L'accord de Paris dans l'enjeu climatiquepar Assiri A. Ephraïm OBROU Université Catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) - Master en droit public 2019 |
B- Le défaut d'objectif chiffréL'Accord de Paris sur le Climat fixe le plafond de l'élévation de la température de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport au niveau préindustriels204. Cette limite globale des émissions de gaz à effet de serre est partiellement positive car elle contient plusieurs manques. Bien qu'elle soit impressionnante, les moyens pour l'atteindre ne semblent pas avoir été pris en compte dans l'Accord. D'abord, c'est le défaut de précision des quantités d'émissions que les Parties ne doivent pas dépasser qui pose un problème. Il ne contient aucun objectif chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre205. Autrement dit, l'Accord ne spécifie pas de seuils individuels que sont censés respecter les Etats Parties. Parmi ses dispositions, il n'y a pas une seule qui témoigne d'une quelconque répartition de l'effort mondial de réduction d'émissions. Cela ne garantit pas l'atteinte de l'objectif de limitation du réchauffement. Il s'agit là d'une distorsion entre un objectif ambitieux de long terme et les moyens qui pourraient être mis en oeuvre pour l'atteindre206. L'Accord n'indique pas en chiffres absolus le plafond des tonnes de gaz à effet de serre que les Parties devront respecter afin de pouvoir maintenir la hausse des températures en dessous de 2°C. Il se cache dans l'ombre de la limite globale qui devient, en raison de l'absence davantage d'élucidation, inatteignable. Ainsi, l'on peut se demander si la limitation de la hausse des températures est réalisable. Aussi, suivant l'Accord, les Parties cherchent à parvenir au plafonnement mondial des émission de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais207. Il est simplement convenu que celles-ci devront atteindre un pic le plus rapidement possible. On constate certainement que l'Accord propose de plafonner les émissions mais sans date et sans moyen208. Il ne donne pas ouvertement de délai raisonnable pour que les Parties s'activent afin de stabiliser et réduire leurs émissions. La note qui ponctue particulièrement les dispositions de l'Accord plonge plus loin dans les ténèbres quand elle avance que l'équilibre entre les émissions et les sources 204 Art. 2 § 1 al. a) de l'Accord de Paris 205 VEY (T.), « Accord de Paris : ce que disent les points-clés », 12 décembre 2015, https://www.lefigaro.fr/sciences/2015/12/12/01008-20151212ARTFIG00107-cop21-ce-que-disent-les-points-clés-du-texte-final-de-laccord.php/ 206 « COP 21 Notre analyse de l'Accord », https://www.fne.asso.fr/dossiers/cop-21-notre-analyse-de-laccord/ 207 Art. 4 § 1 Accord de Paris 208 MASSEMIN (E.), « Climat : qu'y a-t-il vraiment dans l'Accord de Paris », 15 décembre 2015, http://www.reporterre.net/ 71 d'absorption doit s'opérer au cours de « la deuxième moitié du siècle ». Ce point d'achèvement est, comme on peut le remarquer, opaque. Ici, l'on comprend que l'Accord fasse allusion à zéro émission carbone étant donné l'objectif global qu'il énonce plus haut. Cependant, il se prononce sans en défricher les contours. L'urgence climatique réclame la mise en oeuvre de mesures rapides et efficaces ce dont l'Accord de Paris semble se départir. En l'absence de délai précis et donc impératif pour réduire leurs émissions, il est envisageable que certaines Parties soient poussées à ne pas réduire conséquemment les gaz nocifs qu'elles émettent. Cet état peut ralentir de façon néfaste la lutte contre le réchauffement climatique. Car on ne saurait manquer de le dire, sans voile aucun vent n'est favorable. Par rapport aux dispositions du Protocole de Kyoto, l'Accord semble avoir reculé. De même que l'Accord de Paris, le Protocole de Kyoto contient un objectif global. Cela étant dit, il a emprunté un sentier que l'Accord de Paris adopté en 2015 n'a pas suivi. En effet, le Protocole de Kyoto pose que les Parties visées à l'Annexe I font en sorte que leurs émissions de gaz à effet de serre indiqués à l'annexe A ne dépassent pas les quantités qui leur sont attribuées. Ainsi, le Protocole de Kyoto dispatche des quantités spécifiques que les Parties doivent à tout prix respecter. L'on y retrouve aussi les périodes d'engagements. Elles constituent des laps de temps durant lesquels les Parties doivent accomplir leurs engagements chiffrés de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Le Protocole de Kyoto demande explicitement aux Parties visées à l'Annexe I de prendre des mesures en vue de réduire le total de leurs émissions de ces gaz d'au moins 5% par rapport au niveau de 1990 au cours de la période d'engagements allant de 2008 à 2012209. Comme on peut le constater, le Protocole de Kyoto définit des délais précis que l'Accord de Paris qui lui succède ne contient pas. Le Protocole de Kyoto, pour donner force à son propos, contient dans son annexe B, les engagements chiffrés de limitation des émissions et de réduction des gaz à effet de serre des différentes Parties. Le Protocole de Kyoto souligne ainsi le niveau respectif d'émissions attribuées à chacune des Parties. Une telle démarche témoigne d'une plus grande volonté d'atteindre le plus rapidement la stabilisation de la température mondiale. Comparativement au Protocole, l'Accord se montre moins percutant. Tout comme on l'a précédemment relevé, l'Accord de Paris a avancé à reculons sur cette partie essentielle car ne possédant pas d'objectif chiffré210. 209 Art. 3 § 1 Protocole de Kyoto 210 JOUZEL (J.), « Apports et limites de la COP 21 », Etudes, n°4, 2016, p. 9 72 |
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