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La société en commandite simple en droit OHADA


par Lamoussa YIMOU NASSANDJA
Université de Lomé, Togo - Master en Droit privé fondamental, Recherche 2021
  

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A. La complexité du régime fiscal de la commandite simple

La complexité du régime fiscal de la société en commandite simple s'explique par deux raisons. La première est inhérente à l'absence d'un droit fiscal au plan communautaire, ce qui a donné aux Etats la liberté quant au régime fiscal à appliquer aux associés de la SCS. En effet, pour ce qui est de l'absence de règles fiscales au plan communautaire, il faut dire que cela concerne toutes les sociétés commerciales. Ainsi, chaque Etat édicte son droit fiscal en fonction des besoins nationaux. Cet état de choses a engendré des disparités de régimes fiscaux pour les associés de la même catégorie de société selon que l'associé se retrouve dans tel ou tel pays de l'espace OHADA.

138 R. HOUIN et B. BOULOC, Les grands arrêts de la jurisprudence commerciale, Sirey, Paris, 2e éd., t. I, 1972, p. 226.

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La SCS n'est pas imposée en tant que telle, mais voit l'impôt139 frapper les associés eux-mêmes. Le principe en vigueur dans cette société est la transparence140. C'est une transposition quasiment complète du régime fiscal de la société en nom collectif. Le Code Général des Impôts (CGI) dispose à cet effet que « ...les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés ont opté pour le régime fiscal des personnes physiques, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société »141.

En effet, pour l'imposition des revenus, le commandité est soumis à un régime identique à celui des associés en nom. Chaque associé commandité est personnellement passible de l'impôt sur le revenu tel qu'il a été présenté par la disposition précédemment citée. Ils seront imposés selon des bénéfices réalisés, tels qu'ils sont définis par les règles fiscales qui fixent l'assiette de l'impôt142 sur le revenu143 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux144, sans qu'il soit nécessaire de déterminer s'ils ont été, ou non, distribués par la société et donc appréhendés par les bénéficiaires145. Si le commandité est gérant, sa situation serait encore plus complexe. Il en faudra rechercher si au titre de ce mandat social, il y cumule un contrat de travail proprement dit. Au cas échéant, son revenu serait soumis à l'impôt sur

139 G. Jèze, Cours de finances publiques, Paris, LGDJ, 1936, p. 38 ; L'impôt « une prestation pécuniaire, requise des particuliers par voie d'autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques » ; selon Olivier NEGRIN, « Une légende fiscale : la définition de l'impôt de Gaston Jèze », Revue de droit public, n° 1, 2008, p. 119-131, G. Jèze a également proposé la définition moderne suivante : « l'impôt est une prestation de valeur pécuniaire, exigée des individus d'après des règles fixes, en vue de couvrir des dépenses d'intérêt général et uniquement à raison du fait que les individus qui doivent les payer sont membres d'une communauté politique organisée ».

140 Le principe de la transparence fiscale suppose que chaque associé déclare sa part de bénéfices à laquelle il a vocation et paie l'impôt y afférant. Concernant l'imposition de ces bénéfices au niveau de ces associés, il n'y a pas lieu de distinguer selon que les bénéfices sont mis en réserve ou distribués. Les associés sont imposés même en l'absence de distribution de bénéfices. Cependant, lorsque les bénéfices seront ultérieurement distribués, la distribution sera totalement exonérée d'imposition.

141 Loi n°2018-024 du 20 novembre 2018 portant Code Général des Impôts du Togo, entrée en vigueur le 1er janvier 2019, modifiée par la loi de finance gestion 2020 adoptée le 18 décembre 2019 et par la loi de finance gestion 2021 adoptée le 18 décembre 2020, art. 9.

142 Encore appelée « l'assiette fiscale », l'assiette de l'impôt est constituée de la somme de l'ensemble des revenus devant servir de base pour le calcul d'un impôt ou d'une taxe. Le montant de l'impôt est obtenu en application du taux légal à cette somme.

143 Aux termes de l'article 12 du CGI, l'impôt sur le revenu est un prélèvement annuel dû à l'administration fiscale « à raison des bénéfices ou revenus de source togolaise ou étrangère que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ».

144 Les bénéfices industriels et commerciaux sont ceux issus de l'exercice d'une profession industrielle et commerciale par des personnes agissant pour leur propre compte et poursuivant un but lucratif ou d'opérations de caractère industriel et commercial conformément aux énumérations de l'article 31 et suivants du CGI.

145 CGI, art. 13.

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les revenus d'emplois146. C'est donc toute une série de complications et les exemples ne manqueraient pas.

Quant à la part des bénéfices revenant aux associés commanditaires, c'est un autre régime fiscal qui s'applique. La société en commandite simple perd, en quelque sorte, sa transparence pour entrer dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés. Si les bénéfices sont distribués aux commanditaires, ces derniers sont, à leur tour, imposés sur les revenus ainsi perçus, soit à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, s'il s'agit d'une personne physique, soit à l'impôt sur les sociétés, s'il s'agit d'une personne morale.147 Une telle solution n'est pas pleinement logique.

Qu'il s'agisse de l'imposition des bénéfices ordinaires d'exploitation ou de celle des profits exceptionnels réalisés par les associés de la SCS, les législations fiscales dans divers Etats membres de l'espace OHADA prennent totalement en compte la présence des deux catégories d'associés de la SCS148. La disparité dans l'imposition provoque une différence de revenus entre les associés de la SCS. En effet, sur la part de bénéfice revenant au commanditaire, par exemple, la société en commandite simple est passible de l'impôt sur les sociétés au taux de 27% prévu par le CGI149, et ceci dès la réalisation du bénéfice. Si cette part est ensuite distribuée, elle constitue pour le commanditaire un revenu passible, soit de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, si le commanditaire est une personne physique, soit de l'impôt sur les sociétés si le commanditaire est une personne morale.

Cette différence de régimes fiscaux n'est pas sans conséquence sur l'égalité des associés. En outre, à l'égard de l'administration publique, le régime juridique de la société en commandite simple engendre d'autres difficultés liées au statut social des associés.

B. Les difficultés liées au statut social du gérant

La société en commandite simple peut être dirigée par un ou plusieurs gérants. Il va se poser des difficultés relatives au régime social applicable au titre des cotisations sociales. Au plan

146 CGI, art. 17.

147 CGI, art. 41, al. 2.

148 L'exemple du CGI du Togo avec l'article 9 précité.

149 CGI, art. 113 al. 2.

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communautaire, il n'existe pas un droit communautaire de la sécurité sociale150. Il revient à chaque Etat de prévoir des règles prenant clairement en compte la situation des dirigeants de sociétés. Il s'agit donc d'une première difficulté qui ne doit pas être ignorée dans certains Etats membres de l'espace OHADA.

Dans la recherche du régime de protection pouvant correspondre à la situation du gérant de la SCS, quatre situations s'offrent à l'analyse. Le gérant peut être associé salarié au titre de son mandat social, il peut être un associé gérant sans rémunération. Le gérant peut être un tiers salarié au titre de son mandat social tout comme il peut ne pas être rémunéré aussi. A la lumière du Code de sécurité sociale du Togo par exemple, le régime social du gérant de la SCS ne sera pas stable et exigera de l'administration de protection sociale des vérifications tatillonnes avec des documents à l'appui, ce qui ne plait pas souvent aux entreprises.

D'abord, si le gérant est associé et rémunéré, il relèvera du régime social des travailleurs salariés à titre personnel151. Son employeur, personne morale, devra donc veiller à une retenue à la source de la part de cotisation au titre de la rémunération mensuelle. Or, dans toute société commerciale, le dirigeant représente l'employeur. Cela revient à dire que le commandité gérant rémunéré devra procéder à l'immatriculation152 de la personne morale qui l'emploie puis à sa propre immatriculation en tant personne physique153.

La deuxième situation est celle où le gérant est associé et non rémunéré. Dans ce cas, il est soumis au régime des travailleurs non-salariés. Il cotise sur la part des bénéfices qui lui reviennent. Le Code de sécurité sociale ne traite pas de l'obligation pour les associés de payer des cotisations sociales minimales même en l'absence de bénéfices. Il n'est donc pas question d'exiger une telle cotisation à partir du moment où il n'y a pas de bénéfices distribuables.

La troisième situation concerne celle où le gérant est non associé et rémunéré en qualité de salarié. Il bénéficie proprement du régime social des salariés à savoir les cotisations patronales devant être supportées par la société à hauteur de 17, 5% du salaire154 et la

150 La sécurité sociale est l'ensemble des régimes assurant la protection de l'ensemble de la population contre les différents risques sociaux : maladie, maternité, invalidité, vieillesse, etc., V. Lexique des termes juridiques, Dalloz, Paris, 27è éd. 2020.

151 Loi n° 2011-006 portant Code de sécurité sociale au Togo, art. 3.

152 Loi n° 2011-006 portant Code de sécurité sociale au Togo, art. 7.

153 CGI, art. 9.

154 Décret n° 2012-038/PR du 27 juin 2012 portant révision des taux de cotisation à la caisse nationale de sécurité sociale, art. 2.

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cotisation ouvrière à la branche des pensions devant être supportée par l'employé dont le taux est de 4% du salaire155.

La quatrième et dernière situation concerne le cas où le gérant n'est ni associé ni salarié. Il n'est pas tenu d'adhérer à un régime de sécurité sociale. Il peut cependant, s'il le désire, s'affilier à un régime d'assurance personnelle.

L'imprécision des régimes fiscal et social de la société en commandite se situe donc à la fois aux plan communautaire et national. Les Etats membres de l'OHADA prennent individuellement des lois fiscales et sociales qui répondent à leurs besoins. Cela crée une disparité que le législateur communautaire devrait corriger.

Tout ceci participe donc à la complexité de ces différents régimes. Encore, faut-il noter que l'imprécision n'épargne pas les dispositions relatives à la fin de la SCS.

SECTION II. LES INCONVÉNIENTS INHÉRENTS À LA FIN DE LA COMMANDITE SIMPLE

La société en commandite simple est soumise aux causes de dissolution communes à toutes les autres des sociétés commerciales. Ces causes ne pas toutes adaptées à la SCS. Elles influent directement sur l'existence de cette société (§ I) dont le sort est souvent incertain en cas de défaut de commandité (§ II).

§ I. LA FRAGILITÉ DE L'EXISTENCE DE LA COMMANDITE SIMPLE

Deux raisons expliqueraient la fragilité de l'existence de la SCS. Il s'agit de la multiplicité de ses facteurs de dissolution (A) et de la possibilité de transformer la SCS en d'autres formes sociales (B).

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