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La société en commandite simple en droit OHADA


par Lamoussa YIMOU NASSANDJA
Université de Lomé, Togo - Master en Droit privé fondamental, Recherche 2021
  

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A. L'injustice légitime entre vifs contre le commanditaire

L'injustice dont est victime le commanditaire ou l'ensemble des commanditaires pendant la vie sociale, quoique normale, s'apprécie par rapport à la défense d'immixtion dans la gestion externe et aux décisions collectives.

94 C. com. français, Dalloz, 2019, art. L. 222-7 : « Les associés commanditaires ont le droit, deux fois par ans, d'obtenir communication des livres et documents sociaux et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale, auxquelles il doit être répondu par écrit ».

95 J. MESTRE et C. BLANCHARD-SEBASTIEN, Sociétés commerciales, Lamy, Paris, 1997, n°2771 et ss.

96 Ici le manque de spécialisation est le fait pour le législateur de ne pas avoir prévu des règles spécifiques tenant compte des situations possibles qui peuvent se présenter.

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En ce qui concerne la défense d'immixtion, ce principe injuste97 est clairement posé par l'article 299 et suivant de l'AUSCGIE : « L'associé ou les associés commanditaires ne peuvent faire aucun acte de gestion externe, même en vertu d'une procuration »98. Des sanctions variables sont même prévues pour dissuader les commanditaires. L'article 300 dispose qu'« en cas de contravention à la prohibition mentionnée à l'article précédent, l'associé ou les associés commanditaires sont obligés indéfiniment et solidairement avec les associés commandités pour les dettes et engagement de la société qui dérivent des actes de gestion qu'ils ont faits ». Le second alinéa de cet article ajoute : « suivant le nombre et la gravité de ces actes, ils peuvent être obligés pour les engagements de la société ou pour quelques-uns seulement ».

Le principe de non immixtion dans la gestion de la société a pour conséquence l'interdiction des délégations de pouvoirs99 qui permettraient au commanditaire d'exercer le pouvoir général de décision dans une société100. Que reste-t-il au commanditaire ? La doctrine en a longuement discuté101. Ce qui reste au commanditaire c'est la gestion « interne ». Elle ne recouvre, pour l'essentiel, que le contrôle des actes pris par le gérant, les avis et conseils102 à condition de ne pas abuser de ce droit de suggestion ; ce serait le cas si les recommandations prenaient la forme d'ordres qui, en se renouvelant, engendreraient la mésentente entre les associés103.

Quant à la discrimination relative aux décisions collectives, elle s'apprécierait à un double degré. Les décisions collectives sont celles qui portent sur un objet dépassant les pouvoirs du gérant. Celui-ci est appelé, suivant l'urgence, à convoquer les associés pour la prise de la décision dont il s'agit. Mais la réunion peut également avoir lieu sur demande des associés eux-mêmes. Dans la SCS, ce droit qui revient aux associés de faire convoquer l'assemblée générale n'est pas reconnu équitablement à toutes les catégories d'associés. En effet, le

97 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et H. SERBAT, op. cit., p. 104, n°135.

98 AUSCGIE, art. 299 et ss.

99 Selon le Lexique des termes juridiques, Dalloz, Paris, 27è éd. 2020, « la délégation de pouvoir est le mode d'exonération de la responsabilité pénale, par lequel le chef d'entreprise apporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à un préposé investi par lui pour veiller à la bonne observation des dispositions en vigueur, avec pour effet de transférer sa responsabilité au délégataire ».

100 J.-R. NZE NDONG DIT MBELE, Le dirigeant de fait en droit privé français, thèse de doctorat, Université Nancy 2, juillet, 2008, p. 89.

101 V. D. BASTIAN et P. BOURNAT, « Société en commandite simple », J.-Cl. Sociétés, Traité, Fasc. 63, n° 13, J. DEMOGUE, « Du droit de contrôle des commanditaires dans la commandite simple », Ann. de dr. Commercial, 1901, p. 121 ss. ; F. DERRIDA, « Société en commandite simple », Rép. Dalloz, Sociétés, n° 118.

102 AUSCGIE, art. 301.

103 CA Dijon, 18 septembre 1941.

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législateur de l'AUSCGIE a expressément toléré une discrimination des commanditaires lors des assemblées générales.

La loi énonce que « ... la réunion d'une assemblée de tous les associés est de droit si elle est demandée soit par un associé commandité, soit par le quart en nombre et en capital des associés commanditaires »104. Une telle disposition est répulsive au regard de l'appréciation des opérateurs économiques. La vie d'une société commerciale reflète parfaitement la vie des hommes en société. Chacun voudrait détenir le pouvoir. Or, le texte précédemment cité attribue, même à un seul commandité, le pouvoir de faire convoquer l'assemblée générale, privilège que plusieurs commanditaires ne pourraient en jouir s'ils ne réunissent le quart en nombre et en capital des associés de leur catégorie. Il s'agit d'une situation inconfortable qui n'assure pas aux commanditaires la considération dont mérite tout associé véritable.

Cette discrimination légale vis-à-vis des commanditaires s'accentue lors des opérations de modification des statuts. Le législateur OHADA ainsi que le législateur français105 exigent la majorité en nombre et en capital des associés commanditaires et l'unanimité des associés commandités pour qu'une décision de révision des statuts puisse passer. En prévoyant que « les modifications des statuts sont décidées avec le consentement de tous les associés commandités et la majorité en nombre et en capital des associés commanditaires », sans aucune possibilité pour les associés d'aménager les conditions de modification des statuts selon leur gré106, le législateur OHADA s'est immiscé a priori dans l'affaire des parties aux contrats de société. Il aurait été préférable de laisser aux associés eux-mêmes de prévoir conventionnellement les conditions de convocation des assemblées et de modification des statuts. Dès lors qu'il s'agit d'une modification statutaire, il devrait être reconnu aux associés la liberté d'en fixer les modalités.

La discrimination des associés commanditaires va au-delà de leur considération lors de la tenue de l'assemblée générale. Elle existe même au décès du commanditaire.

B. La non incidence du décès du commanditaire sur la vie sociétaire

Naturellement, le décès d'une personne provoque un profond deuil pour ses proches. C'est un événement qui ralentit le train de vie de la famille et change le statut des personnes même

104 AUSCGIE, Art. 302, al. 3.

105 AUSCGIE, Art. 305, al. 1 ; C. com. français, 111ème éd. Dalloz, 2016, Art. L. 222-9 al. 2.

106 AUSCGIE, Art. 305, al. 2.

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survivantes107. Le décès entraîne la caducité d'un acte juridique108. Paradoxalement, au sein d'une SCS, le décès d'un commanditaire est sans incidence. Sa mort n'influence aucunement l'existence ou la continuité de la société.

Le législateur aurait expressément affirmé la non importance du décès d'un commanditaire, lorsqu'il dispose que « la société continue malgré le décès d'un associé commanditaire. S'il est stipulé que malgré le décès de l'un des associés commandités, la société continue avec ses héritiers, ceux-ci deviennent associés commanditaires lorsqu'ils sont mineurs non émancipés. Si l'associé décédé était seul associé commandité et si ses héritiers sont alors mineurs non émancipés, il doit être procédé à son remplacement par un nouvel associé commandité ou à la transformation de la société dans un délai d'un (1) an à compter du décès. A défaut, la société est dissoute de plein droit à l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent »109.

En effet, les pratiques ayant abouti à la naissance de la SCS au Moyen Age110 laissent voir tout l'honneur qui était dévoué au commanditaire. Les commanditaires étaient habituellement des personnes issues de la noblesse, donc des riches, mais à qui la loi interdisait de faire le commerce. Cela démontre alors le caractère indispensable du commanditaire pour qu'il y'ait société en commandite simple. Par ailleurs, c'est grâce à la présence du commanditaire qu'une société est dite en commandite. Sans le commanditaire, il n'y aurait qu'une société en nom collectif. Les commandités ne sont donc que des associés chargés d'exécuter la volonté des premiers, des mandataires sociaux, entendus aussi par-là, les mandataires des commanditaires.

En outre, la faible considération des effets du décès du commanditaire peut être atténuée à deux niveaux. D'une part, il suffirait de prévoir expressément qu'en cas de pluralité de commandités et de commanditaires, le décès d'un seul associé, qu'il soit de l'une ou de l'autre catégorie, ne peut entraîner la dissolution de la société. D'autre part, il serait plus juste de prévoir également que si l'associé décédé était seul associé commanditaire et si ses héritiers sont alors mineurs non émancipés, il doit être procédé à son remplacement par un nouvel associé commandité ou à la transformation de la société dans un délai d'un an à compter du décès. A défaut, la société est dissoute de plein droit dans les mêmes conditions que celles prévues au sujet du décès du seul associé commandité. C'est ainsi que l'associé commanditaire pourrait véritablement bénéficier d'une considération proche de de celle dont

107 La femme mariée devient veuve par le décès de son époux.

108 L'offre de contracter devient caduque au décès de l'offrant.

109 AUSCGIE, Art. 308.

110 V. Supra., p. 5.

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bénéficie le commandité. Ce renouveau ne changerait aucunement la forme sociale de la commandite simple.

Certes, l'égalité parfaite ne peut exister entre les associés de la société en commandite simple. Toutefois, il faut reconnaitre que l'écart d'inégalité institué par le législateur entre le commanditaire et le commandité est un inconvénient qui participe au dédain que suscite la société en commandite simple dans l'espace OHADA. Il n'y a pas que l'inégalité. Au-delà de cette analyse, la législation par délégation ou par renvoi de ladite société est de près un autre facteur répulsif qu'il ne faut pas ignorer.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault