Paragraphe 2 : La transition énergétique
repoussée
Un puits de carbone est un réservoir qui capte et
stocke le carbone atmosphérique. Il désigne aussi le processus
qui extrait les gaz à effet de serre de l'atmosphère soit en les
détruisant par les procédés chimiques, soit en les
stockant sous une autre forme211. L'incursion que l'on opère
dans l'Accord nous révèle que celui-ci est entièrement
centré sur les forêts et ainsi met en marge certains puits de
carbone (A) et dénote un manque d'intérêt
pour les énergies renouvelables (B).
A- La mise en marge de certains puits de carbone
Les puits de carbone212 sont nombreux. Mais les
plus vitaux sont les sols, les forêts et les océans. Grâce
à leur capacité d'absorption de gaz à effet de serre
élevée, ils s'avèrent indispensables dans le maintien de
la température planétaire.
Malgré tout, nous remarquons que l'Accord ne
s'intéresse qu'à un seul de ces puits de carbone. Il s'agit bien
évidemment des forêts. Un article tout entier leur est
consacré. Il laisse entendre que les Parties sont invitées
à prendre des mesures pour appliquer et étayer les
démarches générales et les mesures d'incitation
positive213 concernant les activités liées aux
forêts. L'article fait savoir aux Parties les mesures à adopter
pour conserver les forêts et les invite à les mettre en pratique.
Les termes de l'article en question confirment une sélection qui ne
s'explique pas. C'est ce qui ressort des termes suivants « les Parties
doivent prendre des mesures pour conserver et renforcer les puits et
réservoirs de gaz à effet de serre comme le prévoit
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention notamment
les forêts »214. Lorsqu'on se rabat sur l'article 4
de la CCNUCC en question, nous constatons que celui-ci cite succinctement au
titre de la conservation et du renforcement des puits et réservoirs de
gaz à effet de serre tels que la biomasse, les forêts et les
océans.
On remarque que l'Accord n'a repris qu'un seul des puits de
gaz déterminés par la CCNUCC. En se concentrant uniquement sur
les forêts, l'Accord opère un déséquilibre dans la
lutte contre
211 « Puits de carbone-définition »,
http://www.actu-environnement.com/
212 « Tout processus, toute activité ou tout
mécanisme, naturel ou artificiel, qui élimine de
l'atmosphère un gaz à effet de serre, un aérosol ou un
précurseur de gaz à effet de serre », Article premier §
8, Convention-cadre des Nations-Unies sur les Changements Climatiques
213 Art. 5 § 2 de l'Accord de Paris
214 Art. 5 § 1 Accord de Paris
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le réchauffement climatique. Il est certain que les
forêts sont en dangers étant donné leur exploitation
massive par de grandes entreprises. Les hectares de celles-ci ont fortement
baissé au cours des siècles et leur destruction a
multiplié les rejets polluants dans l'atmosphère. Malgré
tout, comme spécifié plus haut, elles ne sont pas les seules
à être menacées par le réchauffement climatique.
Pourtant, l'Accord jette dans l'oubli les autres puits et réservoirs de
gaz à effet de serre que l'on sait substantiel pour opérer une
lutte efficace contre l'augmentation des températures. On ne retrouve
une mention faite de l'océan que dans le préambule de
l'Accord215.
Le préambule en parle de façon brève. Et
encore, ils ne sont nommés qu'en tant qu'écosystème
à protéger et non comme puits de carbone. Les forêts sont
ainsi les seuls réservoirs de gaz à effet de serre
expressément visés dans l'Accord. C'est dire combien de fois les
océans sont négligés voire écartés.
Seulement, de nombreuses études montrent que le puits océanique
est le principal puits de carbone car il absorbe entre 2 et 3 milliards de
tonne de carbone216. Le manque d'engagement de l'Accord sur la
situation et le rôle essentiel que présentent les océans
constitue un handicap sérieux. Les forêts, à elles seules,
ne peuvent pas suffire à réduire les gaz à effet de serre.
L'Accord semble malheureusement sur la même longueur d'ondes que le
Protocole de Kyoto qui le précède. Ce dernier ne se focalise
uniquement que sur les forêts. Nul regard n'est adressé aux autres
puits de carbone. L'Accord a repris sans se retenir les défaillances du
Protocole de Kyoto en ce qui concerne l'éventail des puits de carbone
réglementés.
Un autre indice est relevable tant dans le Protocole de Kyoto
que dans l'Accord de Paris. Bien que l'article 5 de l'Accord soit
entièrement dédié aux forêts, ce qui dénote
leur importance dans l'accomplissement des objectifs de l'Accord, ses
dispositions ne sont pas fermement posées. À l'examen de ses deux
paragraphes, on comprend qu'il n'y a pas d'avancée véritable avec
les dispositions du Protocole de Kyoto qui portent sur les forêts. Ce
dernier prévoit entre autres la promotion de méthodes
durables de gestion forestière, de boisement et de
reboisement217. C'est le même son de cloche qui retentit
dans l'Accord de Paris. Son article 5 se contente, comme celui du Protocole de
Kyoto, d'exposer les mesures à prendre pour protéger les
forêts et éviter
215 § 13 du préambule de l'Accord de Paris
216 « Définition-puits de carbone »,
http://www.futura-sciences.com/
217 Art. 2 § 1 al. A) ss al. ii), Protocole de Kyoto
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leur annihilation. Il se courbe sur le reboisement et la lutte
contre le déboisement. Cependant à une limite près, l'on
note que l'Accord a reculé par rapport au Protocole de Kyoto.
La majorité des déboisements de forêts
sont la conséquence de l'expansion des projets agricoles. Le Protocole
de Kyoto, pour s'assurer que les terres forestières ne soient pas plus
agressées, souligne avec force de propos que chaque Partie en
fonction de sa situation nationale fait la promotion de formes d'agricultures
durables tenant compte des considérations relatives aux changements
climatiques218. Elles sont obligées d'insérer
dans leurs programmes nationaux des mesures concernant ce domaine. Or, une
telle disposition n'apparaît pas dans l'Accord et même dans la
décision qui le précède et qui est censée apporter
un peu de lumière. Le lien entre foresterie et agriculture est pourtant
étroit.
Il est évident que l'Accord porte une attention
particulière aux forêts, cependant, il ne s'avance pas plus en
profondeur. Les apports conséquents souhaités de l'Accord
vis-à-vis du Protocole de Kyoto et de la CCNUCC manquent à
l'appel.
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