Paragraphe II : Deux mesures opposées quant
à la règle de réparation
La réparation a pour but la promotion de la justice et
la tentative de remédier aux préjudices subis par les victimes.
Cette réparation doit être effective, rapide et efficace. Si on
observe une tentative de réparation dans la mise en place des amnisties
(A), cela n'en est pas le cas avec les prescriptions
pénales, d'où leur mise en cause au niveau international au
profit de l'imprescriptibilité (B).
A- Les amnisties et le droit des victimes à la
réparation
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à
autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé,
à le réparer », nous rappelle l'article 1382 du C. Civ
français. Cet article met en oeuvre la responsabilité
individuelle de chacun devant ses faits. Une responsabilité qui est
précisé à l'article 138387.
Apres la commission des crimes, les individus sont face
à leurs responsabilités tant pénales que civiles. La
réparation faisant partie intégrante de la responsabilité
civile, il importe aux responsables de réparer d'une manière ou
d'une autre leurs dommages afin que les victimes entrent en possession de leurs
droits. Sur le plan international ou plus précisément dans le
cadre africain des droits de l'homme, la CADHP énonce que les mesures de
réparation doivent, selon les circonstances particulières de
chaque affaire, inclure la restitution, l'indemnisation, la réadaptation
de la victime et les mesures propres de garantir la non
répétition des violations, compte tenu des circonstances de
chaque affaire. C'est dans cette optique que dans l'affaire Sébastien
Germain AJAVON c. République du Bénin, la Cour a affirmé
que « la réparation doit, autant que possible, effacer toutes
les conséquences de l'acte illicite et rétablir l'état qui
aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas
été commis »88.
87 C. Civ, art 1383, « Chacun est
responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais
encore par sa négligence ou par son imprudence ».
88 Affaire Sébastien Germain AJAVON c.
République du Bénin, Arrêt du 28 novembre 2019
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Cette décision de la Cour nous permet de mettre en
lumière deux catégories de réparation, à savoir la
réparation matérielle qui comprend l'indemnisation et la
restitution, et la réparation morale représenté par la
satisfaction.
L'indemnisation, présentée comme le plus courant
des réparations du fait qu'elle est plus facile à mettre en
oeuvre, intervient lorsque le dommage est médiat. Dans le cadre des
violations des droits de l'homme, les victimes réclament dans la plupart
de temps une indemnisation puisque ayant perdu tous leurs biens, aussi leurs
facultés physique et parfois morale. C'est dire que toute violation,
physique ou morale peut faire l'objet d'une indemnisation. Enfin,
l'indemnisation couvre l'ensemble du préjudice et, prend effet non pas
à la date de la survenance de la violation, mais à la date de la
fixation de l'indemnité.
La restitution quant à elle, c'est la remise en
état dans la situation antérieure comme si le dommage
n'était pas survenu, afin « d'effacer toutes les
conséquences de l'acte illicite et rétablir l'état qui
aurait vraisemblablement existé, si ledit acte n'avait pas
été commis » (CPJI, 1928, Usine de Chorzow). C'est la
meilleure réparation envisageable ; malheureusement, il est le plus
souvent illusoire de croire que la remise en l'état soit
possible89, la CDI prévoit d'ailleurs que la restitution ne
doit pas imposer une charge hors de proportion avec le dommage90.
Enfin, s'agissant de la satisfaction, c'est une
réparation morale qui peut être invoquée en même
temps que l'indemnisation. Elle parait souvent sous forme de la reconnaissance
publique par les bourreaux ou même l'Etat, sur les violations des droits
de l'homme dont ils ont été responsables. Cela peut donc
être des excuses solennelles lorsqu'il s'agit d'un conflit entre Etat
comme dans l'affaire du Rainbow warrior où la France a
présenté des excuses à la Nouvelle-Zélande ou, mais
aussi d'un Etat avec un individu étranger. La satisfaction a aussi
été l'une des solutions adoptées dans l'affaire des «
Personnels diplomatique et consulaire des États-Unis à
Téhéran » (CIJ, 1980) : « la Cour tient que les
violations successives et continues par l'Iran des obligations qui lui
incombent (...) engagent la responsabilité de l'Iran à
l'égard des États-Unis. Une conséquence évidente de
cette constatation est que l'État iranien a l'obligation de
réparer le préjudice ainsi causé aux États-Unis
». Cette illustration de la CIJ s'applique également aux
violations des droits des individus à cause du laxisme de l'Etat qui a
laissé perpétrer les différentes violations des droits des
individus sur son territoire.
89 Catherine Roche,
L'éssentiel du Droit international public, 10e
édition, 2019-2020, p102.
90 Voir l'arrêt usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay, CIJ, 2010.
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Les réparations sont donc des éléments
indissociables à l'amnistie. Elles permettent la mise en oeuvre de cette
dernière, dans le respect des de ses conditions d'application et les
droits des individus tels que prévu par les différends textes
internationaux relatifs aux DIDH et au DIH.
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