La société en commandite simple en droit OHADApar Lamoussa YIMOU NASSANDJA Université de Lomé, Togo - Master en Droit privé fondamental, Recherche 2021 |
A. La transition patrimoniale entre les générationsL'autre utilité économique qu'offre le régime juridique de la société en commandite simple est la facilité de transmission du patrimoine sociale entre les générations262. Cette qualité vient des dispositions relatives à la société en commandite simple elle-même. En effet, le législateur prévoit la possibilité pour les associés de la commandite simple de transmettre le patrimoine social à leur progéniture pour cause de mort. Il dispose que « la société continue malgré le décès d'un associé commanditaire. S'il est stipulé que malgré le décès de l'un des associés commandités, la société continue avec ses héritiers, ceux-ci deviennent associés commanditaires lorsqu'ils sont mineurs non émancipés »263. Il ajoute à la suite de cette disposition que « si l'associé décédé était seul associé commandité et si ses héritiers sont alors mineurs non émancipés, il doit être procédé à son remplacement par un nouvel associé commandité... »264. A travers ce texte, le législateur entend assurer aux associés la possibilité de transmission de leurs parts sociales à leurs héritiers. Il ne s'agit pas de limiter cette possibilité uniquement aux héritiers de l'unique associé commandité. En réalité, le décès du commanditaire, qu'il fut seul commanditaire ou pas, appelle aussi à sa succession au sein de la société par l'un de ses héritiers. Cette disposition permet donc aux associés commanditaires comme aux commandités de maintenir les biens apportés en société dans le cercle familial. La seule condition est de prévoir préalablement la continuation avec les héritiers. Dans le cas du décès de l'unique associé commandité, le législateur, toujours dans un souci de favoriser la continuité de la société, permet l'entrée des héritiers lorsqu'ils sont encore mineurs non émancipés. Cette qualité fait de la société en commandite simple un moyen de conservation et de transmission des biens de la famille aux générations qui viennent. D'abord, les statuts ne peuvent comporter une clause prévoyant la continuation uniquement avec les héritiers d'un associé désigné ou d'une seule catégorie d'associés au détriment des héritiers des autres associés. Une telle limitation serait injustifiable. La latitude laissée aux associés de prévoir ou non la continuation de la société avec les héritiers du de cujus ne 262 La notion de génération désigne ici « l'intervalle de temps estimé à 30 ans environ séparant deux degrés de filiation. Elle désigne également l'ensemble d'êtres, de personnes qui descendre d'un individu à chaque degré de filiation ». Cf. Le Petit Larousse illustré, Dictionnaire de Langue française, préc. 263 AUSCGIE, art. 308, al. 1er, préc. 264 AUSCGIE, art. 308, al. 2, préc 67 saurait donner lieu à la pratique d'une injustice. Une telle clause serait donc nulle devant le juge. Ensuite, dans la situation où une clause de continuation est prévue, il faut préciser que l'incapacité, l'incompatibilité ou l'interdiction concernant un commandité produisent plus d'effets que lorsqu'elles concernent un commanditaire. Dans cette logique, le décès ne devrait pas être le seul fait qui permet d'inviter les ayants droit d'un associé à substituer ce dernier au sein de la société. Si l'incapacité, l'incompatibilité ou l'interdiction concerne le commandité et si ce dernier était gérant, il doit automatiquement cesser de gérer. Ce commandité ne pourrait plus continuer d'être associé commandité. Il pourrait devenir commanditaire, s'il n'est frappé que d'une incompatibilité265. S'il est frappé d'une incapacité266, il pourrait se voir assisté par un curateur ou représenter par un tuteur. En cas d'interdiction prononcée contre un commandité, ce dernier devra simplement se retirer de la société, puisqu'il s'agirait d'une sanction prononcée pour un manquement. Dans ce cas, il ne pourrait devenir commanditaire que si ses coassociés l'acceptent unanimement. Toutefois, le commandité devenu incapable ou dont la nouvelle fonction est incompatible avec la qualité de commerçant peut se faire remplacer par ses héritiers, sur accord des coassociés. Cependant, s'il est frappé d'une interdiction, sa substitution par son héritier serait peu envisageable par les autres associés. Enfin, il est important de relever que la continuation avec les héritiers n'a pas besoin d'être toujours préalablement prévue par les statuts. Dans la lecture de l'article 308 de l'AUSCGIE, il semble clairement indiqué qu'il faut une clause statutaire de continuation pour qu'il y ait continuation avec les héritiers de l'associé décédé. L'important ne devrait plus être la source de la clause de continuation. Le législateur devrait simplement permettre la continuation en cas de décès d'un associé sans prendre en compte ni le caractère statutaire ou extra-statutaire de la clause de continuation ni la catégorie de l'associé décédé. La volonté des héritiers de continuer, même verbale, ne devrait poser aucun inconvénient à cela. L'essentiel est de rendre pérenne l'exploitation du patrimoine de la société. Cette pérennité de l'activité se traduit également par la spécificité de la transformation de la société. 265 Il s'agit de l'incompatibilité dans le sens du sens du droit commercial tel qu'elle est prévue et sanctionnée aux article 8 et 9 de l'AUDCG. 266 AUSCGIE, art. 6 s., préc. 68 B. La pérennité de l'activité sociale en cas de transformation La pérennité est le caractère de ce qui dure très longtemps267. La transformation de la société en commandite simple, perçue en amont comme un inconvénient dans la mesure où elle favoriserait la disparition de la société268, n'est pas que négative. Elle a une importance résiduelle. En réalité, dans le mécanisme de la transformation, la société ne fait que disparaître sous sa forme originaire et renaître sous une autre forme de société. Cela signifie que l'activité sociale n'est pas influencée par la transformation. Il résulte des dispositions de l'Acte Uniforme que la transformation ne constitue qu'une modification des statuts et qu'elle est soumise aux mêmes conditions de forme et délais qu'une modification des statuts269. Devant être prise à l'unanimité des associés commandités et à la majorité en nombre et en capital des associés commanditaires270, la transformation de la commandite simple, que ce soit en une société en nom collectif271 ou en l'une des sociétés à risque limité, n'influe pas sur l'activité sociale. Au contraire, celle-ci est souvent poursuivie, d'autant plus que l'objet social n'est pas modifié. Les mentions devant être concernées par la transformation sont habituellement la qualité des associés, la nature et la valeur de leur participation dans le capital social de la nouvelle forme sociale, l'identité du ou des nouveaux gérants et certaines mentions à l'exclusion de l'objet social. L'activité sociale ne changerait que si l'objet social est complètement modifié. Pour mieux assurer la pérennité de l'activité, il est préférable pour les associés de la commandite simple de transformer celle-ci non pas en une société en nom collectif272, mais plutôt en une société à risque limité. Les sociétés à risque limité prévues dans l'Acte Uniforme et dont le choix favoriserait la pérennisation de l'activité sociale d'une société à l'origine en commandite simple sont la SARL, la SA et la SAS273. La transformation de la 267 V. Le Petit Larousse illustré, Dictionnaire de Langue française, op. cit. 268 V. Supra. p. 40 s. 269 AUSCGIE, art. 181, al. 2, préc. 270 N. DIOUF, op. cit., p. 363. 271 AUSCGIE, art.181, al. 3 préc. 272 Il est vrai que la transformation de la SCS en une SNC engrangerait mieux les chances d'éventuels créanciers, mais il faut aussi rechercher et appliquer les mécanismes pouvant favoriser la pérennisation de l'activité sociale. 273 Les régimes juridiques de ces sociétés sont respectivement prévus dans l'AUSCGIE comme suit : la SARL, des articles 309 à 384 ; la SA, des articles 385 à 853 et enfin la SAS régie par les articles 853-1 à 853-23 compétés par le régime de la SA. 69 société en commandite simple en une société à risque limité, n'éteint pas des droits qu'ont les créanciers sociaux contre la société et ses associés antérieurement à l'opération de transformation274. Les associés de la nouvelle société, pour autant qu'ils appartiennent à la catégorie des commandités, restent alors indéfiniment et solidairement responsables des dettes contractées par la société antérieurement à sa transformation275. Par ailleurs, la transformation est également favorable à la pérennisation de l'activité sociale, en ce qu'elle n'est pas synonyme de remplacement du personnel de l'ancienne société dans la mesure où l'objet social et l'activité sociale n'auraient pas changé. Quand bien même elle est méconnue de la pratique du droit des sociétés commerciales dans l'espace OHADA, la société en commandite simple ne bénéficie pas uniquement à l'entrepreneur, elle constitue un véritable atout économique mis à la portée de l'investisseur. SECTION II. LES POTENTIALITÉS DE LA COMMANDITE SIMPLE POUR LES INVESTISSEURS Pour mieux cerner en quoi la société en commandite simple revêt des potentialités pour les investisseurs, il est important de préciser le sens des notions d'investisseur et d'investissement. Le terme « investisseur » désigne « toute personne physique ou morale, togolaise, ou étrangère réalisant un investissement dans les conditions définies par le présent Code, sur le territoire national »276. L'investissement désigne la « mobilisation de capitaux pour l'acquisition de biens mobiliers, immobiliers, matériels et immatériels rendus nécessaires à l'occasion de la création d'entreprise nouvelle ou dans le cadre d'un programme d'extension d'une entreprise existante »277. Au regard des objectifs278 que poursuit tout investisseur, la société en commandite simple constitue un outil d'investissement efficace pour ce dernier (§ I) et une opportunité de collaboration entre celui-ci et l'entrepreneur qu'est le commandité (§ II). 274 AUSCGIE, art. 186, al. 3, préc. 275 A. FENEON, op. cit. p. 762. 276 V. Loi n° 2019-005 du 17 juin 2019-005 portant Code des investissements en République togolaise, art. 2, paragraphe 9. 277 V. Loi n° 2019-005 du 17 juin 2019-005 portant Code des investissements en République togolaise, art. 2, préc., paragraphe 8. 278 Réseau Entreprendre, « Selon quels critères les investisseurs analysent-ils les projets ? », disponible sur https://business.lesechos.fr/outils-et-services/guides/guides-levee-de-fonds/selon-quels-criteres-les-investisseurs-analysent-ils-les-projets-200225.php, posté le 28/07/2015, consulté le 22 janvier 2021, à 16h 20'. 70 § I. UN OUTIL D'INVESTISSEMENT EFFICACE POUR L'INVESTISSEUR Investir dans une société en commandite simple est une bonne occasion de faire des bénéfices à long terme. Cette forme sociale ne présente pratiquement pas de risque pour l'investisseur (A). Elle offre à ce dernier l'occasion de contrôler l'économie de la société (B). |
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