CONCLUSION GÉNÉRALE
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En somme, la réflexion menée sur la
société en commandite simple en droit OHADA permet de dresser un
constat qui appelle à un renouveau du régime juridique de cette
forme sociétaire.
Au titre du constat, le régime juridique de la
société en commandite simple comporte des défauts qui
justifient son inapplication dans l'espace OHADA. Cette société
prône plusieurs situations d'inégalité qui favorisent
souvent l'une ou l'autre catégorie d'associé. Le commanditaire y
a moins de droits politiques, alors qu'il est habituellement le meilleur
financier de l'activité. Le commandité, qu'il soit gérant
ou pas, court le risque d'être poursuivi solidairement et infiniment
pendant que le commanditaire est paisible.
Dans la recherche des raisons qui expliquent la faible
adhésion des opérateurs économiques à la pratique
de la société en commandite simple dans l'espace OHADA, il est
important la préférence que nourrit tout opérateur pour
les sociétés à risque limité. Par ailleurs,
l'intuitus personae, la règle d'or des sociétés
de personnes, ne devrait pas s'appliquer au commanditaire de la commandite
simple. Ce dernier est plus un actionnaire qu'un associé d'une
société de personnes.
Par ailleurs, la constitution de toute société
commerciale exige des frais de création. Au Togo, par exemple, les frais
de création d'une SARL s'élèvent à 28 250 F CFA.
Or, la loi n'a pas fixé de capital social minimum en ce qui concerne la
commandite simple. Cela implique qu'un fondateur qui opte pour cette forme
sociale, avec un capital social de 10 000 F CFA par exemple, devra payer
presque le triple du capital comme frais de constitution au CFE. Une telle
situation paraît ironique, voire absurde. Mais elle n'est pas moins
importance pour qui connait le train de vie des populations
concernées.
Néanmoins, la société en commandite
simple ne comporte pas que des inconvénients. Son régime
juridique offre plusieurs atouts. La responsabilité solidaire et
indéfinie des associés commandités est un gage de
confiance pour les créanciers sociaux. Cela stimule chez les
commandités gérants le sens de la bonne gestion sociale. Par
ailleurs, le législateur OHADA s'est démarqué du
législateur français en attribuant aux associés
commanditaires et commandités non gérants les mêmes droits
de contrôle de la gestion.
Cependant, le régime juridique de la
société en commandite simple nécessite une réforme
en droit OHADA. Au titre des règles à assouplir, il faut retenir
que la défense d'immixtion du commanditaire dans la gestion externe de
la société est un principe discriminatoire qui devient de moins
en moins rigide. Il est nécessaire de reconnaitre aux commanditaires le
droit de gérer la société en période de crise de
commandité, d'autant plus que le législateur n'a pas prévu
le sort de la gestion pendant le délai annuel imparti pour le
remplacement de l'unique
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commandité décédé. Le principe de
la dissolution automatique de la société en commandite simple
doit être assoupli au profit des associés voire inverser.
L'automaticité de la dissolution de cette
société pour défaut de commandité, en l'absence
d'une clause de continuation, est un inconvénient majeur. S'il faut
dissoudre la commandite chaque fois qu'il y aura un défaut de
commandité, juste parce que la loi l'a prévue ainsi, sans prendre
en compte la volonté des associés survivant de poursuivre
l'activité sociale, il y'a lieu de se soucier. Avec l'atmosphère
qui est de plus de plus en hostile à la vie humaine du fait des crises
sanitaires ou des accidents morbides, qu'adviendrait-il si une
épidémie comme la Covid19 emportait des milliers de
commandités appartenant à différentes
sociétés en commandite simple et dont les rédacteurs des
statuts n'avaient pas pris soin d'y prévoir des clauses de continuation
?
Eu égard à l'importance des
sociétés commerciales dans la vie économique des Etats,
leur disparition de la sphère des affaires ne devrait plus être la
conséquence d'un décès ou du défaut d'une
catégorie d'associé, même en l'absence d'une clause
statutaire de continuation. Il n'appartient pas au législateur
communautaire d'interdire aux associés de poursuivre la gestion sociale
pour cause de décès d'un coassocié, que ce dernier
fût commandité ou commanditaire. Il convient donc
d'accroître les pouvoirs du juge national dans l'appréciation de
la nécessité de dissolution ou du maintien de la
société en l'absence d'une clause de continuation.
Le juge devrait donc prendre en compte la stabilité
financière actuelle et future de la société au
décès du commandité et surtout la volonté de la
majorité des associés survivants de continuer la vie sociale
nonobstant le défaut d'une clause de continuation. Ceci étant, le
législateur devrait donc ôter cet obstacle en inversant simplement
les données de l'article 308 de l'AUSCGIE en ce qui concerne la
dissolution automatique pour défaut de commandité. Le principe
devrait être désormais la continuation avec les héritiers
ou, à défaut, avec un tiers remplaçant, l'exception
étant la dissolution.
Pour une réussite de la pratique de la commandite
simple dans l'espace OHADA, les notaires ne doivent plus être les seuls
compétents pour la rédaction des statuts de cette forme sociale.
Le législateur OHADA devrait recommander les instances nationales de
libéraliser complètement les formalités de constitution
des sociétés avec la possibilité de déposer des
statuts sous seing privé lors de la constitution de la SCS.
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