Section 1 : Une neutralité carbone citée
mais vidée
La neutralité carbone implique un équilibre
entre les émissions de carbone et l'absorption du carbone de
l'atmosphère par les puits de carbone196. L'Accord de Paris
aborde cette thématique sans pour autant être précis dans
la démarche à suivre pour l'atteindre. L'on constate ainsi que
l'Accord propose un objectif ambitieux sans réel fondement
(Paragraphe 1) et repousse la transition
énergétique (Paragraphe 2) pourtant
indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique.
Paragraphe 1 : Un objectif sans réel
fondement
L'objectif majeur de l'Accord de Paris est de contenir
l'élévation de la température en dessous des niveaux
préindustriels. Cependant, dans ses articles, il manque de
préciser les émissions en cause (A) et de
définir un objectif chiffré (B).
196 « Qu'est-ce que la neutralité carbone et comment
l'atteindre d'ici 2050 ? » http://www.europarl.europa.eu/
68
A- L'absence de précision des émissions en
cause
Les changements climatiques se font de plus en plus
oppressants. L'Accord, dans sa ligne de mire, cherche à promouvoir
la résilience à ces changements et un développement
à faible émission de gaz à effet de
serre197.
La neutralité carbone suppose un comportement
déterminé de la part des Etats et elle passe principalement par
la réduction des gaz à effet de serre. Elle ramène
à l'idée suivant laquelle les Parties doivent tout mettre en
oeuvre pour réduire leurs émissions de gaz à effet de
serre. Il est important de bien comprendre que l'augmentation de l'effet de
serre provient majoritairement de la combustion des combustibles
fossiles198. Naturellement ces gaz sont présents dans
l'atmosphère, mais l'effet de serre additionnel dû aux
activités humaines est responsable du réchauffement climatique.
L'Accord de Paris, malgré tout, ne donne pas un seul indice pour guider
les Parties dans le dessein d'atteindre la neutralité carbone. En outre,
il ne dit rien quant aux émissions que les Parties devront
réduire prioritairement. Il existe plusieurs types de gaz et chacun
possède une nocivité différente des autres. Ainsi,
l'incertitude prend le dessus. Si aucune précision n'est
concédée, il est légitime de penser que tous les gaz
à effet de serre ont vocation à être réduit. Cette
large panoplie de possibilités n'est aucunement rassurante. Car comme le
souligne les scientifiques du GIEC, certains gaz sont plus polluants que
d'autres. Le caractère lacunaire de ses dispositions sur une partie
aussi stratégique ne va pas sans mettre en doute l'ambition de la
neutralité carbone. Sans clarification, il n'est pas évitable que
certaines Parties s'emploient à atrophier seulement les rejets des gaz
dont l'emprunte carbone est relativement faible.
A l'inverse de l'Accord, le Protocole de Montréal ne
garde rien pour lui. Il expose explicitement dans ses annexes199 les
différents gaz et autres substances pour lesquels des réductions
de consommation sont impératives. Le Protocole de Montréal
s'offre comme un mécanisme qui contient le plus grand nombre de
substances néfastes pour la couche d'ozone. Après lui, vient le
Protocole de Kyoto complétant la CCNUCC. Il présente plusieurs
gaz à effet de serre qu'on retrouve dans son annexe A200. En
tout, il se penche sur six (06) gaz à effet de
197 Art. 2 § 1 al. b) Accord de Paris
198 MATHIS (P.), « Energie, gaz à effet de
serre et climat : un enjeu considérable », LES ENERGIES, 2011,
pp. 62-76
199 Annexes A, B, C, E et F sur les substances
règlementées par le Protocole de Montréal
200 « Gaz à effet de serre
69
serre préjudiciables pour la stabilisation des
températures sur la surface de la planète. Le Protocole de Kyoto
se penche sur l'un des gaz les plus dangereux pour l'atmosphère, le
dioxyde de carbone. Cette voie n'est en aucun moment empruntée par
l'Accord de Paris. Non seulement il n'impose pas aux Parties des
réductions de gaz déterminés, mais aussi il ne les incite
à aucune initiative.
En plus de ne pas s'avancer franchement sur les
émissions en cause, l'Accord ne met pas sur la table les secteurs
à fort potentiel de pollution. Ses lignes ne laissent pas entrevoir les
secteurs pour lesquels les Parties devront procéder à quelques
réaménagements pour parvenir à réduire leurs
émissions de gaz à effet de serre. Les secteurs pétrolier
et minier n'apparaissent pas. Et pourtant, leur impact sur la pollution de
l'air, des océans, et donc par truchement sur le réchauffement
climatique est considérable. Aussi, le secteur des transports est
ignoré201. Alors qu'il constitue à lui seul plus de 8%
de la pollution mondiale. Routier, maritime ou aérien, les
déclinaisons du domaine des transports sont nombreuses. Selon plusieurs
études, il est le premier consommateur d'énergies fossiles
après les ménages. Cependant, l'Accord n'en fait guère
mention. Aucun élément ne fait clairement référence
à ces secteurs dans ses articles, alors que leur incidence sur la
montée des températures est un secret de polichinelle. Ce
déficit de l'Accord, le Protocole de Kyoto n'en souffre pas. Il est
prévu dans ce dernier que chacune des Parties adopte des mesures
visant à limiter ou à réduire les émissions de gaz
non réglementées par le Protocole de Montréal dans le
secteur des transports202. Ses dispositions vont encore plus
loin que l'actuel Accord de Paris n'a osé le faire. C'est ainsi que,
suivant le Protocole de Kyoto, les programmes des Parties devraient
concerner les secteurs de l'énergie, des transports et de
l'industrie203.
L'on peut donc se risquer à dire qu'il y a, par rapport
à cette matière, un recul véritable du côté
de l'Accord de Paris.
Dioxyde de carbone (CO2)
Méthane (CH4)
Oxyde nitreux (N2O)
Hydrofluorocarbures (HFC)
Hydrocarbures perfluorés (PFC)
Hexafluorure de soufre (SF6) » Annexe A du Protocole de
Kyoto
201 « COP 21 : Ce que contient l'accord de Paris », 15
décembre 2015, http://www.novethic.fr/
202 Art. 2 § 1 al. a) vii) du Protocole de Kyoto
203 Art. 10 § al. b) i) Protocole de Kyoto
70
|