L'accord de Paris dans l'enjeu climatiquepar Assiri A. Ephraïm OBROU Université Catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) - Master en droit public 2019 |
B- L'absence totale de sanctionLa sanction est une mesure de réaction à la violation d'une obligation230. Par cela même, elle participe au respect de ladite obligation. 228 Art. 8 Protocole de Montréal sur les substances qui appauvrissent la couche d'ozone, 1987 229 Procédure de non-respect, Manuel du Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, 7ème éd. 2006, p. 447 230 DEBART (T.), GUINCHARD (S.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 25ème éd., 2017-2018 79 Mais comme nous l'avons précédemment relevé, l'Accord, dans ses nombreux articles, n'arbore pas de procédure de non-conformité et de ce fait ne procède pas à l'administration d'une quelconque sanction. L'Accord n'énonce pas de punition susceptible de frapper les comportements belliqueux que pourraient avoir certaines Parties. En somme, il ne dispose pas d'un mécanisme de sanction en cas de non-respect des engagements avancés par les Etats231. Ainsi, on peut dire avec le pouls tremblant que tout est permis. À première vue, nulle chose n'oblige les États à se conformer aux dispositions de l'Accord sinon la pression publique. Bien vrai que l'Accord constitue un traité au sens du droit international et que ses Parties ont le devoir d'en assumer les obligations, les règles contenues dans l'Accord sont à catégoriser dans le droit mou. L'Accord institue un mécanisme pour faciliter la mise en oeuvre et promouvoir le respect. Cependant, comme précédemment relevé, le comité d'experts en charge de ce mécanisme est axé sur la facilitation et fonctionne d'une manière transparente, non accusatoire et non punitive232. Sur cette base, on comprend mieux le fait que l'Accord ne fasse pas peser de sanction sur ceux qui pourraient enfreindre les règles. Aucune contrainte de n'importe quel genre ne pèse sur les États233. Aucune sanction ne serait-ce que disciplinaire n'est ouvertement spécifiée. Un autre danger est de voir les Parties enfreindre ouvertement les obligations qui s'imposent à elles. Ce fait peut avoir pour conséquence une étourderie générale et conduire les Parties à ne pas honorer leurs engagements. Les contrevenants aux dispositions de l'Accord n'ont pas à se préoccuper car il n'y a pas de garde-fou pour les ramener à la raison. L'absence de sanction ne serait-ce que dissuasive vient fragiliser l'armature jugée pourtant solide de l'Accord. Tout cela peut vraisemblablement contribuer à l'amenuisement de son impact dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans le même temps provoquer son effondrement. Le Protocole de Kyoto qui précède toutefois l'Accord de Paris semble plus abouti. Des sanctions spécifiques sont dessinées au cours de la Conférence de Bonn en juillet 2001. Lors de cette conférence, il a été précisé que les conséquences du non-respect à appliquer par le groupe de l'exécution ont pour but de remédier au non-respect pour assurer l'intégrité de l'environnement, et tendent à inciter au respect234. C'est en ce sens qu'une Partie qui ne 231 « Quelles conséquences de la sortie de l'Accord de Paris pour les États-Unis », 25 juillet 2017 http://www.geostrategia.fr/quelles-consequences-de-la-sortie-de-l-accord-de-paris-pour-les-Etats-Unis/ 232 Art. 15 § 2 Accord de Paris 233 GARRIC (A.), L'accord de Paris est-il vraiment juridiquement contraignant ? 04 décembre 2015, http://www.lemonde.fr/ 234 VIII § 2, Conférence de Bonn, Juillet 2001, p. 50 80 respecte pas les dispositions du Protocole peut se voir retirer le droit de procéder à des cessions. En principe, les Parties visées à l'annexe B peuvent participer à des échanges de droits d'émissions aux fins de remplir leurs engagements235 qui sont contenus dans l'article 3 dudit Protocole. Mais, en cas de non-respect des engagements qui sont contenus dans l'article 3 ou de toute autre disposition du Protocole, les Parties en question se voient retirer le droit de procéder à des échanges de droits d'émission236. Cette sanction visiblement lourde est l'une des nombreuses mesures que le Protocole de Kyoto prévoit déclencher en cas de non-respect. Cette armature est faite de paramètres essentiels qui obligent les Parties à respecter leurs engagements tels que précisés par le Protocole de Kyoto. Si l'on se penche sur le Protocole de Montréal, on constate que lui aussi dispose de sanctions pouvant frapper tous ceux qui manqueraient à leurs obligations conventionnelles. Il est utile d'ajouter que les sanctions prévues sont purement administratives. Elles sont administrées par un Comité d'application constitué de 10 Parties élues pour deux ans par la Réunion des Parties en application du principe d'une répartition géographique équitable237. Les lignes indiquées parlent d'elles-mêmes. Le Protocole de Montréal met en avant la nécessité de faire intervenir tous les pôles de puissance dans l'administration des sanctions pour manquement. Cette mesure donne plus de crédibilité aux décisions rendues et renforcer davantage la cohésion au sein des Parties. L'Accord de Paris indique seulement que le comité exerce ses activités selon les modalités et procédures arrêtées par la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties238. Encore, il faut dire que la seule existence des sanctions suffit elle seule à dissuader les Parties de faillir à leurs obligations. L'autorité en charge d'assurer l'administration de sanction au sein du Protocole de Montréal a le pouvoir de formuler des mises en garde, suspension de droits et de privilèges spécifiques découlant du Protocole pour une durée limitée ou illimitée239 à l'endroit des contrevenants. Cette procédure de non-conformité combine incitation, assistance et sanction. Elle permet ainsi de répondre à un acte illicite, à un manquement aux impératifs conventionnels. L'Accord de Paris ne possède pas un tel système punitif. La construction de 235 Art. 17 Protocole de Kyoto 236 « Approche axée sur le marché pour atteindre des objectifs environnementaux et permettant aux pays qui réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre au-dessous des niveaux requis d'utiliser ou d'échanger les réductions excédentaires en compensation d'émission d'une autre source à l'intérieur ou à l'extérieur du pays », Troisième rapport de synthèse du GIEC, 2001, p. 179 237 Section 3.5 § 5, Manuel du Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, 7ième éd. 2006, p. 448 238 Art. 15 § 3 Accord de Paris 239 Annexe V, Rapport de la quatrième Réunion des Parties au Protocole de Montréal 81 ses dispositions laisse comprendre que le mécanisme de facilitation tel que présenter ne pèse pas réellement sur l'accomplissement des objectifs de l'Accord. Il rechigne à sanctionner les Parties, à les dissuader de s'extirper de leurs engagements. Or, comme l'a souligné le professeur Maurice KAMTO, un accord dont la violation n'est susceptible d'entraîner aucune responsabilité est dépourvue de toute portée pratique240. |
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