B- Une utilisation des fonds peu circonscrite
Le cadre financier comme indiqué plus en amont de notre
analyse, se retrouve dans la plupart des conventions qui portent sur la
matière environnementale. L'Accord de Paris n'échappe pas
à cette nécessité. Un parcours soutenu de l'Accord permet
de déceler certains
180 Art. 6 § 6, art. 7 § 7, art. 9 § 4, art. 11
§ 1... Accord de Paris
181 Art. 4 § 8 Convention-cadre des Nations-Unies sur les
changements climatiques
61
problèmes sur l'utilisation des fonds que le
mécanisme de financement doit délivrer aux Parties.
Tout d'abord, l'assistance financière accordée
aux pays en développement n'est pas conditionnée au respect du
cadre de transparence des communications de leurs contributions
nationales182. En outre, un pays en développement Partie
n'honorant pas ses obligations en matière de transmission des
informations pour le cadre de transparence peut, contre toute attente,
bénéficier du financement. Aucune barrière n'est
posée pour l'emmener à suivre une conduite
déterminée afin de se voir alloué un financement
considérable.
Ensuite, l'Accord de Paris n'impose aucune ligne de conduite
aux Parties potentiellement aptes à bénéficier du
financement. Les ressources financières que peut mettre à
disposition des Parties l'Accord de Paris, relèvent d'une perspective
libérale183. Cela signifie que l'aide financière est
attribuée de façon quasi automatique. Elle a pour principal
déclencheur le niveau de besoin de la Partie concernée. Aussi
cela aboutit à une utilisation libre des ressources. Le risque d'une
telle disposition est que la Conférence des Parties agissant comme
réunion des Parties à l'Accord perd du regard les finances
octroyées. Les finalités auxquelles elles peuvent être
employées peuvent ne pas être portées à leur
connaissance et elles n'ont aucun moyen d'exiger la preuve attestant d'une
utilisation aux fins de la lutte contre le réchauffement climatique.
Pour les pays en développement Parties principaux destinataires du
financement, l'Accord demande seulement, pour assurer le bilan global,
qu'ils communiquent des informations sur l'appui qu'ils ont
reçu184. Cette courte ficelle n'est pas solide car
l'Accord n'oblige pas les Parties à détailler l'utilisation des
fonds reçus. Tout ce qu'ils doivent faire c'est de donner à peu
près le montant global des sommes obtenues et en aucune circonstance ce
qui a été utilisé et à quelle finalité.
A ce niveau, et par rapport au Protocole de Kyoto, l'Accord de
Paris accuse une rétrogression. En effet, le Protocole de Kyoto balise
l'utilisation des fonds alloués à l'adaptation. Selon ses mots,
les Parties coopèrent afin de promouvoir des modalités
efficaces pour faciliter et financer l'accès à ces ressources ce
qui passe notamment par l'élaboration de politiques et de
programmes185. Le constat est fait. Le Fonds pour l'adaptation
du Protocole de Kyoto a recours
182 LAVALLEE (S.), MALJEAN-DUBOIS (S.), « L'Accord de Paris
: fin de la crise du multilatéralisme climatique ou évolution en
clair-obscur ? », Revue juridique de l'environnement,
Société Française pour le Droit de l'Environnement
(SFDE), novembre 2016, p. 16
183 WEIKMANS (R.), « Dimensions éthiques de
l'allocation du financement international de l'adaptation au changement
climatique », Vertigo, vol. 16, n°2, p.
184 Art. 13 § 10 Accord de Paris
185 Art. 10 c) Protocole de Kyoto
62
à une allocation sélective de ses ressources
à la différence de l'Accord de Paris. Les pays, en effet, doivent
soumettre des propositions de projets et programmes qui sont ensuite
évaluées par le Conseil d'administration du Fonds. L'utilisation
des ressources est ainsi restreinte à la mise en oeuvre de projets et
programmes strictement définis.
Enfin, une autre difficulté se retrouve au niveau du
respect des droits de l'Homme. Le droit de l'environnement et les droits de
l'Homme ne sont pas antinomiques. Le premier doit impérativement se
réaliser en parfaite symbiose avec le deuxième. Dès lors,
on ne saurait parler de droit de l'environnement s'il y a ignorance voire
absence de respect des droits de l'homme. Lorsqu'on considère l'Accord
de Paris, on s'aperçoit qu'il aborde exhaustivement la sauvegarde des
droits de l'homme dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Selon ses termes, les Parties devraient promouvoir et prendre en
considération leurs obligations respectives concernant les droits de
l'Homme186. Ainsi les Parties, dans l'accomplissement de leurs
objectifs de réduction de gaz à effet de serre, ne doivent pas
évincer les droits de l'Homme. Ils sont essentiels au maintien de l'Etat
de droit et au respect de la dignité des hommes. Mais, l'Accord ne prend
pas les dispositions supplémentaires pour s'assurer que les droits de
l'Homme sont, à tout le moins, respectés par ses Parties. Pour
cause, le paragraphe qui contient la reconnaissance des droits de l'Homme ne se
situe que dans son préambule. Plus loin dans le texte, une
étonnante remarque se fait.
L'Accord qui prétend nécessaire de sauvegarder
les droits de l'Homme ne prend aucune mesure pour s'assurer de
l'effectivité de cette disposition en matière de financement. Il
ne se base pas sur leur respect pour conditionner le financement susceptible
d'être alloué aux Parties. Ce défaut de précision
laisse germer une incohérence. En effet, en ne conditionnant pas le
financement au respect effectif des droits de l'Homme, on peut aisément
croire que toute Partie qui ne les applique pas peut quand-même en
bénéficier. Un Etat en développement pourrait de cette
manière violer les droits de l'Homme sans être
inquiété de perdre le financement. L'agencement des choses ne
rend pas impossible l'utilisation des financements par les Parties aux fins de
résoudre leurs problèmes environnementaux au détriment du
respect des droits fondamentaux des individus.
186 § 11 Préambule de l'Accord de Paris
63
|