B. La redevabilité sur les affaires locales
La redevabilité fait référence, pour la
Stratégie Nationale de Gouvernance, à « l'obligation de
rendre compte et se traduit entre autre par la lutte contre la corruption et
les détournements de deniers publics337». La
spécificité de la redevabilité est basée sur «
la transparence financière qui implique les choix budgétaires
rationnels, et puis généralement un contrôle interne et
externe de la régularité de
fonctionnement338». Elle traduit ainsi à
l'échelle locale, l'impératif pour les élus de rendre
compte au public de leur gestion. Celle-ci doit être irréprochable
et dénuée de toutes pratiques malsaines telles la corruption, les
détournements de deniers publics, les délits d'initiés,
etc.
La redevabilité des autorités administratives
décentralisées suppose leur responsabilité
(1) et l'implication des populations au sein de certaines
instances (2).
1. La responsabilité des élus
locaux
La responsabilité ou imputabilité des
élus locaux a trait « au rapport qui unit la population locale
et ses représentants, ainsi qu'aux mécanismes qui garantissent
l'obligation pour les décideurs de rendre des comptes aux citoyens,
notamment dans le domaine des services publics et dans celui des mesures prises
au nom des citoyens339».
Cette responsabilité est assimilable à ce que
les privatistes appellent la reddition de comptes qui est une «
procédure consistant pour celui qui a géré les
intérêts d'autrui (le rendant), à présenter à
celui auquel il est dû (l'oyant), l'état détaillé de
ce qu'il a reçu ou dépensé, dans le but d'arriver à
la fixation du reliquat (le débet)340». M. MOMO
parle
d' « obligation
redditionnelle341» qui a pour but d'évaluer la
performance des politiques publiques locales et de sanctionner les
gestionnaires indélicats. Il s'agit donc, pour les autorités
traditionnelles, de passer en revue la gestion des élus locaux au peigne
afin de s'assurer que l'intérêt général a
été la boussole de ces derniers. La redevabilité
interpelle la responsabilité des élus « à ne pas
perdre de vue leur raison d'être, à savoir, répondre
à la demande de gouvernance de la société et fournir aux
usagers des prestations de qualité342».
337 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance,
2015, p.8.
338 MOMO Bernard, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,
op. cit., p.58.
339 IDEA (Institut International pour la démocratie et
l'assistance électorale), Cadre d'évaluation de l'état
de la démocratie locale, 2015, p.25.
340 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.),
Lexique des termes juridiques, op. cit., p.1722.
341 Bernard MOMO, « Renforcer la stratégie
d'organisation des structures et de gestion de l'Etat du Cameroun »,
op. cit., p.58.
342 Ibid., p.56.
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La responsabilité des élus locaux pourra
être mise en cause lorsque ceux-ci ne se seront pas montrés aptes
à résoudre les préoccupations de leurs administrés.
Il convient de rappeler que cette responsabilité a plusieurs niveaux.
Nous marquerons un temps d'arrêt sur la responsabilité politique
et la responsabilité pénale des élus locaux. D'une part,
l'engagement sur le plan politique de a responsabilité d'un élu
local traduit généralement l'absence d'adhésion des choix
politiques de ce dernier par les populations. A ce niveau, on remarque un
manque de redevabilité envers les populations. La conséquence
immédiate est un vote-sanction aux prochaines échéances
électorales. De cette façon, les consultations électorales
« permettent au peuple d'exercer un contrôle
politique343». D'autre part, l'engagement de la
responsabilité d'un élu local sur le plan pénal peut
intervenir lorsque celui-ci a posé des actes réprimés par
le Code pénal. Les chefs traditionnels, en leur qualité de
représentants des populations et électeurs d'une catégorie
de conseillers régionaux, peuvent saisir les juridictions
compétentes en cas de commission d'infractions.
La responsabilité des autorités locales peut
déboucher sur l'implication des populations au sein de certaines
instances.
