A- Un financement global massif
Le volet financier est omniprésent dans les
défis mondiaux et le domaine de l'environnement ne fait pas
l'exception.
Le mécanisme financier posé par la CCNUCC trouve
un retentissement dans les articles du Protocole de Kyoto et de l'Accord de
Paris tout en variant. Le Protocole de Kyoto ne fait pas
80 Art. 4 § 3, Accord de Paris
81 « Le principe selon lequel la protection de
l'environnement ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante,
compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment »,
DUTHEILLET DE LAMOTHE (L.), « Principe de non-régression »,
Revue juridique de l'environnement, vol. 43 n° 1, 2018
82 Art. 4 § 5 Accord de Paris
25
de commentaire sur la hauteur des financements
sollicités des pays développés. Il se cantonne à
annoncer que ceux-ci apporteront leur soutien financier aux fins
d'accomplissement des objectifs du Protocole par voie bilatérale,
régionale ou multilatérale83. Le Protocole
reprend par endroit les mécanismes de la CCNUCC relatifs au financement.
Il indique des montants attribuables à chacune des Parties en cas de
besoin, mais ne donne pas de plancher minimum du financement global
présumé assurer le fonctionnement dudit mécanisme.
L'Accord de Paris se montre relativement explicite sur cette
matière. En effet, l'Accord met en évidence le plancher du
financement requis des pays développés et qui s'attachera au
fonds prévu pour la mise en oeuvre des objectifs de l'Accord. Il fixe
le montant des financements demandés à un plancher de 100
milliards de dollars par an84. Cette somme relativement
colossale peut se justifier en raison du caractère incommensurable et
urgent des problèmes liés à la montée des
températures. Grâce au cadre de transparence établi,
l'Accord permet de savoir si les pays développés de qui le
financement est demandé ont effectivement apporté leur pierre
à l'édifice. Entre autres, il va faciliter l'inventaire des
sommes octroyées aux pays en développement. En définitive,
ce mécanisme servira de base pour l'attribution du financement aux pays
en développement. L'accent est plus mis sur les pays
développés car ils disposent de moyens suffisants comparés
aux pays en voie de développement.
S'agissant du caractère du financement, une distinction
démarque le Protocole de Kyoto de l'Accord de Paris. Le premier,
c'est-à-dire le Protocole de Kyoto, ne précise pas si les
financements doivent être constants ou évoluer avec le temps. En
l'absence de plus d'informations, on peut aisément croire que les
financements exigés des Parties doivent se situer dans la constance. A
ce niveau, une avancée est à relever dans l'architecture
financière que propose l'Accord de Paris. Comme
précédemment relevé, les pays développés
aussi bien Parties au Protocole que ceux Parties à l'Accord sont
censés financer durablement la lutte et l'adaptation au changement
climatique des pays en voie de développement85. Malgré
tout, l'Accord se montre plus percutant. En effet, il marque le
caractère croissant du financement. Ainsi, la mobilisation de moyens
financiers devrait représenter une progression par rapport aux efforts
antérieurs86. Le fonds de 100 milliards de dollars est
donc appelé à être revu à la hausse dans le but
d'aider les pays en développement Parties à réduire leurs
émissions de gaz
83 Art. 11 § 3 Protocole de Kyoto
84 § 54 de la Décision 1/COP 21, 12 décembre
2015
85 « La COP 21 sur le climat : définition, enjeux et
résumé », Agence Parisienne du Climat
http://www.apc-paris.com/
86 Art. 9 § 3 Accord de Paris
26
à effet de serre ainsi qu'à s'adapter et
à accroître leur résilience aux évolutions du
climat87. Cette précision n'est pas faite dans le Protocole
de Kyoto ce qui laisse croire que les financements sont statiques. Il est
important de noter que le plancher fixé à 100 milliards de
dollars est annuel. Le coût de l'adaptation englobe, dans l'Accord, celui
des projets de développement intégrant des fonctions
préventives face à de potentiels risques climatiques
élevés. Un fonds pour l'adaptation créé par le
Protocole de Kyoto est établi pour financer des programmes
concrets88. Contrairement à celui-ci, l'Accord de Paris prend
en compte, dans le financement, le coût de l'adaptation et de
l'atténuation. La principale difficulté ne réside pas dans
le coût global de l'action mais consiste à trouver un mode de
répartition efficace et équitable de ce
coût89.
Aussi, là où le Protocole de Kyoto demande aux
Parties développées de fournir des ressources
financières nouvelles et additionnelles90, l'Accord
impose à ses Parties d'accroître les ressources qu'elles allouent.
Il indique que l'effort financier est à pérenniser, il doit
augmenter dans la durée91. La finance doit être en
phase avec le long terme92. Cela requiert donc des pays Parties de
ne pas atrophier leurs contributions financières. C'est pour s'assurer
de l'effectivité de cette obligation qu'il est mis en place un jeu de
transparence au sein de l'Accord de Paris. Les pays développés
sont ainsi tenus de communiquer les informations cohérentes et
transparentes relatives à l'appui financier qu'ils ont fourni et qu'ils
fournissent. Capables d'élaborer des stratégies sur le long
terme, les pays développés sont ceux-là qui peuvent
soutenir et permettre à l'humanité d'arriver à
résorber les catastrophes liées au réchauffement
planétaire. Les pays en développement ont eux aussi le devoir de
faire parvenir les renseignements pertinents sur l'appui qu'ils ont
reçu.
B- Un fonds principalement alimenté par les pays
développés Parties
87 AUVERLOT (D.), « L'Accord de Paris : un
accord Bottom-up universel qui doit être traduit dans les actes
», 18 décembre 2015,
http://www.strategie.gouv.fr/point-de-vue/laccord-de-paris-un-accord-bottom-universel-etre-traduit-actes/
88 Le fonds pour l'adaptation relevant du Protocole de
Kyoto, Annexe I, Conférence de Bonn, 2001
89 DE PERTHUIS (C.), « Et pour quelques
degrés de plus...Nos choix économiques face au risque climatique
», Pearson Education France, Paris, 306p, 2009, p. 203
90 Art. 11 § 2 al. a) Protocole de Kyoto
91 HAINAUT (A.), LEDEZ (M.), PERRIER (Q), et
al., « Relance : comment financer l'action climat »,
I4CE, Paris, juillet 2020
92 CHENET (H.), ZAMARIOLI (L.), WINNING (M.),
« Finance after the Paris agreement: the necessary transformation of the
financial system », Policy Brief, IDDRI, Janvier 2020, p. 8
27
Le financement obtenu de la part des Parties est essentiel
pour l'accomplissement des stratégies de lutte contre le
réchauffement climatique. Il suppose que chaque Partie intervienne
à part égale.
Cette direction est suivie par le Protocole de Kyoto. Il y est
exposé que les pays développés Parties et les autres
Parties développées figurant à l'Annexe II de la
Convention fournissent des ressources financières nouvelles et
additionnels afin de couvrir la totalité des coûts convenus par
les pays en développement93. Une remarque s'impose. Le
Protocole laisse peser le financement sur les seules épaules des pays
développés Parties. Ceux-ci sont placés à
l'avant-garde du financement. Le Protocole de Kyoto ne s'appesantit sur les
pays en voie de développement qu'en tant que destinataires du
financement mobilisé par les Parties développées. Les pays
en voie de développement ne sont considérés que comme des
receveurs de financement comme le présente si bien l'article 11 § 2
al. b) du Protocole de Kyoto. Une différence notable est à
marquer entre le Protocole de Kyoto et l'Accord de Paris tous deux
placés sous l'égide de la CCNUCC. À la différence
du Protocole de Kyoto qui exclut les pays en développement du champ des
finances les condamnant à uniquement recevoir, l'Accord de Paris, lui,
n'oublie pas les pays en développement. Il reconnaît leur
participation au mécanisme financier.
Si l'Accord somme les pays développés de fournir
des ressources financières aux pays en développement, il incite
également les pays en voie de développement à participer
à ce transfert de ressources94. Il ne s'agit que d'une
invitation et pourtant elle constitue une innovation. Celle-ci est cependant
moindre étant donné les difficultés économiques qui
les gangrènent. L'Accord ne dit pas autre chose dans ses lignes quand il
avance que les autres Parties sont invitées à fournir ou
à continuer de fournir ce type d'appui à titre
volontaire95. Ces contributions, il faut y revenir, sont
purement volontaires et ne sont pas à négliger. L'Accord, en ne
fixant pas la hauteur de cette participation, reconnaît la
fragilité des pays en développement Parties. Il rechigne ainsi
à leur imposer un quota précis à la différence des
pays développés Parties dont les sommes attendues doivent
s'exprimer en chiffres absolus. Cela pour faire ressortir que l'appui financier
des autres Parties s'effectue de façon spontanée ce qui se
présente comme un paramètre positif pour l'application du
mécanisme financier. Le cadre ainsi posé est supposé
responsabiliser les pays développés Parties pour qu'ils
alimentent les stratégies des pays en
93 Art. 11 § 2 al. a) Protocole de Kyoto
94 LASSUS St-GENIES (G.), « L'Accord de
Paris sur le climat : quelques éléments de décryptage
», Revue québécoise de droit international,
2015, p. 47
95 Art. § 2 Accord de Paris
28
développement afin de tacler les effets du changement
climatique. Cela sans pour autant négliger l'éventuelle
participation financière des pays en développement.
L'assimilation des pays en développement Parties au mécanisme
financier de l'Accord est un indice qui marque le souci de
fédération des efforts de toutes les Parties proportionnellement
à leurs différentes capacités nationales. Tout ceci vise
à la concrétisation des mesures relatives à la riposte
climatique.
S'agissant de la destination des financements, il faut dire
que ce volet est largement abordé par le Protocole de Kyoto. Il souligne
le fait que les pays développés Parties fournissent les
ressources financières dont les pays en développement Parties ont
besoin pour couvrir la totalité des coûts supplémentaires
pour progresser dans l'exécution des engagements96. Le
mécanisme financier qu'il s'évertue à décrire prend
en considération les pays en développement Parties dans leur
globalité. Il les met tous sur la même ligne. Pourtant, au sein
même des pays en développement, il existe différentes
sous-catégories d'Etats en développement. Ceux-ci n'ont en fait
pas des capacités égales. L'Accord de Paris vient pallier cette
confusion. Tout comme le Protocole de Kyoto, l'Accord énonce clairement
que les pays développés Parties apportent une aide
financière pour permettre aux pays en développement de s'adapter
aux effets du changement climatique97. Mais, il signifiera que
la fourniture des ressources financières devrait viser les pays en
développement notamment ceux qui sont particulièrement
vulnérables comme les pays les moins avancés et les petits
États insulaires en développement98. Afin de
s'assurer de l'effectivité d'une telle mesure, l'Accord recommande aux
pays en développement destinataire des financements d'effectuer des
inventaires des fonds effectivement reçus. Le système
économique des pays développés bien enraciné n'est
pas assimilable à celui des pays en développement. L'on peut
aisément comprendre pourquoi est-ce que l'Accord les place au centre des
contributions financières. La prépondérance de leur
rôle est ici marquée. Ils sont ainsi appelés à
montrer la voie en mobilisant des moyens de financement de l'action
climatique99.
On peut distinguer relativement que l'Accord pose un cadre
dont les strates sont aussi étonnantes que percutantes comparées
à celles précédemment établies dans certaines
96 Art. 11 § 2 al. b) Protocole de Kyoto
97 LANG (G.), COP 21 : Les principaux points de
l'Accord sur le Climat, 12 décembre 2015
http://www.RTL.fr/
98 Art. 9 § 4 Accord de Paris
99 Art. 9 § 3, Accord de Paris
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conventions sur l'environnement. Au travers de quelques
articles, il met clairement en exergue le caractère proportionnel des
actions des Parties à la différence du Protocole de Kyoto, de la
Convention de Vienne et du Protocole de Montréal. La
considération qu'il porte aux pays en développement Parties est
un élément nouveau qui ne manque pas de susciter
l'intérêt. Cela maintenant précisé, il va encore
plus loin en invitant les Etats à intégrer des acteurs en dehors
d'eux à participer au combat climatique.
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