La société en commandite simple en droit OHADApar Lamoussa YIMOU NASSANDJA Université de Lomé, Togo - Master en Droit privé fondamental, Recherche 2021 |
A. Un outil de coopération par la coentrepriseLe régime juridique de la SCS, tel que conçu par le législateur OHADA, est favorable à la collaboration entre les sociétés commerciales nationales et étrangères. La société en commandite simple favoriserait mieux la réussite de la coentreprise ou le joint-venture. C'est un mécanisme de coopération commerciale des entreprises au plan international. Comment appréhender cette opération à laquelle la société en commandite simple est prédisposée ? La coentreprise, également appelée l'entreprise commune, l'entreprise en participation ou Joint- 286 AUSCGIE, art. 302, al. 1er. 287 Les sociétés de capitaux présentent des inconvénients tels que la violation des droits des minoritaires, le manque de flexibilité pour l'émission d'actions sans droit de vote, la révocabilité ad nutum des administrateurs, les limitations en termes de restrictions de transferts des actions, de rachats d'actions, de distributions de dividendes. Au niveau des SARL, l'interdiction d'émettre des parts sociales sans droit de vote, la double majorité pour les décisions de modifications des statuts, etc. sont les inconvénients souvent déplorés. 73 Venture, en anglais, « consiste en un contrat de collaboration entre deux ou plusieurs entreprises dans le but de mettre en commun une stratégie. Son objectif est généralement la conquête d'un nouveau marché ou d'un nouveau pays grâce à la complémentarité des entreprises membres de la Joint-Venture. La fiscalité de la coentreprise dépend de sa forme juridique. L'avantage de la Joint-venture est la complémentarité des entreprises »288. En droit québécois, la coentreprise n'est pas toujours une société en participation. Mais, elle pourrait en être une si les trois critères de l'article 2186 du Code civil du Québec sont remplis289. Ainsi, elle peut se présenter sous la forme d'une société en commandite simple ou comme un contrat290 sui generis291. Pour M. G. JEAN-BAPTISTE, « la distinction qui existait entre société civile et société commerciale a disparu, de même que le caractère obligatoirement commercial des sociétés en nom collectif et des sociétés en commandite »292. Les opérations de coentreprises ont souvent une durée de vie limitée. Leur existence tient au rôle bien précis qui leur a été assigné, souvent pour une alliance entre les entreprises qui les ont créées. Elles sont très utilisées dans les industries pétrolières. L'illustration des sociétés existant en Côte d'Ivoire sous la forme de sociétés en commandite simple en témoigne suffisamment293. En se regroupant, ces entreprises commanditaires et commandités mettent en commun leurs connaissances, leurs technologies ou leurs ressources pour ainsi atteindre des objectifs qu'elles ne pourraient avoir, ou difficilement si elles étaient 288 L-Expert-Comptable, « La Joint-Venture ou coentreprise », mis à jour le 23/04/21 disponible sur https://www.l-expert-comptable.com/a/534346-la-joint-venture-ou-coentreprise.html, consulté le 26 mai 2021, à 20h 45'. 289 L'article 1286 du Code civil du Québec, tout comme l'article 4 de l'AUSCGIE, pose trois conditions spécifiques d'existence d'une société. Il s'agit de l'apport, l'intention de s'associer et le partage des bénéfices. 290 G. JEAN-BAPTISTE, Les sociétés de personnes et la problématique de l'intuitus personae, en France et au Québec, Mémoire, Université de
Montréal, 2005, p. 23, disponible sur 291 La locution latine sui generis, désigne une situation juridique dont la nature singulière empêche de la classer dans une catégorie déjà connue. 292 G. JEAN-BAPTISTE, op. cit., note n° 69. 293 En Côte d'Ivoire, il existe plusieurs sociétés en commandite simple qui ont réussi à impacter l'économie nationale, la consultation du site d'annonces légales
Business.Abidjan.net, sur 74 seules. Cela peut également être un moyen pour une entreprise de stopper progressivement une de ses activités. Une joint-venture permet, par ailleurs, à l'investisseur d'accéder à un marché national relativement fermé. En effet, la création de co-entreprises internationales est fonction de la législation en vigueur dans les pays d'accueil. Elle peut être un passage souhaité pour accélérer son implantation locale, ou un point de passage obligé si la législation locale n'offre pas d'autres solutions de s'implanter aux industriels étrangers. C'est par exemple le cas en Chine, où les joint-ventures associent souvent pour moitié une entreprise étrangère et une entreprise pouvant être proche des autorités locales, surtout s'il s'agit d'une entreprise d'Etat294. En effet, la Chine permet à des sociétés étrangères, à des entreprises, à d'autres organisations économiques ou à des individus de s'associer avec des sociétés, d'accéder à certains secteurs et industries en Chine, de profiter de l'expérience et de la connaissance du marché du partenaire chinois pour faciliter l'intégration culturelle de l'entreprise295. Or, la politique du législateur OHADA est de favoriser l'investissement des étrangers dans l'économie des Etats membres de cette organisation. Ceux-ci en ont très vite compris l'enjeu économique en prévoyant des réglementations favorables aux investisseurs de tous bords, la teneur des dispositions du Code togolais des investissements illustre bien cette orientation296. D'où l'intérêt de la société en commandite simple, d'autant plus qu'elle est l'une des formes sociales qui présentent moins de risque pour les investisseurs. L'implantation effective de la société en commandite simple dans l'espace OHADA devra passer par cette opération de collaboration qu'est la coentreprise ou le joint-venture. Les quelques rares sociétés en commandite simple qui existent dans certains Etats de l'espace OHADA comme l'exemple en Côte d'Ivoire297. Le succès économique que connaissent ces 294 INS Global Consulting, « En Chine, trouver le bon partenaire peut vous permettre de réussir dans les affaires ! », disponible sur https://ins-globalconsulting.com/fr/joint-venture-chine/., consulté le 22 mai 2021, à 22h05'. 295 INS Global Consulting, « En Chine, trouver le bon partenaire peut vous permettre de réussir dans les affaires ! », disponible sur https://ins-globalconsulting.com/fr/joint-venture-chine/., consulté le 22 mai 2021, à 22h05'. 296 V. Loi n° 2012-001 du 20 janvier 2012 portant Code des investissements en République togolaise. La lecture de chacune des dispositions de ce texte permet de percevoir l'ouverture du législateur togolais aux investisseurs. 297 Ces Etats connus sont en premier la Côte d'Ivoire et le Sénégal en second lieu. En Côte d'Ivoire, il existe des sociétés en commandite simple tel qu'il est précisé précédemment, V. supra. p. 74. 75 sociétés en commandite simple au plan continental est indéniable, du moins, pour ce qui concerne leur secteur d'activité298. B. Un moyen de participation dans diverses sociétés L'investisseur-commanditaire n'est lié à la société que par son apport. Vu qu'il ne peut pas y faire un apport en industrie, en raison de l'interdiction légale, celui-ci se trouvera libre de participer à la vie d'autres sociétés commerciales. C'est un avantage qui est plus attaché à la qualité d'associé commanditaire qu'à toute autre catégorie d'associés des sociétés commerciales. En effet, le commanditaire, n'étant pas invité dans la gestion, il serait difficile de pouvoir contrôler ses activités à l'extérieur de la société, activités qu'aucune disposition n'interdit. Tout investisseur est attiré par une telle liberté morale qui constitue le soubassement de son indépendance économique. Par ailleurs, il a été démontré que le commanditaire ne peut être tenu par une clause de non concurrence vis-à-vis de la société299, comparé à l'associé commandité contre qui l'interdiction de non-concurrence est légalement envisagée et susceptible d'être aggravée par les statuts et un contrat de travail300. Seul le commanditaire peut être totalement affranchi de toutes contraintes ou d'interdiction possible. Il pourra donc investir dans plusieurs autres sociétés commerciales en vue d'augmenter ses revenus. Il pourra même investir dans des sociétés exerçant dans le même secteur d'activité et même. Ainsi, un fonctionnaire d'Etat, il est vrai, ne peut pas être associé d'une société commerciale en qualité de commerçant. La loi le lui interdisant formellement301. Toutefois, ce dernier voulant vraiment capitaliser son salaire peut choisir de faire partie de plusieurs sociétés dans lesquelles, il pourra librement être, soit commanditaire, soit actionnaire. Les règles de la SCS favorisent l'efficacité de sa gestion avec l'avantage pour les associés non seulement de mieux conserver le patrimoine mais de pouvoir le transmettre également à leurs héritiers. Tant l'entrepreneur que l'investisseur bénéficient des intérêts économiques du 298 Toujours en Côte d'Ivoire, c'est le cas de CNR International West Africa SCS spécialisée dans l'exploitation la production et le développement du pétrole et du gaz naturel en Afrique. 299 V. supra. p. 16 s. 300 Pour la définition du contrat de travail, V. loi n° 2021-012 du 18 juin 2021, portant Code du travail au Togo, art. 36 : « le contrat de travail est un accord de volonté par lequel une personne physique, dénommée (...) ». 301 AUDCG, art. 9 ; Sur les incompatibilités, Voir également SANTOS (P. A.), (dir.) et al., OHADA, Droit commercial général, op. cit., p. 65. régime juridique de cette société. Elle favorise mieux la collaboration et offre à l'investisseur des facilités comme la possibilité de devenir associés au côté des commerçants, ce qui lui permet de mieux contrôler la gestion qui est faite des fonds investis. La commandite simple est donc pour ce dernier un véritable instrument d'investissement à haut risque, comme l'a reconnu l'équipe ayant étudié, en France, les sociétés en commandite et rendu un rapport au CREDA en 1983302. Le travail richement fourni par cette équipe dirigée par Alain VIANDIER, est la référence parfaite en ce qu'il présente la société en commandite simple avec tous les aspects économiques qu'elle représente pour les investisseurs. 302 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et H. SERBAT, op. cit., p. 222, n° 288. 76 77 |
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