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Comment mettre en oeuvre et promouvoir un dispositif de polyvalence ?


par Pauline CHENET
Université de Bordeaux - Licence gestion et administration du personnel 2018
  

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II. Les terrains d'exploration autour de la

polyvalence

A. La méthodologie d'exploration utilisée

Dans l'objectif d'établir des préconisations et conseils, j'ai utilisé l'entretien semi-directif afin de mener mes entretiens avec les différents professionnels. Une dizaine d'entretiens a été réalisé. La sélection s'est faite sur la base du volontariat. J'ai dans un premier temps, exposé les objectifs poursuivis auprès des responsables de service. Ces derniers ont ensuite fait passer le message auprès de leur équipe. Les entretiens ont duré en moyenne une trentaine de minutes.

L'entretien semi-directif est une méthode d'étude qualitative basée sur la réalisation d'entretiens individuels ou collectifs durant lesquels je dicte uniquement les différents thèmes devant être abordés sans pour autant pratiquer un questionnement précis. Tout en étant centré sur le sujet de la polyvalence, cette méthode d'entretien me garantit l'étude de l'ensemble des

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questions qui répondent à mon sujet. Les questions posées durant les entretiens sont relativement ouvertes. Cependant, pour ne pas perdre de vue l'objectif des préconisations et conseils, j'avais établi en amont, une trame d'entretien15 pour recentrer le sujet en cas de dérives et garder un fil conducteur.

Il existe différents types d'entretiens semi-directifs. Ayant une population appartenant à différents niveaux hiérarchiques, j'ai choisi de réaliser deux types d'entretiens en fonction des professionnels interrogés.

y' Pour les professionnels cadres et les agents de maîtrise, l'utilisation des entretiens à réponses libres est à privilégier. Cette typologie me permet d'être libre dans la manière de poser mes questions tout en ayant les thématiques déjà prédéfinies. L'avantage est la possibilité d'ajouter des questions au cours de l'entretien.

y' Pour les professionnels employés, il est préférable d'utiliser un entretien semi-directif ciblé. L'entretien est concentré sur l'expérience de la polyvalence qu'ils ont pu avoir. La plupart des questions posées, autour de la polyvalence, sont en lien avec une situation ou une expérience qu'ils ont pu vivre. Il y a, tout de même, au sein de l'interview des questions générales qui me permettent de mener l'entretien.

Pour aborder ce sujet, j'ai donc choisi d'interroger trois catégories de professionnels. Ces professionnels exercent des métiers différents au sein de secteurs variés. Ils sont donc, confrontés, au cours de leur carrière professionnelle, à différentes problématiques. Il m'a semblé intéressant d'interroger des personnes qui ont, soit des métiers qui requièrent une grande polyvalence ou, au contraire des métiers où la spécialisation des activités et tâches est requise. Au sein des métiers requérant de la polyvalence, j'ai pu traiter différentes expériences de la polyvalence. Des expériences tant positives que négatives. Concernant les secteurs interrogés, j'ai privilégié, pour les employés, les secteurs du transport et celui de l'entrepôt. Ce sont ces deux principaux secteurs où la polyvalence est la plus présente au quotidien. Pour les cadres et agents de maîtrise, je souhaitais bénéficier d'un angle d'analyse plus large. J'ai donc interrogé, des salariés appartenant à des unités de travail bien différentes ; de l'unité de commerce à l'unité de l'entrepôt. Ce choix est pour moi bénéfique, puisqu'il me permettra de disposer d'un panel de réponse large et varié.

Pour chacun de ces terrains, je me suis interrogée sur comment le personnel percevait et vivait, individuellement, la polyvalence. Grâce aux différentes expériences et carrières de chacun, j'ai pu ainsi cibler les diverses perceptions et vécus du personnel de Transgourmet à ce sujet. Ces perceptions et vécus m'ont aidé à formuler les préconisations et conseils que je souhaitais donner à la société.

15 Annexe 2 : Guide d'entretien

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L'entretien semi-directif se base sur des objectifs de recherche. Pour me permettre de garder un fil conducteur, je me suis basée sur plusieurs objectifs en lien avec la question de recherche posée. Les objectifs poursuivis sont les suivants :

y' Identifier les définitions de la polyvalence selon les différents professionnels rencontrés

y' Identifier les avantages perçus d'un système de polyvalence

y' Cibler les limites et/ou difficultés dans l'exercice et/ou l'instauration d'un système de polyvalence au sein de Transgourmet

y' Identifier avec les professionnels les moyens et méthodes qu'ils souhaiteraient pour mettre en oeuvre et promouvoir au mieux la polyvalence au sein des services du transport et de l'entrepôt

y' Identifier les méthodes à mettre en oeuvre pour faire face à certaines résistances y' Cibler l'impact de cette notion sur les pratiques professionnelles

y' Le succès d'instauration d'un système de promotion de la polyvalence incitera-t-il les

autres services à mettre en place cette mobilité ?

Au sein de ce chapitre, je vais détailler, en premier lieu, le guide d'entretien que j'ai utilisé afin de procéder à mes entretiens semi-directifs. Il est important de préciser que l'ensemble du contenu des entretiens est soumis à l'anonymat. Aucun nom des différents professionnels interrogés ne sera mentionné. Pour permettre de faciliter la retranscription écrite des

entretiens, j'ai demandé à certaines personnes s'il était possible d'enregistrer avec un dictaphone. La retranscription audio n'est qu'une technique. Elle consiste à retranscrire par écrit ce qui est enregistré oralement sur un support audio. Cette technique respecte au mieux la fidélité des propos tenus.

Pour commencer l'entretien, j'ai eu besoin de certaines données professionnelles relatives à leurs secteurs et au métier qu'ils exerçaient. Ce questionnement était destiné à me permettre de comprendre dans quel contexte ils exercent leur profession. Les questions posées sont les suivantes :

- Au sein de quel secteur ou unité travaillez-vous chez Transgourmet ? - Quel métier exercez-vous ?

- Depuis combien de temps travaillez-vous chez Transgourmet ?

Par la suite, afin d'amener le sujet et obtenir des informations précises sur ce thème, il faut dans un premier temps le situer. Pour débuter l'entretien, j'ai commencé à poser des questions générales sur le sujet. Ces questions sont :

- Quel est, selon vous, la définition de la polyvalence ? - Quelles perceptions avez-vous de la polyvalence ?

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- De quelle manière s'illustre la polyvalence dans l'exercice de votre métier ?

Ensuite, les questions posées, au cours de l'entretien sont moins générales. Elles sont centrées plus sur la personne, sur sa perception et sur l'expérience vécue. Les questions sont les suivantes :

- Quels bénéfices professionnels et personnels gagnez-vous avec la mise en place de la

polyvalence ?

- Quel est selon vous, la polyvalence souhaitée ?

- Y'a t-il des compétences spécifiques à mobiliser pour l'exercice de la polyvalence ?

- Sous quelles formes de polyvalence l'avez-vous vécu ?

- Avez-vous déjà rencontré des freins dans l'exercice de la polyvalence ?

- Par quel moyen ou sous quelle forme passe, selon-vous, la reconnaissance de ce

système ?

C'est à la fin de la réalisation de ces entretiens que j'ai effectué une analyse de l'ensemble des contenus. C'est grâce à cette étape, que je vais pouvoir comparer des visions différentes selon les secteurs sur le système de polyvalence tout en analysant leurs revendications ou souhaits sur ce sujet. Cette étape va me permettre de donner du sens aux données recueillies. L'analyse des contenus obtenus consiste à retranscrire les données qualitatives que le personnel m'a indiqué, à me permettre de réaliser une grille d'analyse, à coder les informations recueillies et enfin à les traiter.