2. L'implication des chefs traditionnels au sein de
certaines instances
L'implication des populations de manière
générale et les chefferies traditionnelles de manière
particulière permet d'inclure celles-ci dans le processus de
redevabilité. Il est question pour celles-ci d'apprécier par
elles-mêmes ceux qui est fait par leurs élus locaux ou leurs
mandants.
Il s'agit à cet effet des comités de suivi de
l'exécution physico-financière de l'investissement public
institués par le Premier Ministre par un décret en date du 13
septembre 2013. A l'exégèse de ce texte, on note la
présence des chefs traditionnels au sein des différents
comités chargés de l'exécution physico-financière
de l'investissement public344. Ces instances ont pour mission
principale de « promouvoir le principe de transparence à
travers une approche participative de suivi dans la gestion de l'investissement
public, intégrant les principes de gestion axée sur les
performances345». Les autorités traditionnelles
présentes au sein de ces instances veilleront alors à informer
les populations de
343 Ibid., p.59.
344 Décret N° 2013/7987/PM du 13 septembre 2013
portant création, organisation et fonctionnement des comités de
suivi de l'exécution physico-financière de l'investissement
public prévoit quatre comités de suivi de l'exécution des
projets impliquant les autorités traditionnelles à savoir le
comité communal, le comité départemental, le comité
régional et le comité national.
345 Art 2 al 1 Décret N° 2013/7987/PM du 13 septembre
2013 précité.
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l'ensemble des projets d'investissement public
programmés dans leur localité pour chaque exercice, s'assurer du
respect du journal de programmation des marchés publics, recueillir les
observations relatives à la qualité et à la
réalisation effective des projets exécutés au cours de
l'exercice budgétaire en cours ou de ceux antérieurs, s'assurer
de l'effectivité des réalisations physiques et de se faire
justifier le cas échéant, des écarts entre les
prévisions et les réalisations346. Elles veilleront
également à contribuer à l'élaboration des rapports
de performance des administrations en renseignant les états de
performance relatifs aux projets de ressort, préparer les données
de l'exécution de l'investissement public en vue de l'élaboration
des rapports d'évaluation du budget de la collectivité et
apprécier le niveau de satisfaction des bénéficiaires des
projets347.
En tout état de cause, l'implication des chefferies
traditionnelles au sein de ces instances a une double justification, d'une
part, il est question pour ces dernières d'apprécier la
redevabilité de leurs élus locaux, d'autre part, il s'agit de
représenter les populations dont elles ont la charge au sein de ces
instances en vue de faire passer leur point de vue en ce qui concerne
l'exécution des projets qui leur sont liés directement.
La redevabilité des agents publics locaux envers leurs
administrés et les autorités traditionnelles, peut permettre,
dans une moindre mesure, d'améliorer au niveau local le climat des
affaires.
§2 - L'apport au climat local des
affaires
Le climat des affaires est « l'ensemble des facteurs
politiques, juridiques, économiques, sociaux et même culturels qui
poussent un investisseur à décider de d'installer dans un milieu
ou dans un pays donné pour faire ses affaires348».
De manière simple, il s'agit des conditions permettant le
développement des affaires dans un pays. Plus étroitement, le
climat local des affaires est l'ensemble des éléments qui
favorisent l'éclosion et le développement des activités
économiques dans une collectivité locale.
L'apport des chefferies traditionnelles au climat local des
affaires passe par l'assainissement de celui (A) ainsi que
l'accompagnement des acteurs économiques (B).
346 MINEPAT, Document de vulgarisation du Décret
IV° 2013/7987/PM du 13 septembre 2013 portant création,
organisation et fonctionnement des comités de suivi de
l'exécution physico-financière de l'investissement public,
novembre 2013, p.2.
347 Ibid.
348 KIAMBU Janvier, Exposé sur le thème : «
Reformes relatives au climat des affaires et des investissements
», Journée d'information des femmes entrepreneures sur le
guichet unique de création d'entreprise, Kinshasa, 26 juin 2013, p.4.
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