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La société en commandite simple en droit OHADA


par Lamoussa YIMOU NASSANDJA
Université de Lomé, Togo - Master en Droit privé fondamental, Recherche 2021
  

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Chapitre II.

L'INCOMPLÉTUDE DE LA LÉGISLATION PAR RENVOI DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE

Le régime juridique de la société en commandite simple est complété par les règles applicables à la société en nom collectif. Cette dernière, étant la société de personne de référence, a un régime compatible avec la SCS. Cela se justifie par la législation de la SCS par renvoi lors de la réforme de l'AUSCGIE en 2014. Le nouvel Acte uniforme prévoit que : « les dispositions relatives aux sociétés en nom collectif sont applicables aux sociétés en commandite simple, sous réserve des règles prévues au présent livre »111. Or, la présence du commanditaire dans la commandite simple rend inapplicables certaines dispositions de la SNC à la SCS. D'où l'incomplétude du régime juridique de la société en commandite simple malgré le renvoi expressément opérée en 2014.

En effet, les textes régissant le fonctionnement de la société en commandite simple ne sont pas précis au sujet de la désignation du tiers comme gérant dans ce type de société. Le principe de la défense d'immixtion souffre d'une incertitude. Sur la fin de cette société également, l'actuel AUSCGIE, à travers le renvoi trop général aux causes de dissolution communes à toutes les sociétés commerciales, prends peu en compte les réalités de la commandite simple.

Il faut donc entrevoir l'incomplétude de la commandite simple à deux niveaux. Elle se traduit par des insuffisances qui caractérisent les règles de fonctionnement (section I) et celles relatives à la fin de la société en commandite simple (section II).

SECTION I. LES INSUFFISANCES LIÉES AUX RÈGLES DE FONCTIONNEMENT DE LA

COMMANDITE SIMPLE

Lors de la révision de l'AUSCGIE en 2014, le législateur a fait un renvoi aux dispositions de la SNC pour combler le régime de la SCS112. Les insuffisances des règles de fonctionnement de cette société s'expliquent par le recours aux règles qui régissent la gestion de la SNC (§ I) et par l'imprécision du statut des membres devant l'administration publique (§ II)

111 AUSCGIE, art. 293-1.

112 AUSCGIE, art. préc.

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§ I. LE RECOURS IMPRÉCIS AUX RÈGLES DE GESTION DE LA SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF

Le statut du gérant non associé de la SCS manque de clarification (A) et, parallèlement, la défense d'immixtion serait un principe incertain dans cette forme de société (B).

A. Le manque de clarification du statut du gérant non associé

La gestion de la SCS est exclusivement confiée aux commerçants tout comme cela se fait dans la SNC. La nomination du ou des gérants de la SCS a été minutieusement réglementée par les rédacteurs de l'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales113. La loi dispose que « la société en commandite simple est gérée par tous les associés commandités, sauf clause contraire des statuts qui peuvent désigner un ou plusieurs gérants, parmi les commandités, ou en prévoir la désignation par un acte ultérieur, dans les mêmes conditions et avec les mêmes pouvoirs que dans une société en nom collectif »114. Cette disposition attribue bien expressément le pouvoir aux commandités sans clarifier si la SCS peut être gérée par des non associés.

Une idée préliminaire à évacuer porte sur la désignation des gérants associés. L'article précité comporte une imprudence législative qui aurait pu être évitée. Le seul moyen serait de prévoir, qu'en cas de pluralité de commandités. S'ils sont deux, le minoritaire devrait être gérant dans le silence des statuts. S'ils sont plus que deux commandités, leur nomination statutaire serait impérative ainsi que la répartition individuelle de leurs missions. Dans ce cas les associés ne peuvent garder silence lors la rédaction des statuts.

Au-delà de tout cela, la plus grande imprécision concerne la désignation du tiers comme gérant dans la SCS. Certes, concernant la SNC, le législateur a précisé que « les associés peuvent désigner un ou plusieurs gérants, associés ou non »115. Ce texte prévoit clairement la possibilité qu'un tiers soit gérant dans une SNC. Cependant, il n'en est pas expressément de même à la lecture de l'article 298 relatif à la nomination des gérants de la SCS. L'interrogation qui en découle est de savoir si les associés de la SCS peuvent également désigner un tiers comme gérant de leur société.

