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La société en commandite simple en droit OHADA


par Lamoussa YIMOU NASSANDJA
Université de Lomé, Togo - Master en Droit privé fondamental, Recherche 2021
  

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A. L'utilité résiduelle de la défense d'immixtion

Les commanditaires de la commandite simple ont un statut similaire à celui des associés de la SARL puisque leur responsabilité est limitée au montant de leurs apports226. La conséquence logique aurait été de permettre à ceux-ci d'être éligibles aux fonctions de gérants tout comme les associés de la SARL. Mais une telle autorisation aurait été un danger pour la société, puisque n'ayant pas forcément les aptitudes d'un commerçant, le commanditaire ne saurait gérer efficacement. Si le principe de la défense d'immixtion peut être vu comme l'un des facteurs d'inégalité au sein de la SCS, il n'y a pas de raison de méconnaitre à ce principe une importance résiduelle.

Il faut éviter qu'un dirigeant profane cause un préjudice à la société par ses éventuels actes d'imprudence qui fonderaient la croyance légitime du tiers. C'est pour épargner la société de ce risque que le législateur interdit formellement aux commanditaires d'exercer des fonctions de gérant. Les commanditaires « ne peuvent faire aucun acte de gestion externe, même en vertu d'une procuration »227. Cette règle, également vue comme une discrimination228 à l'égard du commanditaire, s'avère être une qualité qui participe à la gestion saine de la SCS. Il s'agit de l'utilité résiduelle du principe de la défense d'immixtion.

225 J. HEMARD, F. TERRE, P. MABILAT, Sociétés commerciales, 3 vol., t. II, Paris, 1972-1978, n°1323.

226 Suivant la définition légale de la société en commandite donnée à l'article 293 de l'AUSCGIE.

227 AUSCGIE, art. 299, préc.

228 V. supra., p. 12 s.

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En effet, en interdisant l'immixtion des commanditaires, soit directe sous forme de participation ostensible229 à la gérance, soit indirecte230, le législateur OHADA vise trois finalités. D'abord, l'interdiction d'ingérence du commanditaire dans la gestion externe vise à protéger les tiers contre les manoeuvres par lesquelles les associés cherchent à leur donner l'illusion d'un gage important. Un gage qui serait offert en confiant la gérance à un commanditaire mieux nanti financièrement et en laissant dans l'ombre les commanditaires dont la situation ne saurait inspirer confiance aux créanciers.

Ensuite, la défense d'immixtion tend à protéger la société elle-même contre les imprudences et les hardiesses d'un commanditaire gérant, d'autant enclin à aggraver le passif social pour lequel il sait que personnellement sa responsabilité est limitée.

Enfin, cette règle est un avantage, à la fois, pour la société et pour le tiers dans la mesure où ils sont « protégés contre la gérance occulte »231 faite par les commanditaires. Dans cette même optique de présentation de l'intérêt de la défense d'immixtion, certains auteurs232 affirment que la gestion occulte est au moins dangereuse aussi que la gestion ostensible. Pour eux, il est à craindre que des associés, disposant de capitaux importants, mais désireux de diminuer leurs risques, ne « s'abritent derrière un commandité de pacotille, simple homme de paille sans surface réelle, car lorsque la signature est aux mains du commanditaire, les créanciers peuvent être induits en erreur et se figurer qu'ils ont affaire à l'associé principal, responsable du passif social sur tous ses biens »233.

Mais si malgré l'interdiction, le commanditaire, associé dont la responsabilité financière est limitée s'immisce dans la gestion, il répondrait de sa faute conformément à l'article 300 de l'AUSCGIE. Il s'agirait, dans ce cas, un recul marginal de limitation de la responsabilité tel que l'a développé M. FOLLY. Pour cet auteur, l'aggravation de la responsabilité limitée d'un associé pour faute personnelle n'est pas spécifique aux sociétés à risque limité. « Cette situation (...) est aussi présente dans les sociétés à risques illimités. Dans ce cas de figure, les associés ne répondent que des conséquences de leurs propres fautes et non des actes des

229 La gestion ostensible est celle qui est faite au vu de tous sans intention de se cacher.

230 L'immixtion indirecte concerne les actes d'ingérence. Les actes dont l'accomplissement par le commanditaire pourrait induire le tiers en erreur.

231 P. PIC, « La défense d'immixtion des commanditaires dans la gestion des sociétés et la crise actuelle », Dalloz Recueil Hebdomadaire, 1933, n°10, Chronique, p. 21.

232 Ch. LYON-CAEN et L. RENAULT, Traité de Droit commercial, Editions F. Pichon et Durand-Auzias, 1922, Paris, tome V, n° 487, p. 433.

233 P. PIC, op. cit., p. 22.

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dirigeants »234. La sanction du commanditaire fautif outrepassant la défense d'immixtion par l'extension de sa responsabilité correspond avec exactitude à cette affirmation.

Il est donc clair que les règles gouvernant la gestion de la société en commandite simple revêtent une grande utilité relativement à la défense d'immixtion du commanditaire. Il faut par ailleurs ajouter que les qualités des règles de gérance de la société en commandite simple concernent le mode de contrôle de cette société.

B. La fiabilité du mode de contrôle de la gestion

Le mode de contrôle de gestion de la société en commandite simple garantit une fiabilité particulière inhérente aux titulaires internes et externes du droit de contrôle. Il s'agit du rôle des commanditaires et commandités non gérant, d'une part et de l'intervention possible d'un commissaire aux compte, d'autre part.

Le contrôle est effectué par les commanditaires et les commandités non gérants dans la phase de nomination du gérant ou des gérants. Une fois que les fonctions du gérant prennent effet, la loi leur donne pouvoir de poursuivre leur rôle de contrôleurs.

En tant qu'associés, les commanditaires et commandités désignent d'un commun accord celui qui va assurer la gérance de la SCS. Au cours de cette opération de désignation, chaque associé, qu'il soit commanditaire ou commandité, exerce son droit de contrôle par son vote. La loi donne le pouvoir à ceux-ci d'obtenir, deux fois par an, communication des livres et des documents sociaux et de poser par écrit des questions sur la gestion auxquelles il doit être répondu également par écrit.

L'article 307 AUSCGIE qui est le siège de ce pouvoir de contrôle des associés non gérants, offre aux commandités les mêmes pouvoirs que les commanditaires. Le législateur a donc choisi de donner aux commandités des pouvoirs qu'ils n'auraient pas eus s'ils étaient dans une SNC, puisque dans cette forme sociale, la loi a expressément prévu que « les associés non gérants ont le droit de consulter, au siège social, deux fois par an, tous les documents et pièces comptables ainsi que les procès-verbaux des délibérations et des décisions collectives235. Cette disposition précise que s'ils décident d'en prendre copies, ce serait à leurs frais236. Cela implique qu'ils n'ont qu'un simple droit de consultation. L'accroissement

234 M. A. FOLLY, Le statut des dirigeant sociaux en droit de l'OHADA, thèse de Doctorat, Université de Montpellier, 2014, n° 83, p. 51.

235 AUSCGIE, art. 289, préc.

236 AUSCGIE, art. 289, préc.

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particulier du droit de contrôle des commandités non gérants au côté des commanditaires dans la SCS renforce l'efficacité du contrôle de la gestion.

Par ailleurs, ces dispositions sont efficaces en ce qu'elles ne restreignent pas la nature des sanctions applicables au gérant en cas de faute de gestion. Ce silence législatif sur la sanction signifie que les associés peuvent engager la responsabilité personnelle du gérant qui ne s'acquitte pas de cette obligation légale. Etant donc averti de la possibilité que sa responsabilité soit à tout moment engagée, le gérant va veiller à l'assainissement de la gestion, qu'il soit un associé commandité ou un tiers. En cas de faute de gestion, la décision de révocation, tout comme celle de nomination du gérant ou de modification des statuts, constitue un des aspects de l'exercice du contrôle par les associés commanditaires et commandités non gérants237.

En outre, dans la société en nom collectif, le législateur a expressément prévu les cas dans lesquels les associés doivent procéder à la désignation d'un commissaire aux comptes pour le contrôle238. Les règles relatives à la société en commandite simple n'ont pas expressément prévu le contrôle de la société par le commissaire aux comptes au-delà d'un seuil, mais le recours global au régime juridique de la société en nom collectif239 induit l'applicabilité des dispositions de l'article 289-1 à la société en commandite simple.

Ainsi, la possibilité de faire contrôler la société en commandite simple par un commissaire aux comptes, acteur externe à la société, vient renforcer le dispositif de contrôle interne exercé par les associés non gérants. D'où la fiabilité des modes de contrôle de la SCS, une qualité aussi ignorée par les acteurs économiques.

Les qualités juridiques que regorge la société en commandite simple sont immenses. Elles concernent aussi bien les règles relatives à sa constitution qu'à son fonctionnement. En dehors de cette utilité juridique de règle régissant la commandite simple, cette forme sociale présente d'autres qualités qui sont d'ordre économiques.

237 P. LE CANNU et B. DONDERO, op. cit., p. 935.

238 AUSCGIE, art. 289-1.

239 AUSCGIE, art. 293-1, préc.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore