B- Le transfert des technologies
La capacité de résilience
climatique53 des Etats face aux changements climatiques n'est pas la
même. En plus des difficultés d'ordre économique et social
viennent s'ajouter celles qui sont d'ordre technique. N'ayant pas la technique
et la technologie suffisantes pour affronter les
52 Art. 4 § 16 Accord de Paris
53 « Capacité d'un système social ou
écologique d'absorber les perturbations tout en conservant sa structure
de base et ses modes de fonctionnement, la capacité de s'organiser et la
capacité de s'adapter au réchauffement climatique. »,
Quatrième rapport de synthèse sur les changements
climatiques, GIEC, 2007, p 86
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effets du réchauffement planétaire, les pays en
développement se découvrent limités voire impuissants.
La plupart des conventions précédents celle de
Paris sur le climat prévoit le transfert des technologies. C'est le cas
du Protocole de Montréal sur les substances qui appauvrissent la couche
d'ozone. Un de ses articles est spécialement consacré au
transfert des technologies. Dans son contenu, il fait comprendre que chaque
Partie prend toutes les mesures possibles pour que les meilleurs produits de
remplacements et techniques connexes sans danger pour l'environnement soient
transférées54. Cependant, le Protocole de
Montréal n'expose pas les conditions d'un tel transfert. Autrement dit,
il n'apporte pas d'élucidations sur le fait de savoir si ce transfert se
base sur les modalités de marché ou de non marché. Cette
absence laisse supposer que les deux techniques peuvent être
employées. Aucune certitude ne peut donc être fondée sur
cette disposition brumeuse. Ce flou a pour corollaire le ralentissement du
processus de transfert des technologies. Pour cause, les pays en
développement manquent cruellement de ressources financières pour
acquérir des technologies écologiquement rationnelles. Le
handicap dont ils souffrent déjà n'est ainsi pas
solutionné par le Protocole de Montréal.
Ce vide, l'Accord de Paris le comble. Il affirme de
façon lumineuse que le transfert de technologies suit des
démarches non fondées sur le marché55. En
outre, l'Accord fonde le transfert de technologies sur une coopération
dépourvue de conditionnalités financières. Cette
précision ne se retrouve ni dans le Protocole de Kyoto, ni dans le
Protocole de Montréal. Cet indice est d'une nouveauté qui rassure
sur les facilités reconnues aux pays en voie de développement.
Ainsi, il ne sera pas imposé aux pays en développement d'utiliser
des crédits pour acquérir des technologies. Le cadre posé
par l'Accord est favorable aux pays en développement et, d'un autre
côté, contribue à établir les liens étroits
entre les Parties. Cela peut avoir pour conséquence évidente le
renforcement de la cohésion entre les différentes Parties. On
peut dès lors dire que les Parties, au travers de l'Accord,
reconnaissent l'importance qu'il y a à donner pleinement effet
à la mise au point et au transfert de technologies56.
Les actions à court terme dans le domaine des
technologies devaient combiner le déploiement rapide des technologies
existantes à faibles émissions avec des efforts parallèles
pour
54 Art. 10 § A al. a), Protocole de
Montréal sur les substances qui appauvrissent la couche d'ozone,
adopté en septembre 1987, entré en vigueur janvier 1989
55 Art. 6 § 9 Accord de Paris sur le climat
56 Art. 10 § 1 Accord de Paris
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développer et commencer à déployer un
large éventail de nouvelles technologies57. Aussi, l'Accord
insiste sur le renforcement de l'action de coopération concernant la
mise au point et le transfert de technologies. Tous ces indicatifs se
cristallisent dans la création expresse d'un cadre
technologique58. Sa mission, aux premiers abords, est simple.
Elle consiste à donner des directives pour les travaux entrepris par le
Mécanisme technologique. Ce cadre est un des nombreux piliers de
l'édification de l'Accord. Il se situe donc à côté
du mécanisme technologique créé par la CCNUCC sans
être en opposition avec lui. Ce nouveau constituant vient contraster avec
le Protocole de Kyoto. Ce dernier reconnaît le Mécanisme
technologique organisé par la CCNUCC sans toutefois tracer les contours
d'un cadre technologique propre à lui.
Un autre détail est relevable. Il porte sur
l'innovation technologique de pointe pour l'accélération et
l'amplification des efforts de mise en oeuvre des actions climatiques
nationales et la réalisation des objectifs de l'Accord de
Paris59. En effet, le réchauffement climatique a, ses
dernières années, suscité de nombreuses recherches sur des
technologies pour contrecarrer la hausse des températures. En
intégrant l'innovation technologique dans ses articles, l'Accord marque
son lien étroit avec les réalités du terrain. Le Protocole
de Montréal ne fait pas allusion à cet aspect des
compétences en matière technologique. Pourtant, l'Accord de Paris
évoque l'importance d'accélérer et permettre l'innovation
dans son article 10 § 5. Le dispositif instauré en matière
d'innovation et de déploiement des technologies offre un assortiment de
possibilités aux pays en développement. Désormais, ils ont
accès à des instruments qu'ils n'auraient probablement jamais pu
concevoir ou perfectionner étant donné le marasme
économique qui les gangrène.
Comme on peut le constater, l'Accord de Paris approche sous un
nouvel angle les questions de capacités entre Etats Parties
comparativement aux conventions précédentes auxquelles nous
l'avons comparé. La coopération entre les pays
développés et pays en développement, et le système
informationnel qu'il prône changent radicalement de ce que
prévoient les autres conventions.
57 WAISMAN (H.), « Le rôle des
technologies dans la transition bas-carbone : perspectives du rapport
1,5°C du GIEC », Billet le blog, IDDRI, 29 octobre 2019
58 Art. 10 § 4
59 GERSHINKOVA (D.), « L'innovation
technologique, catalyseur des ambitions climatiques », 04 octobre
2019 http://www.unifccc.int/
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Section 2 : Un traitement différencié en
faveur des pays en développement
Le traitement différencié entre les Parties
à l'Accord se ressent au travers de divers indices. Il signifie que les
obligations qui pèsent sur les Parties s'appliquent de manière
distincte. Cette discordance est clairement voulue comme peuvent en
témoigner les dispositions de l'Accord. Elles portent une
considération particulière à la situation des pays en voie
de développement par rapport aux pays développés. C'est
ainsi que, dans l'Accord de Paris, les engagements de réduction vont
s'avérer à géométrie variable entre États
développés et États en développement
(Paragraphe 1). Mais aussi le mécanisme financier est
contrasté entre les Parties (Paragraphe 2) aux fins de
tenir les objectifs fixés par l'Accord à la différence
d'autres conventions.
Paragraphe 1 : Des engagements de réductions
à géométrie variable
Les engagements qui s'imposent aux Parties à l'Accord
concernent plusieurs domaines. Cela étant dit, les engagements de
réductions requis des Parties sont à géométrie
variable, c'est-à-dire différenciés. Cette approche est
fortement constatable dans les dispositions portant sur l'adaptation
(A) et l'atténuation (B).
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