180 Art 337 (2) CGCTD.

181 Article 7 a) de la Loi N° 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun.

182 Art 1 al 3 Loi N°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.

183 Ibid.

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ne maîtrisent que leur dialecte du fait de la non-scolarisation de ceux-ci. Les chefs traditionnels sont alors appelés à oeuvrer aux côtés des pouvoirs publics à apprendre non pas une mais deux langues à leurs administrés. Cette tâche s'avère très ardue au regard du contexte qui est le nôtre et du mauvais maniement des langues officielles par certains de nos compatriotes.

Bien qu'étant difficile, cette tâche n'est pas impossible. Elle peut se résumer en l'accompagnement des politiques publiques et la prise d'initiatives propres.

S'agissant premièrement de l'accompagnement des politiques publiques en matière de promotion des langues officielles et du bilinguisme, il est du devoir des chefferies traditionnelles de soutenir les autorités administratives dans leur action dont la trame centrale est « d'assurer l'égalité de l'usage de l'anglais et du français dans les administrations et organismes publics, et d'inciter les citoyens camerounais à s'exprimer en anglais et en français184». Les autorités traditionnelles pourront donner leur avis sur ces politiques dans le but de les rendre efficientes et accessibles au plus grand nombre de citoyens ; et apporter leur appui multiforme pour la mise en oeuvre de ces politiques. Les autorités traditionnelles peuvent également participer aux programmes nationaux et locaux ponctuels tels les cours de bilinguisme de vacances, les concours d'expression bilingue entre autres.

S'agissant secondement de la prise d'initiatives propres en ce qui concerne les langues officielles et le bilinguisme, les chefferies traditionnelles peuvent organiser des programmes et évènements destinés à promouvoir le bilinguisme et les langues officielles. Ce type de programme a le mérite d'être efficace en milieu rural où le gap est à combler. On peut à titre d'exemple citer les concours de langue et de bilinguisme organisés par les autorités traditionnelles au sein des établissements scolaires primaires et secondaires.

Les langues officielles et plus particulièrement le bilinguisme sont l'héritage commun de tous les camerounais, il ne faudrait pas cependant oublier l'existence de tribus et clans au Cameroun d'où l'importance de promouvoir les langues nationales car comme le dit l'adage « il faut se connaître soi-même avant d'aller à la rencontre de l'autre ».

2) La promotion des langues nationales

La langue nationale renvoie à un « système d'expression et de communication commun à un groupe social185», une tribu ou une ethnie. Les langues nationales constituent le patrimoine immatériel de notre pays. Si les chefs traditionnels sont garants de nos us et

184 Art 5 (1) Loi N° 2019/019 précitée.

185 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.1428.

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coutumes, ils le sont à plus forte raison de nos langues nationales. Leur action à ce niveau est très attendue compte tenu de la posture qui est la leur. Au regard du foisonnement des langues nationales186 et de la prédominance des langues officielles, il apparaît plus que nécessaire pour nos chefferies traditionnelles de préserver et de pérenniser les langues nationales afin qu'elles ne rentrent pas dans la catégorie des langues dites mortes. La promotion des langues nationales par les autorités traditionnelles, garantie par le constituant camerounais187, peut se faire au niveau des programmes et des infrastructures de promotion.

Concernant d'une part la participation à la mise en place de programmes de promotion des langues nationales, les chefferies traditionnelles peuvent apporter leur contribution tant au niveau communal qu'au niveau régional. S'agissant premièrement la participation au niveau communal, il peut s'agir à l'examen du CGCTD188, de l'accompagnement des communes à la mise en place des programmes d'apprentissage et de vulgarisation des langues nationales auprès de ceux qui ne la maîtrisent pas. En dehors de cette mission d'accompagnement, la chefferie traditionnelle peut elle-même organiser en son sein des cours d'apprentissage d'une langue nationale de manière continue ou périodique. S'agissant secondement de la participation au niveau régional, il peut s'agir de concert avec les autorités décentralisées régionales et selon la loi189, de la confection du programme régional de promotion des langues nationales ainsi que ces modalités de mise en oeuvre, la mise au point avec ces autorités de la carte linguistique régionale, la participation à la promotion de l'édition et de la numérisation des langues nationales, l'accompagnement de la presse parlée et écrite en langues nationales entre autres. Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, la house of Chiefs est appelée à donner son avis sur la collecte et traduction des éléments de la tradition orale190. Ce qui permettra à coup sûr de mettre à la disposition du public ces éléments de notre patrimoine culturel.

Concernant d'autre part la participation à la mise en place d'infrastructures de promotion des langues nationales, les chefferies traditionnelles peuvent apporter leur appui tant au plan régional que communal de plusieurs manières. Il peut être question de participer, en concertation avec les autorités régionales et municipales, à la mise en place et à l'entretien des infrastructures régionales et communales de promotion des langues nationales, la création

186 L'on estime à plus de deux cent cinquante (250), le nombre de langues parlées au Cameroun.

187 Art 1 al 3 Loi constitutionnelle de 1996.

188 Art 163 b) CGCTD.

189 Art 273 b) CGCTD.

190 Art 337(2) CGCTD.

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des infrastructures destinées à la valorisation des langues nationales. En rapport d'une part avec l'accompagnement des institutions locales dans la mise en oeuvre des infrastructures de promotion des langues nationales, il peut s'agir de l'octroi d'une parcelle de terre pour la construction d'une telle infrastructure, l'appui technique dans cette mise en oeuvre, l'apport en ressources humaines et financières, entre autres. En rapport d'autre part avec la création des infrastructures de promotion des langues nationales, il est question pour la chefferie traditionnelle de la construction sur fonds propres ou avec l'appui d'un partenaire d'une infrastructure destinée à enseigner et mettre en valeur les langues nationales. Ces infrastructures directement placées sous le contrôle du chef traditionnel ont pour mission de sauvegarder les langues nationales et sa pratique compte tenu de la prééminence de l'anglais et du français dans l'espace public et même dans l'espace privé.

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CONCLUSION DU CHAPITRE 2

En définitive, il était question pour nous de traiter de l'action des chefferies traditionnelles au développement socioculturel local. La réponse à cette préoccupation s'est faite en deux temps. D'un côté, il fallait aborder l'action des chefferies traditionnelles au développement socioculturel local en matière d'enseignement et sociale. De l'autre côté, il fallait évoquer l'action des autorités traditionnelles au développement socioculturel local en matière de jeunesse, de divertissement et de culture. Nous pouvons donc dire que les chefs traditionnels apportent une contribution significative à ces domaines au quotidien dans leurs rapports avec leurs administrés.

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CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

En somme, il s'agissait pour nous de démontrer le premier volet de la participation des chefferies traditionnelles au processus de décentralisation qui est axé sur le développement local. Il en ressort que de par leur position stratégique, les autorités traditionnelles ont un rôle important à jouer pour le développement de leurs territoires. Cette participation est d'une part orientée vers le développement économique local et d'autre part, elle est dirigée vers le développement socioculturel local. Nous pouvons donc dire que les chefferies traditionnelles sont de véritables vecteurs de développement au niveau local du fait de leur posture et de leur proximité avec les populations principales bénéficiaires de la décentralisation. On peut donc conclure avec Sa Majesté TSALA que cette contribution est permanente car « les chefs sont sollicités dans l'encadrement au quotidien des populations, (...) pas seulement au niveau social mais au niveau des activités économiques qui sont conduites ou menées par nos populations et à travers les projets de développement ». Les chefferies traditionnelles apportent également une contribution en matière de démocratie et de bonne gouvernance locales.

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SECONDE PARTIE :

LA CONTRIBUTION DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES A LA DEMOCRATIE ET A LA
BONNE GOUVERNANCE LOCALES.

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La démocratie locale et la gouvernance locale sont deux notions fortement indissociables, certains parlent même de gouvernance démocratique191. La démocratie locale renvoie au « pouvoir de décision transféré dans certains domaines de compétences par un Etat à une collectivité locale ou régionale dotée elle-même d'institutions démocratiques192». Tandis que la gouvernance locale est « un ensemble d'institutions, de mécanismes et de processus qui permettent aux citoyens et aux groupements de citoyens d'exprimer leurs intérêts et leurs besoins, de régler leurs différends et d'exercer leurs droits et obligations à l'échelon local193». Ces définitions nous permettent de cerner le lien étroit qui existe entre la démocratie locale et la gouvernance locale. On peut dire que la démocratie locale renvoie à une action et la gouvernance est le procédé de mise en oeuvre et de contrôle.

Cependant chez nous, la démocratie est appréhendée sous le spectre des élections. Ce qui limite par conséquent l'action des citoyens en matière de gouvernance au seul moyen du vote sanction194 ou du plébiscite195. C'est sans doute ce qui a poussé le Dr DERIDDER à dire que « Les élections (...) se situent au coeur de la gouvernance locale et sont révélatrices de l'ambivalence du processus de décentralisation. L'instauration d'une nouvelle forme de pouvoir local élu, et ses modalités d'accès ont été progressivement intériorisées (...) comme une menace pour les autorités traditionnelles ; mais, dans un même temps, la décentralisation offre à celles-ci des opportunités pour se repositionner, réaffirmer et sécuriser leur position dans l'arène politique locale. Ainsi, contrairement aux attentes véhiculées par les discours des promoteurs de la réforme et des bailleurs de fonds, la décentralisation n'est pas une cause déterminante ni une condition suffisante de l'ouverture démocratique de l'espace politique local. Cette réforme doit plutôt être comprise comme un contexte favorable ou une opportunité de changement dont les multiples acteurs peuvent se saisir de façons diverses en fonction de leur trajectoire propre et de la variabilité du contexte local196». Il ressort de ce long passage que les chefferies traditionnelles, jadis considérées comme une menace, ont l'opportunité de redorer leur blason au travers de la démocratie et la gouvernance locales.

191 NGANE Suzanne, op. cit., p.25.

192 Définition de la démocratie locale de Wikipédia, https://fr.m.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mocratie_locale, consultée le 26 janvier 2020.

193 PNUD, Decentralised Governance for Development: A Combined Practice Note on Decentralisation, Local Governance and Urban/Rural Development, 2004, p.4.

194 Le vote sanction est un vote punitif destiné à marquer son désaccord avec les choix des responsables politiques au pouvoir.

195 Le plébiscite traduit originellement le résultat obtenu à la majorité absolue au cours d'un referendum. Aujourd'hui, il traduit l'élection d'un élu ou d'un programme à une majorité écrasante. Cf. Le Petit Robert, op. cit., p.1930.

196 DERIDDER Marie, op. cit., pp.201-202.

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Le Code général des collectivités territoriales décentralisées dispose que la décentralisation « constitue l'axe fondamental de promotion (...) de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local197». Ce texte de loi ne décline pas en quoi consiste la démocratie et la bonne gouvernance locales, il est impératif de rechercher le contenu de ces concepts dans plusieurs textes législatifs ou règlementaires, et surtout l'intervention des autorités traditionnelles dans ces domaines.

Le second volet de la contribution des chefferies traditionnelles à la décentralisation dans notre pays peut être appréhendé par le prisme de la démocratie locale (chapitre 1) et de son corollaire immédiat qu'est la bonne gouvernance locale (chapitre 2).

197 Art 5 (2) CGCTD.

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CHAPITRE 1 : LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES
TRADITIONNELLES A LA DEMOCRATIE LOCALE

La démocratie est « un système politique qui permet le contrôle du gouvernement par le peuple et qui place les citoyens sur un pied d'égalité dans l'exercice de ce contrôle198». La démocratie de nos jours est beaucoup plus représentative que directe. Les citoyens agissent par l'intermédiaire de leurs représentants qu'ils ont désignés eux-mêmes.

D'un autre côté, « à l'égard de la démocratie appréhendée dans le cadre national (...), la démocratie locale (...) se caractérise par l'importance théorique conférée à la participation des habitants199». La participation est l'élément qui revient dans la définition de la démocratie et de la démocratie locale.

Conformément à leur mission d'encadrement des populations200, les chefferies traditionnelles ont un rôle indéniable à jouer dans le déploiement de la démocratie locale et dans une moindre mesure dans la démocratie à l'échelle nationale.

La démocratie locale est alors le niveau « le plus proche des citoyens, l'espace dans lequel ceux-ci font l'expérience pratique de la démocratie au quotidien, quand ils interagissent avec les institutions et les processus démocratiques, s'efforcent de gagner leur vie et d'assurer leur sécurité, s'occupent de leur famille et de leur communauté et ont recours à des services essentiels comme la santé, le logement et l'éducation. C'est souvent à ce niveau que les citoyens commencent à se familiariser avec le système politique dont ils font partie201». Ceux-ci doivent être accompagnés par les chefferies traditionnelles pour qu'ils puissent pleinement tirer profit des opportunités que leur offre la démocratie locale.

La démocratie, au plan national et beaucoup plus au plan local, est malheureusement perçue chez nous sous la coupole des élections. Ce qui a probablement conduit LAMARTINE à affirmer que « le suffrage universel est donc la démocratie elle-même ». Cette vision de la démocratie nous paraît réductrice. Au niveau local, l'on peut adjoindre l'élection à la promotion des droits de l'Homme, la préservation de la paix et la participation citoyenne.

198 IDEA (Institut International pour la démocratie et l'assistance électorale), Cadre d'évaluation de l'état de la démocratie locale, 2015, p.13.

199 PAOLETTI Marion, « La démocratie locale française. Spécificité et alignement », CURAPP/CRAPS, La démocratie locale, Représentation, participation et espace public, PUF, 1999, p.45.

200 Articles 19 et 20 du Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles.

201 IDEA (Institut International pour la démocratie et l'assistance électorale), op. cit., pp.13-14.

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La participation des chefferies traditionnelles à la démocratie locale sera étudiée ici sous le prisme de la contribution des chefferies traditionnelles en matière électorale (section 1) et de l'apport de ces entités traditionnelles à la promotion des droits de l'Homme et la préservation de la paix (section 2).

SECTION 1 - LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES EN
MATIERE ELECTORALE

L'élection désigne le « choix, [ou la] désignation d'une ou plusieurs personnes par un vote202». Le vote traduit alors une « opération par laquelle les membres d'un corps politique donnent leur avis sur une décision à prendre203». De manière simple, l'élection est la désignation par le suffrage universel de ses représentants par le peuple. L'élection constitue dès lors la pierre angulaire de la démocratie parce qu'elle représente l'un des aspects de la démocratie locale « les plus visibles directement par les populations204».

La participation des chefferies traditionnelles en matière électoral peut être appréhendée à l'observation du processus électoral (§1) et suivant le type d'élections (§2).

§1 - L'action des chefferies traditionnelles dans le processus électoral

L'action des chefferies traditionnelles dans le processus électoral peut se faire avant (A), pendant et après (B) les élections.

A) L'action préparatoire des élections

L'action préparatoire des élections fait référence aux inscriptions sur les listes électorales (1) et aux déclarations de candidature (2).

1) Les inscriptions sur les listes électorales

Les inscriptions sur les listes électorales font partie de ce que le code électoral appelle l'établissement et la révision des listes électorales205.

La loi portant code électoral a prévu que ces opérations d'établissement et de révision des listes électorales se fassent au niveau communal par la commission communale de révision de listes électorales composée d'un président qui est le représentant d'Elections Cameroon et des Membres que sont un représentant de l'Administration, le maire, ou un

202 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.832.

203 Ibid., p.2742.

204 DERIDDER Marie, op. cit., p.169.

205 Art 50 de la Loi N° 2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral modifiée et complétée par la Loi N° 2012/017 du 21 décembre 2012.

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adjoint au maire ou un conseiller municipal et un représentant de chaque parti politique légalisé et présent sur le territoire de la commune concernée206. De cette composition, on note la non-prise en compte des chefs traditionnels. Ils accompagnent, dans la pratique, cette commission par deux moyens au moins. D'un côté, les chefs traditionnels peuvent inciter leurs administrés à s'inscrire sur les listes électorales en vue de jouir pleinement de leurs droits civiques et de participer aux choix de ses élus. D'un autre côté, les chefs traditionnels sont sollicités dans la mise oeuvre du travail de la commission. Il peut s'agir de véhiculer auprès des populations de la descente sur le terrain de la commission pour l'enrôlement des potentiels électeurs. Il peut également s'agir de la mise à disposition des commodités nécessaires au déploiement de la commission. Il peut enfin s'agir d'un travail de fonds, les chefs traditionnels doivent signaler à la commission les cas de décès, les personnes sous le coup d'une incapacité électorale207, les personnes ayant changé de domicile et les personnes inscrites indûment208.

Après cette phase de toilettage du fichier électoral, l'on assiste à la distribution des cartes d'électeur. Les chefferies traditionnelles jouent un rôle important dans la pratique dans ce domaine. Au regard des superficies souvent étendues que les commissions de révision des listes électorales doivent couvrir, il n'est pas toujours évident pour elles de toutes les parcourir entièrement pour la remise des cartes d'électeur. Les membres de ces commissions utilisent les chefferies traditionnelles pour le faire lorsqu'elles connaissent effectivement les concernés. A défaut, ces cartes seront conservées à l'antenne communale de l'organisme en charge des élections et déposées en cas d'élection dans les bureaux de vote respectifs de leurs titulaires209.

Les inscriptions sur les listes électorales constituent la première partie de l'action préparatoire des élections, la seconde a trait aux déclarations de candidature.