Je vais utiliser la méthode de l'analyse du contenu. Cette méthode consiste à rendre compte de ce qu'ont dit les personnes que j'ai pu interviewer de la façon la plus objective possible et la plus fiable possible. Au sein de cette analyse de contenu, deux types d'analyses existent :

- L'analyse formelle : cette analyse est une analyse sémantique qui me permettra de cibler précisément les termes utilisés par les employés pour évoquer leurs expériences ou souhaits sur le thème de la polyvalence.

- L'analyse thématique : cette analyse va me permettre, notamment lors de l'interview des cadres et agents de maîtrise, de déceler les concepts que les professionnels ont pu énoncer sur ce thème.

Cette analyse aura pour finalité la confrontation des données récoltées et analysées avec des concepts énoncés dans le cadre théorique.

Lors de la réalisation de l'enquête, j'ai pu faire face à certains obstacles. Une des principales limites réside dans le fait que certains professionnels n'avaient pas assez de temps à me consacrer pour l'interview. La planification des rendez-vous a donc été compliquée. Face à cela, j'ai rencontré une difficulté dans la voie hiérarchique afin de faire passer mes messages.

Enfin il était important de bien faire transmettre mon sujet et sa finalité. En effet, je ne devais en aucun cas, me présenter auprès des collaborateurs, comme quelqu'un pouvant apporter des

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solutions mais bien comme une étudiante cherchant des conseils et préconisations à transmettre à la hiérarchie à la suite des constatations faites. Certains secteurs se sont plus prêtés au jeu des interviews sur le thème de la polyvalence que d'autres, mais cela m'a permis d'enrichir réellement les données recueillies.

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B. Promotion, exercice et reconnaissance : les hypothèses retenues

Afin de pouvoir conduire à l'exécution des phases pratiques de l'étude avec toutes les indications opératoires nécessaires, je me suis attachée à élaborer des hypothèses.

Le concept de polyvalence traduit la maîtrise de plusieurs techniques ou compétences, l'amenant à pouvoir occuper des postes différents. Selon les définitions citées dans la première partie, il va s'agir pour un/une professionnel(le) d'avoir la capacité à occuper plusieurs postes. Ce mode d'exercice de profession va amener à bouleverser les habitudes de travail. En ce sens, les auteurs s'accordent sur le fait que le concept de polyvalence ne va pas sans celui de l'accompagnement du collaborateur. En effet, la polyvalence va entraîner une incessante vague de changement dans l'organisation de travail de l'individu. Le manque d'explications sur la mise en oeuvre de ce thème le rend difficile à aborder. Selon l'auteur Alain LABRUFFE16, l'accompagnement des collaborateurs au coeur du processus de mise en place de la polyvalence, permet de maîtriser les turbulences de changement. En ce sens, l'hypothèse retenue est ;

« Une polyvalence managée, maîtrisée, et intégrée dans le management du chef d'équipe ne va pas susciter d'opposition »

La mise en place et l'exercice de la polyvalence amène le sujet de la compétence. La compétence est, dans un sens, une question de capacité. Une capacité pouvant prendre son sens dans la notion de capacité reconnue, de référence. Un professionnel compétent est une personne qui a les aptitudes nécessaires à l'exercice d'une tâche. Cette capacité de reconnaissance prend son sens, dans le fait, que l'on va se tourner vers le professionnel pour l'exercice d'une certaine tâche, de certaines questions.

En ce sens, l'hypothèse posée est :

« Pour permettre l'exercice de la polyvalence professionnelle, face aux contextes économique et social, la polyvalence requière de la compétence »

C. Bernier17, dans son ouvrage « La polyvalence des emplois : nouvelle tendance de l'organisation du travail » montre que le modèle de spécialisation n'offre pas de garantie de totale efficience notamment dans un programme de modernisation. Dans la mesure où les individus doivent s'adapter en permanence à de nouvelles situations ce modèle se révèle contre-productif.

En ce sens, l'hypothèse posée est :

16 LABRUFFE, Alain. Maîtriser le changement. Ed. Afnor. Paris, Janvier 2014, 202 pages.

17 BERNIER, Catherine. La polyvalence des emplois : nouvelle tendance de l'organisation du travail. Bulletin de l'IRAT n°22 Institut de recherche appliquée sur le travail, Montréal, 1982.

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« Pour s'adapter aux fluctuations de la vie de l'entreprise, face aux problématiques d'absentéisme et de compression des effectifs, Transgourmet doit remettre en cause les modes traditionnels de conception des tâches et des postes de travail »

De plus, le rôle d'un employeur est de garantir le maintien de la compétence de ses membres. Les auteurs, notamment P. Michelleti et G. Le Boterf s'attachent à expliquer que la multipolarité professionnelle est propice à la reconnaissance. Selon eux, si les résultats sont probants, il n'y aucun obstacle à faire reconnaître la polyvalence professionnelle. Cette vision amène à poser l'hypothèse suivante :

« L'accroissement du niveau général des connaissances ou de l'habileté transformant l'emploi en apprentissage permanent suscite une récompense et une reconnaissance »

M. Dadoy18, dans son ouvrage « Les analyses de travail : enjeux et formes » explique que la polyvalence permet une certaine rotation des postes, et ce fait, favorise un équilibrage de la charge de travail. En ce sens, les tâches et la surcharge de travail peuvent être allégées. En ce sens la notion de polyvalence est alors vécue comme un soutien pour les managers. L'hypothèse retenue est :

« Afin d'alléger le travail des collaborateurs, la polyvalence constitue une « aide » pour l'organisation globale du travail. »

18 DADOY, Mireille, HENRY, Claude, HILLAU Bernard [et al]. Les analyses du travail : enjeux et formes. Ed. Cereq, Collection des Etudes. Mars 1990, 240 pages

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C. L'analyse des entretiens confrontés aux concepts de la polyvalence

Comme expliqué précédemment, les entretiens semi-directifs, ont été construits autour d'objectifs, relayés par diverses questions. Pour me permettre de clarifier l'analyse de l'ensemble des entretiens, j'ai réalisé des tableaux. Une première annexe19 a été réalisée pour chacune des questions posées. Une seconde annexe20 a été tournée sur les différences et similitudes pouvant être constatées entre les secteurs ou métiers interrogés. Enfin, un dernier tableau a été réalisé. Il reprend les principales notions dégagées au sein des questions posées. Cet outil d'analyse m'a permis de dégager des thèmes principaux. Ces idées reflètent les idées récurrentes qu'ont pu me verbaliser les différents professionnels. Pour chaque thème abordé, les professionnels tendent vers un ensemble d'idées homogènes. Cependant, je vais pouvoir constater que certaines variantes apparaissent en fonction des professions, des secteurs de travail, des expériences vécues et des carrières.

La première partie abordée par les professionnels est la perception qu'ils peuvent avoir de la polyvalence. Elle représente, pour eux, la possibilité pour une personne de travailler sur un poste différent de son métier d'origine. Les deux tiers s'attachent à dire que la polyvalence est une notion qui, lorsque le personnel est soumis à un certain rendement, leur permet de les soulager sur un travail physique21. Selon eux, la polyvalence rompt la monotonie, change le quotidien. Elle offre la possibilité de ne pas tomber dans des tâches répétitives, en trouvant un certain équilibre. Ils perçoivent à travers cette notion, l'opportunité de connaître le travail des autres, les problèmes auxquels les collègues sont confrontés22. D'un point de vue du personnel d'encadrement, la polyvalence leur permet d'avoir la capacité de remplacer des salariés absents, sur une plus ou moins longue durée. Ils voient en la polyvalence, l'occasion d'offrir à leurs collaborateurs une montée en compétence.

Cependant, certains s'attachent à dire que la polyvalence n'est pas la réponse à tous problèmes. En effet, certains dires expliquent qu'auparavant la polyvalence n'était pas présente. Pourtant l'entreprise fonctionnait très bien. En ce sens, en s'appuyant sur ces propos, l'hypothèse relative à la polyvalence identifiée comme une « aide » peut donc être rejetée.

L'un des autres thèmes abordés est la mobilité professionnelle. Une mobilité verbalisée sous différents aspects. Elle peut être pour la majorité, répétée, interne, externe, volontaire ou subie. A travers l'expérience et la carrière vécue des professionnels, la mobilité est mise en avant en tant que lieu de mise en place de la polyvalence, en tant que contribution efficace pour développer la polyvalence. Si nous analysons les propos des employés du secteur du transport et de l'entrepôt, soit 70% de la population entretenue, les changements en interne (équipe) ou en externe (secteur : transport/ entrepôt) sont les moyens pour apprécier la polyvalence. Ces propos ont été repris par les managers de proximité. Lorsqu'ils sont soumis à un certain rendement, la polyvalence interne ou même externe est souvent la réponse pour pallier l'accroissement de l'activité. Cependant, cette vision n'est pas la même pour tous. Certains voient cette polyvalence comme une obligation à aller dans d'autres services, afin de pallier le manque de personnel par exemple23. Tous s'accordent à dire, que la répétitivité - notamment pour pallier les absences de personnel - peut être un frein à l'épanouissement

19 Annexe 3 : Analyse des entretiens

20 Annexe 4 : Les thèmes principaux dégagés lors des entretiens

21 Annexe 2 : Restitution des entretiens ; entretien 6

22 Annexe 2 : Restitution des entretiens ; entretien 6

23 Annexe 2 : Restitution des entretiens ; entretien 3

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professionnel et de ce fait à l'entretien de la polyvalence. Ils voient dans la répétitivité une sorte d'obligation et donc le résultat d'une action subie24.

Pour la majorité des employés interrogés, sans mobilité interne ou externe, la polyvalence n'évolue pas ou ne fait pas évoluer. En effet, leur principal souhait est d'évoluer, d'avoir l'opportunité de voir de nouveau métier, de changer leur quotidien. Cependant les responsables de services expliquent la difficulté, d'un point de vue organisationnel, d'offrir la possibilité de les faire permuter. En effet, une permutation, quel soit interne ou externe, engendre souvent des problématiques liées à l'organisation, à la formation et à l'intégration dans un nouveau service. Le temps passé à former le personnel à un nouveau métier engendre du temps et un impact financier. Le personnel au cours de sa formation n'est pas opérationnel. Cependant, cela leur permettrait de développer et/ou d'actualiser leurs connaissances et compétences sur de nouveaux domaines et ainsi de limiter la monotonie.

En exemple, au cours de l'année 2018, grâce à la réalisation d'une période de professionnalisation, deux préparateurs de commandes ont été formés au métier de chauffeur/livreur. Leur formation a duré 7 mois, au cours de laquelle nous avons dû recruter du personnel en contrat à durée déterminée pour pallier à ces deux absences. Ils seront désormais opérationnels fin mai. Cette expérience leur permettra de s'essayer à un nouveau domaine et ainsi de limiter le risque de l'épuisement professionnel et la monotonie. Cependant, deux anciens préparateurs de commandes, au cours de l'année 2017 avaient déjà tenté l'expérience. Pour les responsables, cette nouvelle polyvalence avait pour principal objectif de faire face à l'accroissement d'activité lors de la période estivale. Il y a peu, l'un de ces deux préparateurs formés a souhaité retourner à la préparation de commandes. Un échec a pu être constaté pour les responsables. Le retour d'expérience peu concluant provient d'une mauvaise intégration dans le service.

Le capital de connaissance acquis au cours de leurs formations (formation chauffeur/livreur par exemple) comprend aussi bien la partie théorique que la partie pratique. Mais selon eux, ils expriment qu'il est important d'aborder la notion de capacité25 (pouvoir faire, être capable de) pour pouvoir témoigner sur cette thématique.

Selon les professionnels, et notamment le personnel d'encadrement, soit 40% des personnes interrogées, la notion de compétence est un point primordial dans la mise en oeuvre de la polyvalence26. Précisons que nous ne parlons pas là d'expertise mais bien de compétence. La compétence est dans un sens une question de capacité. Patricia Benner (49) explique au travers du modèle de Dreyfus qui se décompose en cinq phases, dont le stade trois est celui de la personne compétente. Ce modèle, est à vrai dire, assez proche de la réalité de terrain et reprend les dires des professionnels. En effet, l'auteur explique ce stade en disant que « la personne compétente n'a pas encore la rapidité, ni la souplesse d'une personne performante, mais elle a le sentiment de maîtriser les choses et d'être capable de faire face aux situations imprévues le cas échéant. ». Pour les professionnels, la polyvalence doit être abordé avec des personnes ouvertes, humbles ayant une capacité d'écoute et une ouverture d'esprit. Pour une mise en place réussie, il faut avoir selon eu en face, des personnes

24 Annexe 2 : Restitution des entretiens ; entretien 8

25 Annexe 2 : Restitution des entretiens ; entretien 5

26 Annexe 2 : Restitution des entretiens ; entretien 5

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pluridisciplinaires. C'est à dire, des personnes dans une optique de monter en compétence, de découvrir autre chose, avec un certain intérêt pour les tâches proposées.

Il est important de faire comprendre aux potentiels candidats polyvalents d'oublier leurs postes et leurs statuts actuels. Il en va de même pour les responsables qui doivent également, malgré leurs niveaux hiérarchiques, pouvoir se mettre à la place des employés. La curiosité, l'envie d'apprendre et le goût du risque sont les principaux mots ressortis au cours des entretiens.

De ce fait, le rôle des managers d'encadrement va également être d'expliquer les différentes compétences à développer afin de recourir à la polyvalence. En ce sens, la seconde hypothèse posée relative à la compétence est retenue.

Dans ce cadre, les fiches de poste27 vont donc s'avérer très utiles. Ces fiches de postes permettront de décrire aux personnels les éléments fondamentaux de la situation professionnelle et des compétences à déployer. En exemple, un préparateur de commandes susceptible d'être polyvalent sur un poste de chauffeur/livreur, a avant sa formation la fiche de poste chauffeur/livreur. Cette fiche lui permet d'avoir déjà un avant-goût des compétences requises pour exercer l'emploi. Elle lui sert concrètement à connaître ses missions et activités, les moyens mis à sa disposition ainsi que sa place dans l'organigramme.

Cependant, pour les cadres interrogés, toute personne n'est pas apte à permuter de poste28. Une incapacité qui vient souvent d'un point de vue intellectuel. Ils expliquent que certains employés du fait par exemple de leurs études ou de leur ancienneté ne sont pas capables d'exercer un nouveau métier. C'est à ce moment-là, que le contexte de « choc de

générations » est abordé. En effet, l'entreprise Transgourmet a une pyramide des âges assez haute. Les salariés les plus âgées, du fait de leur expérience et de leur ancienneté, n'adhérent pas à la promotion de cette nouvelle notion encore peu développée. Acceptant difficilement le changement et habitués aux anciennes méthodes ils expriment des réticences quant au développement de la polyvalence. On peut alors peut-être se poser la question de la promotion ? En effet, une mauvaise communication sur la notion peut-être à l'origine de la non acceptation du changement.

Un des autres points énoncés au cours des entretiens est celui des difficultés rencontrées au cours de l'exercice ou de la mise en place de la polyvalence.

L'une des plus importantes est le cadre29. En effet, aucun cadre n'est défini autour de la polyvalence. Au sein de la convention collective de branche, dont relève Transgourmet, aucune règle de fonctionnement n'est clairement exprimée. Les dispositions relatives à la polyvalence présentées dans la partie théorique, nous indiquent que cette notion n'est pas clairement définie. Ce manque de cadrage officiel est donc un frein à l'exercice de la polyvalence tant dans sa mise en place que dans sa reconnaissance.

De plus, les managers de proximité s'accordent à dire que l'une des difficultés réside dans la notion d'accompagnement. En exemple, la formation n'est pas assez présente afin de mettre correctement en place la polyvalence30. Selon les définitions citées dans la première partie, un professionnel polyvalent est capable de travailler dans divers domaines si l'accompagnement

27 Annexe 6 : Apercu d'une fiche de poste d'un préparateur de commandes

28 Annexe 2 : Restitution des entretiens ; entretien 5

29 Annexe 2 : Restitution des entretiens ; entretien 7

30 Annexe 2 : Restitution des entretiens ; entretien 4

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et la gestion du changement de la part des managers sont maîtrisés. Comme déjà souligné dans la partie théorique relative à la courbe du changement. Pour soutenir ses collaborateurs lors des transformations, comme la mise en place de la polyvalence et gérer les résistances, les auteurs expliquent que le management de reconnaissance est primordial.

L'un des managers témoigne qu'il n'a jamais été formé sur les tâches sur lesquelles il est dorénavant polyvalent. Pour lui, la formation s'est faite grâce à son expérience acquise au cours des années. Certaines personnes expliquent que sans accompagnement et sans explications la polyvalence ne peut pas fonctionner. Or, chez les professionnels interrogés, le concept d'accompagnement est abordé seulement par celle du domaine du transport mais pas chez les autres.

Les résistances au changement qui peuvent s'opérer lors des transformations, comme celui de la mise en place de la polyvalence, sont d'autant plus fortes et elles peuvent provoquer, comme en témoigne un collaborateur, un sentiment de précarité et des zones d'incertitude. En effet, ce salarié explique que la polyvalence l'a bouleversé dans ses repères. Il avait auparavant réussi à tisser un réseau avec ses collègues de travail et ce changement de poste a tout modifié. Les remarques (bien que n'étant pas forcément négatives) de la part de ses nouveaux managers l'ont également bouleversé. Habitué à une certaine zone de confort, sa principale difficulté à été le renversement de ses repères de travail

Certains professionnels abordent également la reconnaissance tant monétaire que non monétaire (90% des personnes entretenues). En effet, une absence de management reconnaissant est à souligner selon eux.

Certaines personnes réclament une augmentation de leur rémunération par le biais de primes31, d'autres admettent un manque de reconnaissance sur le plan humain. Malgré une politique de promotion favorable à la polyvalence, ce thème n'est pas valorisé par un système de juste contribution/rétribution. Au contraire, par exemple les postes métiers sont mieux payés car ils nécessitent une formation de spécialiste. D'autre part, le système de promotion ne joue pas son rôle de développement. En effet, selon les professionnels, la polyvalence bloque l'évolution vers des postes d'un degré supérieur, par manque de postes vacants. On assiste donc à une démotivation pour beaucoup. Ils définissent la polyvalence actuelle comme passive et réactive. Ils ont une impression de subir les aléas, les fluctuations de la vie économique de l'entreprise. Ils en adaptent par conséquence leurs compétences.

Pour les employés, la polyvalence s'illustre à travers une reconnaissance pécuniaire. Car ils expliquent que sans la mise en place d'un cadre réglementé et récompensé, le risque serait une demande, au fur et à mesure, de plus en plus multipliée de la part de la hiérarchie. Ils privilégient, d'un point de vue de la reconnaissance, la partie monétaire. Les propos tenus appuis donc la quatrième hypothèse puisqu'ils soulignent la suscitation d'une récompense et d'une reconnaissance.

Selon les cadres, les managers de proximité ayant une expérience que ce soit en entrepôt ou au transport, ont beaucoup de connaissances mais sur un panel de domaines larges et non pas spécifiques et ciblés. Certains sont amenés à permuter de services en services. Du fait de leurs expériences, leur vision de la reconnaissance est influencée. En effet, à la différence des autres professionnels, nous retrouvons cette idée de reconnaissance mais uniquement dans un sens32. Ils ciblent un manque de reconnaissance de la part de la hiérarchie mais pour certains ils n'énoncent pas la partie pécuniaire. Ils expliquent que la polyvalence est une notion faisant partie intégrante de la vie économique actuelle et que de ce fait, elle n'a pas forcément lieu

31 Annexe 2 : Restitution des entretiens ; entretien 3

32 Annexe 2 : Restitution des entretiens ; entretien 1

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d'être. Offrant de nombreuses opportunités avec la possibilité d'instaurer la polyvalence pour leurs employés, certains s'accordent à dire que la partie pécuniaire est reléguée au second plan. Selon eux, la reconnaissance par le biais du management est, dans un sens, plus important pour l'épanouissement professionnel. En ce sens, la première hypothèse posée dans la deuxième partie peut être retenue. Ces deux visions divergentes sont sans doute liées aux métiers et aux niveaux hiérarchiques où les professionnels exercent.

Selon les professionnels, les managers n'ont pas l'habitude d'utiliser ces nouvelles méthodes de polyvalence. C'est une notion qui n'est pas intégrée dans la culture d'entreprise. En ce sens, afin de promouvoir ce nouveau dispositif Transgourmet doit remettre en cause tout son mode d'organisation. La troisième hypothèse est retenue.

L'un d'entre eux affirme que l'expérience d'une polyvalence non réussie transmet un message négatif. L'un d'entre eux témoigne que l'un de ses collègues a vécu une mauvaise expérience de la polyvalence. Le message d'une polyvalence non réussie véhicule chez ce dernier une position réticente quant à l'idée de permuter de poste.

La conciliation vie professionnelle et vie personnelle est un thème, également, abordé au cours des entretiens33. En effet, certains témoignent que l'exercice de la polyvalence peut parfois s'avérer contraignant. Concilier deux postes à la fois peut parfois être compliqué. En effet, dans une modalité spatiale, être affecté à plusieurs métiers ou services entraînent parfois des changements de conditions de travail, d'horaires. C'est en ça que réside certains obstacles. Certains professionnels témoignent que, malgré l'aspiration à vouloir permuter de postes, le changement des horaires de travail était parfois difficile. Ces changements de conditions de travail étaient parfois compliqués à concilier avec la vie personnelle.

Un autre point soulevé, au cours des entretiens avec les employés est celui de la compétitivité interne. Les responsables et notamment le responsable de l'entrepôt a mis en place des objectifs liés à la préparation de commandes ou au système de contrôle. Les rotations peuvent donc être parfois limitées vers d'autres postes ou tâches puisque chacun doit tenir ses objectifs de taux de commande parfaite ou taux de contrôle parfait.

Ces objectifs rendent difficile l'affectation de ce personnel sur un autre secteur d'activité. La polyvalence inter service est donc freinée par cette compétitivité interne.

Néanmoins, la polyvalence se développe en réaction à cette organisation rigide. Pour la direction, comme ce sont, dans le cas présent, les salariés mettent en oeuvre les modes de polyvalence ; en réaction au système centralisé. La polyvalence peut aller à l'encontre de l'entreprise et donc à terme être néfaste à la cohérence de l'organisation.

Enfin, les notions de collaboration et de coopération ont fortement été présentes au cours des entretiens, principalement au sein du service de l'entrepôt avec les préparateurs de commandes, les contrôleurs et les agents de manutentions interviewés. Tous les professionnels ont unanimement proposé le responsable de l'entrepôt ou les managers de

33 Annexe 2 : Restitution des entretiens ; entretien 2

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proximité des différents services comme ressources, pour pallier leurs difficultés lors des périodes de forte affluence. Certains n'ont pas hésité à appuyer sur le fait que la collaboration qu'elle soit horizontale (entre collègues) ou verticale (de la part de la hiérarchie) est importante pour l'exercice d'une polyvalence réussie.

Mais parallèlement à la collaboration avec l'ensemble de ces personnes énoncées, le personnel interrogé puise également beaucoup de renseignements auprès de ces derniers. Savoir qu'ils ne sont pas seuls et qu'ils peuvent avoir un soutien de la part de leur hiérarchie leur permettent de relativiser. Ils se servent de cette coopération pour progresser en en apprenant davantage. Cependant, cette collaboration ne peut s'exercer sans l'implication totale de la part de la hiérarchie.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King