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L'accord de Paris dans l'enjeu climatique


par Assiri A. Ephraïm OBROU
Université Catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) - Master en droit public 2019
  

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Paragraphe 2 : L'imprécision de la teneur des financements

L'Accord de Paris sur le climat contient des imprécisions sur la teneur du financement. Il ne donne pas le quota dû par chaque pays développé (A) et accouche une incertitude au niveau de l'équilibre financier entre adaptation et atténuation (B).

A- L'inexactitude du quota dû par chaque pays développé

L'Accord adopte une approche différenciée entre les Parties. Il reconnait que les pays en voie de développement ont besoin du soutien aussi bien technologique que financier des pays développés. Ces derniers ont pour ainsi dire un rôle majeur dans la réalisation des objectifs visés par l'Accord.

Comparés aux pays en développement, ils possèdent la technologie et les ressources financières massives pour respecter leurs engagements. C'est en ce sens qu'on peut comprendre que l'Accord les place en amont du système financier. Leur participation est indéniable. La Conférence agissant comme réunion des Parties à l'Accord de Paris fixe un nouvel objectif chiffré collectif à partir d'un niveau plancher de 100 milliards de dollars par an, en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement187. Seuls les pays développés se trouvent dans l'obligation de fournir le financement qui devrait jouer un rôle de catalyseur dans la réalisation des ambitions de l'Accord. Cependant, l'Accord ne livre pas tous les indices qui permettront aux pays développés Parties d'apporter effectivement leur soutien financier aux pays en développement Parties. Il signale que les sources de financement sont diverses. Ainsi, le financement peut provenir d'un vaste panier de sources d'instruments et de filières compte tenu du rôle notable que jouent les fonds publics et dons. Même ici, leur part n'est pas précisée188. Ce qui laisse supposer que la détermination de la hauteur des ressources publiques et des dons revient à chacune des Parties.

A ce niveau, l'Accord bute contre une problématique majeure : celle de la diversité des sources de financements. Il est acquis que le mécanisme financier de l'Accord est principalement entretenu par les Etats Parties, donc par les fonds publics. Il reconnait aussi, dans une moindre mesure, la possibilité pour les acteurs privés de participer au renflouement des caisses. Malgré

187 § 53 Décision de l'Accord de Paris

188 « Climat : COP 21 : ce que contient l'Accord de Paris », 12 décembre 2015

https://www.novethci.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/cop21-un-projet-d-accord-ambitieux-et-equlibre-143779.html

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tout, il est plus focalisé sur l'apport des Parties elles-mêmes. Or, la majorité des Etats traversent à notre époque des séries inextricables de crises financières. Les préjudices entraînés par la crise ont eu des répercussions générales en termes de pertes financières189. D'un autre côté, on a les dettes publiques. Les dettes publiques sont sous le coup de multiplication qui débouchent sur des montants vertigineux. C'est à se demander si les Parties pourront respecter leurs engagements sur une durée relativement longue. Le danger probable est de voir les Parties s'essouffler en chemin à cause des difficultés qu'elles n'arrivent pas à dépasser. L'Accord manque d'anticipation sur des évènements dont la réalisation n'est plus à démontrer. Il n'a pas tenu compte des garde-fous mis en place par le Protocole de Kyoto. En effet, ce dernier ne manque pas de trouver un palliatif à l'éventuel essoufflement financier de ses Parties. Il s'agit du mécanisme de développement propre. Le Protocole de Kyoto reconnait que celui-ci aide à organiser le financement d'activités certifiées selon que de besoin190. Ainsi, les fonds qui servent au financement des activités de lutte contre la hausse des températures ne proviennent pas uniquement des ressources des Parties.

Aussi, l'Accord invite les Parties lorsqu'elles mobilisent des financements à faire en sorte que ceux-ci représentent une progression par rapport aux efforts antérieurs191. Mais, comment les Parties pourraient faire progresser leurs financements s'il n'est pas établi un plancher minimal individuel ? Plus encore, à quelle hauteur chacune des Parties est censée majorer sa part de financement dans le Mécanisme de l'Accord ? Ni la première, ni la deuxième question ne trouvent d'écho favorable dans l'Accord. Il ne dit pas en chiffres absolus, encore moins le pourcentage, de financement que chaque pays développé Partie doit apporter. Une autre interrogation qui taquine est de savoir comment la charge financière se répartit entre les pays développés ? A cette question, l'Accord n'apporte malheureusement aucune réponse satisfaisante. Il se cantonne à dire que les pays développés fournissent des ressources financières pour venir en aide aux pays en développement192. Ainsi, la mobilisation des 100 milliards de dollars qui doivent servir de plancher au système financier de l'Accord dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique se décrit comme complexe. Si le cadre financier sera majoritairement assuré par les pays développés Parties, nul indice ne met à nu,

189 SARRA (J.), « Les leçons de la crise financière mondiale », La lettre du Collège de France, novembre 2015, pp. 55-56

190 Art. 12 § 6 Protocole de Kyoto

191 Art. 9 § 3 Accord de Paris

192 Art 9 § 1 Accord de Paris

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ou n'explicite le montant requis par chacun. La hauteur des financements sollicité par chaque pays développé est plus que lettre morte, elle est néant.

