A. Le défaut lié à l'exigence d'une
clause de continuation
Le sort de la société en commandite simple
dépend de la qualité de l'associé
décédé. S'il est commanditaire, sa mort n'aurait aucune
incidence sur la vie sociétaire. Mais s'il est l'unique
commandité, la société doit être dissoute
automatiquement, à moins qu'une clause de continuation ait
été préalablement
prévue169. Cette règle qui subordonne
la continuation de la SCS dépourvue de commandité à
l'exigence d'une clause statutaire autorisant la poursuite de la vie
sociétaire n'a plus sa raison d'être. Elle constitue l'une des
raisons de la quasi existence des sociétés de personnes et
particulièrement des sociétés en commandite simple.
L'inconvénient de cette règle se situe à trois niveaux.
D'abord, la dissolution ne permet pas la pérennité des personnes
morales alors que celles-ci ne peuvent réaliser des économies
qu'après plusieurs exercices.
Ensuite, la dissolution pour manque d'une clause de
continuation pourrait ne pas être en phase avec la réelle
volonté des associés survivants. En effet, il peut arriver que le
décès soit survenu au moment où la société
commence par réaliser de bonnes affaires de sorte que les
associés souhaitent y profiter longtemps. Par ailleurs, en
évoquant la possibilité de continuation avec les
héritiers, le législateur OHADA s'est limité au cas du
défaut d'associé commandité pour cause de mort.
Le législateur n'a pas prévu une
possibilité de continuation avec les descendants du commandité
lorsque ce dernier est frappé d'une incompatibilité, d'une
incapacité ou d'une interdiction. Concernant les cas
d'incompatibilité et d'incapacité, la continuité avec ces
ayant-droits ne poserait aucune difficulté. Le problème se
poserait lorsque le commandité est frappé d'une interdiction, la
question étant de savoir si la sanction empêche qu'il soit
remplacé par sa
169 AUSCGIE, art. 308.
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propre descendance. Il faut dire que la sanction doit se
limiter à sa personne et laisser la possibilité à ses
ayant-droits de le substituer.
Enfin, les associés de la SCS peuvent avoir
prévu une modification des statuts en vue d'y insérer la clause
de continuation pour éviter le risque de dissolution. Or, la mort de
l'associé commandité peut survenir pendant la période de
convocation de l'AG et la date prévue pour sa tenue. Dans ce cas,
devra-t-on prononcer la dissolution d'une telle SCS sans commandité et
dont les statuts ne comportent pas de clause de continuation ou devra-t-on
faire constater qu'avant sa mort, le de
cujus170 était partant pour l'insertion
d'une clause de continuation dans les statuts ? L'important est que les
associés survivants parviennent à trouver une entente avec les
héritiers du de cujus ou avec un éventuel candidat pour
combler la catégorie d'associé manquante.
Mais, l'incertitude du sort de la SCS sans commandité
ne se justifie pas uniquement par le défaut tiré des
impératifs de la clause de continuation. La dissolution qui en est la
conséquence directe est une source d'insécurité juridique
à ne pas ignorer.
B. L'insécurité juridique liée
à la dissolution de la commandite simple
La sécurité juridique est un principe de droit
selon lequel les particuliers et les entreprises doivent pouvoir compter sur
une stabilité minimale des règles de droit et des situations
juridiques171. Or, la dissolution d'une
société commerciale n'est souvent pas le moment d'une joie
partagée entre associés et créanciers.
Dans la situation d'une société en commandite
simple, la dissolution pour quelque cause que ce soit ne garantirait pas le
désintéressement de tous les créanciers. Au surplus, la
dissolution pour défaut de
commandité172 est moins un gage de
sécurité juridique tant pour les tiers que pour les
commanditaires. En cas de défaut de commandité en cours de vie
sociale, les créanciers ne devraient pas rechercher la dissolution de la
SCS.
En effet, dans le contexte du droit africain, en cas de
décès du commandité, la dissolution n'est pas la meilleure
solution. Les créanciers doivent tout d'abord requérir la
collaboration des commanditaires en vue de sauver le patrimoine personnel dudit
commandité. La manière
170 V. Infra. , p. 66, note n°
245.
171 V. Lexique des termes juridiques,
Dalloz, 26e éd. 2019.
172 Cf. art. 308 de l'AUSCGIE, préc.
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dont la famille du de
cujus173 se précipite habituellement
sur les éléments de son actif justifie cette action. Il faut donc
éviter que les propres héritiers de commandité
décédé dilapident ses biens avant de venir
réclamer, en qualité de créanciers, la valeur des parts
que détenait leur auteur dans le capital social de la SCS.
Une fois les biens du commandité sauvegardés,
les commanditaires pourront donc décider, d'un commun accord, s'ils
doivent continuer l'activité sociale ou non. Ainsi, s'ils
décident de continuer, ils devront donc pourvoir un remplaçant
commandité pour rétablir la nature véritable de la
commandite simple.
173 L'expression latine dont la formule
entière est « is de cujus successione agitur »
désigne celui de la succession duquel on débat.; V. 1ère
Chambre civile 15 juin 2017, pourvoi n°16-21874, Legifrance ; 3e Chambre
civile 27 avril 2017, pourvoi n°15-23440, Legifrance.
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