L'accord de Paris dans l'enjeu climatiquepar Assiri A. Ephraïm OBROU Université Catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) - Master en droit public 2019 |
A- Au niveau de l'adaptationL'adaptation au changement climatique consiste en grande partie à prendre les décisions qui s'imposent à la lumière du changement climatique60. Le Groupe Intergouvernemental d'Experts sur l'Evolution du Climat (GIEC) définit la capacité d'adaptation comme le degré d'ajustement d'un système à des changements climatiques afin d'atténuer les dommages potentiels, de tirer parti des opportunités ou de faire face aux conséquences61. Autrement dit, il est question de l'ajustement des systèmes naturels ou 60« Adaptation au changement climatique », http://www.adaptationcomunity.net/adaptation-au-changement-climatique/ 61 « Définition des termes principaux », IPCC, http://www.ipcc.ch/publicationanddata/ar4/wg2/fr/spmsd.htlm/ 20 humains en réponse à des stimuli climatiques présents ou futurs ou à leurs effets, afin d'atténuer les effets néfastes ou exploiter des opportunités bénéfiques62. La Convention de Vienne sur la protection de la couche d'ozone et son Protocole de Montréal ne soufflent pas mot sur l'adaptation. Il est cependant vrai que leurs articles laissent supposer que les différents Parties doivent s'adapter sans toutefois aborder le sujet frontalement. Quant au Protocole de Kyoto à la CCNUCC, il l'aborde mais dans des termes vagues. Suivant ses lettres, les Parties mettent en place des technologies et méthodes visant à améliorer l'aménagement de l'espace qui permettraient de mieux s'adapter aux changements climatiques63. Comme on peut le constater, l'adaptation est limitée à un seul domaine. Bien que le Protocole de Kyoto fasse allusion à plusieurs mesures d'adaptation, il ne se concentre que sur celles qui touchent l'aménagement du territoire. Il est vrai que l'aménagement du territoire a des dérivations multiples mais il demeure limité. L'Accord de Paris, contrairement au Protocole de Kyoto, énonce plusieurs domaines dans lesquels l'adaptation est requise. Il le fait dans son article 7. Celui-ci constitue l'un des articles les plus longs et précis du document. À la lumière de ses dispositions, l'adaptation implique le renforcement des systèmes institutionnels, l'amélioration des connaissances scientifiques, le renforcement de la résilience des systèmes socioéconomiques pour ne citer que ceux-là. Les mesures que propose l'Accord de Paris pour atteindre l'adaptation sont assez importantes et touchent un nombre élevé de domaines stratégiques. Il est indubitable que la lutte contre le réchauffement climatique engage des pays qui ne possèdent pas des armes égales. Alors comment faire progresser les choses quand on sait pertinemment que les Parties en présence n'ont pas les mêmes forces ? Faut-il les exclure de la lutte ou les faire participer autrement ? Les réponses qui s'échappent de ces questions font rejaillir une autre différence entre le Protocole de Kyoto et l'Accord de Paris. Le premier fait de l'enjeu climatique la seule affaire des pays développés. Il oblige chacune des Parties visées à l'Annexe I à s'acquitter de ses engagements de manière à réduire au minimum les conséquences sociales, environnementales et économiques néfastes pour les pays en développement Parties64. Dans l'Accord, on retrouve le souci de faire communier les actions de toutes les Parties. Seulement, cette communion s'opère à des degrés différents. Il est vrai que l'adaptation, 62 Deuxième rapport de synthèse sur les changements climatiques du GIEC, B.M., 2001, p 173 63 Art. 10-b) i, Protocole de Kyoto à la convention-cadre sur les changements climatiques, décembre 1997 64 Art. 3 § 14, Protocole de Kyoto 21 longtemps demeurée un tabou, a été maintenue à la lisière des débats65. Son importance a été longtemps minorée. Mais l'Accord de Paris suit une approche mitigée de l'accomplissement par les pays développés et pays en développement de l'objectif d'adaptation. C'est de cette manière qu'il fait obligation à toutes les Parties de se doter de plans nationaux d'adaptation66. Cependant, les modalités de ce plan ne sont pas les mêmes pour les Pays développés et ceux qui sont considérés comme particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques67. Il indique que la démarche doit être impulsée par les États développés. Ainsi, ceux-ci se retrouvent au-devant de la lutte et leurs attitudes se présentent comme déterminantes pour favoriser un effet d'entraînement. C'est dans cette veine qu'ils doivent fournir leur aide aux pays en développement afin que ceux-ci puissent atteindre les objectifs d'adaptation et relever leur ambition par la suite. Ce soutien permettra aux pays vulnérables d'accroître l'efficacité de leurs mesures d'adaptation. Ensuite, cette aide serait dépourvue de sens si elle était amenée à s'appliquer une seule fois ou pour une durée menue. On peut comprendre dès lors que l'aide apportée sera continue et renforcée pour accroître les efforts d'adaptation des pays en développement68. Dans un autre sens, cela signifie que la route sera donc beaucoup plus longue pour les pays en voie de développement. Chaque réchauffement supplémentaire est important, surtout parce qu'un réchauffement de 1,5 °C ou plus augmente le risque de modifications de longue-durée ou irréversibles, comme la perte de certains écosystèmes69. L'adaptation est donc primordiale. L'impact du réchauffement climatique est plus fort chez les pays du Sud que chez ceux du Nord. Ils sont très vulnérables et ne possèdent pas les capacités indispensables pour résister seuls aux difficultés que peuvent déclencher la montée des températures. Cette faiblesse, l'Accord en tient compte sans les écarter des objectifs qu'il impose aux Parties. Aussi, on relève la mention faite dans l'Accord de la nécessité que les Parties privilégient les pratiques les mieux adaptées. C'est ce que démontre le cas de la Birmanie qui en 2008, subit des inondations qui 65 PIELKE (J), « Rethinking the role of adaptation in climate policy », Global Environnemental Change, 1998, pp. 159-170 66 Art. 7 § 9 al. b) Accord de Paris 67 Art. 7 § 2 Accord de Paris 68 « Accord de Paris : le monde s'unit pour lutter contre le changement climatique », http://www.ec.europa.eu/climat/policies/international/negociations/Paris_fr/ 69 PORTNER H-O, « Réchauffement climatique : pour la survie de l'humanité, un demi-degré peut tout changer », octobre 2018 22 font plus de 16 000 morts à cause du défaut d'un programme d'adaptation70. Il faut donc une aide mais une aide réfléchie c'est-à-dire qu'elle doit répondre aux réalités locales. Un bon plan d'adaptation peut faire la différence dans la prévention et la gestion des catastrophes naturelles71. Sans un bon cheval de bataille, toute entreprise serait vouée à l'échec. La posture qu'adopte l'Accord vis-à-vis des pays en voie de développement est positive et visiblement justifiée. |
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