113 F. ANOUKAHA et al., op. cit., p. 354 n° 721.

114 AUSCGIE, art. 298.

115 AUSCGIE, art. 276, al. 1.

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Le seul renvoi aux règles de la SNC justifie-t-il l'invitation du tiers dans l'affaire des associés ? L'article 298, in fine, pose la solution. Ce texte dispose que la nomination du ou des gérants de la SCS se fait « dans les mêmes conditions et avec les mêmes pouvoirs que dans une société en nom collectif ». Il s'agit d'une simple reconnaissance implicite de la vocation du tiers à gérer la SCS tout comme dans la SNC. Ce qui n'est pas interdit par la loi est autorisé, admet-on communément. C'est l'interprétation d'ailleurs logique qui puisse être attribuée à cette disposition.

En effet, l'unique interprétation possible et logique est de reconnaitre qu'il s'agit d'une autorisation tacite du tiers à y être gérant. Dans la SCS, le risque de conflit d'intérêts est imminent du fait de la dualité des associés. Ainsi, la possibilité pour un tiers d'y conduire les affaires est donc pour les deux catégories d'associés une issue idéale. L'autorisation du tiers à y être gérant est la bonne interprétation dans la mesure où il peut arriver qu'au sein des commandités personne ne se porte candidat au poste de gérant. Par ailleurs, le silence législatif sur l'autorisation du tiers à gérer une SCS ne doit pas être interprétée comme valant interdiction. Au cas échéant, la conclusion serait aussi l'inapplicabilité des règles de la SNC à la SCS.

Pour éviter ce problème lié à l'admission du tiers pour gérer une SCS, le législateur français, pour sa part, n'a jamais réservé un article traitant du statut des gérants de la société en commandite simple dans sa législation116. Le renvoi aux dispositions de la société en nom collectif serait donc interprété comme étant général pour tout vide relatif à la SCS117. Sur cette question de la gérance, le législateur de l'OHADA a fait un détail qui serait inutile à cause du renvoi aux dispositions de la SNC118.

Toutefois, cette question du tiers-gérant dans la SCS doit être laissée à la décision des associés de cette société, puisque la société est aussi le fruit de la volonté des parties. En effet, les partisans de la thèse contractuelle de la société parmi lesquels on retrouve notamment

116 Aucune disposition de l'AUSCGIE ne traite avec détails les conditions de nomination, des pouvoirs et de la révocation du gérant de la SCS. Dans les articles L. 222-1 à L. 222-12 du Code de commerce français, il n'existe pas de texte traitant de la gérance de cette société.

117 Code de commerce français après la loi Macron, art. L. 222-2, préc. : « Les dispositions relatives aux sociétés en nom collectif sont applicables aux sociétés en commandite simple, sous réserve des règles prévues au présent chapitre ».

118 L'article 298 de l'AUSCGIE qui traite de la gérance de la SCS n'aurait presque plus sa raison dès lors que le législateur a renvoyé aux dispositions relatives à la SNC (293-1) et à la gérance de la SNC (298, in fine).

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MM. HAMEL, LAGARDE et JAUFFRET119, s'appuyaient sur les termes de l'article 1832 du Code civil qui définit effectivement, dans son alinéa 1er, la société comme un « contrat »120. Or, dans cette vision de la réalité, il est constant que les associés, responsables indéfiniment et solidairement, hésiteront le plus souvent à confier la gérance à un tiers, qui pourrait se sentir moins concerné par la gestion des affaires sociales que l'un d'eux121.

Lorsque la gestion d'une société commerciale devient l'affaire d'une catégorie d'associés, il n'est pas exclu que la société en devienne la chasse gardée des gérants ou associés commandités au détriment de ceux à l'encontre de qui la loi martèle une interdiction d'immixtion dans la gestion, un principe d'ailleurs révolu.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci