Chapitre II.
L'INCOMPLÉTUDE DE LA LÉGISLATION PAR RENVOI
DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE
Le régime juridique de la société en
commandite simple est complété par les règles applicables
à la société en nom collectif. Cette dernière,
étant la société de personne de référence, a
un régime compatible avec la SCS. Cela se justifie par la
législation de la SCS par renvoi lors de la réforme de l'AUSCGIE
en 2014. Le nouvel Acte uniforme prévoit que : « les
dispositions relatives aux sociétés en nom collectif sont
applicables aux sociétés en commandite simple, sous
réserve des règles prévues au présent livre
»111. Or, la présence du
commanditaire dans la commandite simple rend inapplicables certaines
dispositions de la SNC à la SCS. D'où l'incomplétude du
régime juridique de la société en commandite simple
malgré le renvoi expressément opérée en 2014.
En effet, les textes régissant le fonctionnement de la
société en commandite simple ne sont pas précis au sujet
de la désignation du tiers comme gérant dans ce type de
société. Le principe de la défense d'immixtion souffre
d'une incertitude. Sur la fin de cette société également,
l'actuel AUSCGIE, à travers le renvoi trop général aux
causes de dissolution communes à toutes les sociétés
commerciales, prends peu en compte les réalités de la commandite
simple.
Il faut donc entrevoir l'incomplétude de la commandite
simple à deux niveaux. Elle se traduit par des insuffisances qui
caractérisent les règles de fonctionnement (section
I) et celles relatives à la fin de la
société en commandite simple (section
II).
SECTION I. LES INSUFFISANCES LIÉES AUX
RÈGLES DE FONCTIONNEMENT DE LA
COMMANDITE SIMPLE
Lors de la révision de l'AUSCGIE en 2014, le
législateur a fait un renvoi aux dispositions de la SNC pour combler le
régime de la SCS112. Les insuffisances des
règles de fonctionnement de cette société s'expliquent par
le recours aux règles qui régissent la gestion de la SNC
(§ I) et par l'imprécision du statut des membres
devant l'administration publique (§ II)
111 AUSCGIE, art. 293-1.
112 AUSCGIE, art. préc.
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§ I. LE RECOURS IMPRÉCIS AUX RÈGLES DE GESTION
DE LA SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF
Le statut du gérant non associé de la SCS manque
de clarification (A) et, parallèlement, la
défense d'immixtion serait un principe incertain dans cette forme de
société (B).
A. Le manque de clarification du statut du gérant
non associé
La gestion de la SCS est exclusivement confiée aux
commerçants tout comme cela se fait dans la SNC. La nomination du ou des
gérants de la SCS a été minutieusement
réglementée par les rédacteurs de l'Acte Uniforme relatif
au droit des sociétés commerciales113. La loi dispose
que « la société en commandite simple est
gérée par tous les associés commandités, sauf
clause contraire des statuts qui peuvent désigner un ou plusieurs
gérants, parmi les commandités, ou en prévoir la
désignation par un acte ultérieur, dans les mêmes
conditions et avec les mêmes pouvoirs que dans une société
en nom collectif »114. Cette disposition
attribue bien expressément le pouvoir aux commandités sans
clarifier si la SCS peut être gérée par des non
associés.
Une idée préliminaire à évacuer
porte sur la désignation des gérants associés. L'article
précité comporte une imprudence législative qui aurait pu
être évitée. Le seul moyen serait de prévoir, qu'en
cas de pluralité de commandités. S'ils sont deux, le minoritaire
devrait être gérant dans le silence des statuts. S'ils sont plus
que deux commandités, leur nomination statutaire serait
impérative ainsi que la répartition individuelle de leurs
missions. Dans ce cas les associés ne peuvent garder silence lors la
rédaction des statuts.
Au-delà de tout cela, la plus grande imprécision
concerne la désignation du tiers comme gérant dans la SCS.
Certes, concernant la SNC, le législateur a précisé que
« les associés peuvent désigner un ou plusieurs
gérants, associés ou non
»115. Ce texte prévoit clairement
la possibilité qu'un tiers soit gérant dans une SNC. Cependant,
il n'en est pas expressément de même à la lecture de
l'article 298 relatif à la nomination des gérants de la SCS.
L'interrogation qui en découle est de savoir si les associés de
la SCS peuvent également désigner un tiers comme gérant de
leur société.
113 F. ANOUKAHA et al., op.
cit., p. 354 n° 721.
114 AUSCGIE, art. 298.
115 AUSCGIE, art. 276, al. 1.
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Le seul renvoi aux règles de la SNC justifie-t-il
l'invitation du tiers dans l'affaire des associés ? L'article 298,
in fine, pose la solution. Ce texte dispose que la nomination du ou
des gérants de la SCS se fait « dans les mêmes conditions
et avec les mêmes pouvoirs que dans une société en nom
collectif ». Il s'agit d'une simple reconnaissance implicite de la
vocation du tiers à gérer la SCS tout comme dans la SNC. Ce qui
n'est pas interdit par la loi est autorisé, admet-on communément.
C'est l'interprétation d'ailleurs logique qui puisse être
attribuée à cette disposition.
En effet, l'unique interprétation possible et logique
est de reconnaitre qu'il s'agit d'une autorisation tacite du tiers à y
être gérant. Dans la SCS, le risque de conflit
d'intérêts est imminent du fait de la dualité des
associés. Ainsi, la possibilité pour un tiers d'y conduire les
affaires est donc pour les deux catégories d'associés une issue
idéale. L'autorisation du tiers à y être gérant est
la bonne interprétation dans la mesure où il peut arriver qu'au
sein des commandités personne ne se porte candidat au poste de
gérant. Par ailleurs, le silence législatif sur l'autorisation du
tiers à gérer une SCS ne doit pas être
interprétée comme valant interdiction. Au cas
échéant, la conclusion serait aussi l'inapplicabilité des
règles de la SNC à la SCS.
Pour éviter ce problème lié à
l'admission du tiers pour gérer une SCS, le législateur
français, pour sa part, n'a jamais réservé un article
traitant du statut des gérants de la société en commandite
simple dans sa législation116. Le renvoi aux
dispositions de la société en nom collectif serait donc
interprété comme étant général pour tout
vide relatif à la SCS117. Sur cette question
de la gérance, le législateur de l'OHADA a fait un détail
qui serait inutile à cause du renvoi aux dispositions de la
SNC118.
Toutefois, cette question du tiers-gérant dans la SCS
doit être laissée à la décision des associés
de cette société, puisque la société est aussi le
fruit de la volonté des parties. En effet, les partisans de la
thèse contractuelle de la société parmi lesquels on
retrouve notamment
116 Aucune disposition de l'AUSCGIE ne traite
avec détails les conditions de nomination, des pouvoirs et de la
révocation du gérant de la SCS. Dans les articles L. 222-1
à L. 222-12 du Code de commerce français, il n'existe pas de
texte traitant de la gérance de cette société.
117 Code de commerce français
après la loi Macron, art. L. 222-2, préc. : « Les
dispositions relatives aux sociétés en nom collectif sont
applicables aux sociétés en commandite simple, sous
réserve des règles prévues au présent chapitre
».
118 L'article 298 de l'AUSCGIE qui traite de
la gérance de la SCS n'aurait presque plus sa raison dès lors que
le législateur a renvoyé aux dispositions relatives à la
SNC (293-1) et à la gérance de la SNC (298, in fine).
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MM. HAMEL, LAGARDE et JAUFFRET119,
s'appuyaient sur les termes de l'article 1832 du Code civil qui définit
effectivement, dans son alinéa 1er, la société
comme un « contrat »120. Or, dans cette
vision de la réalité, il est constant que les associés,
responsables indéfiniment et solidairement, hésiteront le plus
souvent à confier la gérance à un tiers, qui pourrait se
sentir moins concerné par la gestion des affaires sociales que l'un
d'eux121.
Lorsque la gestion d'une société commerciale
devient l'affaire d'une catégorie d'associés, il n'est pas exclu
que la société en devienne la chasse gardée des
gérants ou associés commandités au détriment de
ceux à l'encontre de qui la loi martèle une interdiction
d'immixtion dans la gestion, un principe d'ailleurs révolu.
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