2) Les déclarations de candidature

Les déclarations de candidature aux élections intéressent les chefs traditionnels suivant qu'ils sont candidats ou non.

Lorsque que les chefs traditionnels ne sont pas candidats, ils peuvent intervenir dans le processus de déclaration de candidature par un seul moyen légal. En effet, à la lecture du code

206 Art 52 (2) Code électoral.

207 Voir les articles 47 et 48 du Code électoral.

208 Voir l'article 76 (3) du Code électoral sur les personnes à retrancher du fichier électoral.

209 Art 85 (2) Code électoral.

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électoral et en son article 121 alinéa 2, les candidats à l'élection présidentielle qui ne sont pas investis par des partis politiques sont considérés comme candidats indépendants. Ces derniers doivent avoir trois cents signatures de personnalités à raison de trente par région. Parmi ces personnalités, on note la présence des chefs traditionnels de 1er degré.

Lorsque ces autorités traditionnelles sont a contrario candidates à une élection, il leur appartient de réunir toutes les pièces prévues par le code électoral pour l'élection concernée. Les déclarations de candidature sont généralement accompagnées de contestations qu'il faut vider avant la tenue de la campagne210. En ce qui concerne les élections régionales, le chef traditionnel doit fournir, comme le prescrit le Code électoral, une « copie certifiée conforme de l'acte homologuant la désignation comme chef traditionnel de 1er, 2ème ou 3ème degré pour chaque candidat représentant du commandement traditionnel211».

Les déclarations de candidature en vue de l'élection marquent la fin de l'action préparatoire des élections, elle ouvre la voix aux élections, au contentieux électoral, à la publication des résultats et à l'installation des élus dans leurs fonctions.

B) L'action post-préparatoire des élections

L'action post préparatoire des élections est composée du vote (1) et de l'après-vote

(2).

1) Le vote

Le vote correspond dans ce cadre à l'opération de choix de ses représentants dans les institutions municipales, régionales et nationales. C'est l'acte matériel par lequel le citoyen désigne ses représentants.

Le vote est placé sous la conduite de l'organe en charge des élections, cela revient à dire que l'action des chefferies traditionnelles est assez limitée dans ce domaine. Elles peuvent être membres des commissions locales de vote212.

En tant qu'entités de la société, elles participent au vote de deux manières au moins. D'un côté, de par leur posture dans leur milieu de vie, elles sont supposées montrer le bon exemple. Montrer le bon exemple revient à aller effectivement voter le jour du scrutin, ce qui aura, de manière indirecte, le mérite d'encourager leurs administrés à exercer leurs droits

210 Voir les articles 126, 129, 189 (2), 190 et 231 (2) Code électoral.

211 Art 257 Code électoral.

212 Voir la composition de la commission locale de vote prévue par le Code électoral prévu en son article 54 (1).

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civiques. D'un autre côté, il peut s'agir de la tenue d'un langage positif en matière de vote. Il est question d'inciter les citoyens à aller voter le jour du scrutin pour que leurs voix comptent. Il est tout aussi question d'éviter de tenir un langage nocif au scrutin tel le boycott, la fraude électorale, la corruption et la violence en matière électorale213.

2) L'après-vote

La phase intervenant après le vote concerne le contentieux électoral, la publication des résultats et l'installation des élus.

En ce qui concerne d'abord le contentieux électoral, il est question à ce niveau de contestation de la régularité d'une élection. Elle contient trois étapes majeures à savoir l'introduction d'un recours auprès de la juridiction compétente214, la décision de la juridiction compétente et l'application de cette dernière. L'action des autorités traditionnelles sera ressentie dans le processus de contentieux suivant qu'elles soient candidates ou non. Lorsqu'une autorité traditionnelle est candidate à une élection, elle pourra saisir la juridiction compétente lorsqu'elle a relevé des irrégularités durant le scrutin. Il s'agit pour elle de faire dire le droit pour restituer la vérité qui lui permettra certainement d'accéder au siège en compétition. Lorsqu'elle n'est pas candidate à une élection, le code électoral a prévu la saisine de la juridiction compétente à tout électeur215, ou à tout candidat à ladite élection, parti politique ayant pris part à ladite élection ou toute personne intéressé. Les chefs traditionnels étant des personnes devant montrer le bon exemple, ils sont supposés être inscrits sur les listes électorales. Partant de ce postulat, les chefferies traditionnelles par leurs chefs peuvent saisir la juridiction compétente en l'occurrence le tribunal administratif lorsqu'il y a eu des irrégularités durant le scrutin. Il peut s'agir des délits électoraux que sont la fraude, la corruption, la violence et les actes perturbant le bon déroulement du scrutin. Leur action a pour but d'annuler totalement ou partiellement l'élection avec en toile de fond le respect du suffrage et des droits de leurs administrés.

En ce qui concerne ensuite la publication des résultats, elle faite par le Conseil constitutionnel pour les élections présidentielles, législatives et sénatoriales, par une commission communale de supervision pour les élections des conseillers municipaux et par

213 Cf. articles 122 et 123 du Code pénal.

214 Il s'agit du Conseil Constitutionnel pour l'élection présidentielle, les élections législatives, les élections sénatoriales et le referendum et des Tribunaux Administratifs pour les élections régionales et communales. En attendant la mise en place des tribunaux administratifs, c'est la Chambre Administrative qui les supplée. Voir les articles 132, 168, 194, 239 et 267 du Code électoral.

215 Il s'agit uniquement des élections régionales et municipales. Cf. articles 194 et 267 (1) Code électoral.

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une commission régionale de supervision. Il convient de relever que les chefferies n'ont aucun rôle à ce niveau sinon véhiculer l'information à leurs administrés.

En ce qui concerne enfin l'installation des élus, deux cas de figure sont à observer. D'une part lorsqu'un chef traditionnel se voit être élire à une fonction élective, son installation marque le début de sa contribution au processus de décentralisation suivant sa double casquette d'élu et de chef traditionnel. Il s'engage alors à oeuvrer pendant la durée de son mandat à poser des actions de nature à encrer la décentralisation dans la vie des populations et par là même d'améliorer leurs conditions de vie. D'autre part, lorsque le chef traditionnel n'est pas élu, l'installation des élus marque un nouveau départ pour sa collectivité surtout lorsqu'il s'agit de nouveaux élus. L'autorité traditionnelle saisit cette occasion pour prendre attache avec ses représentants en vue de travailler en synergie pour l'évolution de la collectivité.

L'installation des élus marque la dernière étape de la participation des chefferies traditionnelles dans le processus électoral, il sied maintenant de voir leur participation suivant le type d'élections.

§2 - La participation suivant le type d'élections

A ce niveau, nous allons nous intéresser aux élections dites locales parce qu'elles concernent directement les chefferies traditionnelles et la mouvance de décentralisation. Nous adjoindrons les élections des membres du parlement avec un accent sur les élections législatives car elles assimilées à tort ou à raison comme élections locales216.

Pour ce qui est de la mise à l'écart à ce niveau de l'élection du Président de la République, il faut dire que c'est une élection dont la circonscription est unique, c'est-à-dire, nationale et par conséquent n'a pas une incidence directe sur le processus de décentralisation.

La participation des chefferies traditionnelles en fonction du type d'élections peut être analysée au travers des élections régionales (A), des élections parlementaires et municipales (B).

A) La participation aux élections régionales

Les élections régionales visent à doter les collectivités territoriales régionales de conseillers qui sont les délégués départementaux élus au suffrage universel indirect et les

216 Le député représente la Nation toute entière. Du fait, du découpage du territoire en circonscriptions électorales, il est assimilé à tort comme le député de sa circonscription électorale. Voir l'article 15 alinéa 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

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représentants du commandement traditionnel élus par leurs pairs217. Le législateur a fait une part belle aux autorités traditionnelles en leur accordant 22% du conseil régional218. Lors de la plénière d'adoption de la Loi N° 2019/006 du 25 avril 2019 fixant le nombre, la proportion par catégorie et le régime des indemnités des conseillers régionaux, les députés à l'assemblée nationale avaient posé la question de savoir si les chefs traditionnels pouvaient représenter la catégorie des délégués départementaux. Le ministre en charge de la décentralisation leur a répondu que cela était possible à la seule condition qu'ils ne font pas prévaloir leur casquette de chef traditionnel.

Avec l'avènement du Statut spécial dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les élections régionales ont pour but de doter chacune de ces deux régions d'une assemblée régionale divisée en deux chambres à savoir la House of divisional representatives et la House of Chiefs219. Cette assemblée exerce l'ensemble des attributions dévolues aux conseils Régionaux par la législation en vigueur220 en plus des matières dévolues à chaque chambre.

Dans le cadre de ce travail, nous nous intéresserons à la catégorie des représentants du commandement traditionnel par la reconnaissance d'un collège de conseillers (1) et par la reconnaissance d'un collège électoral (2).

1) La reconnaissance d'un collège de conseillers

La reconnaissance d'un collège de conseillers aux autorités traditionnelles de prendre une part active dans la mise en oeuvre de la décentralisation et plus particulièrement de la démocratie locale. La loi portant Code général des collectivités territoriales décentralisées prévoit comme vu ci-haut que les chefs traditionnels élus par leurs pairs font partie du conseil

régional221. La circonscription électorale en matière d'élection régionale est le
département222. La particularité de cette élection est que « le candidat représentant le commandement traditionnel doit avoir la qualité de chef traditionnel de 1er degré ou de 2ème degré. Toutefois, en l'absence d'un chef de 1er degré ou de 2ème degré, la candidature d'un

217 Cf. article 2(1) de la Loi N° 2019/006 du 25 avril 2019 fixant le nombre, la proportion par catégorie et le régime des indemnités des conseillers régionaux. Et l'article 243(1) du Code électoral.

218 L'article 4 de la Loi N° 2019/006 du 25 avril 2019 fixant le nombre, la proportion par catégorie et le régime des indemnités des conseillers régionaux prévoit que chaque Conseil régional est constitué de quatre-vingt-dix (90) conseillers régionaux dont soixante-dix (70) conseillers représentant la catégorie des délégués départementaux et vingt (20) conseillers représentant la catégorie des représentants du commandement traditionnel.

219 Voir les articles 330, 331 et 332 (2) CGCTD.

220 Art 331 (2) CGCTD.

221 Art 275 (3) CGCTD.

222 Art 247 Code électoral.

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chef de 3ème degré est admise223». Cette disposition vise à doter les conseils régionaux de chefs traditionnels ayant une certaine autorité sur leur territoire car comme nous le savons, les chefs traditionnels de 3ème degré administrent un quartier ou un village. C'est dire qu'ils n'ont pas une grande superficie à couvrir contrairement aux chefs de 1er et 2ème degré qui administrent des territoires ne pouvant excéder les limites respectivement d'un département et d'un arrondissement224. Les autorités traditionnelles représentant le commandement traditionnel au sein des conseils régionaux sont de ce fait des personnes ayant une certaine assise dans le département.

Avec l'adoption statut dérogatoire des régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest, les conditions d'éligibilité et de vote sont les mêmes que dans les huit autres régions. Ce qui change ici c'est la reconnaissance d'une assemblée régionale à l'image d'un parlement avec deux chambres dont celle qui nous intéresse ici est la House of Chiefs. Le vice-président du Conseil exécutif régional assure la présidence de la chambre225. Cette chambre possède des attributions qui lui sont propres226 en sus des attributions de l'assemblée régionale.

La reconnaissance d'un collège de conseillers aux autorités traditionnelles a le mérite de faire participer ces dernières au développement de leur région tout en restant attachées aux valeurs et symboles caractérisant la région. Elles veillent donc au développement de la région par l'amélioration des conditions de vie des populations tout en gardant à l'esprit la sauvegarde de notre héritage culturel.

La reconnaissance d'un collège de conseillers aux chefs traditionnels passe inéluctablement par la reconnaissance d'un collège électoral.

2) La reconnaissance d'un collège électoral

« A la différence des parlementaires, mais aussi des conseillers municipaux qui sont élus au suffrage universel direct, les conseillers régionaux sont élus au suffrage universel indirect par de grands électeurs regroupés en collèges électoraux227».

La reconnaissance d'un collège électoral aux autorités traditionnelles dans la désignation des conseillers régionaux représentant le commandement traditionnel est la suite

223 Art 250 (3) Loi N° 2019/005 du 25 avril 2019 modifiant et complétant certaines dispositions de la Loi N° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral.

224 Article 3 du Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles.

225 Art 339 (1) CGCTD.

226 Art 337 CGCTD.

227 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, La décentralisation administrative au Cameroun, op. cit., p.163.

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logique de la reconnaissance d'un collège de conseillers. Le collège électoral de désignation de ces derniers est composé des chefs traditionnels. Le Code électoral dispose que « Les représentants du commandement traditionnel sont élus par un collège électoral composé des chefs traditionnels de 1er, 2e et 3e degrés autochtones, dont la désignation a été homologuée, conformément à la réglementation en vigueur228». Le même code poursuit en disant que lorsqu'un chef traditionnel a la qualité de conseiller municipal, il ne peut exprimer son suffrage que dans un seul collège électoral229.

La reconnaissance d'un collège électoral de désignation des représentants du commandement traditionnel au sein du conseil régional a l'avantage de donner la capacité aux autorités traditionnelles de désigner leurs pairs pour que ceux-ci puissent porter valablement leurs préoccupations au sein de ces conseils. Elle a aussi l'avantage de responsabiliser et de renforcer la culture démocratique des chefs traditionnels.

Ceci trouve justification par le fait que « le commandement traditionnel (...) n'a pas la même importance dans toutes les Régions du Cameroun. Celui-ci acquiert une nouvelle reconnaissance des pouvoirs publics qui oblige à sa prise en compte. Il s'agit pour chaque terroir d'avoir une organisation propre, liée à son identité culturelle230».

La reconnaissance d'un collège électoral aux autorités traditionnelles constitue l'ultime point de la participation de celles-ci aux élections régionales, il convient à présent de voir quelle est leur contribution en matière d'élections parlementaires et municipales.

B) La participation aux élections parlementaires et municipales

La participation des chefferies traditionnelles aux opérations électorales, peut également se faire en ce qui concerne les élections des membres du parlement (1) et les élections municipales (2).

1) Les élections parlementaires

Les élections des membres du Parlement concernent les élections sénatoriales et les élections législatives. Ces deux chambres du Parlement se renouvellement intégralement tous les cinq (5) ans.

Concernant d'une part les élections sénatoriales, il s'agit d'élections particulières car « Chaque région est représentée au Sénat par dix (10) sénateurs dont sept (7) sont élus au

228 Art 248 (2) Code électoral.

229 Art 248 (3) Code électoral.

230 NGANE Suzanne, op. cit., p.32.

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suffrage universel indirect sur la base régionale et trois (3) nommés par le Président de la République231». S'agissant de l'élection des sénateurs, il s'agit comme relevé plus haut d'une élection indirecte. Le collège électoral est constitué des conseillers régionaux et des conseillers municipaux232. Les sénateurs « sont par conséquent, les élus des élus ou pour être plus précis, les élus des élus locaux233». A ce niveau, deux cas de figure sont à observer. D'un part, un chef traditionnel peut être candidat à l'élection des sénateurs. Il devra alors mobiliser toutes les ressources à sa disposition en vue d'être élu et de remplir la fonction de représentation des collectivités territoriales décentralisées234. Dans la pratique, on dénombre une multitude d'autorités traditionnelles au sein du Sénat. La législature actuelle du Sénat compte parmi ses membres une dizaine de chefs traditionnels. D'une autre part, les chefs traditionnels détenteurs d'un mandat de conseiller municipal ou régional, font partie du collège électoral de désignation des sénateurs. Ceux-ci ont la prestigieuse mission d'élire les sénateurs devant les représenter au Parlement.

Concernant d'autre part les élections législatives, il est question d'élire les députés à l'Assemblée Nationale au suffrage universel direct et secret235. Contrairement à l'élection des sénateurs, le corps électoral de l'élection des députes est composé de l'ensemble des citoyens inscrits sur les listes électorales. La circonscription électorale est le département, la loi donne la possibilité au Président de la République de procéder à des découpages spéciaux au regard de la spécificité de certaines circonscriptions236. Ainsi, le décret N° 2013/222 du 3 juillet 2013 portant répartition des sièges par circonscription électorale à l'Assemblée nationale est venu régler la question en prenant en compte les spécificités de chaque terroir. A ce niveau, deux scénarios peuvent être observés. Le premier est visible lorsque les listes de candidats comptent des autorités traditionnelles, celles-ci doivent tout mettre en oeuvre en vue de garantir leur élection. Elles auront une fois élues de représenter valablement les populations dont elles détiennent le mandat. Le second est visible lorsque les autorités traditionnelles ne sont pas candidates à cette élection. Il est de leur devoir, en vue de raffermir la démocratie locale, d'inviter leurs administrés à effectuer leur devoir citoyen le jour du scrutin.

231 Art 20 Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

232 Art 222 (1) Code électoral.

233 EKO'O AKOUAFANE Jean Claude, Le Sénat au Cameroun et en Afrique : Vade-mecum, L'Harmattan Cameroun, 2011, p.109.

234 Art 20 (1) Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

235 Art 148 (1) Code électoral.

236 Art 149 (2) Code électoral.

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Si les élections des membres du Parlement permettent aux populations et à leurs représentants de désigner des élus à même de les représenter dans les instances nationales, il est loisible de s'intéresser aux élections municipales qui touchent directement les populations et les autorités traditionnelles.

2) Les élections municipales

Les élections municipales sont celles qui visent à doter les communes de conseillers municipaux. Les élections des conseillers municipaux sont celles qui suscitent le plus d'engouement des administrés car ces derniers attendent beaucoup des conseillers municipaux et des exécutifs communaux en termes d'amélioration des conditions de vie. C'est sans nul doute ce qui a poussé le Docteur DERIDDER à affirmer qu'« En milieu rural, les élections communales et les processus électoraux engendrés sont l'un des aspects de la décentralisation les plus visibles directement par les populations237».

La participation des autorités traditionnelles peut également se faire à ce niveau par deux moyens au moins.

D'une part, lorsque les autorités traditionnelles sont candidates aux élections municipales, il s'agit pour elles de mettre à profit leur expérience pour le développement de la municipalité. Les élections municipales se faisant au scrutin de liste sans vote préférentiel ni panachage238, il n'est pas rare de retrouver des listes comportant des chefs traditionnels. De ce fait, les autorités traditionnelles « réussissent à se maintenir au pouvoir tout en se transformant de façon peu perceptible. Elles apprennent à maîtriser ces nouvelles règles du jeu politique et font du conseil communal un nouveau lieu stratégique du pouvoir et de sa mise en scène (...)239».

D'autre part, lorsque les chefs traditionnels ne sont pas candidates aux municipales, il n'est pas exclu que ceux-ci soient proches de certains candidats et militent en leur faveur. La position stratégique de la chefferie traditionnelle dans le territoire d'une commune fait qu'elle est incontournable dans la quête des suffrages et plus tard dans l'implémentation du développement local. Les candidats se tournent alors vers les chefs traditionnels en fonction de leurs obédiences politiques ou de leurs affinités pour solliciter leur soutien. Passé cette étape, que le chef soutienne ou non un candidat ou sa liste, il est important pour lui d'exhorter ses populations à aller exprimer leur choix le jour du scrutin.

237 DERIDDER Marie, op. cit., p.169.

238 Art 171 (1) Code électoral.

239 DERIDDER Marie, op. cit., p.202.

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Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

La participation des chefferies traditionnelles aux élections municipales est le dernier point de la participation de ces autorités au processus électoral, il est nécessaire de voir dès à présent comment s'effectue la contribution des chefferies traditionnelles en matière de promotion des Droits de l'Homme et des Libertés et de préservation de la paix.

SECTION 2 - LA PARTICIPATION DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES EN
MATIERE DE PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME ET DE PRESERVATION

DE LA PAIX

La participation des chefferies traditionnelles à la démocratie locale peut également se

faire par la promotion des droits de l'Homme et des libertés (§1) et par la préservation de la paix (§2).

§1 - La promotion des Droits de l'Homme et des Libertés

Les droits de l'Homme « peuvent être appréhendés comme des prérogatives ou des droits consubstantiels ou inhérents à la personne humaine240». Ils sont selon le lexique des termes juridiques l'ensemble des « droits inhérents à la nature humaine, donc antérieurs et supérieurs à l'État, déclarés au plan national puis international, et protégés notamment par la voie juridictionnelle241». Les libertés publiques quant à elles renvoient à l'aménagement par l'Etat au profit des citoyens des possibilités de penser, d'agir et de se mouvoir sans contraintes et dont la garantie est assurée par l'Etat. Pour MM. GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry, il s'agit de « droits de l'Homme reconnus, définis et protégés juridiquement242». La liberté publique s'entend alors comme le corollaire des droits de l'Homme.

La promotion des droits de l'Homme et des libertés publiques par les autorités traditionnelles peut s'analyser par la valorisation des droits de l'homme et des libertés (A) et par la lutte contre les atteintes faites à ceux-ci (B).

A) La valorisation des Droits de l'Homme et des Libertés

Les droits de l'Homme et les libertés publiques étant une question qui transcende les clivages locaux et nationaux, il faut aller chercher ses racines loin, c'est-à-dire au niveau international. La valorisation des droits de l'Homme et des libertés publiques par les chefferies traditionnelles passe par la promotion des mesures de valorisation au plan international (1) et au plan national et local (2).

240 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de libertés et droits fondamentaux, Université de Yaoundé II, 2015-2016, Inédit.

241 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p.829.

242 Ibid., p.1248.

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Chefferies traditionnelles et décentralisation au Cameroun

1) La promotion des mesures de valorisation au niveau international

La promotion des mesures de valorisation des droits de l'Homme et libertés publiques est visible au travers d'un arsenal juridique et d'institutions émanant de ce dernier. Au regard de la largesse de ce domaine, l'on abordera uniquement les cas perceptibles au plan universel et en Afrique. Ces mesures s'appliquent à nous parce que notre pays est membre des organisations internationales qui les ont prises243.

Concernant d'une part les mesures de valorisation au plan universel, elles émanent principalement de l'Organisation des Nations Unies (ONU). L'instrument de base dans ce domaine est la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948. Autour d'elle gravitent d'autres textes tels la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, la Convention internationale pour l'élimination de toutes formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, la Convention sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979 et les Pactes internationaux du 16 décembre 1966 relatifs respectivement aux droits civils et politiques, et aux droits économiques, sociaux et culturels entre autres.

Il est alors question pour les autorités traditionnelles de véhiculer à leurs administrés le contenu de cette armada de textes. Cet enseignement a deux atouts. Le premier est de leur apprendre quels sont leurs droits et ceux de leurs semblables. Le second est de leur donner des moyens de se prémunir face aux autres. A côté de cet arsenal juridique, il existe des institutions chargées à ce niveau de veiller au respect des droits de l'Homme et libertés publiques. A titre d'illustration, on peut citer la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies qui est le principal organe chargé de promouvoir les droits de l'Homme dans le monde. La commission fait « office de tribune où les pays, grands et petits, groupes non gouvernementaux et les défenseurs des droits de l'homme du monde entier peuvent faire entendre leur voix244». Les chefs traditionnels en tant que défenseurs des droits de l'Homme et des libertés publiques se doivent en tout lieu et en tout temps de toujours promouvoir ces droits.

243 Le Cameroun est devenu membre de l'Organisation des Nations Unies le 20 septembre 1963 par la Résolution n° 1476 (XV). Tandis que le 25 mai 1963, le Cameroun devient membre de l'Organisation de l'Unité Africaine qui deviendra Union Africaine le 9 juillet 2002.

244 Présentation de la Commission des droits de l'Homme de l'Organisation des Nations Unies, https://www.ohchr.org/FR/hrbodies/chr/pages/commissiononhumanrights.aspx, visitée le 30 janvier 2020.

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Concernant d'autre part les mesures de valorisation en Afrique, elles sont l'oeuvre de l'Union Africaine et des organisations sous régionales. Nous allons jeter notre dévolu sur ce qui est fait au niveau de l'Union Africaine. Sa devancière245 n'a pas attendu longtemps pour prendre des textes ayant un caractère de promotion et protection des droits de l'Homme et des libertés publiques. On peut énumérer la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples du 27 juin 1981, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant du 1er juillet 1990 et le Protocole à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes du 11 juillet 2003. Ces textes ont prévu des institutions chargées de veiller au respect des droits de l'Homme édictés par les textes cités plus haut au sein de chaque Etat membre et de régler les litiges y afférents. On peut citer la Commission africaine des droits de l'Homme et des Peuples chargée de « promouvoir les droits de l'homme et des peuples et d'assurer leur protection en Afrique246» et le Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant chargé de « promouvoir et protéger les droits et le bien-être247» sur le continent de cette catégorie sociale. Le devoir des autorités traditionnelles est alors de mettre ces informations à la disposition de leurs administrés.

Si les chefferies traditionnelles se livrent à la promotion de ce qui est fait à l'extérieur du Cameroun en matière de droits de l'Homme et libertés publiques, il est primordial pour elles de relever également ce qui est fait à l'intérieur du pays.

2) La promotion des mesures de valorisation au niveau national et local

La promotion des mesures de valorisation des droits de l'Homme et libertés publiques par les autorités traditionnelles consiste à porter aux populations ce qui est fait au plan national et au plan local.

S'agissant d'une part des mesures de valorisation des droits de l'Homme et libertés publiques au niveau national, l'on peut relever un ensemble de textes et d'institutions de promotion des droits de l'Homme et des Libertés. Le texte fondateur en la matière est la Constitution qui dans son préambule « affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites dans la déclaration universelle des droits de l'homme, (...) la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples248». Après cette affirmation, elle reconnaît des droits et libertés du citoyen et confie l'aménagement et la protection de ces droits à la loi. Il convient de relever que les lois en la matière sont éparses au regard de la multitude de droits à

245 L'organisation de l'Unité Africaine créée en 1963 et remplacée par l'Union Africaine en 2002.

246 Article 30 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples du 27 juin 1981.

247 Article 32 de la Charte Africaine des Droits et du bien-être de l'enfant du 1er juillet 1990.

248 Préambule de la Loi Constitutionnelle du 18 janvier 1996.

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sauvegarder. Il existe toutefois une loi créant un organe destiné à protéger les droits des citoyens. Le texte législatif dont s'agit est la Loi N° 2019/014 du 19 juillet 2019 portant création, organisation et fonctionnement de la commission des droits de l'homme du Cameroun qui est « une institution indépendante de consultation, d'observation, d'évaluation, de dialogue, de conciliation et de concertation en matière de promotion et de protection des droits de l'homme249». Cette instance contribue à la vulgarisation des instruments juridiques des droits de l'homme, à la sensibilisation du public sur diverses thématiques relatives aux droits de l'homme, y compris la question du genre, ainsi que les droits des groupes vulnérables, à la recherche, l'éducation et la formation en matière des droits de l'homme, au plaidoyer en faveur de l'amélioration du cadre juridique et institutionnel de promotion des droits de l'homme250. Les chefferies traditionnelles dans leur mission d'encadrement des populations devront alors renseigner leurs administrés sur la question afin d'en faire des citoyens qui jouissent pleinement de leurs droits tout en respectant ceux des autres.

S'agissant d'autre part des mesures de valorisation des droits de l'Homme et libertés publiques au niveau local, il est question pour leurs majestés de consolider l'action des communes et régions en la matière. L'action des chefs traditionnels sera appréciée en fonction de leur engagement et par ce qui est fait par la collectivité. En tout état de cause, parmi les compétences transférées aux collectivités territoriales décentralisées, l'on dénombre certains droits tels l'éducation, la protection, le logement, la santé, le droit à un environnement sain, le travail, le droit au divertissement251. Les autorités traditionnelles dans leur mission d'assistance et de conseil des collectivités territoriales devront s'assurer que ces dernières mettent tout en oeuvre pour la réalisation de ces droits.

Les chefs traditionnels dans leur travail de pédagogie de valorisation des droits de l'Homme et libertés publiques aux populations, doivent aussi leur apprendre comment lutter contre les atteintes faites aux droits inhérents à leurs personnes.

B) La lutte contre les atteintes aux Droits de l'Homme et des Libertés

La lutte contre les atteintes aux droits de l'homme et des libertés par les autorités traditionnelles peut être faite au moyen de la lutte non juridictionnelle contre ces atteintes (1) et de la lutte juridictionnelle contre celles-ci (2).

249 Article 1er alinéa 2 de la Loi N° 2019/014 du 19 juillet 2019 portant création, organisation et fonctionnement de la commission des droits de l'homme du Cameroun.

250 Article 4 de la Loi N° 2019/014 précitée.

251 Voir le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées, des articles 156 à 163 et 267 à 273.

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1) La lutte non juridictionnelle contre les atteintes aux Droits de l'Homme et des

Libertés

La lutte non juridictionnelle contre les atteintes aux droits de l'Homme et aux libertés publiques est assurée à trois niveaux par les chefferies traditionnelles elles-mêmes, par l'administration locale et par des organismes gouvernementaux à l'instar de la Commission des droits de l'Homme du Cameroun.

D'abord relativement à la lutte menée par les autorités traditionnelles, il s'agit pour ces dernières de mettre tout en oeuvre pour qu'au sein du territoire de commandement de la chefferie, les atteintes à ces droits soient sanctionnées par l'autorité coutumière sans préjudice de la loi. Ainsi, cette dernière peut créer un comité chargé de veiller au respect des droits de l'Homme. Celui-ci pourra être saisi lorsqu'un administré estime que l'autorité traditionnelle est à même de répondre à ces préoccupations. Compte tenu du système d'imposition de volontés observé dans certaines chefferies, il est question de faire en sorte que les chefs et leurs notables soient des exemples en matière de droits de l'Homme. Ce qui vient d'être dit pourra être apprécié diversement en fonction du foisonnement culturel de notre pays.

Ensuite relativement à la lutte menée par l'administration locale, il est question pour cette dernière de combattre ces atteintes par l'autorité administrative locale et par certains services locaux spécialisés. Lorsque des atteintes sont avérées, l'autorité traditionnelle peut saisir l'autorité administrative locale - municipale ou régionale - afin qu'elle restaure l'administré dans ses droits et le dédommage lorsque la restauration n'est pas possible. Pour ce qui est des services locaux spécialisés il peut s'agir du service des affaires sociales qui pourra être saisi par les chefs traditionnels lorsqu'ils auront constaté des atteintes aux droits fondamentaux pour une réponse prompte.

Enfin relativement à la lutte menée par les organismes gouvernementaux, l'on s'appesantira uniquement sur la Commission des droits de l'Homme du Cameroun. En effet, cette commission participe à « la lutte contre l'impunité en matière des droits de l'homme252» par le traitement des requêtes et dénonciations relatives aux allégations de violation des droits de l'homme, l'auto-saisine pour les faits portés à sa connaissance, qui sont de nature à constituer des violations graves, récurrentes ou systémiques des droits de l'homme, le suivi de la situation des droits de l'homme et les avis et conseils en matière des droits de l'homme253.

252 Article 6 de la Loi N° 2019/014 du 19 juillet 2019 portant création, organisation et fonctionnement de la

commission des droits de l'homme du Cameroun.

253 Ibid.

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Les autorités traditionnelles, comme tout citoyen, peuvent saisir la Commission pour que celle-ci se prononce sur des cas de violations des droits de l'Homme. Pour sortir, la chefferie traditionnelle est représentée au sein de la Commission par un membre254. Ceci montre à suffire le rôle important que joue l'autorité traditionnelle dans la protection des droits de l'Homme.

Si la lutte non juridictionnelle contre les atteintes aux droits de l'Homme et des libertés publiques peut se faire en trois volets, comment les chefs traditionnels peuvent-ils initier la lutte juridictionnelle contre de telles atteintes ?

2) La lutte juridictionnelle contre les atteintes aux Droits de l'Homme et des

Libertés

La juridiction juridictionnelle contre les atteintes aux droits de l'Homme et aux libertés publiques peut se faire tant au plan national qu'au plan international.

D'une part s'agissant de la protection juridictionnelle nationale contre les atteintes à ces droits et libertés, elle est garantie par la juridiction constitutionnelle et les juridictions judiciaires et administratives. La juridiction constitutionnelle n'est malheureusement pas ouverte à tout citoyen dans notre pays255. Malgré la saisine complexe, lorsque celle-ci tranche elle prend en compte la sauvegarde des droits fondamentaux bafoués étant donné qu'elle est garante du respect de la Constitution. L'action dans ce domaine des chefferies traditionnelles nous semble très limitée. A côté de la juridiction constitutionnelle, on dénombre les juridictions judiciaires et administratives. La saisine de celles-ci est beaucoup plus facile qu'avec la juridiction constitutionnelle, chacune présente des règles propres de saisine. Si pour saisir la juridiction administrative il faudrait en principe avoir passé l'étape du recours gracieux préalable, tandis que pour saisir la juridiction judiciaire il faut juste une requête. L'action des autorités traditionnelles pourra alors être multiforme. Elle peut consister à l'information des autorités judiciaires des cas d'atteintes des droits de l'Homme pour qu'elles se saisissent de l'affaire. Elle peut aussi consister en un accompagnement des victimes d'abus

254 Voir l'article 13 la Loi N° 2019/014 du 19 juillet 2019 qui prévoit dans la composition de la commission treize (13) membres parmi lesquelles « une (01) autorité traditionnelle ».

255 A la lecture de l'article 47 (2) de notre Constitution qui dispose que « Le Conseil Constitutionnel est saisi par le Président de la République, le président de l'Assemblée Nationale, le président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers des sénateurs. Les présidents des exécutifs des régionaux peuvent saisir le Conseil Constitutionnel lorsque les intérêts de leur région sont en cause », l'on se rend compte que les particuliers ne peuvent saisir la juridiction constitutionnelle que dans le cadre du contentieux de certaines élections. Encore qu'il faut avoir la qualité pour agir au sens de l'article 48 (2) du même texte.

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pour qu'elles choisissent de dénoncer et de briser le silence. Ceci s'avère compliqué au regard de l'organisation de la société patriarcale dans laquelle nous vivons.

D'autre part s'agissant de la protection juridictionnelle internationale contre les atteintes aux droits de l'Homme et aux libertés publiques, on dénombre une multitude de juridictions en la matière. Nous nous limiterons à celles de l'Organisation des Nations Unies et de l'Union Africaine. Au niveau onusien, on note deux systèmes à savoir le système de rapports et le système de plaintes256. Nous allons nous intéresser au second. De ce fait, le Comité des droits de l'Homme est compétent « pour recevoir et examiner les communications des Etats ainsi que des particuliers qui prétendent être victimes d'une violation de leurs droits par leurs Etats parties au Pacte257». De cette citation, il en ressort que les chefs traditionnels peuvent saisir cette instance lorsque l'Etat viole leurs droits et ceux de leurs administrés. Au niveau de l'Afrique, on note une dualité de système de protection avec la commission africaine des droits de l'Homme et des Peuples et la cour africaine des droits de l'Homme et des Peuples. La commission est chargée d'examiner les « communications ou plaintes des Etats parties à la charte et d'autres communications ou plaintes provenant des personnes physiques ou morales258». On note alors la possibilité offerte aux personnes physiques et par ricochet aux autorités traditionnelles de saisir la Commission. La cour africaine des droits de l'Homme et des Peuples pour sa part, il s'agit de porter à sa connaissance des cas de violation des droits de l'Homme. Les autorités traditionnelles peuvent lorsqu'elles le peuvent accompagner les victimes dans ce processus.

La protection juridictionnelle contre les atteintes faites aux droits de l'Homme et aux libertés est le dernier volet de la promotion des droits de l'Homme et des libertés, il apparaît opportun de s'arrêter un instant sur la préservation de la paix.

§2 - La préservation de la paix

La paix désigne de manière triviale l'absence de conflits et d'un calme relatif d'un lieu. La préservation de la paix permet de « prévenir (...) la menace, et au besoin de réprimer par l'application de différents moyens, les actions ou omissions de nature à troubler l'ordre social259». Dans leur mission d'encadrement des populations, les autorités traditionnelles

256 GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, Cours de libertés et droits fondamentaux, Université de Yaoundé II, 2015-2016, Inédit.

257 Ibid.

258 Ibid.

259 CIMAMONTI Sylvie, « L'ordre public et l'ordre pénal », in BEIGNIER Bernard et REVET Thierry, L'ordre public à la fin du XXe siècle, Dalloz-Sirey, 1996, p.90.

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préservent la paix d'une part par la prise de mesures visant à la préserver (A) et d'autre part par le règlement des litiges par la juridiction traditionnelle (B).

A) La prise de mesures visant à préserver la paix sociale

La paix sociale peut être définie comme la représentation d'un groupe social qui se singularise par son état de tranquillité. Elle trouve son fondement sur « le droit et le respect mutuel260».

La prise de mesures visant à maintenir la paix sociale dans le territoire de la chefferie traditionnelle est faite par le chef en vertu de l'article 19 du décret du 15 juillet 1977 qui confère au chef la « mission d'encadrement des populations ». Il doit donc dans cet encadrement de toujours veiller à ce que la paix sociale ne soit pas perturbée.

Pour que la paix sociale soit effective, l'autorité traditionnelle a un double rôle à jouer, d'une part il doit prendre des mesures destinées à prévenir les risques de trouble de la paix sociale (1) et prendre également des mesures destinées à rétablir la paix sociale lorsqu'elle est troublée (2).

1) La prise de mesures préventives

La prise de mesures préventives destinées à préserver la paix sociale est faite par le chef traditionnel au quotidien dans sa circonscription. Lesdites mesures sont essentiellement la sensibilisation et le renseignement prévisionnel.

S'agissant d'une part de la sensibilisation, il est question pour l'autorité traditionnelle d'éduquer sa population aux bienfaits de la paix sociale et aux pertes occasionnées lorsqu'elle est troublée. Il s'agit d'un véritable cours de civisme. La difficulté peut résider en milieu urbain où il n'est pas évident d'atteindre tous les citoyens au regard du mode de vie axée sur la quête des moyens de subsistance d'où l'absence de certains de leurs domiciles. Malgré cette difficulté les autorités traditionnelles se doivent de mettre tous les moyens en jeu pour atteindre le maximum de personnes. La sensibilisation a pour effet de conscientiser les populations sur l'importance de la paix sociale pour le développement économique et socioculturel de leur contrée et pour leur épanouissement.

S'agissant d'autre part du renseignement prévisionnel, il est question pour le chef d'avoir des canaux d'information dans toutes les strates de sa collectivité à même de déjouer

260 Définition de la paix sociale de Didier Toulouse, http://didiertoulouse.e-monsite.com/pages/la-paix-sociale-1/definition-de-la-paix-sociale.html, consultée le 2 février 2020.

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les éventuelles atteintes à la paix sociale. Lorsqu'une information est avérée, l'autorité traditionnelle a alors la possibilité de régler la question elle-même ou de la référer aux autorités compétentes pour le faire. Cette plateforme de collaboration entre d'une part les administrés et les chefferies traditionnelles et d'autre part entre les autorités locales, les chefferies traditionnelles et les administrés doit permettre l'instauration d'un climat de confiance entre ces acteurs pour permettre aux administrés de véhiculer les informations utiles à la sauvegarde de la paix sociale.

Lorsque les mesures préventives n'ont pas permis de contenir les dérapages, il faut que l'autorité traditionnelle prenne alors des mesures curatives en vue de restaurer la paix sociale.

2) La prise de mesures curatives

La prise de mesures curatives est faite par le chef traditionnel directement après la survenance d'un trouble à celle-ci. Elle vise à rétablir la paix sociale troublée. L'action de l'autorité traditionnelle peut se faire en deux temps.

Premièrement, lorsque ces troubles surviennent les autorités traditionnelles, par leur position de premier plan avec les populations, peuvent mener plusieurs opérations destinées à rétablir la paix sociale. Il s'agit de l'arbitrage et de l'isolement ou la quarantaine. D'une part, l'arbitrage est le « règlement d'un différend (...) par une ou plusieurs personnes auxquelles les parties ont décidé, d'un commun accord, de s'en remettre261». Il s'agit donc pour les autorités traditionnelles d'arbitrer des litiges qui menacent la paix sociale pour deux objectifs au moins, le premier est de restaurer la paix et le second de trouver une solution objective au litige afin que les parties soient satisfaites de celle-ci. D'autre part, l'isolement ou la quarantaine vise à éloigner la source du trouble de la population afin que celle-ci n'ait plus d'effets négatifs sur la paix sociale. L'on a vu dans la pratique des administrés réclamer auprès du chef traditionnel, le départ d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison des actes négatifs qu'elles posaient au sein de la collectivité.

Secondement, lorsque les autorités traditionnelles n'ont pas pu juguler la crise, elles s'en réfèrent aux autorités locales ou nationales en fonction de la gravité de celle-ci. Ces autorités se chargeront alors de stopper le trouble et de rétablir la paix sociale. Ces autorités pourront à leur tour tous les moyens en leur possession pour le retour à la normale. Il peut s'agir du déploiement des forces de maintien de l'ordre sur le terrain, le dialogue lorsqu'il est possible avec les principaux protagonistes et la concertation avec les parties au litige.

261 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.129.

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S'il advienne que les mesures curatives de troubles à la paix sociale prises par les chefferies s'avèrent insuffisantes, elles peuvent saisir le tribunal coutumier pour que celui-ci tranche sur la question.

B) Le règlement des litiges par la juridictionnelle traditionnelle

Le règlement des litiges survenus dans une chefferie traditionnelle peut trouver une issue favorable à travers la juridiction traditionnelle (2) survenue après une tentative de conciliation à l'amiable lorsque cela est possible (1).

1) La tentative de conciliation

La conciliation est un mode alternatif de règlements des différends traditionnellement reconnu à l'office de tout juge judiciaire. La conciliation est alors un « mode de résolution des conflits menée sous l'égide du juge, visant à une solution négociée du litige (...) qui consiste à amener les parties à un règlement amiable du conflit par la voie de la conciliation262». De manière simple, il s'agit de « mettre d'accord, amener à s'entendre des personnes divisées d'opinion, d'intérêt263».

Dans la vie quotidienne, l'on fait tous recours à la conciliation pour se sortir des situations compliquées. Il en est de même pour les chefs traditionnels qui voient défiler chaque jour des personnes avec des différends qu'il faut résoudre. C'est nul doute ce qui a motivé le pouvoir règlementaire à doter les chefferies traditionnelles d'un véritable pouvoir de conciliation. En effet « Les chefs traditionnels peuvent, conformément à la coutume et lorsque les lois et règlements n'en disposent pas autrement, procéder à des conciliations ou attributions ou arbitrages entre leurs Administrations264». Les autorités traditionnelles sont donc chargées de trouver des solutions conciliées non seulement aux problèmes des particuliers mais aussi aux conflits de leurs administrations lorsque les textes le permettent.

Le préalable de la conciliation repose est duale. D'une part, il faudrait que les parties acceptent la conciliation de l'autorité traditionnelle. D'autre part, il faudrait également que les parties acceptent la proposition de conciliation de l'autorité traditionnelle. Il convient de soulever que cette dernière n'est pas une solution qui doit toujours arranger les parties, elle doit épouser la coutume locale, le droit, le bon sens et la compromission pour parvenir à une solution durable dans le temps.

262 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p.490.

263 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.498.

264 Article 21 du décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles.

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Lorsque la tentative de conciliation ne donne aucun résultat satisfaisant, les parties peuvent solliciter la juridiction traditionnelle.

2) La saisine et l'action de la juridiction traditionnelle

La saisine et l'action de la juridiction traditionnelle sont régies par le décret N° 69-DF-544 du 19 décembre 1969 fixant l'organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles au Cameroun oriental. De l'exégèse de ce texte, il en ressort que la compétence de cette juridiction « est subordonnée à l'acceptation préalable de toutes les parties en cause265». L'on constate également que les juridictions traditionnelles comprennent le tribunal de premier degré et le tribunal coutumier266. Nous verrons tour à tour l'action des autorités traditionnelles au sein de ces juridictions.

Pour ce qui est d'une part du tribunal coutumier, il convient de relever que cette juridiction est compétente pour connaître des différends d'ordre patrimonial notamment des demandes de recouvrement des créances civiles et commerciales, des demandes en réparation de dommages matériels et corporels, et des litiges relatifs aux contrats267. La composition de ce tribunal nous permet de constater qu'il est présidé par un notable maitrisant parfaitement la coutume, assisté de six assesseurs dont deux titulaires et quatre suppléants268. Ce personnel, issu de la chefferie, a alors l'impérieuse mission de statuer sur les litiges portés à sa connaissance en application de la coutume locale269 pour le rétablissement de la justice.

Pour ce qui est d'autre part du tribunal de premier degré, il est important de soulever que cette juridiction est compétente pour connaître des procédures relatives à l'état des personnes, à l'état civil, au mariage, au divorce, à la filiation, aux successions et aux droits réels immobiliers270. La composition de cette juridiction révèle une organisation différente de celle du tribunal coutumier. Le tribunal du tribunal de premier degré est présidé par un fonctionnaire en service dans le ressort territorial du tribunal271. Les assesseurs qui assistent le président sont désignés de la manière que pour le tribunal coutumier. Ces derniers sont ceux qui représentent le commandement traditionnel au sein de cette juridiction. Il est alors de leur

265 Article 2 (1) du décret N° 69-DF-544 du 19 décembre 1969 fixant l'organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles au Cameroun oriental.

266 Article 1er du décret N° 69-DF-544 précité.

267 Article 4 (1) a du décret N° 69-DF-544 précité.

268 Voir les articles 8 et 10 (2) du décret cité ci-haut en ce qui concerne la composition du tribunal coutumier.

269 Art 18 a) du décret précité.

270 Article 4 a) du décret N° 69-DF-544 précité.

271 Article 7 (2) du décret N° 69-DF-544 précité.

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devoir de s'assurer que toutes les affaires inscrites au rôle soient traitées dans le respect de la coutume locale et du droit pour parvenir à un jugement solide.

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CONCLUSION DU CHAPITRE 1er

En définitive, il était question pour nous de traiter de la participation des autorités traditionnelles à la démocratie locale. Nous pouvons dès à présent dire que cette participation se fait au moyen de la contribution des chefferies traditionnelles au processus électoral et de la contribution de ces institutions à la promotion des droits de l'Homme et libertés publiques et à la préservation de la paix. Il en ressort que les chefferies traditionnelles sont de véritables catalyseurs de la démocratie locale. Cependant, il ne faudrait pas éluder que l'analyse de la contribution des chefferies traditionnelles à la démocratie locale implique l'analyse de son corollaire immédiat qu'est la bonne gouvernance locale.

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CHAPITRE 2 :

L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES À LA
BONNE GOUVERNANCE LOCALE

La gouvernance est le corollaire immédiat de la démocratie. Cette notion est, de manière véhémente, apparue en Afrique avec le vent de la démocratisation au début des années 1990. Les deux concepts sont tellement liés qu'on parle même aujourd'hui de gouvernance démocratique. La gouvernance est définie comme « un processus qui s'intéresse au cycle d'élaboration, d'implémentation ou de mise en oeuvre, puis d'évaluation des lois, règlements et procédures de décision pour la régulation de la société272». C'est cette définition qu'a confirmé le Programme National de Gouvernance en la consacrant comme un « processus par lequel les différents pouvoirs de l'État (exécutif, législatif et judiciaire) se coordonnent pour créer un large consensus et réguler l'ensemble des décisions et actes politiques dans la perspective de construire une République exemplaire273». La République exemplaire est une expression assez politisée mais nous pouvons retenir qu'elle désigne « l'exemplarité du comportement des dirigeants, avec une forte connotation morale et éthique274».

La gouvernance a pour suite logique la bonne gouvernance, car la première « permet de distinguer les conditions d'une bonne gouvernance, c'est-à-dire l'existence d'un cadre qui permette des décisions pertinentes et cohérentes par l'ensemble des acteurs275».

La gouvernance locale est l'ensemble des mesures prises, au niveau national et local, en vue d'établir une gestion transparente et saine des affaires locales avec la participation des populations et de tous les acteurs locaux. Il ne s'agit pas d'une cogestion entre les autorités locales et les acteurs locaux mais plutôt de la prise en compte des aspirations et points de vue de ces derniers. Toujours est-il que l'autorité locale n'est pas en présence d'avis conformes, donc elle a la possibilité d'aller dans une direction différente de celle souhaitée par ces

272 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », in ABOUEM à TCHOYI David et M'BAFOU Stéphane Claude (dir.), Améliorer l'efficacité de l'Etat au Cameroun : Propositions pour l'action, L'Harmattan, 2019, p.57.

273 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance, 2015, p.15.

274 Qu'est-ce qu'une République exemplaire ? https://www.google.com/amp/s/www.la-
croix.com/amp/1100956946, consultée le 2 février 2020.

275 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun », op. cit., p.57.

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acteurs, parce que possédant des informations que ces acteurs n'ont pas et sachant où elle veut mener sa collectivité

La Charte Africaine des valeurs et principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local appréhende la gouvernance locale comme l'ensemble des « processus et institutions de gouvernance au niveau sous-national, y compris la gouvernance par et avec les gouvernements locaux ou les autorités locales, la société civile et les autres acteurs concernés au niveau local276». De cette définition, on note l'accent mis sur les processus et institutions de gouvernance et beaucoup plus sur l'implication de tous les acteurs locaux impliqués dans le processus de décentralisation et a fortiori des autorités traditionnelles.

La gouvernance locale traduit « le niveau d'autorité publique vers lequel les citoyens se tournent en premier pour résoudre leurs problèmes sociaux immédiats. C'est aussi le niveau de démocratie auquel le citoyen a la plus d'opportunités effectives de participer activement et directement dans les décisions prises concernant l'intérêt général277».

Les chefferies traditionnelles, dans le processus de gouvernance locale, ont dès lors une double mission notamment celle d'éclairer les populations sur le rôle qui est attendu d'eux en matière de gouvernance locale, et de veiller à ce que les autorités locales - communales et régionales - promeuvent le développement local en prenant en compte tous les aspects de la bonne gouvernance au niveau de leur collectivité.

La contribution des chefferies traditionnelles à la bonne gouvernance locale peut passer d'un côté par l'apport des chefferies traditionnelles aux principes d'Etat de droit, d'égalité, de participation et d'efficacité (Section 1) et d'un autre côté par l'apport de celles-ci aux principes de transparence et du climat des affaires (Section 2).

SECTION 1 - L'APPORT DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES AUX PRINCIPES D'ETAT DE DROIT, D'ÉGALITÉ, DE PARTICIPATION ET D'EFFICACITÉ

L'apport des chefferies traditionnelles à la bonne gouvernance locale peut d'abord être

analysé par le raffermissement de l'Etat de droit et de l'égalité au niveau local (§1) et par le développement de la participation citoyenne locale et de l'efficacité (§2).

276 Art 1er de la Charte Africaine des valeurs et principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local.

277 IDEA (Institut International pour la démocratie et l'assistance électorale), La démocratie au niveau local : manuel sur la participation, la représentation, la gestion des conflits et la gouvernance, 2002, p.7.

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§1 - Le raffermissement de l'Etat de droit et de l'égalité au niveau local

L'étude de la contribution des chefferies traditionnelles à la bonne gouvernance locale sera analysée ici par le raffermissement de l'Etat de droit (A) et par la promotion de l'égalité (B) au niveau local.

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