La société en commandite simple en droit OHADApar Lamoussa YIMOU NASSANDJA Université de Lomé, Togo - Master en Droit privé fondamental, Recherche 2021 |
CHAPITRE II.LES QUALITÉS ÉCONOMIQUES DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE Les sociétés commerciales sont créées pour un but, celui de faire des bénéfices et de se les partager. Elles participent progressivement à la stabilité économique des personnes qui les créent. Ces dernières ont besoin des législations qui offrent de possibilités de créer des sociétés commerciales avec peu de ressources. Le régime juridique de la société en commandite simple est de près un gage de faveurs économiques à la portée des porteurs de projets commerciaux. Les qualités économiques de la SCS consistent notamment en la non-imposition d'un capital social minimum240, la protection du capital par la règle de l'intuitus personae tout comme dans la SNC, la transmissibilité du patrimoine sociétaire aux héritiers ou la possibilité de continuer avec ces derniers241 suivant ou non la qualité d'associé de leur auteur. Comparée à d'autres formes de sociétés242 prévues dans l'AUSCGIE jusqu'à présent, la SCS est la seule forme sociale qui peut réunir à la fois des commerçants et des non commerçants, financiers et 240 Aucune des dispositions n'exige un capital social minimum pour la constitution de société en commandite simple. 241 La transmissibilité du patrimoine sociétaire ou la continuation avec les héritiers est possible suivant l'article 308 et suivant. 242 La SCS a l'avantage de réunir des professionnels et des non professionnels au sein d'une même pour des intérêts communs. Ni la SARL ni les sociétés par actions (SA et SAS) et non plus la SNC ne permettent assez suffisamment cette collaboration. 62 entrepreneurs243, inventeurs et capitalistes244, ou encore nobles et pauvres. Elle autorise les apports en industrie aux associés commandités. En cela, cette forme sociale a des potentialités économiques qui bénéficient tant au commandité vu comme l'entrepreneur (section I) qu'au commanditaire qui est l'investisseur (section II). SECTION I. LES POTENTIALITÉS DE LA COMMANDITE SIMPLE POUR L'ENTREPRENEUR Le régime juridique de la société en commandite simple constitue un facteur de développement de l'activité de l'entrepreneur de l'espace OHADA. L'entrepreneur est défini comme « une personne physique qui, dans une entreprise, exerce une activité commerciale, artisanale, etc. et qui a, sous son autorité, du personnel salarié »245. L'entreprise « est une unité économique destinée à la production de biens ou à offrir des services ainsi qu'à la réalisation de profits et supposant la réunion de moyens matériels et humains »246. Le législateur OHADA a défini la notion de petite entreprise comme « toute entreprise individuelle, société ou autre personne morale de droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieur ou égal à vingt (20), et dont le chiffre d'affaires n'excède pas cinquante millions (50 000 000) de francs CFA, hors taxes, au cours des douze (12) mois précédent la saisine de la juridiction compétente »247. Le régime juridique de la SCS constitue pour l'entrepreneur, un moyen de création de l'entreprise (§ I) et à la fois un moyen de transition économique (§ II). § I. UN MOYEN DE CRÉATION DE PETITES ENTREPRISES Les avantages économiques de la SCS pour les petites entreprises sont la facilité de réunion et de maintien du capital social (A) et l'avantage lié à sa gestion économique (B). 243 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et H. SERBAT, La société en commandite simple entre son passé et son futur, op. cit., n°1, p. 1. 244 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et H. SERBAT, La société en commandite simple entre son passé et son futur, p. 219, n° 282. 245 C. PUIGELIER, Dictionnaire juridique, Larcier, Bruxelles, éd. 2015, disponible sur www.larciergroup.com, consulté le 03 janvier 2021, à 16h 25'. 246 Ibidem. 247 OHADA, Traité annoté des acte uniformes, op cit., AUPC, art. 1-3 après la révision du 10 septembre 2015. 63 A. La facilité de réunion et de maintien du capital socialPour tout entrepreneur, il n'y a pas de plus grand souci que celui de trouver les fonds nécessaires pour le démarrage de son activité. Une fois les fonds recueillis, dans le cas d'une société commerciale, il faut veiller à ce que le contrôle de la société ne bascule pas entre les mains d'une personne indésirable. Autrement dit, il faut s'assurer que le capital social ou la majorité des parts est détenue par les associés qui manifestent vraiment l'intention d'être ensemble, des personnes qui ne décident donc pas contre l'intérêt social248. Or, dans certaines sociétés telles que la SARL249 et la SA250, l'exigence légale251 d'un capital social minimum constitue habituellement le premier handicap pour tout entrepreneur. Devant une telle situation, les sociétés de personnes s'avèrent généralement les mieux adaptées pour l'avantage qu'elles offrent à travers la non exigence du capital social minimum. Toutefois, toutes les sociétés de personnes ne sont pas à désirer des entrepreneurs. Du fait de la responsabilité solidaire et indéfinie, la SNC n'est pas souvent préférée pour la personne qui désire financer l'activité de l'entrepreneur en qualité d'associé sans engager son patrimoine personnel. Il en résulte donc des difficultés pour l'entrepreneur de choisir la SNC. Ainsi, la seule société dont les avantages économiques sont très bénéfiques à tout entrepreneur ne disposant pas de fonds nécessaires à la constitution du capital social est la commandite simple. Pour la constitution de la SCS, le législateur OHADA, tout comme le législateur français, n'en exige pas un capital minimum. Elle garantit donc à tout entrepreneur la possibilité de création d'une société de personne même avec un franc, l'important étant de trouver une personne qui en serait commanditaire. La société en commandite simple émet, en contrepartie des apports effectués par ses associés, des parts sociales de valeur identique252. Ces parts sociales qui reviennent aux associés intègrent en réalité le patrimoine individuel de chacun d'eux. Il faut éviter à ceux-ci de perdre le contrôle de la société. Cette protection passe par l'encadrement de la cession des parts. Au 248 Cf. Lexique des termes juridiques, op. cit. : « Pour certains l'intérêt social est l'intérêt de l'entreprise et englobe donc non seulement l'intérêt des associés mais aussi celui des tiers concernés (créanciers, fournisseurs, clients, administration fiscale...). Pour d'autres, c'est l'intérêt collectif des associés. » 249 Aux termes de l'article 311 de l'AUSCGIE, le capital social minimum de toute SARL est de 1 000 000 de F CFA. Une liberté est laissée aux Etats de fixer le capital selon les réalités économiques qui leur sont propres. 250 Capital social minimum exigé pour la constitution de toute société anonyme ne faisant pas d'appel public à l'épargne est de 10 000 000 de F CFA dans tout l'espace OHADA. 251 Au sujet du capital social minimum dans la SARL, V. art. 311 de l'AUSCGIE ; concernant la S.A., V. art. 387 de l'AUSCGIE. 252 A. FENEON, Op. cit. p. 756. 64 nom de l'intuitus personae, ces parts ne peuvent être cédées qu'avec le consentement de tous les associés, c'est-à-dire par une décision unanime253. Dès lors, les associés n'ont rien stipulé de particulier à cet effet dans les statuts, il en sera ainsi254. L'intérêt social est primé lors des opérations de cession dans la SCS. En effet, l'accord unanime de tous les associés commandités est requis pour l'entrée de tout nouvel associé ; tandis que les associés commanditaires se prononcent à la majorité en nom et en capital255. Cette qualité permet à l'entrepreneur, de protéger le capital social et, par voie de conséquence, le patrimoine social. Les dividendes étant le fruit de parts sociales, leur distribution serait donc garantie si le contrôle de la société ne passe pas entre les mains d'un tiers qui se soucie moins de la vie sociale. L'obstacle que pouvait constituer l'exigence d'un capital social minimum est donc levé en ce qui concerne la SCS. Cela devrait en principe favoriser la multiplication des sociétés en commandite simple dans l'espace OHADA. Mais cet avantage d'ordre économique semble voilé à l'instar de l'avantage relatif à la gestion de cette société. B. L'avantage lié à la gestion économique de la commandite simple L'absence de régime fiscal propre à la société en commandite simple en droit OHADA constitue, certes, un aspect de son incomplétude256 du régime juridique de la SCS, tel que cela a été démontré en amont257. Toutefois, c'est un atout pour les associés. En France, par exemple, les sociétés de personnes offrent d'autres avantages économiques en liant avec leur régime fiscal. En, effet, lorsqu'une société réalise un déficit258, notamment au cours des premières années de lancement de l'activité, le régime juridique de ces sociétés, dont celui de la SCS, permet d'une part, aux associés personnes morales de réduire éventuellement leur propre bénéfice 253 B. LE BARS, Droit des sociétés et de l'arbitrage international. Pratique en droit de l'Ohada, Joly, Paris, 2011, p. 256. 254 AUSCGIE, art. 296. 255 B. LE BARS, op. cit., p. 256. 256 V. Supra., pp. 28 s. 257 Ibidem. 258 Le déficit désigne ce qui manque pour équilibrer les recettes avec les dépenses (Le déficit d'un compte d'exploitation). Situation financière résultant de ce manque : La Sécurité sociale est en déficit. V. Le Dictionnaire Larousse disponible sur https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/d%C3%A9ficit/22673, consulté le 22 mars 2021, à 23h 06'. 65 imposable grâce à la déduction de leur quote-part259 de déficit. D'autre part, le régime juridique de ces sociétés permet, dans la même logique que la précédente, aux associés personnes physiques de réduire leur imposition personnelle. Par ailleurs, pour une petite entreprise fonctionnant sous la forme d'une SCS qui génère peu de bénéfices et où les associés sont faiblement imposés, cela permet d'avoir une imposition des bénéfices à un taux relativement bas260. L'avantage est tel qu'il est donc préférable de constituer une société en commandite simple ou le propriétaire du fonds de commerce sera l'associé commandité. Ainsi, si celui-ci détient, par exemple 90% du capital social et si, au cours des premières années, la société ne réalise pas assez de bénéfices, il n'y aurait pas beaucoup d'impôts à payer261. De telles facilités fiscales méritent d'être clairement prévues dans les législations fiscales des Etats parties au Traité de l'OHADA étant donné qu'il n'existe pas de lois fiscales au plan communautaire. Cela permettrait de réduire les disparités de perception de la société en commandite simple dans l'espace OHADA et de traitement des associés de cette société. L'insertion d'un tel avantage rendrait plus attractif le régime juridique de cette société qui jusqu'alors ne connaît pas d'existence pratique véritable. Par l'analyse des qualités économiques inhérentes au capital social et aux facilités de gestion de la société en commandite simple, il est vérifié que cette société a un intérêt pour l'entrepreneur. La SCS constitue, toujours pour l'entrepreneur, un instrument de transition économique. § II. UN INSTRUMENT DE TRANSITION ÉCONOMIQUE Le régime juridique de la SCS est favorable à la transition patrimoniale (A). Le mode de transformation de cette forme sociale favorise la pérennité de l'activité économique (B). 259 Selon le contexte, la quote-part peut également désigner la part que chacun doit payer au regard de sa participation dans une activité, Cf. Éric Roig, Fiches pratiques Lexique, disponible sur https://droit-finances.commentcamarche.com/faq/23958-quote-part-definition, consulté le 28 mars 2021, à 12h 34'. 260 Pierre FACON, « Le régime des sociétés de personnes », dossier disponible sur https://www.lecoindesentrepreneurs.fr, dossier mis à jour en date du 27 novembre 2019, consulté le 23/02/2021 à 00h 22'. 261 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et H. SERBAT, op. cit. p. 220. 66 |
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