B- L'incertitude de l'équilibre financier entre atténuation et adaptation

L'Accord prévoit que le financement sera principalement affecté aux mesures d'adaptation. En outre, les fonds qui seront recueillis de la part des pays développés Parties seront orientés dans une moindre mesure vers l'atténuation.

Le régime climatique que l'Accord de Paris met en place cherche à mettre sur un pied d'égalité l'atténuation et l'adaptation. Malgré tout, la démarche que suit l'Accord peut être interprétée comme saccadée. En effet, l'Accord juge que l'adaptation est plus urgente que l'atténuation. Car les systèmes connus doivent d'abord s'intégrer à la mouvance de la lutte contre le réchauffement climatique avant de pouvoir atteindre l'atténuation effective des effets néfastes de celui-ci. Il ajoute ensuite que le fonds pour l'adaptation et celui doté pour l'atténuation sont appelés à s'égaliser. La fourniture de ressources financières accrues devrait viser à parvenir à un équilibre entre l'appui à l'atténuation et l'appui à l'adaptation193. Cet équilibre recherché peut se comprendre en un sens. Les distorsions entre l'atténuation et l'adaptation ne sont pas avantageuses dans le combat que souhaitent mener les Parties. Le texte ne donne cependant pas de date nette à laquelle doit se produire l'équilibre globale entre les financements de l'adaptation et ceux affectés à l'atténuation. Rien ne prescrit le moment auquel devra s'opérer ledit rééquilibrage. Il se contente d'indiquer qu'il y aura un rééquilibrage des financements entre atténuation et adaptation sans aucun chiffre194. Sans indication temporelle exacte, l'Accord jette dans la plus grande brume les Parties qui sont supposées recevoir le financement. L'absence d'une telle clarification est dangereuse pour le mécanisme de financement qui est pourtant fondamental.

Il est vrai que l'Accord de Paris diffère avec les précédentes conventions citées en ce sens qu'il s'intéresse de très près à l'atténuation. De toutes celles vues, il n'y a que le Protocole de Kyoto qui fait vaguement allusion à l'atténuation aux changements climatiques dans le cadre du

193 Art. 9 § 4 Accord de Paris

194 « COP 21 : Notre analyse de l'accord », France Nature Environnement https://www.fne.asso.fr//

mécanisme pour un développement propre195. Malgré tout, sur l'équilibre financier entre l'adaptation et l'atténuation, l'Accord est inopérant.

Plus intriguant encore, l'Accord semble laisser le soin aux Parties de parvenir elles-mêmes à l'équilibre entre l'adaptation et l'atténuation. Si l'on s'attache aux lettres de l'Accord, on est tenté de dire que les Etats Parties ont un pouvoir souverain de décider quand ils souhaiteront égaliser les finances qu'ils perçoivent. Le tableau que l'Accord présente est assez déroutant car en plus de ne pas donner d'indication exacte sur la période durant laquelle doit se produire l'égalisation des financements entre adaptation et atténuation, il abandonne aux Parties le pouvoir de déterminer elles-mêmes ladite période. Ces dernières ont en leur main un trop grand privilège qui pourrait nuire à l'accomplissement des objectifs de l'Accord. Ayant l'opportunité de juger l'heure propice pour ajuster les finances, il n'est pas évitable que certaines Parties ne le fassent pas au moment le plus critique. Elles pourraient ainsi faire trainer le processus sans avoir besoin de se justifier étant donné que l'Accord leur donne la capacité de décider quand elles souhaitent équilibrer leurs finances entre adaptation et atténuation.

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195 Art. 12 § 5 al. b) Protocole de Kyoto

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CHAPITRE II : DES MATIERES NEVRALGIQUES HORS DU TEXTE

L'Accord a une ambition colossale. Néanmoins, les voies pour atteindre un tel objectif sont mal éclairées. Il s'avère vague sur certaines notions dont la teneur profonde semble avoir été travestie. Quelques principes que l'Accord contient, contrairement à d'autres conventions environnementales antérieures, sont flous. Les principes propres au droit de l'environnement qui sont pourtant indispensables à l'accomplissement des buts de l'Accord manquent de force ou ne sont pas abordés franchement. Il en est de même pour le contentieux climatique que les Parties ont longuement discuté et qui finalement n'apparait pas dans le texte de l'Accord de Paris. Les lacunes qu'on y retrouve sont dangereuses et remettent en cause la réalité des ambitions de l'Accord. Tous ces manques se révèlent tant au niveau de la neutralité carbone citée mais vidée (Section 1) qu'au niveau de l'oubli d'un système contentieux (Section 2).

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci